• Aucun résultat trouvé

Les agents non titulaires de l’Etat, une gestion am bivalente

MONDE ACTUEL

Paragraphe 2 Les agents non titulaires de l’Etat, une gestion am bivalente

Ils constituent avec les personnels titulaires et les ouvriers, l’une des trois catégories d’agents employés par l’Etat. Le recours par l’Etat à cette catégorie d’agent est ancien puisqu’il remonte aux deux guerres mondiales et s’est poursuivi dans les années 1960 et 1970. Avant la dernière guerre, il s’agissait surtout du personnel colonial, d’employés subalternes et d’ouvriers. Malgré la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 qui avait prévu la titularisation des agents en fonction et la limitation des cas de recrutement nouveau, les personnels contractuels dans la fonction publique civile de l’Etat représentaient encore 64.827 emplois budgétaires en 1999 pour des effectifs réels trois fois supérieurs117. Selon la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP)118, les personnels contractuels étaient de 208 082 au 31 décembre 1998. Les raisons sont : l’absence de la gestion prévisionnelle des effectifs, le besoin de personnels et les retards du plan de titularisation. Actuellement, parmi les 5,032 millions d’agents ayant un emploi principal dans les trois fonctions publiques119 717 000 sont non titulaires auxquels il faut

117

Rapport de la Cour des comptes. Deuxième rapport public particulier. Avril 2001.

118

Rapport annuel de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP). La fonction publique et la réforme de l’Etat. Mars 1999 Mars 2000. La Documentation française 2000.

119

Hors emplois aidés et militaires volontaires. Au ministère de la défense, dans le Bilan social de la Défense en 2005 édité par le Secrétariat Général de l’Administration du Ministère de la Défense p 15

ajouter les 52 000 non titulaires sur crédits de remplacement des hôpitaux, soit 768 000 au total120. Le taux de non titulaires augmente dans la fonction publique hospitalière avec la prise en compte des personnels payés sur crédits de remplacement.

Les agents non titulaires ne sont pas considérés comme des fonctionnaires parce qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour la titularisation : tantôt ils occupent un emploi non permanent, tantôt ils occupent à titre provisoire, un emploi permanent, tantôt ils occupent à titre précaire, un emploi qui n’est même pas permanent. Les non titulaires ne sont pas soumis à un statut général, mais ils sont liés à l’Etat par un contrat. Cependant, la notion de personnel contractuel est incertaine. La Cour des comptes entend par personnels contractuels, l’ensemble des personnels qui ne sont ni fonctionnaires ni ouvriers de l’Etat. Depuis que l’Etat a recours à ces agents, il s’est trouvé confronté à deux problèmes, le premier est relatif à la qualification juridique de leur situation, le second tient à la situation précaire de leur position. Concernant leur position statutaire, dans les années récentes, un certain nombre de garanties générales leur ont été reconnues et certains textes d’ensemble sont venus les régir. Les principaux sont :

La loi n°83-481 du 11 juin 1983 abrogée depuis, définissant les conditions dans lesquelles doivent être pourvus les emplois civils permanents de l’Etat et de ses établissements publics et autorisant l’intégration des agents non titulaires occupant de tels emplois ;

La loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique; ce texte s’est efforcé de limiter le recours aux non titulaires à une série d’hypothèses, en même temps que ces textes organisaient des procédures de titularisation.

Le décret n°86-83 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’Etat pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat. C’est en effet au pouvoir réglementaire qu’il appartient de fixer les dispositions statutaires aux agents non titulaires de l’Etat, selon l’arrêt du Conseil d'Etat du 30 mars 1990, Fédération générale des fonctionnaires Force

et suivantes : Il existe 184 663 personnels militaires contractuels. BOUILLART, Caroline, LECLERCQ, Olivier et LECOCQ Pierre André. Les services de la Défense à l’heure de la

contractualisation. Approche renouvelée de la contractualisation. Presses Universitaires d’Aix et de

Marseille 2007.

120

Ouvrière (FO)121. Le décret aborde le recrutement, les congés de travail… Il constitue une sorte de statut pour les contractuels. Mais, sur de nombreux points, la jurisprudence est intervenue pour accorder aux agents non contractuels des garanties. Ainsi, le Conseil d'Etat a eu l’occasion de dégager divers principes généraux du droit destinés à assurer aux agents non titulaires des protections que les textes ne leur accordaient pas ou pas assez. Il lui est arrivé de s’inspirer des règles du Code du Travail, notamment en ce qui concerne l’interdiction de licencier une femme agent public en état de grossesse.

