• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 Alimentation et maladies cardiovasculaires

2.2 Acides gras oméga-3

2.2.1 Métabolisme des acides gras oméga-3

Les acides gras polyinsaturés oméga-3 (AGn3) font partie de la famille des acides gras polyinsaturés. Comme leur nom l’indique, ils présentent une double liaison sur le troisième carbone à partir du groupement méthyle (- CH3) de leur chaîne carbonée. L’acide a-linolénique (C18 :3n3) est un AGn3 essentiel retrouvé dans les sources

alimentaires végétales telles que les noix de Grenoble, l’huile de canola, l’huile de soja, les graines de lin, les graines de chia et les graines de chanvre. Tel que présenté à la figure 2.1, le corps humain peut convertir l’acide a-linolénique provenant de l’alimentation en EPA, en acide docosapentaénoïque (DPA, C22 :5n3) et en DHA grâce à l’action de la D6-désaturase, la D5-désaturase, d’élongases et de la b-oxydation dans le foie (107). Les DHA peut également être reconverti en EPA par b-oxydation (107).

Figure 2.1 Métabolisme in vivo des acides gras polyinsaturés oméga-3

Adapté de (107).

Les désaturases sont des enzymes qui permettent de créer une double liaison sur la chaîne carbonée (sur le sixième et sur le cinquième carbone à partir du groupement hydroxyle pour la D6-désaturase et la D5- désaturase respectivement), alors que les élongases allongent la chaîne carbonée en y ajoutant deux carbones à la fois. Théoriquement l’acide a-linolénique peut être métabolisé en EPA, en DPA et en DHA. Les études ont toutefois montré que la conversion en EPA est de moins de 8% chez les hommes et d’environ 20% chez les femmes (108, 109). La conversion de l’acide a-linolénique en DPA est d’environ 8% chez les hommes et de 6% chez les femmes (108, 109) et la conversion en DHA est de moins de 1% chez les hommes et d’environ 9% chez les femmes (108, 109). Il a également été montré qu’une augmentation de l’apport en EPA et de DHA provenant de l’alimentation diminuait leur synthèse in vivo à partir de l’acide a-linolénique, probablement via l’activation du peroxisome proliferator-activated receptor alpha (PPAR-a) qui inhibe la transcription de l’D6- désaturase (110). Une grande proportion de l’acide a-linolénique est aussi utilisée pour produire de l’énergie dans le corps (107). Ainsi, bien qu’ils ne soient pas considérés comme des acides gras essentiels, les AGn3- LC (c.-à-d. EPA, DPA et DHA) retrouvés dans le corps proviennent presque exclusivement de l’alimentation.

C18 :3 (acide a-linolénique) C18 :4 C20 :4 C20 :5 (acide eicosapentaénoïque) C22 :5 (acide docosapentaénoïque) C24 :5 C24 :6 C22 :6 (acide docosahexaénoïque) D6-désaturase Élongase D5-désaturase Élongase Élongase b-oxydation D6-désaturase

2.2.2 Recommandations alimentaires pour les acides gras oméga-3 chez la

population en santé

Les recommandations nutritionnelles chez l’adulte pour l’atteinte et le maintien d’une bonne santé sont de 0,6 à 1,2% de l’énergie totale en acide a-linolénique (ce qui correspond à 1,3 et 2,7 g par jour pour un apport de 2000 kilocalories) (111). L’apport alimentaire en acide a-linolénique des Nord-Américains est de 1,1 à 1,6 g par jour (112), ce qui est suffisant selon les recommandations.

Les AGn3-LC se retrouvent principalement dans les produits marins tels que les algues et les poissons « gras » comme le saumon, le maquereau, le hareng et les sardines. Le tableau 2.3 présente la composition en EPA, en DPA et en DHA de différents aliments.

Tableau 2.3 Composition en EPA, DPA et DHA des divers aliments de source marine (par portion de 75 g)

Aliment EPA (g) DPA (g) DHA (g)

Saumon, atlantique, élevage, cuit au four 0,518 0,269 1,093

Sardines, dans l’huile, égouttées 0,355 0,000 0,382

Thon blanc, dans l’eau, égoutté 0,175 0,014 0,472

Crevettes, bouillies 0,101 0,009 0,026

Morue, atlantique, cuite au four 0,003 0,010 0,116

Données tirées du Fichier canadien sur les éléments nutritifs de 2015, Santé Canada.

