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L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: faire en sorte que les auteurs de graves violations du droit

L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: faire

7. L'Assemblée note qu'il existe déjà des instruments juridiques pertinents pour engager des poursuites à l'encontre des auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, et éventuellement de génocide, à savoir:

7.1. la Cour pénale internationale (CPI), dont l'Ukraine a reconnu en 2014 la compétence pour enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité sur son territoire;

7.2. les systèmes de justice pénale de l'Ukraine et de tout autre État qui a reconnu la compétence universelle de ses juridictions pour de tels crimes.

8. Des responsables politiques, des universitaires et des avocats spécialistes des droits de l'homme de premier plan ont proposé la création, par un groupe d'États désireux de prendre l'initiative, d'un tribunal pénal international ad hoc chargé d'engager des poursuites contre les auteurs du crime d'agression. Ce dernier ne peut actuellement être pris en compte par la CPI sans une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, à laquelle la Fédération de Russie mettrait sans doute son veto.

9. Outre la responsabilité pénale à titre individuel des auteurs de crimes visés par le droit international, la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour internationale de Justice (CIJ) peuvent engager la responsabilité de la Fédération de Russie pour les violations des droits de l'homme commises par les troupes russes et, dans le cas de la CIJ, pour les autres violations du droit international pour lesquelles la CIJ est compétente.

10. L’Assemblée rappelle l’obligation juridique de prévenir et de punir le génocide en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, à laquelle les 46 États membres du Conseil de l’Europe sont parties contractantes. Selon l’interprétation de la Cour internationale de Justice, cette obligation et le devoir d’agir correspondant prennent naissance au moment où l’on apprend, ou l’on aurait normalement dû apprendre, l’existence d’un risque qu’un génocide soit commis.

11. L'Assemblée appelle donc tous les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe:

11.1. à aider le Procureur de la CPI dans sa mission d'enquête et de poursuites à l'encontre des auteurs présumés de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et, éventuellement, de génocide, en lui apportant un soutien politique, des ressources humaines et financières adéquates et en mettant à sa disposition tout élément de preuve en leur possession, y compris des renseignements de source ouverte, des informations et des données, des images satellites et des interceptions de communications;

11.2. à faire usage de leur compétence universelle, dans l’étendue prévue par leur législation, pour enquêter sur les crimes visés par le droit international et en poursuivre les auteurs;

11.3. à rejoindre ou soutenir d'une autre manière l'équipe commune d'enquête (ECE) déjà mise en place par l'Ukraine, la Pologne et la Lituanie avec le concours d'Eurojust, dans le but de coordonner leurs enquêtes et de mettre en commun leurs conclusions grâce à une coopération directe entre les autorités compétentes des États participants;

11.4. à coordonner étroitement leurs enquêtes avec le Procureur de la CPI; les États participant à l'ECE pourraient associer le Procureur de la CPI à l'ECE;

11.5. à coopérer pleinement avec le Procureur de la CPI, les membres de l'ECE et tout autre État qui fait usage de sa compétence universelle, notamment en leur remettant toute personne présente sur leur territoire contre laquelle des mandats d'arrêt seront émis;

11.6. à mettre en place de toute urgence un tribunal pénal international ad hoc, qui devrait:

11.6.1. recevoir mandat d'enquêter et d'engager des poursuites pour le crime d'agression qui aurait été commis par les dirigeants politiques et militaires de la Fédération de Russie;

11.6.2. appliquer la définition du crime d'agression établie par le droit international coutumier, qui a également inspiré la définition du crime d'agression donnée à l'article 8 bis du Statut de la CPI;

11.6.3. avoir le pouvoir d'émettre des mandats d'arrêt internationaux sans être restreint par l'immunité de l'État ou des chefs d'État et de gouvernement et autres représentants de l'État;

11.6.4. être institué notamment par un groupe d'États qui partagent les mêmes idées, sous la forme d'un traité multilatéral appuyé par l'Assemblée générale des Nations Unies, avec le soutien du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne et d'autres organisations internationales;

Résolution 2436 (2022)

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ajouté l'article 8 bis relatif au crime d'agression;

