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Les activités agricoles sont à l’origine de transferts de pesticides vers les eau

dégradation de la qualité des eaux par les activités anthropiques

III L ES ACTIVITES ANTHROPIQUES ET LA POLLUTION PAR LES PESTICIDES

III.3 Les activités agricoles sont à l’origine de transferts de pesticides vers les eau

La forte augmentation de la productivité agricole en Europe depuis 1945 est due à l’utilisation d’intrants, fertilisants pour augmenter les rendements et produits phytosanitaires pour lutter contre les adventices, les champignons et les insectes ravageurs des cultures. L’usage des pesticides d’origine

chimique commence à se généraliser après la seconde guerre mondiale avec de nouvelles

molécules telles que le, bien connu, DDT (dichlorodiphenyltrichloroethane), un insecticide organochloré. Pourtant, l’agriculture n’est pas encore mise en cause pour les dégradations de l’environnement. Jusqu’au début des années 80, il était admis au Royaume-Uni que l’agriculture n’avait qu’un impact restreint sur l’environnement, sauf dans quelques cas particuliers de pollution locale par le DDT (Philips and Mighall, 2014).

Les besoins alimentaires de la France puis le développement des exportations agricoles - cf. le slogan « nourrir le monde » - ont conduit à une intensification rapide de l’agriculture, favorisée par les politiques publiques et le développement de l’industrie des produits phytosanitaires. Les choix économiques opérés pour le développement d’une agriculture intensive, à forte production animale dans certaines régions comme la Bretagne, ont altéré la ressource en eau et son potentiel pour la production d’eau potable. Les taux de nitrates se sont accrus à partir des années 1970 pour plafonner dans les années 1990 (jusqu’à plusieurs centaines de mg/l ponctuellement dans certains cours d’eau). La présence croissante de pesticides a suivi à partir de la fin des années 1980 pour atteindre également des niveaux record dans les années 1990-2000.

Avec une production agricole estimée à 75 milliards d’euros en 2013, qui représente 18,3 % de la production européenne, l’agriculture française est une des premières d’Europe. Mais la France est

aussi l’un des pays où il se vend et s’utilise le plus de pesticides. Elle reste au deuxième rang

européen après l’Espagne. –en quantité de substances actives vendues, environ 70 000 tonnes- Toutefois, en termes d’utilisation à l’hectare, elle se situe dans la moyenne européenne car la quantité utilisée est à rapporter à l’une des plus grandes surfaces agricoles utiles d’Europe. L’agriculture française utilise environ 500 matières actives qui entrent dans la composition de plus de 8 000 produits commercialisés.

La part des produits phytosanitaires appliqués n’atteignant pas leur cible, donc directement transférée dans l’air et/ou le sol, est extrêmement variable (de 10 à 90%) selon les stades de la culture et les conditions d’application (Butault et al, 2011). Si l’on se réfère aux travaux du Cemagref dans le bassin du Ruiné (16) portant sur les transferts de pesticides sur une période de plusieurs années, les exportations de produits vers l’eau par les différentes voies de transfert peuvent atteindre 10% selon en fonctions les des conditions climatiques, lors et juste après l’application des produits (Delmas et al, 2006, projet Transpest).

Cette utilisation massive des pesticides n’est pas sans conséquence, sur la santé humaine mais aussi

sur les écosystèmes. L’agriculture est considérée comme le plus gros contributeur à la pollution diffuse en pesticides dans les eaux souterraines et les eaux de surface (Eurostat, 2016). L’impact de l’agriculture est aujourd’hui reconnu, y compris l’impact biologique (Schäfer et al, 2007). De nombreux règlements et directives ont tenté de réguler l’utilisation des pesticides et leur impact (cf. encadré 2 page suivante). La contamination par les pesticides reste pourtant l’un des facteurs

bloquants pour l’atteinte du bon état des eaux selon l’objectif fixé pour 2015 par la Directive Cadre

Européenne sur l’Eau (DCE). L’autre facteur qui peut conduire au déclassement concerne les flux d’azote, générateurs de déclassement pour la potabilité mais aussi d’eutrophisation voir de phénomènes extrêmes comme les blooms algaux. L’objectif du bon état de l'eau a ainsi été reporté, pour beaucoup de masses d’eau à 2021, avec des dérogations jusqu’à 2027 (European Commission, 2015).

