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Accord de phase par biréfringence de forme

1.4 Stratégies d’accord de phase en guides d’ondes AlGaAs

1.4.3 Accord de phase par biréfringence de forme

Une dernière stratégie d’accord de phase dans les guides d’ondes en (Al)GaAs consiste à rendre le matériau artificiellement biréfringent à l’échelle de l’onde qui se propage dans le guide. Cette technique, appelée biréfringence de forme, repose sur le fait qu’un matériau structuré à une échelle sub-longueur d’onde est similaire à un matériau homogène à l’échelle de l’onde, alors que la structuration peut permettre de modifier les propriétés macroscopiques du matériau, ici briser sa symétrie TE-TM. L’indice optique effectif perçu par l’onde lors de sa propagation dépend alors de sa polarisation, permettant de satisfaire la condition d’accord de phase. Cependant, si le cœur du guide d’onde reste essentiellement constitué de

GaAs, les propriétés non linéaires du guide d’ondes seront peu modifiées.

Plus précisément, si on considère un matériau infini constitué d’une alternance

de couches d’indices optiques n1 et n2, respectivement d’épaisseur h1 et h2, avec

h1 et h2 petits devant la longueur d’onde et une onde se propageant dans le plan

des couches, les indices effectifs vus par l’onde sont les suivants [90] : • Onde polarisée TE (parallèlement au plan des couches) :

n2TE = h1

h1+ h2

n21+ h2

h1+ h2

n22 (1.74)

• Onde polarisée TM (perpendiculairement au plan des couches) : 1 n2 TM = h1 h1+ h2 1 n2 1 + h2 h1+ h2 1 n2 2 (1.75) Ces équations, qui ne sont rigoureuses que dans la limite de couches infiniment fines, peuvent être généralisées au delà de cette limite [91]. Cependant, ces ex-pressions simples permettent de mettre en évidence le fait que la biréfringence du matériau peut être ajustée de manière arbitraire par l’insertion de fines couches

d’un autre matériau, via le taux de remplissage y = h1

h1+h2 et le contraste d’indice

entre les deux matériaux. Comme il apparaît en figure 1.17, cette technique d’ac-cord de phase permet de réaliser l’acd’ac-cord de phase de type I entre deux modes fondamentaux du guide, ayant donc un fort recouvrement spatial, et donc une intégrale de recouvrement non linéaire Γ importante.

Cette technique d’accord de phase a été proposée pour la première fois dans des guides d’ondes en GaAs par Van der Ziel en 1975 pour le doublage en fréquence

d’un laser à CO2 émettant à 10.6 µm [93]. Dans ce cas, les couches de faible

indice sont des couches d’AlxGa1−xAs, l’indice de ce matériau diminuant quand la

proportion d’aluminium dans l’alliage augmente [94]. Cependant, le faible contraste d’indice entre le GaAs (x = 0) et l’AlAs (x = 1) limite la biréfringence de forme atteignable dans les hétérostructures AlGaAs [95]. Si celle-ci est suffisante pour remplir la condition d’accord de phase dans le MIR où la dispersion est faible, elle n’atteint pas des valeurs suffisantes pour compenser la dispersion accrue du GaAs à proximité du gap dans le proche infrarouge (NIR).

Cette limite a été dépassée grâce à la découverte du processus d’oxydation thermique humide de l’AlAs au début des années 1990 [96], qui a permis de l’émergence d’un nouveau matériau stable, dense et homogène : l’oxyde d’aluminium (AlOx). Ce matériau, obtenu par oxydation sélective des couches riches en Al d’une hétérostructure AlGaAs, possède un faible indice optique (autour de 1.6) [97], ce qui permet un grand contraste d’indice avec le GaAs (autour de 3.5), suffisant pour réaliser l’accord de phase dans l’ensemble de la plage de transparence du GaAs [98].

Stratégies d’accord de phase en guides d’ondes AlGaAs 53

(a) Profil des modes guidés (b) Indices effectifs

Figure 1.17 –Accord de phase de type I par biréfringence de forme pour la conversion de fréquence 1.06 µm ↔ 2.12 µm. (a) Profil transverse des deux modes accordés en phase. Le mode TE00 est représenté en lignes pointillées, et le mode TM00 en traits pleins. Au dessus des modes, le profil d’indice du guide d’onde est tracé. (b) Indices effectifs des modes guidés par le guide d’ondes. Les deux modes TE0 et TM0 accordés en phase sont représentés en traits pleins épais et les dispersions massives des matériaux constitutifs du guide d’ondes sont tracées en pointillés. Tiré de [92].

