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1. Quand et pourquoi ?

Le point de contrôle de réplication est activé en réponse à un blocage prolongé des fourches de réplication (Paulovich and Hartwell, 1995), la plupart du temps suite à une rencontre avec des lésions de l’ADN. Ces lésions peuvent avoir été introduites directement en phase S, ou plus tôt dans le cycle. Dans ce dernier cas, elles auraient échappé au point de contrôle G1/S, comme c’est par exemple le cas pour les pontages inter-brins difficilement reconnaissables par la cellule en dehors de la réplication. Quelle qu’en soit l’origine, l’activation du point de contrôle de réplication va donner du temps à la cellule pour réparer les lésions de l’ADN avant de relancer les fourches de réplication (Figure 7). De plus, la réplication consommant beaucoup d’énergie, le point de contrôle veille aussi à l’état de l’environnement extérieur. Par exemple, il est activé quand les cellules sont en situation d’hypoxie, même en absence de dommages de l’ADN (Hammond et al., 2002; Hammond et al., 2003). Un autre point de contrôle est activé en phase S en réponse à des cassures double brin hors des fourches : c’est le point de contrôle intra-S, que nous ne détaillerons pas dans cette étude. L’activation du point de contrôle de réplication dépendant essentiellement d’un blocage des fourches, il est possible de la provoquer par une inhibition des composants du réplisome. Deux drogues sont fréquemment utilisées pour ce faire : l’hydroxyurée, qui provoque une déplétion des dNTP en inhibant la ribonucléotide réductase, et l’aphidicoline, qui inhibe les ADN polymérases.

2. Notion de seuil

Le paramètre important à considérer lors de l’activation du point de contrôle de réplication est la durée du blocage subi par les fourches de réplication, pour deux raisons. Certaines lésions peuvent être franchies par les fourches de réplication sans nécessiter de réparation particulière (cf. partie C) ; l’activation du point de contrôle est donc inutile dans ce cas. Par contre, certaines lésions ne peuvent pas être franchies facilement par les fourches de réplication, ce qui implique une réparation afin de relancer ces dernières.

Figure 7. Traitement par la cellule d’une lésion ou d’une région de l’ADN interférant avec la réplication.

En phase S normale, les fourches de réplication peuvent être amenées à ralentir leur progression à certains sites du génomes, dits « sites fragiles » (Deshpande and Newlon, 1996; Takeuchi et al., 2003), que nous avons décrit précédemment. Là encore, l’activation intempestive du point de contrôle entraînerait un ralentissement considérable du cycle cellulaire. Ceci implique qu’un seuil d’activation existe. Ce seuil est mis en évidence par un traitement à l’hydroxyurée : il y a en effet une corrélation entre le nombre de fourches actives au moment du traitement et l’intensité du point de contrôle (Shimada et al., 2002). Cela signifie que suite à un blocage des fourches de réplication, le signal mais aussi le seuil d’activation du point de contrôle partent des fourches bloquées elles-mêmes.

3. Mécanismes moléculaires de l’activation

Il a été montré que l’ADN simple brin, quand il s’accumule aux fourches de réplication, constitue un signal d’activation du point de contrôle de réplication (Costanzo et al., 2003; Garvik et al., 1995). Chez S. cerevisiae, une cellule en réplication normale peut accumuler une longueur de 300 nucléotides d’ADN simple brin ; un traitement des cellules à l’hydroxyurée provoque une augmentation de cette longueur à environ 500 nucléotides pour activer le point de contrôle. Cette longueur serait atteinte à partir d’environ 50 fourches de réplication bloquées (Sogo et al., 2002).

L’ADN simple brin généré au niveau des fourches de réplication est recouvert par RPA (cf. partie A). Logiquement, l’accumulation entraîne une accumulation corrélée de RPA au niveau des fourches (Byun et al., 2005; Tercero et al., 2003; Zou and Elledge, 2003). En utilisant un système « cell free » dérivé d’œufs de Xénope, Byun et al. ont montré que cette accumulation d’ADN simple brin et de RPA au niveau de la fourche nécessite un découplage entre l’hélicase réplicative MCM et les ADN polymérases.