11.8. à se prévaloir de la possibilité offerte par l'article 33 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) de saisir la Cour européenne des droits de l'homme, individuellement ou par le biais d’une action conjointe, de toute allégation de violation de la Convention et de ses protocoles par la Fédération de Russie jusqu'au 16 septembre 2022, date à laquelle la Fédération de Russie cessera d'être partie à la Convention;

11.9. à utiliser les avoirs des citoyens russes visés par des sanctions pour leur responsabilité dans la guerre d’agression lancée contre l’Ukraine par la Fédération de Russie, dès que leur confiscation sera définitive, pour indemniser l’Ukraine et ses citoyens pour tout dommage causé par la guerre d’agression de la Fédération de Russie.

12. L'Assemblée invite en outre:

12.1. la Cour européenne des droits de l'homme à envisager de donner la priorité aux affaires nées de l'agression russe contre l'Ukraine et à faire usage de la possibilité de procéder à une enquête en vertu de l'article 38 de la Convention européenne des droits de l’homme;

12.2. la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe à suivre de près la situation des droits de l'homme en Ukraine et à relever et dénoncer rapidement, dans ses rapports ou déclarations ciblées, tout schéma de violations graves des droits de l'homme ou du droit humanitaire international qu'elle décèlerait;

12.3. la CPI et son Procureur:

12.3.1. à donner la priorité aux enquêtes et aux poursuites relatives aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité commis pendant la guerre d'agression menée en ce moment par la Fédération de Russie contre l'Ukraine;

12.3.2. à conclure rapidement les enquêtes dans les cas les plus flagrants et à délivrer des actes d'accusation et des mandats d'arrêt contre les auteurs présumés;

12.3.3. à coopérer étroitement avec les autorités nationales chargées des poursuites qui exercent leur compétence universelle en vertu du principe de complémentarité et à participer à la coordination des enquêtes pertinentes par le biais de l'équipe commune d'enquête mise en place par plusieurs États avec le concours d'Eurojust;

12.4. la Commission internationale indépendante d'enquête créée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à enquêter sur toutes les violations des droits de l'homme qui auraient été commises dans le cadre de l'agression russe contre l'Ukraine et à coopérer et coordonner étroitement ses activités avec le Procureur de la CPI et les autorités nationales chargées des poursuites qui enquêtent sur les crimes visés par le droit international qui relèvent de leur compétence universelle;

12.5. l'Assemblée générale des Nations Unies:

12.5.1. à soutenir la création d'un tribunal pénal international ad hoc pour engager des poursuites contre le crime d'agression dont les dirigeants politiques et les commandants militaires de la Fédération de Russie se seraient rendus coupables à l'encontre de l'Ukraine et à encourager les États membres des Nations Unies à intensifier leurs efforts pour apporter leur soutien sans réserve à la création d’un tel tribunal;

12.5.2. à demander à la Cour internationale de Justice de rendre un avis consultatif sur les éventuelles restrictions qui pourraient être imposées au droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, sur le fondement des principes généraux du droit relatifs à l'interdiction de l'abus de droit et à l'obligation faite aux États membres des organisations internationales d'exercer leurs droits de membre de bonne foi.

13. L'Assemblée appelle enfin la Fédération de Russie:

13.1. à cesser les hostilités contre l’Ukraine et à retirer immédiatement, complètement et inconditionnellement ses forces militaires du territoire de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues et à se conformer strictement à ses obligations au regard des droits

13.2. à veiller à ce que les auteurs de crimes commis par ses forces et toutes les entités dont elle est responsable répondent de leurs actes conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international humanitaire et des droits de l'homme, notamment les Conventions de Genève, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l'homme, qui lie encore la Fédération de Russie jusqu'au 16 septembre 2022, compte tenu également du caractère contraignant des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, y compris ceux dont l’exécution est déjà en cours de surveillance et ceux qui seront encore rendus.

