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CHAPITRE 4 : ANALYSE DE DONNÉES

4. Le travail de terrain

4.1.4. Alex – La création de ponts entre des cultures différentes

Alex est arrivé au pays comme résident permanent avec sa conjointe et leur enfant de quatre ans. C’est un nouveau contexte qui s’ajoute à la réflexion, une reconstruction identitaire de son identité paternelle, ainsi que celle de son enfant.

Au Brésil, ils ont vécu l’expérience d’habiter loin de la famille. Alex voyageait souvent et sa conjointe a habité pendant un certain temps dans un hôtel avec leur enfant. « Habiter loin de la famille au Brésil était déjà un test avant l’immigration » [en portugais : Morar distante da família no Brasil já era uma prova], dit-il. Le projet d’immigration n’était pas un hasard, ni le choix de la ville de Québec puisque son frère habitait à Québec. Il les a beaucoup incités à vivre cette expérience, chose qui ne plaisait pas du tout à sa conjointe. Au Brésil, ils habitaient loin de leurs familles et sa conjointe n’aimait pas cela, elle s’ennuyait d’eux. Ils ont tout de même entamé le processus pour avoir leur résidence permanente et ils ont réussi. Ils ont été accueillis par le frère d’Alex à Québec. En arrivant, il y avait plusieurs choses à régler. Immigrer dans un nouveau pays implique plusieurs petits gestes pour renaître en tant que citoyen, il ne suffit pas de traverser la douane. Il fallait passer par toute la bureaucratie : demande de la carte d’assurance sociale, de la carte d’assurance maladie, remplir les papiers fiscaux pour obtenir l’aide pour l’enfant, trouver une garderie, apprendre à vivre dans une autre langue, dans une autre culture… la liste est longue !

Ayant un enfant, l’une des priorités du couple était de trouver une garderie. Cela a pris deux mois. En le questionnant par rapport aux critères utilisés pour la trouver, il m’a dit qu’il n’avait pas de critères formels, mis à part la proximité. « Il fallait que ce soit proche de chez nous » [en portugais : Tinha que ser perto de casa], dit-il. La possibilité d’un milieu de garde tenu par des immigrants n’était pas sur sa liste, par exemple. Questionné sur l’adaptation de son enfant à ce nouveau contexte, il dit que c’était facile, sans s’attarder sur les détails. Je me suis alors intéressée à son adaptation au marché du travail, qui s’est d’ailleurs fait très rapidement. À son arrivée, il ne maitrisait pas bien le français, mais il a eu l’opportunité de faire des entrevues en anglais pour la plupart des offres d’emploi. Il se sentait plus en confiance dans cette langue, qu’il maîtrise davantage. En bref, il s’est accoutumé tranquillement à la routine quotidienne du pays d’accueil en même temps que son enfant expérimentait un nouveau système d’éducation.

La deuxième expérience de mettre au monde un enfant est arrivée deux ans après qu’ils soient arrivés au pays. C’était avant que sa conjointe entre sur le marché du travail. Elle avait décidé de faire un retour aux études dès qu’ils se sont installés à Québec et elle est tombée enceinte avant de se trouver un emploi. Il raconte qu’ils n’ont pas eu de difficulté à trouver un médecin pour le suivi de grossesse. Comme il s’agissait d’une deuxième expérience, mais, cette fois, hors de leur pays d’origine, je lui ai demandé s’il avait constaté des différences quant au suivi de grossesse. Par exemple, au Québec sa conjointe ne pouvait pas choisir d’avoir une césarienne alors que c’est une pratique commune au Brésil. Mais cela n’était pas une inquiétude pour le couple. Par rapport à la période prénatale et à l’accouchement, il n’a pas donné de détails. À plusieurs reprises, je lui ai posé des questions sur comment c’était, comment il se sentait, comment il a apprécié les services médicaux obtenus ici en les comparant au Brésil. Il répondait tout simplement qu’« il n’y avait pas de problème » [en portugais : Tranquilo]. Il ne manifestait toutefois pas de manque d’intérêt en me livrant le récit, mais plutôt une sérénité face aux nouveaux défis rencontrés sur sa trajectoire d’immigrant. Il n’y avait pas de place pour la panique dans son discours. Enfin, comme leur premier enfant, le deuxième est venu au monde par césarienne et à part son frère, aucun autre membre de la famille n’était présent pour accueillir le nouveau-né.

C’est dans la troisième partie de notre entretien que nous avons parlé du système d’éducation et qu’Alex m’a exposé les différences culturelles notées dans le quotidien de la famille. J’ai ainsi pu remarquer des stratégies d’adaptation à la façon de faire locale et son positionnement dans cet environnement culturel différent. La perception de ces différences a été faite lors de l’intégration de son enfant plus âgé à l’école. Puisqu’il y a peu d’immigrants dans leur quartier, Alex considère que son enfant était le seul porteur d’une identité étrangère à l’école. Leur présence suscitait encore quelques questionnements de la part des autres enfants. Il arrive parfois que les amis de son fils fassent des blagues en regardant ce qu’il apporte comme repas, par exemple.

Alex tente de travailler ces multiples possibilités d’échanges apportées par l’interculturel. « Ce n’est pas juste à nous d’apprendre avec eux, mais le contraire est aussi possible. Je lui suggère, par exemple, de faire gouter à ses amis son repas exotique » [en portugais : Não é só nós que temos que aprender com eles, o inverso também é possível. Eu falava : porque você não oferece um pouco da sua « comida exótica » para seus colegas]. Alex n’encourage pas la confrontation, mais il essaie plutôt de créer des ponts avec l’Autre, d’apprendre à jongler avec ces épisodes de choc culturel de l’Autre vers son enfant et l’encourage à trouver des stratégies pour s’ajuster aux logiques sociales locales. « Je l’encourage en tout temps à essayer de régler par lui-même, comme les gens font ici » [en portugais : eu sempre o incetivo a resolver os problemas sozinhos, como as pessoas fazem aqui], poursuit-il. La conscience de l’Autre différent est claire dans son discours, de même que son ouverture au dialogue, à la construction de liens, tout en reformulant sa propre identité personnelle. « Ce n’est pas parce qu’on a choisi de venir ici qu’on considère leur culture 100 % correcte, la nôtre non plus. Nous, on peut incorporer leurs valeurs, mais la possibilité inverse est également réelle » [en portugais : Não é porque escolhemos viver aqui que concordamos em 100% com a cultura deles. Nós também podemos acrescentar alguns valores na cultura local e vice-versa].

4.1.5. MATIAS – L’INTÉGRATION DE SON ENFANT ET LA DÉCOUVERTE DE