Le bilan actuel est plutôt un constat d’échec face à la forte résilience des pollutions, et à l’inertie des

pratiques sociétales et des systèmes de production (Geoff, 2014). Suite au Grenelle de l’environnement (2007) et pour satisfaire aux exigences européennes, le plan « Ecophyto 2018 » a été mis en place pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. L'un de ses objectifs était de diviser par deux l'usage de ces produits avant 2018. Les associations de protection de l’environnement ont souligné l’ambigüité de cette approche quantitative car elle ne résout pas le problème de l’apparition de nouvelles molécules toxiques à faible dose. Malgré cette ambition mesurée, devant les difficultés de

réalisation de ce plan, un nouveau plan « Ecophyto II » lancé en 2015 reporte ce même objectif de réduction de 50% des quantités utilisées à 2025.

Encadré2 : Règlements et directives sur les pesticides

Mise sur le marché et suivi AMM : La mise sur le marché et le suivi post-homologation des produits

phytosanitaires et des substances actives qui les composent sont strictement Encadrés et harmonisés au niveau européen par le règlement (CE) n° 1107/2009 qui abroge la directive 91/414/CEE concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Les substances actives autorisées sont inscrites à l’annexe 1 de la directive. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits commerciaux est quant à elle délivrée par les Etats membres sur la base d’une évaluation nationale.

Le « paquet pesticides » Le «paquet pesticides», adopté en Octobre 2009, vise à réduire de façon sensible les

risques liés aux pesticides ainsi que leur utilisation et ce dans une mesure compatible avec la protection des cultures. Ce paquet législatif contient, un règlement (CE) n° 1107/2009 relatif à la mise sur le marché et l’évaluation des produits phytopharmaceutiques, une directive 2009/128/CE instaurant un cadre communautaire d’action pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, une directive 2009/127/CE concernant les machines destinées à l’application des pesticides, et un règlement (CE) n°1185/2009 relatif aux statistiques.

Développement durable et utilisation des pesticides : la Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du

Conseil du 21 octobre 2009 instaure un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (JOUE L309 du 24 novembre 2009) et encourager le recours à la lutte intégrée et aux alternatives non chimiques. Elle prévoit notamment la mise en place d’un plan d’action national par chaque état membre visant à réduire les risques et les effets sur la santé humaine et l’environnement et ainsi que la dépendance à l’égard de l’utilisation des pesticides avec des objectifs quantitatifs (plan Ecophyto 2018 pour la France).Elle prévoit aussi la formation obligatoire de tous les professionnels à l’échéance de décembre 2013, la mise en œuvre d’une inspection régulière des matériels d’application avec un intervalle de 5 ans jusqu’en 2020, et de 3 ans ensuite, l’interdiction de la pulvérisation aérienne sauf dérogation Encadrée, la mise en place de restriction ou d’interdiction d’utilisation des pesticides dans certaines zones spécifiques (milieu aquatique, eaux potables, lieux publics…), la mise en place d’indicateurs de risques harmonisés. La régulation EC83/1988 établit les normes de 0.1µg/l par molécule et 0.5 µg/l pour l’ensemble des molécules dans l’eau destinée à consommation humaine. La régulation 396/2005 établit quant à elle les normes sur les résidus de pesticides dans les produits destinés à l’alimentation.

Matériels de traitement : la Directive 2009/127/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009

introduit des exigences de protection de l’environnement applicables à la conception et à la construction de machines neuves destinées à l’application de produits phytopharmaceutiques. Les machines devront satisfaire à ces exigences avant leur mise sur le marché. De plus, la directive cadre introduit des exigences d’inspection et d’entretien à effectuer sur ces matériels. Ces dispositions sont applicables depuis le 15 décembre 2011.

Statistiques : le Règlement (CE) no 1185/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009

relatif aux statistiques sur les pesticides (JOUE L324 du 10 décembre 2009) établit un cadre commun pour la production systématique de statistiques communautaires concernant la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Malgré toutes les actions mises en place, le recours aux produits phytosanitaires –au niveau national- a augmenté de 5 % en moyenne entre 2009 et 2013 (Anses, 2016). La modification des systèmes

agricoles qui s’avérait nécessaire, systèmes plus durables, plus diversifiées et utilisant moins d’intrants, systèmes en agriculture biologique, n’est pas aisée à mettre en place (Butault et al, 2011). Hossard et al (2017) font un bilan de l’utilisation des pesticides sur sept principales cultures en France et concluent que malgré des variabilités territoriales, il n’y a pas de preuve flagrante d’une baisse d’utilisation des pesticides depuis 2001 sur ces cultures, à l’exception du blé tendre.

III.4 Les pratiques mises en cause et les mesures envisagées pour