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et conséquences

1. Quelle adhésion dans les maladies cardiovasculaires ?

L’adhésion thérapeutique est un phénomène complexe qui dépend des cinq dimensions détaillées dans la partie précédente. Elle ne constitue cependant pas une finalité pour le patient mais symbolise l’adaptation du patient à la maladie qui vise à donner du sens à cette épreuve. Le soignant, dès lors doit être envisagé comme un accompagnateur qui a besoin d’outils pour identifier les freins, les ressources et les difficultés de l’individu malade vis-à-vis de son traitement médicamenteux. Différentes méthodes permettent d’appréhender la mesure de l’adhésion thérapeutique du malade.

Les méthodes indirectes sont essentiellement de nature déclaratives, basées sur : l'entretien avec le patient et/ou son entourage ou à l’aide d’auto-questionnaire ; l’utilisation d’un pilulier électronique ; l’utilisation d’un carnet de suivi et l’avis des soignants. Les méthodes directes, quant à elles, utilisent des données plus objectives tels que des dosages plasmatiques et urinaires des médicaments et/ou des métabolites, le suivi de marqueurs cliniques et/ou biologique comme l’INR dans le traitement par anti- vitamine K ou encore la prise observée directement par un tiers. Cette dernière méthode serait la

méthode la plus sensible et la plus spécifique parmi toutes mais nécessitant la présence d’une personne auprès du patient sur toute la journée ce qui est peu réalisable. Cependant, l’équipe d’Allenet et al. a démontré en 2013 (104) que malgré la multiplicité de ces outils, aucun ne supplante les autres du fait de leurs avantages et inconvénients respectifs (Figures 1 et 2). Ainsi, il semblerait plus judicieux d’associer au moins deux outils et de croiser les résultats afin de se faire une idée sur le comportement d'adhésion du patient et des dimensions sur lesquelles il se trouve le plus en difficulté.

Figure 1 : Avantages et inconvénients des méthodes indirectes permettant d’appréhender l’adhésion thérapeutique selon Allenet et al. (104).

Figure 2 : Avantages et inconvénients des méthodes directes permettant d’appréhender l’adhésion thérapeutique selon Allenet et al. (104).

De nombreuses études ont essayé d’évaluer l’adhésion thérapeutique dans les maladies coronariennes (105,106), mais face aux multiples données hétérogènes, il convient de souligner que la mesure de l’adhésion thérapeutique est difficile et qu’il est nécessaire de prendre en compte la définition utilisée dans les articles et les moyens de son évaluation. Cependant, on peut s’apercevoir que l’adhésion thérapeutique dans les pathologies coronariennes n’est pas excellente et nous allons voir que cela a des répercussions au niveau individuel mais aussi épidémiologiques, sociétaux et économiques.

2. Les conséquences d’un défaut d’adhésion

Le défaut d’adhésion a des conséquences à plusieurs niveaux. Ces conséquences impliquent à l’évidence l’individu atteint et seront donc d’abord individuelles mais aussi sociétales, épidémiologiques et économiques.

Le défaut d’adhésion peut parfois avoir des effets bénéfiques à court terme pour le patient, comme la disparition des effets indésirables ou la réduction des coûts directs liés aux médicaments. Mais d’une manière générale, ce défaut d'adhérence conduit à des conséquences en terme de pertes de bénéfices immédiats et/ou à long terme : l’augmentation de la mortalité et des symptômes, l’évolution péjorative

de la maladie, le risque de rechute et d’effet rebond, l’émergence de résistance et le risque d’inefficacité thérapeutique. L’étude de Horwitz et al. (1990) a montré que, chez les patients ayant subi un infarctus du myocarde et recevant un bêtabloquant, ceux qui étaient considérés comme ayant un défaut d’adhérence (< 75% de la dose prescrite, représentant un tiers de l’étude) avaient 2,6 fois plus de risque de mortalité que les individus adhérents à leur traitement (107). Plus généralement, une méta analyse regroupant 21 études observationnelles (46 847 patients) a montré qu’une bonne adhésion réduisait de moitié la mortalité (108).

