• Aucun résultat trouvé

La notification des effets indésirables relatifs aux antiépileptiques au Maroc a connu une grande évolution ces dix dernières années , allants de deux ( 0,3 %) notifications uniquement en 2008 à 102 notifications en 2018 (17,1%).

Tableau 5: notifications des effets indésirables d’AEs au Maroc (du 1er janvier 2008 au 24 juin 2019) . (CAPM)

L’acide valproique reste l’antiépileptique le plus fréquent concernant les notifications au Maroc ces 10 dernières années avec un taux de 42,5% suivi de la carbamazépine (30,6%), ensuite le phénobarbital (26,6%) , lamotrigine (15,4%) et en dernier lieu la phénytoine avec un taux qui ne dépasse pas 0,2% .

Les effets indésirables d’ordre nerveux et les troubles cutanés et du tissu sous cutané dus aux antiépileptiques sont les plus fréquents avec un taux respectivement de 22,7% et 38%. Le rash cutané , somnolence , et la necrolyse épidermique toxique sont les effets indésirables des antiépileptiques les plus notifiés avec un pourcentage respectivement de 7,7% ,7,2% et 6% .

Figure 19: Notifications relatives aux antiépileptiques en fonction de la nature des effets indésirables développés . (CAPM)

VII. Le Suivi Thérapeutique Pharmacologique (STP)

1. Introduction et historique :[50] [87] [95] [96]

Appelé aussi TDM (Therapeutic Drug Monitoring), c'est une spécialité clinique pluridisciplinaire visant à améliorer la prise en charge du patient. Elle consiste, à partir de mesures de concentrations sanguines en médicament, à déterminer une dose thérapeutique optimale. En ajustant individuellement la dose des médicaments pour lesquels le bénéfice clinique du suivi thérapeutique a été démontré dans la population générale ou dans la population particulière, il intervient dans le traitement des sujets à risque et pour les médicaments à intervalle thérapeutique étroit. C'est une aide précieuse pour ajustement posologique dans les situations délicates. Il se base sur l'hypothèse qu'il existe une relation entre la concentration sanguine et la réponse d'un médicament qu'il s'agisse d'un effet thérapeutique ou des manifestations toxiques. En effet, Une posologie normale peut s'avérer inefficace pour plusieurs raisons: mauvaise absorption digestive, accélération du métabolisme, augmentation de l'élimination ou la non compliance du malade. De même, cette posologie peut s'avérer trop élevée en cas de diminution du métabolisme par insuffisance hépatique ou interaction médicamenteuse, diminution de l'élimination rénale, etc.

Le concept de STP est apparu vers le milieu des années 1970 dans certains laboratoires cliniques après que certaines études ont montré ses avantages potentiels. En 1960, Buchthal a montré une corrélation directe entre les concentrations plasmatiques de phénytoïne et le degré de contrôle des crises chez les patients épileptiques . En 1967, Baastrup et Schou ont démontré la relation entre les effets pharmacologiques du lithium et sa concentration plasmatique. Ces études, ainsi que l'émergence de la pharmacologie clinique en tant que branche indépendante et le développement de méthodes analytiques appropriées, ont conduit à une meilleure compréhension de STP et de ses avantages potentiels.

Au Maroc, le STP a commencé au milieu des années 1995 et les trois dernières décennies ont vu une croissance dans son échelle de popularité.

2. Objectifs du suivi thérapeutique pharmacologique : [95] [97]

Selon les cas, le suivi thérapeutique pharmacologique a pour objectif de :

 Permettre une adaptation posologique adéquate conduisant à une efficacité

pharmacologique optimale

Dans ce groupe, on trouve les médicaments pour lesquels il existe une importante variation interindividuelle de la biodisponibilité, qui peut être responsable dans certains cas d’une inefficacité thérapeutique. Les interactions médicamenteuses, dont les plus significatives affectent souvent le métabolisme, peuvent en effet entraîner des variations importantes de la concentration des médicaments dans le sang et au niveau de leur cible cellulaire, et en conséquence, conduire à une efficacité pharmacologique variable, parfois insuffisante. Le suivi thérapeutique pharmacologique est un outil indispensable pour objectiver ces variations et corriger éventuellement la posologie afin d’atteindre un effet pharmacologique optimal ;

 Prévenir les manifestations indésirables apparaissant au cours de certains

traitements :

A l’origine, début des années septante, le suivi thérapeutique pharmacologique avait pour principale raison la prévention de la toxicité des médicaments, parmi lesquels on trouvait les aminosides, les glycopeptides, mais également la digoxine. Cet objectif du suivi thérapeutique pharmacologique reste une priorité et le nombre de médicaments dont on contrôle la pharmacocinétique pour en prévenir la toxicité est de plus en plus vaste ;

 permettre une réduction du coût des traitements :

Les soins de santé sont de plus en plus coûteux, mais le budget qui leurs est consacré n’est pas extensible indéfiniment. Depuis de nombreuses années, les restrictions budgétaires se multiplient. Il est dès lors tout à fait légitime que toute initiative permettant de réduire les dépenses soit bien reçue et notamment le suivi thérapeutique pharmacologique.

