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La maladie chronique, du fait de sa durabilité et de sa caractéristique inguérissable, est une maladie qui impactera toute la vie du patient et qui nécessitera, de la part du patient, une adhésion thérapeutique continue - idéalement voulue par les soignants. Cependant, l’être humain n’est pas qu’un être de raison et il évolue dans un environnement social, économique, professionnel et doit faire face à des problèmes et des difficultés. Ainsi, en tant que professionnels de santé, on doit se refuser de parler de personne “adhérente” ou “non adhérente”, cette vision étant binaire et stigmatisante, et réductrice de la complexité du vécu du patient face à son traitement et à sa maladie. Il y a une différence entre être adhérent, qui catégorise l’individu dans un motif oui/non et bien/mal, et avoir une adhésion thérapeutique.

Ainsi, l’adhésion thérapeutique s’inscrit dans une chronologie qui fluctue dans le temps et l’espace. Comme le soulignent Spire et Moatti (2000) (112), l’adhésion thérapeutique possède un caractère dynamique au cours du temps “se modulant en fonction du vécu autour du traitement” et du patient. Par conséquent, trois phases dans l’adhésion ont été identifiées, chacune relevant de problèmes différents : l'initiation, la persistance et l’implémentation.

Figure 4 : Les phases dans l’adhésion thérapeutique d’après Allenet et al. (2018) (113).

Si l’on se place dans le cadre temporel entre la première prescription et la fin de prescription d’un médicament avec l’hypothèse que l’individu va voir au préalable le prescripteur (Figure 4). La première action effectuée par le malade une fois la prescription faite est d’aller chercher les médicaments : c’est l’initiation. Cette première phase peut ne pas être effectuée par le patient du fait de ses représentations, ses peurs, de l’acceptation de son état, un accès aux soins limité : dès lors ce défaut d’adhésion est considéré comme un défaut d’initiation et concerne 20% des cas. C’est un choix intentionnel du patient. Accepter sa maladie et sa condition est un long processus qui peut être accompagné par un psychologue. Le pharmacien, dispensateur du traitement, est indispensable durant cette première phase afin de le faire revisiter l’épisode pour que le patient travaille sur son identité. L’écoute active est un outil primordial pour accompagner l'individu atteint et l’aider à initier son traitement en faisant émerger ses représentations, ses peurs et travailler dessus.

Une fois le médicament pris, le soignant peut se questionner sur la discontinuation c’est-à-dire quel est le délai prévu par la prescription du traitement et quel est le délai qui a été effectivement suivi. Ceci renvoie à la notion de persistance, définie comme le pourcentage de patient toujours sous traitement à l’issue d’une période donnée. La chronicité de la maladie est source de lassitude pour le patient, ainsi l’adhésion thérapeutique apparaît comme un phénomène complexe, difficile et qui n’est jamais acquis. De plus, l’apparition d’effets indésirables ou gênants, diminuant la qualité de vie est une épreuve mettant à rude épreuve la motivation de l’individu à se soigner. La place du pharmacien est alors indispensable pour l’informer sur les effets secondaires et indésirables du patient à la prise du

traitement. La relation de confiance et les échanges entre l’individu malade et les professionnels de santé prend alors tout son sens.

L’implémentation renvoie au nombre de médicaments réellement pris par le patient. Un défaut d’adhésion à ce niveau est souvent non intentionnel : pris dans la vie de tous les jours, le patient peut oublier son traitement de manière ponctuelle. C’est pourquoi, en fonction de la réponse de l’individu, le pharmacien pourra suggérer une adaptation de traitement afin d’améliorer l’adhésion thérapeutique, simplifier le traitement et aider le malade à automatiser la gestion de son traitement. Intégrer la prise du médicament dans la vie quotidienne facilite une pérennisation de son usage (57,114).

Adopter un nouveau comportement, tel que prendre un traitement, ou renoncer à un comportement à risque à long terme a été étudié par Prochaska et Di Clémente (1982), qui démontrent que ce processus n’est pas linéaire mais progresse selon un modèle spirale. Ce processus passe par des étapes successives : la précontemplation, la contemplation, la préparation, l’action et la maintenance (Figure 5). Passer d’une étape à l’autre suppose une prise de décision du malade et l’élaboration de stratégies d’ajustement au changement. Cette modélisation en spirale montre que le cheminement ne se fait pas à sens unique et que le patient peut retourner à une phase antérieure du cycle à tout moment, chaque étape pouvant durer plusieurs années.

Figure 5 : Illustration des différentes étapes de changement de comportement dans le processus de prise des médicaments d’après le modèle de Prochaska et Di Clemente (1982).

II. L’acceptation de la maladie

A. L’acceptation de la maladie

Le terme acceptation provient du latin acceptatio qui signifie accueil, acceptation, réception. Ainsi, dans le langage commun, l’acceptation est définie comme “l’action d’accepter, d’agréer, de recevoir quelque chose” (Encyclopédie Larousse 2019). Lorsque l’on parle d’acceptation de la maladie chez une personne atteinte de maladie chronique, on s’intéresse à “la question philosophique de l’être menacé par l’avoir”, transposé dans le dilemme “avoir une maladie” et “être malade” (115). D’après ce même auteur Grimaldi, “le patient chronique doit accepter deux choses : sa finitude (car son traitement finira qu’avec sa mort) et sa différence vis-à-vis des autres, non malades”. L’acceptation de la maladie se construit sur la base du développement d’un meilleur pilotage du traitement et donc d’une intégration facilitée de la maladie dans le contexte psychosocial et existentiel du patient. C’est un processus dynamique qui permet d’accepter les changements induits par la maladie sur l’état de santé du patient ainsi que sur sa vie personnelle, familiale, professionnelle et sociale : elle est synonyme d’une prise de conscience de ces changements.

L’annonce est un facteur déterminant dans le processus d'acceptation de la maladie puisqu’elle a un impact important sur ce dernier, le vécu de la maladie et l’avenir du malade. Cette entrée dans la maladie aura, non seulement un impact sur l’identité du sujet étant donné qu’elle lui “assigne une identité (...) dans laquelle il ne se reconnaît plus” (116) mais aussi sera vécue comme un véritable “choc” dans son existence. La maladie est vécue comme une épreuve de la nudité à prendre dans un sens existentiel et amène l’individu à s’interroger sur ce qui le constitue et ce qui le définit. Le malade sera amené à entreprendre un travail de deuil de l’état de santé antérieur et de la guérison, à se réconcilier avec une identité transformée par la maladie et se familiariser avec une nouvelle existence (117).

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