Les difficultés d’adhésion représentent des risques pour le patient : risque d’évolution de la maladie, risque de rechute et risque de complications (109). L'arrêt brutal d’un traitement antiagrégant plaquettaires peut être responsable d’accidents coronariens aiguës d’origine thrombotique chez les patients coronariens, notamment après une angioplastie ou après la mise en place d’un stent nu ou pharmacoactif (Legrand et Legrand 2010). Ainsi, le défaut d’adhésion entraîne l’engrenage de l’individu malade dans un cercle vicieux puisque la progression de la maladie et l’apparition de complications nécessitent, dans le cadre des maladies coronariennes, des traitements supplémentaires. De ce fait, le traitement est de plus en plus complexe et influence négativement d’adhésion thérapeutique (Figure 3).

Figure 3 : Le cercle vicieux d’un défaut d’adhésion.

Le défaut d’adhésion entraîne aussi des pertes épidémiologiques : globalement, un défaut d’adhésion aggrave l’incidence d’une pathologie. Cet aspect est particulièrement important dans le cas des maladies

infectieuses. Le refus de vaccination par une partie de la population a des conséquences évidentes sur l’évolution d’une épidémie45. De même, le défaut d’adhérence d’un traitement antibiotique, notamment

en termes de durée, peut conduire à l’émergence et la dissémination de souches résistantes, bien que la surconsommation d’antibiotiques ait également un rôle dans ce phénomène (110).

Le défaut d’adhésion a aussi des conséquences sociétales. Les complications et les rechutes liées à un défaut d’adhésion médicamenteux augmentent la fréquence des hospitalisations qui ont des conséquences individuelles, entraînent un surcoût pour la sécurité sociale et un absentéisme professionnel ayant des conséquences économiques et sociales.

Enfin, le défaut d’adhésion, a aussi des répercussions économiques. L’étude IMS Health / CRIP6 estime

que la “mauvaise observance” coûte plus de 9 milliards d’euros par an au système de santé français, ce chiffre étant la résultante de l’addition de l’ensemble des coûts liés aux complications évitables grâce à une “bonne observance”. Bien que ces chiffres aient été critiqués, il en ressort que le surcoût d’un défaut d’adhésion reste important. Les répercussions engendrées par un défaut d’adhésion peuvent être réparties en trois catégories : les coûts directs liés aux soins, les coûts indirects et les coûts intangibles.

Les coûts directs se traduisent par le “gaspillage” engendré par un défaut d’adhésion, autrement résumé au nombre de boîtes non utilisées par les patients mais remboursées par la sécurité sociale. Le coût s’élèverait ainsi, par extrapolation à l’ensemble de la population en Affection Longue Durée à près de 3,5 milliards d’euros. De même, l’augmentation du nombre d’hospitalisations, conséquence d’une mauvaise prise de traitement par des malades atteints de maladies chroniques, engendrerait des surcoûts s’élevant à 1 milliard d’euros alors que ces hospitalisations sont évitables. Sokol (2005) (111) montre que, si les malades avaient un haut niveau d’adhésion thérapeutique (entre 80 et 100%), le nombre d’hospitalisation diminuerait significativement. Les coûts indirects se traduisent par les effets du

4 https://www.nouvelle-aquitaine.ars.sante.fr/recrudescence-des-cas-de-rougeole-en-nouvelle-aquitaine-soyez- vigilants-et-verifiez-votre-statut

5 https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2-etat_des_lieux_vaccination-2.pdf 6 https://lecrip.org/wp-content/uploads/2014/11/BrochureObservance-imprim1.pdf

mauvais contrôle de la maladie par les médicaments. Dans le cas de l’hypertension artérielle par exemple, une pathologie qui concerne près de 12 millions de français, et en considérant un taux d’adhésion de 60% (soit 7.2 millions d’individus atteints ayant des difficultés d’adhésion), on estime un surcroît d’AVC induits de 4% par an. Avec un coût moyen de prise en charge de ce risque de 15 261 euros par patient, le surcoût annuel pour le système de santé français serait de 4,4 millions d’euros. Enfin, un autre type de coût résulte du défaut d’adhésion par les malades est ce qu’on appelle les coûts intangibles qui se rapportent à la santé perçue dégradée.

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