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Chapitre 2 Alimentation et maladies cardiovasculaires

2.3 Acides gras oméga-3 et risque cardiométabolique

2.3.1 Acides gras oméga-3 et facteurs de risque cardiométabolique

Facteurs de risque de type lipidique

Le tableau 2.4 présente un résumé des effets des AGn3-LC en comparaison avec d’autres agents hypotriglycéridémiants (c.-à-d. niacine et fibrates) et hypocholestérolémiants (c.-à-d. statines, résines, ezitimibe et inhibiteurs de PCSK9) sur les concentrations sanguines de triglycérides, C-LDL et C-HDL.

Tableau 2.4 Effets de différents agents hypolipémiants sur les concentrations sanguines de triglycérides, C-

LDL et C-HDL

Agent Changement triglycérides (%) Changement C-LDL (%) Changement C-HDL (%)

AGn3-LC (EPA+DHA) ß 20-50 Ý/Û Ý/Û Niacine ß 20-50 ß 5-25 Ý 15-35 Fibrates ß 20-50 Ý/ß 0-20* Ý 6-20 Statines ß 7-40 ß 18-60 Ý 3-15 Résines Ý/Û ß 10-30 Ý 3-5 Ezetimibe ß 4-11 ß 17-22 Ý 2-5 Inhibiteurs de PCSK9 ß 7-17 ß 54-74 Ý 4-9

Adapté de (125-127). *Les fibrates peuvent augmenter le C-LDL chez certains individus hypertriglycéridémiques. Ý : augmente; Û : pas d’effet; ß : diminue.

Les AGn3-LC sont reconnus pour diminuer les concentrations sanguines de triglycérides jusqu’à 50% et de façon proportionnelle à la dose administrée et aux concentrations de triglycérides de départ (7, 122, 125). L’effet des AGn3-LC sur le métabolisme des lipides n’est pas encore totalement compris, mais les études de la cinétique in vivo des lipoprotéines ont montré que la diminution des triglycérides était due à la fois à une réduction du PR l’apo B100 des VLDL et à une augmentation de la conversion de l’apo B100 des VLDL en LDL (128, 129). La figure 2.3 présente les mécanismes potentiels qui permettraient d’expliquer la diminution des triglycérides par les AGn3-LC. La diminution de la production des VLDL au foie pourrait en partie être expliquée par une diminution de l’expression du « sterol regulatory element-binding protein 1c (SREBP1c) » (125, 130). Cette diminution de l’expression aurait pour effet de diminuer l’activité de l’acide gras synthase (FAS) et de l’acétyl-CoA carboxylase (ACC) qui sont des enzymes qui participent à la lipogenèse au foie (125, 130). Les AGn3-LC semblent également diminuer l’activité de la diacylglycérol O-acyltransférase (DGAT) qui catalyse l’étape finale de la synthèse de triglycérides au foie (125, 130). La diminution des triglycérides peut également être expliquée par l’activation de PPAR-a, ce qui augmente la b-oxydation des acides gras au foie et réduit la concentration des substrats nécessaires pour la synthèse de triglycérides (125, 131). Les AGn3-LC pourraient également entraîner la dégradation de l’apo B100 nouvellement synthétisée dans le réticulum endoplasmique des hépatocytes (125, 131) en partie par un effet sur le récepteur LDL (30, 31). Les AGn3-LC diminueraient les concentrations d’apo CIII et augmenteraient l’expression et l’activité de la LPL, une enzyme responsable de l’hydrolyse des triglycérides dans les VLDL qui conduit à la production de LDL dans le plasma (125, 132). Cet effet sur la LPL peut expliquer à la fois la diminution des concentrations sanguines de triglycérides et l’augmentation des concentrations de C-LDL parfois observées suite à une supplémentation en AGn3-LC (125, 132). Les AGn3-LC semblent également entraîner la production de VLDL de plus petite taille qui sont précurseurs de LDL comparativement aux VLDL de plus grande taille (133).

Figure 2.3 Mécanismes sous-jacents à la diminution des concentrations de triglycérides sanguins en réponse

à une supplémentation en acides gras oméga-3 polyinsaturés à longue chaîne

Adapté de (134). Traduction libre. Abréviations : apo, apolipoprotéine ; DGAT, diacylglycérol O-acyltransférase ; LDL, lipoprotéine de faible densité ; LPL, lipoprotéine lipase ; VLDL, lipoprotéine de très faible densité.

En ce qui concerne l’effet individuel du DHA et de l’EPA, il a été montré que la diminution des concentrations de triglycérides dans le sang est plus importante en réponse à la supplémentation en DHA qu’en EPA (D-6,14 mg/dL (0,069 mmol/L), IC à 95% -2,47 à -9,82 mg/dL) (9, 10). Il y a actuellement très peu d’études qui permettent de comparer les effets de l’EPA et du DHA sur les mécanismes qui sous-tendent ces différences.

