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1.2 Circulation océanique et hydrographie du Pacifique

1.2.3 Alimentation du Sous-Courant Équatorial

L’EUC est ainsi alimenté par des masses d’eau de propriétés hydrologiques très variées (fig. 1.6 et fig. 1.10), via les LLWBCs [MC, NGCU, NICU ; Tsuchiya et al., 1989; Fine et al., 1994; Butt and Lindstrom, 1994] mais aussi via l’océan intérieur [NECC, SEC Johnson and McPhaden, 1999; Schott et al., 2004].

Les premières observations permettant de suggérer l’alimentation de l’EUC par le NGCU, le NICU et le MC proviennent des expéditions Western Equatorial Pacific Ocean Circulation Study [WEPOCS ; Lindstrom et al., 1987; Lukas et al., 1991] menées entre 1985 et 1988 dans le Pacifique Tropical Ouest. Tsuchiya et al. [1989] ont utilisé ces observations pour confirmer l’hypothèse de Tsuchiya [1968] avançant que la Mer de Corail est la source princi- pale des eaux salées de l’EUC, via le NGCU ; ils ont évalués à 2/3 la contribution des eaux issues de l’hémisphère sud. Lukas et al. [1991] et Butt and Lindstrom [1994] ont par la suite révélés la contribution du MC et du NICU à l’alimentation de l’EUC. Les travaux de Butt and Lindstrom [1994] ont suggéré une contribution légèrement dominante d’eaux issues de l’hémisphère nord à l’EUC à153˚E et une contribution du NICU estimée à 50% des eaux provenant de l’hémisphère sud. Fine et al. [1994] ont mis en évidence l’importance du Paci- fique Équatorial Ouest en tant que carrefour des masses d’eau issues des LLWBCs. D’autre part, Johnson and McPhaden [1999] ont suggéré à partir de données hydrographiques une contribution significative des chemins intérieurs à l’alimentation de l’EUC via la pycnocline subtropicale.

Á ces observations sont venues s’ajouter des études numériques qui ont permis d’affiner l’origine et les transports des sources de l’EUC . Trois études ont notamment convergé pour

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confirmer ce que les observations de Tsuchiya et al. [1989] avaient suggéré en estimant à ~2/3 la part des eaux issues de l’hémisphère sud alimentant l’EUC à 150˚W [fig. 1.11 ; Blanke and Raynaud, 1997; Rodgers et al., 2003; Fukumori et al., 2004]. Dans leur étude de l’EUC à 140˚W, Goodman et al. [2005] ont proposé une part un peu plus importante issue du sud à partir d’un modèle de plus fine résolution horizontale (1/4˚). En revanche, Izumo et al. [2002] ont trouvé, à 0˚ ; 125˚W, une contribution plus équilibrée de chaque hémisphère, lorsqu’ils ont simulés par un modèle de résolution zonale 2˚ et de résolution méridienne 0.5˚ à l’équateur les zones sources du patch d’eau froide surfaçant dans le Pacifique Équatorial Est lors de la transition rapide El Niño/La Niña, en mai 1998.

Goodman et al. [2005] ont suggéré que 75% des sources de l’EUC à 140˚W transitent via les LLWBCs, contrastant avec les 60% à 150˚W proposés par le modèle de Blanke and Raynaud [1997], de résolution méridienne de 0.33˚ et zonale de 0.33˚ le long des bords ouest, croissant à 0.75˚ au centre du bassin. Les travaux de Fukumori et al. [2004] sur l’origine et le devenir des eaux de la boîte Niño-3 (150˚W-90˚W ; 5˚S-5˚N) ont estimés à 80% l’apport issus des LLWBCs mais ont admis une probable sous-estimation de la contribution des chemins intérieurs, lié à la sous-estimation de la variabilité temporelle de la circulation et à une surestimation du cisaillement méridien. Rodgers et al. [2003] ont utilisé une maille de grille plus large (2˚ de résolution zonale sur l’ensemble de la grille, 0.5˚ de résolution méridienne à l’équateur) pour pouvoir tracer la source des eaux les plus denses de l’EUC, jusqu’à 50˚ de latitude. Ils ont observé une évolution importante des propriétés physiques des eaux constituant l’EUC entre leur région source et l’équateur, particulièrement forte sur la portion du trajet jusqu’à 10˚ de latitude. Cependant, leur large maillage de grille n’a pas permis la résolution des tourbillons et a certainement altéré la caractérisation de l’évolution des propriétés physiques des eaux sources de l’EUC. De même, la résolution de leur modèle était trop large pour simuler des courants de bords ouest réalistes.

Récemment, Melet et al. [2010a] ont mené une étude de la circulation des eaux de la ther- mocline dans la région de la Mer des Salomon, grâce à un système de grille imbriquées, de ré- solutions fines (1

4˚ et 1

12˚) et forcées aux bords les unes par les autres. Ces auteurs ont montré l’existence d’une alimentation de 3 Sv de l’EUC par le NICU, via une route rétrofléchissant dans l’EUC au nord de la Nouvelle-Irlande.

Ces modèles ont ainsi permis une avancée substantielle concernant la quantification des différentes sources de l’EUC et la détermination de leur origine spatiale mais la plupart de ceux qui ont appréhendé l’alimentation de l’EUC ont été tributaires de limites intrinsèques à la résolution de la grille du modèle, qui modifient fortement la situation réelle. En particulier, les résolutions horizontales inférieures au1

elles ne permettent pas une bonne résolution des côtes ouest du bassin Pacifique Tropical et notamment des Détroits de la Mer des Salomon, qui impactent sur la quantification des LLWBCs. Par ailleurs, l’EUC étant centré sur la thermocline équatoriale, son étude néces- site aussi une résolution verticale relativement fine, afin de distinguer les différentes masses d’eau constituant cette thermocline. D’autre part, la plupart de ces modèles ont été limités par des périodes de simulations trop courtes, ou forcées par des champs climatologiques, lissant toutes les caractéristiques interannuelles de la circulation.

Ainsi, si les études menées jusqu’à aujourd’hui ont permis une quantification assez pré- cise des contributions nord/sud et LLWBCs/intérieur ainsi que des premières estimations du mélange subit par les sources de l’EUC au cours de leur transport, peu de distinctions ont été menées concernant les contributions du NGCU vis-à-vis du NICU ou du MC. No- tamment, les contributions relatives du NGCU, du NICU et du MC n’ont pas été évaluées. Il est important de les quantifier pour améliorer notre compréhension de l’enrichissement des eaux de l’EUC. C’est dans cet objectif que nous avons construit notre étude de l’alimentation de l’EUC.

FIGURE1.11– Régions sources de l’EUC à 151˚W, identifiées à partir de trajectoires lagrangiennes intégrant à rebours dans le temps les sorties d’un OGCM de résolution horizontale 2˚. Les particules sont injectées dans l’EUC à 151˚W, intégrées à rebours et arrêtées lorsqu’elles sont interceptées par la couche de mélange. La couleur réfère à la densité de la particule lorsqu’elle est dans l’EUC à 151˚W. D’après Rodgers et al. [2003].