En particulier, cette technique d’accord de phase avec une étape d’oxydation humide été étudiée et développée chez Thomson CSF (aujourd’hui Thales) où l’accord de phase a été expérimentalement réalisé dans des guides AlGaAs/AlOx à la fin des années 1990 [57]. Cette première démonstration a ouvert la voie à la conception de guides d’ondes partiellement oxydés pour différentes interactions paramétriques : DFG du NIR vers le MIR [99,100], SHG en régime pulsé à partir de 1.6 µm [101] puis à partir de 2 µm [56], et FP à partir de 1.06 µm en régime continu [59].

La principale limitation de ces dispositifs réside cependant dans un niveau de pertes de propagation relativement élevé, lié à l’étape d’oxydation. De nombreux efforts menés dans l’équipe DON du laboratoire MPQ sur la conception et la fabrication de ces guides d’ondes ont permis d’atteindre des efficacités de conversion à l’état de l’art [102,103], positionnant les guides d’ondes GaAs/AlOx comme une

alternative sérieuse au LiNbO3.

La biréfringence de forme dans des systèmes GaAs/AlOx excite ainsi un intérêt qui se manifeste par la conception et la démonstration d’autres dispositifs pour la conversion de fréquence basés sur ce type d’accord de phase. On peut ainsi citer des guides étroits réalisés à Stanford pour la SHG à 1.55 µm dans lesquels le fort confinement, en exhaltant l’intensité du champ lumineux, permet de se contenter d’une seule couche d’AlOx dans le cœur en AlGaAs pour vérifier la condition

Figure 1.18 –À gauche, image au MEB d’un guide GaAs suspendu. Le guide d’ondes est situé à l’emplacement des flèches. À droite, schéma de la structure verticale. Tiré de [109].

d’accord de phase [104]. De même, le groupe du professeur Kondo à l’université de Tokyo a conçu et réalisé des guides fortement confinants en insérant une fine couche de AlGaAs entre deux gaines en AlOx. Dans ce type de guide, la biréfringence ainsi créée permet aussi de générer le SH d’un signal à 1.55 µm [105,106].

Enfin, sur la plate-forme GaAs, on peut aussi mentionner des propositions de biréfringence de forme en utilisant l’air comme matériau de faible indice, ce qui permet d’obtenir un contraste d’indice maximal d’une part, et de s’affranchir des pertes liées à l’AlOx d’autre part. Des propositions théoriques ont ainsi été faites en libérant un espace vertical dans un guide d’ondes AlGaAs pour la SHG à 1.55 µm [107], ou en libérant une membrane horizontale de GaAs suspendue au-dessus du substrat pour la DFG vers le MIR [108]. Cette dernière proposition a été suivie d’une réalisation expérimentale en 2014 : dans la structure représentée en figure 1.18, un signal de DFG compris entre 2800 et 3150 nm a été généré à partir de deux signaux continus autour de 1 µm avec une efficacité normalisée de

Chapitre 2

Oscillation paramétrique optique

en guides d’ondes AlGaAs/AlOx

Dans ce chapitre, je décrirai comment nos guides d’ondes basés sur la biré-fringence de forme GaAs/AlOx nous ont permis de démontrer le premier OPO en guide d’ondes semiconducteur dans le proche infrarouge. Dans un premier temps, j’expliquerai comment l’hétérostructure et le guide d’ondes ont été dessinés, fabriqués et caractérisés. Une deuxième partie sera ensuite consacrée à la mise en cavité de ces guides d’ondes non linéaires, du dépôt des miroirs diélectriques à l’obtention expérimentale de cette première oscillation paramétrique.

2.1 Guide d’ondes AlGaAs/AlOx pour la

conver-sion de fréquence

Dans cette section, nous nous limiterons à un convertisseur de fréquence sans cavité optique : il s’agit ici de présenter les performances du milieu à gain de notre OPO. Les principales étapes de la fabrication et de la caractérisation de ces guides d’ondes seront donc passées en revue.