Résolution 2436 (2022)

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Sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable en Europe

Assemblée parlementaire

1. L’Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par le net recul de la démocratie à travers le monde. L’Europe n’est pas épargnée par ce phénomène qui se traduit, entre autres, par un affaiblissement de l’équilibre des pouvoirs et du rôle de l’opposition, par des entraves et des limitations à l’exercice des droits et libertés civils et politiques tels que garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), dont notamment la liberté d’expression, de réunion et d’association, ainsi que par une érosion de l’État de droit. Ce recul est marqué par ailleurs par un déclin de la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques.

2. Face à ce constat alarmant, il est urgent que les États membres du Conseil de l’Europe renouent avec leur engagement de sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable, fondée sur les principes de liberté individuelle, autres droits humains, ainsi que de liberté politique et de prééminence du droit, telle que consacrée par le Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1), tout en s’attaquant aux causes profondes du recul démocratique.

3. Face à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, l’Assemblée rappelle que la réalisation d’une démocratie véritable n’est pas seulement un engagement de chaque État membre vis-à-vis de ses citoyens mais aussi une responsabilité vis-à-vis des autres États membres, dans la mesure où seules des démocraties véritables peuvent garantir la sécurité démocratique et réaliser cet objectif commun qu’est «la consolidation de la paix, fondée sur la justice et la coopération internationale».

4. L'Assemblée rappelle qu’afin de préserver et de maintenir la sécurité démocratique, de respecter l'État de droit et de garantir les droits et libertés fondamentaux de tout être humain vivant sur le territoire du Conseil de l'Europe, tout État membre devrait s’abstenir de menacer de recourir ou de recourir à la force pour résoudre des conflits internationaux et internes.

5. L’Assemblée souligne que la démocratie n’est pas la dictature de la majorité et que la légitimité démocratique ne tient pas simplement au fait de remporter des élections, mais qu’elle s’étend à une pratique de gouvernance démocratique dans l’exercice du pouvoir et le fonctionnement des institutions. Par ailleurs, toute théorie visant à justifier l’existence de démocraties non pluralistes, est vouée à l’échec comme étant incohérente: la démocratie véritable doit garantir, entre autres, les droits et libertés fondamentaux, y compris ceux de la société civile, le pluralisme politique, l’indépendance de la justice et des médias, et se fonder sur l’État de droit.

6. A cet égard, l’Assemblée réitère la pertinence des travaux menés par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en matière de fonctionnement des institutions démocratiques, de droits fondamentaux et de droit électoral, dont le Code de bonne conduite en matière électorale, la Liste des critères de l’État de droit et la Liste des critères des rapports entre la majorité parlementaire et l’opposition dans une démocratie.

1. Discussion par l’Assemblée le 28 avril 2022 (16e séance) (voir Doc. 15486, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteure: Mme Marie-Christine Dalloz; et Doc. 15501, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Vladimir Vardanyan). Texte adopté par l’Assemblée le 28 avril 2022 (16e séance).

Voir également la Recommandation 2232 (2022).

7. L'Assemblée note que la Cour européenne des droits de l'homme a réaffirmé que la démocratie constituait un élément fondamental de «l'ordre public européen» et qu'elle était de fait le seul modèle politique compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour a précisé à plusieurs reprises que la démocratie devait être fondée sur le pluralisme, la tolérance, le dialogue et un esprit de compromis.

8. L’Assemblée est sensible aux critiques selon lesquelles les institutions démocratiques et les forces politiques traditionnelles n’ont pas su répondre aux attentes des citoyens face aux défis majeurs de ces dernières décennies tels que la mondialisation, les mouvements migratoires, la révolution digitale et son impact dans tous les aspects de la société, le changement climatique, la stagnation économique et les inégalités croissantes, ce qui aurait contribué à une insatisfaction diffuse vis-à-vis de la démocratie.