Certains auteurs ont même proposé au Conseil d'Etat de reconnaître, par principe, aux non titulaires des droits minima égaux à ceux que consacre le Code du Travail. Celui-ci n’a pas suivi cette proposition. Dans l’arrêt d’Assemblée Dame PEYNET122, en effet, le Conseil d'Etat s’est refusé à consacrer plus largement un principe général de droit, selon lequel les agents publics devraient bénéficier, lorsque les nécessités de service n’y font pas obstacle, de droits équivalents à ceux que la législation reconnaît à l’ensemble des salariés. Toutefois, la jurisprudence et souvent la réglementation leurs étendent la plupart des règles de protection de la fonction publique lorsqu’ils sont des agents publics.

Se pose ensuite le problème de la qualification juridique d’un non titulaire. Jusqu'à la loi du 12 avril 2000123, seule la jurisprudence et l’administration qualifiaient l’agent non titulaire d’agent public, par opposition à l’agent de droit privé de l’administration. Il arrive que la situation des agents de tel ou tel service soit qualifiée par les textes. Dans cette hypothèse, il n’y a pas lieu d’appliquer d’autres critères que l’indication donnée par la loi ou le règlement. Par exemple, bien que la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) présente le caractère d’un établissement public administratif, les personnels de cette caisse appartenant aux échelons régionaux ou locaux du contrôle médical se trouvent, du fait du texte, dans la situation de droit privé. La sous-traitance d’un service public administratif à un gestionnaire privé, par concession, par mission ou association a pour effet de placer les personnels contractuellement liés à un employeur privé sous le régime du droit commun du travail, nonobstant leur participation au service public administratif.

121

Conseil d'Etat 30 mars 1990 Fédération général des fonctionnaires FO Droit administratif 1990, commentaires, 264.

122

Conseil d’Etat, Assemblée 8 juin 1973 Dame Peynet. Recueil LEBON page 406 Conclusions de M GREVISSE.

123

Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (JO n°88 du 13 avril 2000).

La situation juridique de l’agent était parfois indéterminée parce qu’il n’avait pas signé de contrat écrit ou parce son contrat contenait des dispositions floues. C’est alors aux juges qu’il appartient de donner une qualification juridique au contrat. Pour les distinguer, le Conseil d’Etat s’est fondé sur la participation à l’exécution même de service public.

La notion d’agent contractuel de droit public fut élargie par deux décisions Robert LAFREGEYRE124 et VINGTAIN et AFFORTIT125.

Comme le déclara le Commissaire du Gouvernement CHARDEAU, pour l’affaire VINGTAIN et AFFORTIT, relèvent du droit public tous les agents, quelles que soient les clauses de leur contrat, qui ont pour mission d’assurer le fonctionnement du service public dont ils font partie, qui collaborent au but poursuivi par ce service.

La Cour de cassation retint la même solution dans l’arrêt LAUTHIER du 15 février 1961. Elle reconnaît la qualité d’agent de droit public, en raison de la nature des attributions, au concierge d’un groupe d’immeubles d’un office d’Habitation à Loyer Modéré (HLM).

L’application de ces principes donne parfois lieu à des distinctions subtiles, mais, elle rend plus difficile la conceptualisation. Ainsi, saisi par la Cour de Cassation, le Tribunal des conflits a décidé qu’une employée communale, la Dame Veuve MAZERAND126 était agent de droit privé, lorsqu’elle était femme de service chargée du nettoyage des locaux scolaires, pendant l’hiver, de l’allumage et de l’entretien des appareils de chauffage de l’école, mais qu’elle devenait un agent de droit public au moment où elle avait été chargée d’une garderie d’enfants, car on lui avait confié la gestion d’un service public municipal de garderie.

Pendant plusieurs années, dans les services publics administratifs gérés par des personnes publiques, la jurisprudence s’inspirant de la décision Dame Veuve MAZERAND, devait abonder dans le sens d’une relativisation du critère organique au profit du critère de l’emploi occupé ou de la participation ou non à l’exécution du service public. Les emplois de responsabilité étaient reconnus comme faisant participer leur titulaire directement au service public

124

Conseil d’Etat 26 janvier 1923 Robert Lafregeyre : « Grands Arrêts du droit administratif », n° 39.

125

Conseil d’Etat 4 juin 1954 Vingtain et Affortit.

126

administratif, alors que les emplois subalternes d’ouvriers, de femmes de ménage étaient considérés comme relevant par nature du droit privé, sauf si le contrat comportait une clause exorbitante du droit commun.

Cette jurisprudence devait se heurter à une résistance de plus en plus forte de la doctrine et des juges du fond, entraînant un volumineux contentieux. La simplification tant attendue de la jurisprudence Dame Veuve MAZERAND est intervenue avec la décision du Tribunal des Conflits BERKANI du 25 mars 1996. En l’espèce, il s’agissait d’un agent employé en qualité d’aide cuisinier au service du CROUS de Lyon Saint-Etienne.

