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Chapitre 3. Combining network theory and reaction-advection-diffusion modelling

3. Acquérir une compréhension mécaniste des déplacements

3.1 Compréhension de la dynamique spatiale des déplacements

Dans le chapitre 2, les fonctions de sélection de pas multi-états ont été appliquées à trois jeux de données empiriques de cerfs mulets, de bisons des prairies et de zèbres des plaines pour mieux comprendre la dynamique spatiale des déplacements lors des comportements d’alimentation et migratoire. Ces analyses ont mis en évidence un lien étroit entre l’utilisation relative de l’espace par les individus, leur phase comportementale et l’hétérogénéité du paysage. Je montre par exemple que les bisons se déplacent d’une parcelle

de ressource à une autre en utilisant le réseau de chemins forestiers, en été. Bien que le comportement de sélection des bisons pour les routes soit connu (Bruggeman et al. 2007; Fortin et al. 2009; Sigaud et al. 2017), cette analyse met spécifiquement en évidence l’association entre les routes et la phase de déplacement des bisons lors de leur comportement d’alimentation. Je montre également que pendant la migration printanière, les cerfs sélectionnent des zones productives lors de leurs déplacements migratoires, alors qu’ils sélectionnent des zones exposées au sud, très nutritives, lors de leurs haltes migratoires. Les zèbres, quant à eux, s’éloignent des points d’eaux lorsqu’ils sont campés et s’en approchent quand ils se déplacent. Ce comportement peut être associé au risque de prédation encouru par les zèbres lorsqu’ils se situent proches des points d’eau pendant la saison sèche (Courbin et al. 2016). En effet, les zèbres dépendent fortement des points d’eau artificiels pendant cette saison, fournissant ainsi des zones de chasse préférentielles pour les lions (Panthera leo) (Valeix et al. 2010). Par conséquent, les zèbres quittent rapidement les points d’eau après s’être abreuvés, réduisant ainsi leur temps passé dans ces zones à fort risque de prédation. Cette analyse illustre très clairement que la sélection des ressources peut être spécifique aux phases comportementales de l’espèce. Une analyse de sélection faisant abstraction de ces phases mettrait en évidence une seule réponse comportementale qui serait soit incomplète, soit erronée (l’évitement des points d’eau, leur sélection ou aucun des deux, e.g., Valeix et al. 2009). De plus, le HMM-SSF fournit une quantification de la sélection de l’habitat plus précise puisque les coefficients de sélection sont estimés pour chaque phase comportementale. Dans le cas des bisons et des zèbres, par exemple, le coefficient de sélection des prairies était presque quatre fois plus élevé en mode exploratoire qu’en mode campé et dans le cas des cerfs, le coefficient de sélection pour les zones pentues était trois fois plus élevé en mode exploratoire qu’en mode campé. En conclusion, les fonctions de sélection de pas multi-états fournissent une quantification plus flexible et réaliste de la sélection de l’habitat. Ceci améliore notre compréhension de la dynamique spatiale des déplacements nécessaire à la construction de modèles prédictifs réalistes de l’utilisation de l’espace. Les fonctions de sélection de pas multi-états permettent également d’identifier la sélection ou l’évitement des types d’habitats spécifiques à certains comportements, ce qui peut être utile pour une meilleure gestion ou une meilleure conservation du paysage (e.g., identification de corridors, Chetkiewicz et al. 2006).

La dynamique spatiale des déplacements peut aussi se comprendre d’un point de vue de la connectivité des parcelles de ressources. Dans les chapitres 3 et 4, deux modèles de choix des parcelles ont démontré que 1) l’aire de la parcelle d’arrivée ainsi que 2) la distance entre la parcelle de départ et celle d’arrivée sont deux facteurs importants dans la sélection de la prochaine parcelle à visiter chez le bison des prairies et le caribou des bois (voir aussi Dancose et al. 2011; Lesmerises et al. 2013; Merkle et al. 2014). Chez le caribou des bois, la proportion de perturbations anthropiques récentes (c.-à-d., les coupes ≤ 5ans et les routes) dans un rayon de 2.5 km autour d’une parcelle diminuait également sa probabilité d’être sélectionnée (voir aussi Courbin et al. 2014). Un modèle de choix des parcelles fonctionne sur la même logique qu’une fonction de sélection de pas puisqu’il compare les attributs d’une parcelle visitée (e.g., sa taille, sa distance à une autre parcelle) aux même attributs de plusieurs parcelles disponibles dans un certain rayon (Dancose et al. 2011; Merkle et al. 2014). Il permet d’identifier quels attributs du paysage influencent la dynamique spatiale des déplacements au sein d’un réseau de parcelles de ressources, sans limite sur le nombre de paramètres qui peuvent être estimés (Merkle et al. 2015a, b). Il offre ainsi un outil adéquat et efficace pour paramétrer un modèle mécaniste de l’utilisation de l’espace, tel que le modèle de réaction-advection-diffusion, dans un contexte réseau.