Comme on peut le constater, les aliments riches en EPA et en DHA contiennent peu de DPA, à l’exception du saumon. Il a d’ailleurs été montré que le DPA retrouvé dans le corps provient presque exclusivement de la conversion de l’EPA en DPA (113). Bien que les effets du DPA sur la santé suscitent de plus en plus d’intérêt en recherche (114), nous nous intéresserons principalement à l’EPA et au DHA dans les prochaines sections. Les Canadiens atteignent les recommandations nutritionnelles en acide a-linolénique, mais il semblerait que leur statut en AGn3-LC ne soit pas optimal. En effet, selon les données de l’Enquête canadienne sur les mesures de santé de 2012 et 2013, l’Indice Oméga-3 moyen des Canadiens est de seulement 4,5% [IC à 95% 4,2 à 4,8%] (115). L’Indice Oméga-3, développé par Harris et ses collaborateurs, est un indice du statut en EPA et en DHA chez l’humain et a été inversement associé au risque de décès par maladie coronarienne (5, 116, 117). Il est calculé en effectuant la somme de la composition des globules rouges en EPA et en DHA (en % des acides gras totaux) (116). Il a été observé qu’une valeur de 4% ou moins était associée à un risque élevé d’évènements coronariens, une valeur de plus de 4% à moins de 8% à un risque modéré et une valeur de 8% ou plus à un risque faible (116). Par exemple, comparativement à la catégorie de risque élevé (c.-à-d. 4% ou plus), la catégorie de risque faible (c.-à-d. 8% ou plus) a été associée à une diminution du risque de décès par maladie coronarienne jusqu’à 90% (116). Un Indice Oméga-3 d’environ 8% peut être atteint par la consommation de

plus de 0,5 g d’EPA+DHA par jour, ce qui correspond à environ deux portions de 75 g de poisson par semaine, dépendamment du type de poisson (116).

Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015, la consommation moyenne de poisson (incluant le poisson gras, le poisson maigre et les fruits de mer) des adultes canadiens est de 6,1 g par jour, ce qui correspond à moins d’un repas par mois (résultats non publiés). Toujours selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015, 62,3% des adultes canadiens consomment moins deux portions de poisson par semaine (données non publiées). Environ 5% des adultes canadiens consomment habituellement une portion de poisson gras par semaine et 0% consomme habituellement deux portions de poisson gras par semaine (données non publiées). Enfin, 12,8% des adultes canadiens consomment habituellement des suppléments d’AGn3-LC contenant de l’EPA et du DHA (données non publiées). À noter qu’il n’y a actuellement pas d’évidence scientifique qui appuie une recommandation de supplémentation en AGn3-LC chez la population en santé afin de réduire le risque de maladies cardiovasculaires (118).

2.2.3 Les différents types de suppléments d’acides gras oméga-3

Les suppléments retrouvés sur le marché et utilisés dans les études peuvent contenir des proportions variables d’EPA et de DHA. Les suppléments peuvent également contenir d’autres composés ainsi que d’autres types d’acides gras en différentes proportions (119). L’EPA est habituellement retrouvé en plus grande proportion que le DHA, majoritairement sous la forme d’un ratio de 3 :2 (119). Les proportions d’EPA et de DHA sont toutefois très variables entre les études. L’EPA et le DHA peuvent aussi se trouver sous différentes formes, les plus fréquentes étant les triglycérides réestérifiés et les esters d’éthyle. Dus à leur grande susceptibilité à l’oxydation, les AGn3-LC sont rarement retrouvés sous la forme d’acides gras libres dans les suppléments (8). Les triglycérides réestérifiés sont plus biodisponibles et donc mieux absorbés que les esters d’éthyle (8). La prise d’un repas simultanément à la prise du supplément augmente la biodisponibilité des esters d’éthyle, mais n’aurait pas d’effet sur la biodisponibilité des triglycérides réestérifiés (8). Il a également été démontré que l’incorporation de l’EPA et du DHA dans la membrane des globules rouges s’effectue de manière dose- dépendante (120).

Bien que la majorité des suppléments retrouvés sur le marché et utilisés dans les études contiennent à la fois de l’EPA et du DHA, de plus en plus d’évidences montrent que ces deux AGn3-LC auraient des effets différents sur les facteurs de risque cardiométabolique (9, 10). Les effets individuels de l’EPA et du DHA sous la forme de suppléments seront discutés dans les prochaines sections. Leurs effets lorsqu’ils sont consommés