Le Tribunal des Conflits déclara que les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi. Il abandonna le critère fonctionnel retenu dans l’arrêt Dame Veuve MAZERAND et opta pour le principe de l’unicité du critère organique pour qualifier la situation de droit public ou de droit privé, d’un agent employé par une personne publique. Certains commentateurs ont salué l’avancée jurisprudentielle par rapport à l’affaire Dame Veuve MAZERAND, mais d’autres, comme M. Pierre BENTOLILA n’ont pas renié la décision Veuve MAZERAND. Elle a eu le mérite de ne faire reposer la qualification du statut juridique d’emploi que sur l’activité du salarié, alors que la jurisprudence BERKANI fait dépendre un concept juridique, la notion d’agent public d’un autre concept juridique, la notion de service public administratif. Toutefois, la distinction entre service public administratif et service public industriel et commercial repose sur les critères de fonctionnement et d’activité. La difficulté de qualification s’est déplacée.

La loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations127, tire les conséquences de la jurisprudence BERKANI. En effet, aux termes de l’article 34, « les agents non titulaires de l’Etat

et de ses établissements publics à caractère administratif, en fonction à la date de publication de la présente loi et qui n’ont pas été recrutés en application des articles 3, 4, 6 et 27 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, bénéficient d’un contrat à durée indéterminée lorsqu’ils assurent :

Soit des fonctions au niveau de la catégorie C concourant à l’entretien ou au gardiennage de services administratifs ;

Soit des fonctions de même niveau concourant au fonctionnement de services administratifs de restauration, des hôtels de représentation du

127

Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (JO n°88 du 13 avril 2000).

Gouvernement dans les régions et les départements, des hôtels de commandement ou des services d’approvisionnement relevant du Ministère chargé de la Défense...

Les personnels mentionnés ci dessus peuvent demander que le contrat de travail sur la base duquel ils ont été engagés, soit un contrat de droit privé soumis aux dispositions du Code du Travail. Les intéressés disposent d’un délai d’un an à compter de la date de publication de la présente loi pour faire leur demande. Le bénéfice de ces dispositions leur est reconnu à compter de la date de leur engagement initial ». Ces personnels bénéficient alors de la protection contre les risques offerts par les règles de droit privé.

Les personnels d’entreprises publiques peuvent passer des contrats à durée déterminée. Ils subissent trois fois plus d’accidents que ceux bénéficiant d’un Contrat à Durée Indéterminée (CDI). Les vacataires de l’enseignement entre autres assurent une part importante dans le service public. Moins bien rémunérés, ils sont affectés à des tâches ingrates, celles dont les statutaires ne veulent pas, avec du matériel inadapté ou une formation laissant à désirer, notamment sur les questions de sécurité.

Une enquête menée en 1991 par le Ministère du Travail met bien en lumière les principaux facteurs d’accidents : manque d’accueil dans l’entreprise utilisatrice, insuffisance de l’encadrement, absence d’équipement individuel de protection et éclatement d’une équipe qui prive le travailleur de la garantie que représentait une expérience partagée128. Les agents non titulaires de l’Etat et de ses établissements publics ne relèvent pas du régime des fonctionnaires en tant que tel, en matière du risque professionnel. Ils bénéficient à l’instar des agents EDF-GDF, de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles dans les conditions prévues au livre IV du Code de la Sécurité sociale, avec quelques variantes qui rappellent néanmoins celles des fonctionnaires. Cependant, l’Etat demeure traditionnellement son propre assureur. C’est la raison pour laquelle le risque accident du travail n’est pas géré par les caisses de Sécurité sociale, mais par l’Etat lui-même. Celui-ci ne verse pas de cotisations et assure le versement des prestations prévues par le régime général, dans les mêmes conditions que les caisses de Sécurité sociale, selon l’article L 413-14 du Code de la Sécurité sociale. Le sort des agents non titulaires victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle n’est

pas réglementé de manière exhaustive par le décret n°86-83

du 17 janvier 1986. Celui-ci se contente de rappeler à l’article 2, que la réglementation du régime général de Sécurité sociale ainsi que celle relative aux accidents du travail et maladies professionnelles sont applicables sauf

128

Séminaire d’administration comparée « La sécurité sanitaire » groupe n°4 Sécurité sanitaire par rapport au risque professionnel Jean François CAILLARD promotion 1997 1999.

dispositions contraires, aux agents non titulaires de droit public de l’Etat et de ses établissements publics à caractère administratif ou à caractère scientifique culturel et professionnel. En son article 14, il prévoit seulement le congé dont peut bénéficier l’agent non titulaire, victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle. En conséquence, en matière de législation professionnelle, les agents non titulaires de l’Etat jouissent de la présomption d’origine et de la procédure complémentaire de reconnaissance instituée par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993. En raison de leur situation difficile, certaines associations de contractuels souhaitent le rattachement des non titulaires au régime général pour bénéficier au moins de ses conditions129.

Comme pour les agents contractuels, le régime spécial des ouvriers d’Etat n’assume qu’une charge partielle de la couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Paragraphe 3 Les ouvriers d’Etat, une catégorie juridique