L’ADN simple brin recouvert par RPA permet de recruter non seulement la kinase ATR via sa sous unité régulatrice ATRIP (Zou and Elledge, 2003), mais aussi le complexe RAD17-RFC(2-5) qui à son tour recrute le complexe RAD9-RAD1-HUS1 (complexe 911) (Zou et al., 2002) (Figure 8). Ce type de recrutement est analogue à celui de PCNA par RFC (cf. partie A). Les fixations sur la chromatine du complexe 911 et d’ATR sont indépendantes, mais toutes deux nécessaires pour une pleine activation du point de contrôle (Zou et al., 2002). Ces

Figure 8. Activation du point de contrôle de réplication par la voie ATR-CHK1. La

synthèse du brin retardé se fait de manière discontinue, sous la forme de fragments d’Okasaki. La polymérase réplicative déplace, lorsqu’elle la rencontre, l’amorce d’ARN synthétisée par la primase. Cette amorce est ensuite clivée par l’endonucléase FEN1, puis les fragments d’Okasaki sont ligués par une ADN ligase. Si une lésion est présente en face du brin retardé, elle n’entraînera donc pas de blocage de la fourche. Par contre, la rencontre d’une lésion par le brin leader provoque le blocage de la polymérase et son découplage de l’hélicase. Ce découplage entraîne une accumulation au niveau de la fourche d’ADN simple brin et de RPA, augmentant le recrutement des complexes ATR-ATRIP, RAD17-RFC(2-5) et RAD9-RAD1-HUS1 (911), qui s’associent constitutivement à la fourche de réplication via RPA. Leur accumulation permet la phosphorylation de CHK1 par ATR et l’activation du point de contrôle de réplication.

protéines font partie de la catégorie des détecteurs parmi les nombreuses protéines impliquées dans l’activation du point de contrôle de réplication (Tableau 2), qui se traduit par la phosphorylation de la kinase CHK1 par ATR, sur deux sérines situées dans la partie C-terminale de CHK1 (Bao et al., 2004). La phosphorylation par ATR et l’activation de CHK1 après un stress réplicatif requièrent aussi la présence d’une protéine médiatrice, la claspine (Guo et al., 2000; Lin et al., 2004). Enfin, chez l’homme, MCM7 participerait aussi à l’activation du point de contrôle de réplication, grâce à des interactions avec RAD17 d’une part (Tsao et al., 2004), et ATRIP d’autre part (Cortez et al., 2004).

4. Activité basale du point de contrôle

La claspine est chargée sur la chromatine indépendamment de RPA (Lee et al., 2003) et participe aussi à la réplication normale en absence de stress, car sa suppression cause une baisse de la prolifération cellulaire (Lin et al., 2004). Comme la claspine, les protéines du point de contrôle de réplication (comme ATR ou les complexes RAD17-RFC(2-5) et 911) sont associées aux fourches en progression en absence de stress réplicatif ; ceci caractérise l’activité basale du point de contrôle de réplication, qui intervient lors des ralentissements ou des blocages transitoires des fourches de réplication. Lorsqu’un blocage prolongé survient, c’est leur accumulation qui permet l’activation du point de contrôle de réplication, expliquant ainsi la notion de seuil évoquée plus haut.

5. Limitations au modèle d’activation du point de contrôle

Le modèle d’activation du point de contrôle de réplication que nous venons de décrire repose sur l’accumulation de RPA au niveau des fourches bloquées, suite à un découplage entre le complexe MCM et les ADN polymérases. Dans ce cas, comment expliquer la légère activation du point de contrôle suite à un traitement des cellules par des agents pontant de l’ADN (Pichierri and Rosselli, 2004)? En effet un pontage inter-brins est supposé bloquer aussi l’hexamère MCM, et en théorie ne pas provoquer l’accumulation d’ADN simple brin. On peut penser que c’est la prise en charge des fourches bloquées par des pontages inter-brins qui entraîne cette accumulation d’ADN simple brin, déclenchant ainsi le point de contrôle. C’est par exemple le cas pour certaines lésions induites par les UV, dont les intermédiaires de réparation génèrent de l’ADN simple brin reconnu par RPA et ATR (Zou and Elledge, 2003). Cependant, il existe pour les pontages inter-brins une voie spécifique que nous détaillerons plus loin, la voie Fanconi Anemia, qui semble être responsable de

l’activation du point de contrôle de réplication lorsque les fourches de réplication rencontrent de tels pontages.

D’autres données chez S. cerevisiae sont aussi en contradiction avec le modèle énoncé précédemment. En effet, des mutants pour la grande sous unité de RPA, Rpa1, ne sont que partiellement déficients pour l’activation du point de contrôle de réplication (Lucca et al., 2004). Cette observation est à relier avec celle montrant que les ADN polymérases α et ε sont toutes les deux requises pour activer ce point de contrôle (Bhaumik and Wang, 1998; Navas et al., 1995; Tan and Wang, 2000). Leur fonction, tout du moins pour la polymérase ε, pourrait reposer sur la partie C-terminale de la sous unité catalytique de l’holoenzyme. En effet, ce domaine est dépourvu d’activité catalytique, mais est nécessaire pour la viabilité des levures (Feng and D'Urso, 2001). On peut ainsi imaginer une deuxième voie d’activation du point de contrôle via une détection directe du blocage des fourches par les polymérases. Cette voie pourrait coopérer avec la voie ATR-CHK1 pour une réponse complète à un stress réplicatif.