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Chapitre 2 : Matériel et méthodes

I. ACQUISITION DES DONNÉES

Les formations éoliennes sont disséminées dans le bassin versant du Rhône qui s’étend sur une superficie totale de 98 500 km². Dans le cadre de ce travail, il n’était donc pas envisageable de cartographier manuellement l’ensemble des dépôts éoliens, ni de prospecter l’ensemble du territoire à la recherche de coupes stratigraphiques à décrire et à échantillonner. Nous nous sommes focalisés sur les secteurs localisés à une altitude inférieure à 500 m d’altitude, excluant les zones montagneuses dont la plupart étaient couvertes de glace durant le Dernier Glaciaire. Malgré cette limitation, la zone d’étude n’en restait pas moins vaste nécessitant la mise en place de plusieurs étapes préliminaires, indispensables au bon déroulement de la prospection à venir :

1) La compilation de l’ensemble des coupes décrites dans la littérature, qui inclut les articles de revue, les thèses de doctorat, les mémoires de Master, les rapports d’archéologie préventive d’opérateurs publics (présents dans le catalogue Dolia pour l’Inrap : http://dolia.inrap.fr) ou privés (Paléotime, en collaboration avec M. Rué, A. Ajas et C. Recq) et les notes explicatives associées aux cartes géologiques au

1/50 000e (disponibles sur http://infoterre.brgm.fr/). Les coupes sans descriptions

précises et sans dessins ni photographies n’ont pas été prises en compte.

2) La géolocalisation des coupes retenues dans un système d’information géographique (SIG). Lorsque les données géographiques (en X, Y) étaient disponibles, nous les

avons converties en degrés décimaux (e.g., Mazenot, 1956 ; Dubar, 1979). Cependant,

la plupart des coupes ont été décrites il y a plusieurs décennies et les coordonnées géographiques sont rarement mentionnées. Bien souvent, il a donc fallu effectuer un géoréferencement de cartes publiées pour en extraire les coordonnées géographiques approximatives des coupes à l’instar des études de Bonifay (1962) ou d’Ambert (2013).

3) En complément des coupes identifiées dans la littérature, une analyse détaillée des photographies aériennes de l’IGN (disponibles sur Google Earth ou Géoportail) des

formations éoliennes signalées dans la carte géologique harmonisée au 1/50 000e du

BRGM (Bd Charm-50 ; http://infoterre.brgm.fr) a été réalisée dans le but de trouver de nouveaux affleurements. Il s’agissait ici de repérer les carrières abandonnées ou en activités présentes dans les dépôts éoliens ainsi que les glissements de terrains récents, les vallons, rivières ou les routes et chemins recoupant ces formations. Afin de gagner du temps, l’usage de Google Maps fut systématique afin de repérer des affleurements

prometteurs (cf. Fig. 2.1) et d’en exclure d’autres.

4) La Banque du Sous-Sol (BSS ; http://infoterre.brgm.fr/) comprenant tous les ouvrages souterrains nationaux (forages, sondages, puits) a été utilisée pour estimer l’épaisseur des lœss (« limon des Dombes ») sur le plateau des Dombes afin de localiser les secteurs favorables à la réalisation de sondages à la tarière (cf. Fig. 2.2). En effet,

l’absence de coupes identifiées sur ce plateau morainique largement recouvert de limons éoliens rend impossible un prélèvement manuel des échantillons.

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Figure 2.1 : Illustration de la stratégie adoptée pour découvrir de nouveaux affleurements en utilisant les clichés Google Earth et Google Maps. A,B) Repérage d’une route (départementale D22) passant à proximité d’un épandage de lœss (notés Oe). La délimitation des lœss (polygone vert) a été extraite et importée en .kmz sur Google Earth à partir de la carte géologique harmonisée au 1/50 000e du BRGM (Bd Charm-50 ; http://infoterre.brgm.fr). C) Utilisation de Google Maps pour observer la zone repérée sur Google Earth qui aboutit à la découverte d’un potentiel affleurement apparaissant clairement sur la photographie dans le rectangle blanc. Il s’agit d’une ancienne carrière de lœss située non loin du village de Baix (Ardèche, 44.710°N, 4.723°E).