9. La pandémie de covid-19 n’a fait qu’aggraver, d’un côté, cette crise de confiance et, de l’autre, l’érosion des sauvegardes démocratiques, comme en témoigne une série de résolutions et de recommandations de l’Assemblée consacrées aux différents aspects de la crise sanitaire et de ses effets. Se référant à sa Résolution 2337 (2020) «Les démocraties face à la pandémie de covid-19», l’Assemblée réitère «qu’on ne saurait permettre que la démocratie, les droits humains et l’État de droit deviennent les dommages collatéraux de la pandémie». Rappelant la Résolution 2338 (2020) «Les conséquences de la pandémie de covid-19 sur les droits de l’homme et l’État de droit», l'Assemblée réaffirme également que l'obligation de prendre des mesures pour protéger la vie et la santé des populations ne saurait laisser aux États le champ libre pour piétiner les droits, bafouer les libertés, démanteler la démocratie ou violer l’État de droit.

10. À la lumière des considérations ci-dessus, et rappelant que la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est d’un intérêt vital pour la préservation de la société humaine et de la civilisation comme le note le Statut du Conseil de l’Europe, l’Assemblée invite instamment les États membres du Conseil de l’Europe à renouer avec les engagements qu’ils ont pris en rejoignant l’Organisation et à les honorer dans l’esprit dans lequel ils ont été formulés à l’origine. Elle les invite notamment:

10.1. à garantir le droit à la liberté de pensée et la liberté d’expression, tout en luttant contre la désinformation qui sape la confiance de la société dans les médias et plus largement dans les institutions démocratiques;

10.2. à garantir la liberté de réunion et d’association et à créer un environnement propice aux activités de la société civile, dont notamment les organisations non gouvernementales;

10.3. à garantir la sécurité des défenseurs des droits humains dont notamment les journalistes, les avocats et les membres d’organisations non gouvernementales, conformément à la Résolution 2225 (2018) «Assurer la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe», et à les soutenir, y compris financièrement;

10.4. à garantir l’indépendance et le pluralisme des médias en prenant les mesures nécessaires pour empêcher notamment une forte concentration de leur propriété et pour assurer la transparence quant à leurs sources et leur propriétaire;

10.5. à garantir le droit à des élections libres et équitables, et dans ce contexte:

10.5.1. à veiller à que la procédure électorale soit organisée et supervisée par une autorité indépendante et impartiale;

10.5.2. à établir des procédures effectives et équitables pour le règlement des litiges électoraux, y compris judiciaires;

10.5.3. à veiller à ce qu’il y ait une couverture équilibrée des campagnes électorales par les médias;

10.5.4. à engager une réflexion sur la baisse de la participation électorale et adapter, le cas échéant, les pratiques et les systèmes électoraux afin de restaurer la confiance dans le processus électoral;

10.6. à garantir un système judiciaire efficace, impartial et indépendant qui est primordial pour l’existence même de l’État de droit, et à cette fin:

10.6.1. supprimer la capacité de l’exécutif ou du pouvoir législatif à nommer les juges de façon arbitraire;

10.6.2. supprimer le pouvoir de mutation ou de révocation des juges conféré à l’exécutif ou au pouvoir législatif;

10.6.3. assurer l’indépendance administrative et financière du pouvoir judiciaire;

Résolution 2437 (2022)

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10.8. à veiller à ce que le processus législatif soit aussi inclusif que possible et que l’opposition parlementaire dispose des moyens suffisants pour exercer le contrôle sur le gouvernement;

10.9. à promouvoir l’égalité et à offrir une protection effective contre la discrimination et la haine;

10.10. à garantir la bonne gouvernance démocratique, en s’assurant notamment que les collectivités locales et régionales disposent des compétences nécessaires, de ressources financières adéquates et d’un personnel qualifié pour fournir les meilleurs services à l’ensemble de la population;

10.11. à inclure l’éducation à la citoyenneté démocratique dans le curriculum dès le plus jeune âge afin que les citoyens, et en particulier les jeunes, puissent acquérir les compétences pour développer une culture de la démocratie;

10.12. à associer les citoyens, et en particulier les jeunes, à la prise de décisions politiques, y inclus par le biais de consultations et d’autres formes inclusives de participation et de délibération.

11. L’Assemblée invite les organisations internationales qui partagent les valeurs du Conseil de l’Europe, à commencer par l’Union européenne et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à accroître leur coopération avec le Conseil de l’Europe, afin de trouver des solutions communes au défi commun qu’est le recul démocratique.