3.2 Compréhension de la dynamique temporelle des déplacements

Les fonctions de sélection de pas multi-états couplées à une analyse de transition d’états ont permis d’évaluer la dynamique temporelle des déplacements chez le bison des prairies (Chapitre 2). En effet, j’ai évalué quels facteurs influencent le passage des bisons de l’état campé (c.-à-d., faible taux de déplacement) à l’état exploratoire (c.-à-d., fort taux de déplacement). L’analyse a montré que les bisons se mettent en déplacement lorsqu’ils sont à l’extérieur d’une prairie. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que les bisons s’alimentent dans les prairies dans lesquelles ils sont campés, puis, lorsqu’ils quittent une prairie, ils passent en mode exploratoire pour atteindre une autre prairie (Fortin et al. 2003; Dancose et al. 2011). La probabilité de transition vers l’état exploratoire variait également au cours du cycle circadien, avec deux pics de transitions au lever et au coucher du soleil, indiquant que les bisons se déplacent souvent pendant ces périodes, en été (voir aussi Fortin et al. 2009).

Les grands herbivores sont parfois crépusculaires, c’est-à-dire qu’ils ont leur pic d’activité au lever et au coucher du soleil, ce qui peut expliquer le patron observé (Cederlund 1989; Beier & McCullough 1990). Les individus pourraient notamment concentrer leurs activités pendant ces périodes pour, par exemple, des raisons de température (températures froides la nuit et chaudes le jour, Beier & McCullough 1990; Schmitz 1991) ou de risque de prédation (Lima & Dill 1990; Loe et al. 2007). Finalement, cette analyse de transition d’états a aussi mis en évidence le comportement de fuite des bisons face à la présence de leur prédateur, le loup gris. La fuite des bisons face au loup n’est pas une réponse comportementale constante ou uniforme, puisque la transition vers l’état exploratoire ne s’opère que lorsqu’un loup est de plus en plus proche dans une zone de forte utilisation par ces prédateurs. La présence de proies alternatives plus petites dans le parc et la taille imposante des bisons pourraient expliquer ce résultat (Meagher 1986; Merkle 2014). Les petites proies étant plus vulnérables à la prédation que les grandes proies (Sinclair et al. 2003), les bisons pourraient ne pas percevoir un danger lorsqu’ils rencontrent un loup dans une zone à faible risque (c.-à-d., faiblement utilisée par les loups), de sorte qu’ils ne fuient pas dans ce contexte-là. Ces résultats illustrent donc comment le HMM-SSF peut être utilisé pour identifier et comprendre la dynamique temporelle des déplacements, souvent difficile à observer et complexe.

La dynamique temporelle des déplacements peut aussi s’évaluer à partir du temps passé par les individus dans leurs parcelles de ressources. Mes analyses de temps de résidence pour les bisons et les caribous (Chapitres 3 et 4), ont démontré que les deux espèces restaient plus longtemps dans les grandes parcelles. Les caribous restaient aussi moins longtemps à mesure que le taux de perturbation autour de la parcelle augmentait (voir aussi Courbin et al. 2014). Un modèle de temps de résidence permet d’identifier quels attributs du paysage influencent la dynamique temporelle des déplacements au sein d’un réseau de parcelles de ressources et offre ainsi un outil adéquat et efficace pour paramétrer un modèle mécaniste de l’utilisation de l’espace, tel que le modèle de réaction-advection-diffusion, sans limite sur le nombre de paramètres qui peuvent être testés (Courbin et al. 2014; Tardy et al. 2018).

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