Les évidences provenant des méta-analyses montrent qu’une supplémentation en AGn3-LC influencerait peu ou pas les concentrations sanguines de C-LDL (7). Toutefois, cet effet neutre serait probablement dû au fait que les suppléments d’AGn3-LC contiennent habituellement une plus grande proportion d’EPA que de DHA. En effet, le DHA augmente les concentrations de C-LDL comparativement à l’EPA (D+4,63 mg/dL (0,12 mmol/L), IC à 95% +2,15 à+ 7,10 mg/dL) (9, 10). L’EPA aurait des effets plutôt neutres ou augmenterait légèrement les concentrations de C-LDL dans le sang (9, 10). Le DHA tend à diminuer les concentrations sanguines d’apo CIII comparativement à l’EPA, ce qui pourrait en partie expliquer la plus grande diminution des concentrations de triglycérides et également contribuer à la formation de particules LDL de plus grande taille avec le DHA (11, 135, 136). Le DHA et l’EPA auraient des effets similaires sur l’activité de la LPL (137). Il a été observé chez l’animal que le DHA, mais pas l’EPA, diminuait l’expression des récepteurs LDL au foie, mais les études chez les humains montrent des résultats plutôt hétérogènes (138).

Diminution de la lipogenèse hépatique Inhibition de la DGAT Acide gras

Triglycéride synthèse et de la Réduction de la sécrétion de VLDL LDL Augmentation de l’activité de la LPL Diminution de l’apo CIII et du contenu en triglycérides Augmentation de la b-oxydation VLDL

Les AGn3-LC semblent pouvoir légèrement augmenter les concentrations de C-HDL dans le sang (7), mais cette augmentation serait plus importante avec le DHA qu’avec l’EPA (D+3,74 mg/dL (0,097 mmol/L), IC à 95% +2,42 à +5,05 mg/dL) (9, 10). Il y a actuellement très peu d’études qui permettent de comparer les effets de l’EPA et du DHA sur les mécanismes qui sous-tendent ces différences.

Selon une étude clinique menée chez 92 femmes en santé, une supplémentation de 2,2 g d’AGn3-LC par jour durant 12 semaines diminuerait les concentrations sanguines de PCSK9 comparativement à l’huile de carthame (139). Des analyses secondaires de l’étude Canola Oil Multicenter Intervention Trial (COMIT) menée chez 54 participants à risque d’évènements cardiovasculaires a montré que la consommation d’une huile de canola enrichie en DHA diminuait les concentrations sanguines de PCSK9 comparativement à une huile de canola régulière (140). Des études supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes sous- jacents à ces changements.

Facteurs de risque de type inflammatoire

L’EPA et le DHA présents dans le corps permettent la production d’eicosanoïdes qui sont entre autres des médiateurs de l’inflammation (141). L’EPA et le DHA pourraient donc exercer des effets anti-inflammatoires dans le corps. L’EPA et le DHA exerceraient également leurs effets anti-inflammatoires en prenant la place de l’acide arachidonique (AA, C20 :4n6) dans la membrane des cellules (122). L’AA est un acide gras polyinsaturé oméga-6 qui permet la production d’eicosanoïdes ayant des effets pro-inflammatoires (141). Les résultats d’une méta-analyse publiée en 2014 comprenant les données de 68 études cliniques randomisées menées chez plus de 4000 individus ont montré que les AGn3-LC diminuaient les concentrations sanguines de CRP, d’IL-6 et de TNF-a chez des individus en santé et avec une maladie chronique telle qu’une maladie coronarienne ou une hypercholestérolémie (142). Les AGn3-LC augmenteraient également les concentrations sanguines d’adiponectine (143). Peu d’études ont été menées afin de comparer les effets de l’EPA et du DHA sur les marqueurs de l’inflammation systémique jusqu’à maintenant. Mori et ses collaborateurs ont observé qu’une supplémentation de 4 g d’EPA ou de DHA par jour (esters d’éthyle, pureté de 96%) durant 6 semaines n’avait pas d’effet sur les concentrations de CRP, d’IL-6 et de TNF-a chez 59 individus avec un diabète de type 2 en comparaison avec un témoin d’huile d’olive (11). De façon similaire, Tsunoda et ses collaborateurs n’ont pas observé d’effet d’une supplémentation de 1,8 g par jour de DHA ou d’EPA durant six semaines sur les concentrations sanguines de CRP en comparaison avec un témoin d’huile d’olive chez 50 participants en santé (12). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette discordance entre l’effet observé avec l’EPA et le DHA combiné comparativement à leur effet individuel. La dose utilisée, la durée de l’intervention, la taille de l’échantillon et l’état de santé des participants sont quelques facteurs qui peuvent influencer la réponse à une supplémentation en EPA et en DHA.

2.3.2 Acides gras oméga-3 et risque d’évènements cardiovasculaires et de