Suite à ces travaux préliminaires, nous nous sommes focalisés sur les secteurs à faible distance du Rhône, la région lyonnaise, le sud de l’Ardèche, le nord du Gard et le plateau des Dombes. Les affluents du Rhône dont de grandes rivières comme la Saône, l’Isère ou la Durance n’ont pas été prospectés de manière systématique. Les terrasses alluviales des Costières du Gard et de la Crau n’ont pas livré d’affleurements naturels exploitables en raison de l’abandon de la plupart des carrières, et ce en dépit de la présence de dépôts éoliens souvent signalés dans la littérature ou lors de fouilles archéologiques. La stratégie de prospection qui s’est déroulée durant les deux premières années de thèse (2016-2018) a été orientée dans plusieurs directions :

1) Lorsque cela était possible, visite des carrières situées dans les secteurs sélectionnés et des nouveaux affleurements repérés en bord de route ou naturels (ravins, glissements de terrains, etc.).

2) Visite des coupes décrites dans la littérature et extension des recherches dans les environs immédiats.

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3) Participation à divers chantiers de sondages ou de fouilles archéologiques dans les lœss (Inrap, Paléotime, Service Régional d’Archéologie).

4) Sondage à la tarière dans les secteurs comportant des lœss cartographiés mais sans

affleurements accessibles (Fig. 2.2).

Sur le terrain, les principales coupes stratigraphiques ont fait l’objet de prélèvements pour la sédimentologie (granulométrie laser) et la géochimie. Après le nettoyage manuel de la coupe, un ou plusieurs échantillons (~300 à 400 g de sédiments) représentatifs ont été prélevés sous l’horizon B du sol holocène. En plus des échantillons de lœss ou de sables éoliens, leurs sources potentielles, notamment les limons de la plaine d’inondation du Rhône et de ses

principaux affluents, ont été systématiquement prélevés (cf. Chapitre 4). Lors de la

prospection, les parcelles contenant de nombreux galets éolisés (ventifacts) ont également été géolocalisées. Les formes de reliefs éoliens (dépressions, couloirs linéaires, etc.) ont été inventoriées à l’aide du Modèle Numérique de Terrain (MNT) RGE ALTI® avec une précision de 5 m développé par l’Institut Géographique National (IGN) (http://professionnels.ign.fr/), complété par l’utilisation de la BD ALTI® 25 m dans les

secteurs géographiques où le premier n’était pas disponible (cf. Chapitre 3).

L’ensemble des données a été stocké dans un système d'information géographique sur ArcGIS 10.5 (ESRI). Une illustration de faciès sédimentaires rencontrés lors de la prospection de

terrain est présentée à la fin de ce chapitre (Figs. 2.3 et 2.4). En ce qui concerne les détails sur

la préparation des échantillons et les analyses sédimentologiques et géochimiques employées,

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Figure 2.2 : A, B) Localisation de l’ensemble des ouvrages souterrains (cercles blanc) de la banque du Sous-Sol (BSS) présents sur le plateau des Dombes et superposés sur un modèle numérique de terrain (MNT) RGE ALTI® à 5 m de résolution. Les chiffres indiquent les épaisseurs des limons éoliens. Les rides observées sur le MNT correspondent à des moraines tandis que la légère inclinaison du plateau vers le nord-ouest semble favorable aux accumulations de lœss à proximité de la Saône comme le montre le transect NO-SE (C) (indiqué en blanc sur les deux premières cartes). D) Paysage typique des crêtes des Dombes: limons éoliens décalcifiés brunâtres affleurant dans un champ agricole. E) Prélèvement à la tarière d’un échantillon sous l’horizon B à environ 1 m de profondeur (crédit photo : Odile Franc).

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Figure 2.3 : Lœss primaires et datations AMS14C (cf. Chapitre 5). A) Coupe de la carrière de Baix (Ardèche, 44.710°N, 4.723°E) (Crédit photo : Nora Pfaffner). B) Donnât (Gard, 44.172°N, 4.532°E). C) Mauves (Ardèche, 45.042°N, 4.824°E). D) Lœss et colluvions de la carrière de Saint-Paul-les-Durance (Bouches-du-Rhône, 43.688°N, 5.721°E).

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Figure 2.4 : Lœss primaires et secondaires et datations AMS14C (cf. Chapitre 5). A) Sondage réalisé lors d’un diagnostic près de Soyons (Ardèche, 44.887°N, 4.842°E). B) Lœss colluvionnés recouvrant une terrasse alluviale de la Durance près de Pertuis (Vaucluse, 43.682°N, 5.523°E). C) Coupe de lœss remaniés sur le site archéologique Garons Mitra V (Gard, 43.756°N, 4.438°E). D) Alternance de sables lœssiques et lœss sableux dans le poljé de Cuges-les-Pins (Bouches-du-Rhône, 43.262°N, 5.694°E). E) Lœss ruisselés avec de nombreux vestiges anthropiques (briques, céramiques et charbons) près de Neuville-sur-Saône (Rhône, 45.883°N, 4.845°E). F) Lœss brunâtres remaniés et décalcifiés à Barbentane (Bouches-du-Rhône, 43.884°N, 4.756°E).

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I.2. Les bases de données françaises et européennes

En parallèle de la prospection de terrain, plusieurs échantillons de lœss provenant de diverses régions françaises et européennes ont été collectés dans le but de réaliser des analyses granulométriques et géochimiques dans les mêmes conditions que celles effectuées sur les lœss rhodaniens. Certains échantillons proviennent de la « lœssothèque » (gérée par O. Moine et P. Antoine) du laboratoire de Géographie Physique, Environnements quaternaires et actuels

(LGP, UMR 8591) de Meudon (Fig. 2.5A) tandis que d’autres ont été transmis par différents

chercheurs et chercheuses. Enfin, des analyses extraites de plusieurs bases de données ont été utilisées dans le cadre de cette étude.

Base de données française sur les figures périglaciaires pléistocènes

Cette base de données élaborée dans le cadre de la thèse d’E. Andrieux recense de manière exhaustive les figures décrites dans la littérature et celles observées à partir d’une analyse de la couverture photographique aérienne de l’IGN ou en coupe lors de nouvelles prospections sur le terrain. Elle est accessible en ligne sur le site de l’Association Française pour l’Etude du Quaternaire (AFEQ-CNF INQUA) (https://afeqeng.hypotheses.org/487). La base de données comprend des pseudomorphoses de coins de glace, des coins à remplissage sableux, des polygones et des sols striés dont l’origine périglaciaire ne fait aucun doute (Andrieux et

al., 2016a). Dans le cadre de cette étude, nous avons sélectionné uniquement les figurés

périglaciaires identifiés dans le sud-est de la France. Base de données de la texture des sols européens (LUCAS)

Le Land Use and Cover Area frame Statistical survey (LUCAS) est un projet de l’Union Européenne (UE) qui a pour but de collecter des données harmonisées sur les sols des différents pays membres (https://esdac.jrc.ec.europa.eu/). Dans le cadre de ce projet, les analyses de la texture de la couche arable collectées dans cette base de données (Tóth et

al., 2013) fournissent des informations précieuses pour générer une cartographie des dépôts

éoliens (Bertran et al., 2016). La base de données contient la teneur en argile (0 – 0,002 mm), en limon (0,002 – 0,05 mm), en sable (0,05 – 2 mm) et en éléments grossiers (> 2 mm) de 19 857 échantillons prélevés dans la couche arable et couvre l’ensemble du territoire des pays membres de l’UE. Les teneurs ont été extrapolées à une résolution de 500 m à l’échelle continentale en appliquant une régression multivariée par spline adaptative (en anglais MARS pour « Multivariate adaptive regression splines ») (Ballabio et al., 2016). Le traitement effectué sur ArcGIS pour construire une carte prédictive des dépôts éoliens est donné dans le

Chapitre 3.

Base de données de la géochimie des sols européens (GEMAS)

Le Geochemical Mapping of Agricultural and Grazing land Soil (GEMAS) est un projet européen qui a pour but de fournir des données géochimiques harmonisées des sols agricoles labourés et des prairies (https://www.eurogeosurveys.org/projects/gemas/). À travers

l’Europe, la densité des sites d’échantillonnage a été fixée à 1 site par 2500 km2. Pour chaque

site, deux types d’échantillons ont été prélevés : (i) l’échantillon « Ap » dans la couche de labour à une profondeur de 0 à 20 cm et (ii) l’échantillon « Gr » dans un pâturage sous une couverture herbeuse permanente (non cultivé depuis au moins 10 ans). Deux méthodes

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analytiques ont été utilisées pour déterminer la composition géochimique des échantillons : (i) la spectrométrie de masse à plasma à couplage inductif (ICP-MS) après extraction à l’Eau Régale (aqua regia) et (ii) la spectroscopie de fluorescence des rayons X à dispersion de longueur d'onde (WD-XRF). Dans le cadre de cette étude, seuls les échantillons Ap analysés par WD-XRF ont été utilisés car d’après des analyses statistiques, ils semblent de meilleure qualité que ceux obtenus par ICP-MS (Reimann et al., 2014).

Base de données de la géochimie des alluvions européens (FOREGS)

Les résultats d’un programme réunissant 26 pays sous les auspices du Forum of European Geological Surveys (FOREGS) ont été publiés dans un atlas nommé « Geochemical Atlas of Europe » (Salminen et al., 2005). La base de données FOREGS est disponible à l’adresse suivante : http://weppi.gtk.fi/publ/foregsatlas/index.php. Ce programme a pour objectif d’appliquer des méthodes normalisées d’échantillonnage, d’analyse chimique et de gestion des données pour établir une base de référence géochimique sur l’ensemble du continent. Des échantillons d’eau, de sédiments de rivières et de trois horizons de sol (« Humus, topsoil, subsoil ») ont été collectés avec une densité d’un échantillon pour 4700 km². De plus, les 25 premiers centimètres des sédiments de la plaine d’inondation (« floodplain sediment ») ont été prélevés sur 790 sites correspondant chacun à un bassin versant de 1000 km². Un total de 50 éléments chimiques et d’autres paramètres (notamment pH et granulométrie) ont été déterminés sur la fraction granulométrique inférieure à 2 mm. Pour toute information complémentaire sur l’échantillonnage, la préparation et l’analyse des échantillons, le lecteur

est invité à consulter l’atlas publié par Salminen et al. (2005). Aucune donnée géochimique

représentative des roches-mères n’existe pour déterminer l’origine des lœss. Par conséquent, nous avons décidé de suivre l’approche développé par plusieurs auteurs (Muhs & Budahn, 2006 ; Buggle et al., 2008) qui consiste à comparer la composition élémentaire des lœss avec celle des sédiments de la plaine d’inondation de leur bassin versant. Cette approche prend en considération deux points essentiels : (i) les alluvions de la plaine d’inondation constituent une source importante de matériaux limoneux disponibles à la déflation pour former des accumulations de lœss (Smalley et al., 2009) et (ii) contrairement aux sols, ils sont représentatifs de la composition moyenne du bassin versant dans lequel ils sont prélevés. Dans le cadre de cette étude, nous avons donc sélectionné les données correspondant au fichier « floodplain sediment » et utilisé uniquement les analyses par WD-XRF et de fluorescence par dispersion d’énergie (ED-XRF) (pour les mêmes raisons que précédemment évoquées dans le paragraphe sur les données GEMAS).

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