3. Indications du STP :

Il y a des situations cliniques dans lesquelles il peut être souhaitable d’effectuer le dosage sanguin d’un médicament (tableau 5). Ce dosage s’inscrit généralement dans le cadre d’une adaptation posologique et d’une individualisation de traitement

Tableau 6: Situations motivant le recours à un dosage sanguin de médicament[98]

Situation objectif Exemple

Réponse insuffisante au traitement

Distinguer entre résistance pharmacologique (concentration suffisante) appelant un changement de traitement, et défaut d’exposition (concentration insuffisante) appelant une adaptation posologique

Crises convulsives survenant malgré un traitement

antiépileptique

Suspicion de toxicité Confirmer le diagnostic d’intoxication (involontaire

ou volontaire) et au besoin adapter la posologie

Survenue de symptômes gastro-intestinaux sous Digoxine.

Manifestations cliniques ambiguës

Distinguer entre réponse insuffisante ou toxicité Augmentation de créatinine chez un greffé rénal sous ciclosporine

Dysfonction d’organes Prévenir les conséquences sur l’imprégnation

médicamenteuse en adaptant la posologie

Adaptation de la dose de gentamicine en rapport avec la fonction rénale

Interaction médicamenteuse

Prévenir les conséquences en adaptant la posologie Suivi des antirétroviraux chez un patient VIH recevant de la rifampicine

Vérification de l’adéquation d’une posologie

Viser une concentration cible en l’absence de moyen efficace de détection de dérive dangereuse des concentrations (inefficacité ou toxicité

Suivi de la ciclosporine ou du tacrolimus chez les transplantés

Economie de médicament

Limiter à l’indispensable la prescription d’un produit cher ou disponible en faible quantité

Contrôle d’un facteur de coagulation chez l’hémophile substitué.

Contrôle de la compliance

Peu adéquat ! Faible sensibilité du STP pour la non-observance .Taux très bas ou non détectables permettent d’évoquer un problème de prise médicamenteuse.

Concentration indétectable d’antirétroviraux chez un patient VIH avec une virémie non contrôlée.

Recherche clinique Mesure des taux et détermination des relations

dose-concentration-réponse hautement souhaitables dans le développement de nouveaux médicaments

Etude prospective d’un nouvel anticancéreux du groupe des inhibiteurs des tyrosine-kinases

4. Médicaments soumis au suivi thérapeutique

pharmacologique :[95] [96]

Sur l’ensemble des médicaments présents dans la pharmacopée, seulement une quarantaine font aujourd’hui l’objet d’un suivi thérapeutique pharmacologique régulier :

- les antiépileptiques (acide valproïque, phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital, lamotrigine, topiramate, vigabatrine…).

Ces médicaments qui sont utilisés pour éviter la survenue des crises convulsives chez le malade épileptique présentent parfois une toxicité importante difficile à déceler cliniquement, ce qui explique que, depuis plusieurs années, on réalise le suivi thérapeutique pharmacologique des antiépileptiques ;

- les antibiotiques (amikacine, gentamicine, vancomycine, teicoplanine,…).

Le suivi thérapeutique pharmacologique des antibiotiques a longtemps été limité aux aminoglycosides et aux glycopeptides dont la néphrotoxicité est redoutée ;

- les antirétroviraux (saquinavir, ritonavir, didanosine, lamivudine, …).

Le suivi thérapeutique pharmacologique fait partie des moyens dont on dispose pour rendre le plus optimal possible le traitement d’une pathologie restant encore aujourd’hui incurable ;

- les antifongiques (amphotéricine B, itraconazole, voriconazole, posaconazole,…). Même si l’index thérapeutique de ces médicaments est relativement large, leur suivi thérapeutique pharmacologique est intéressant puisqu’il permet de réduire le développement de résistances et aussi de diminuer le coût et la durée des traitements ;

- les immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrolimus, sirolimus, évérolimus, acide mycophénolique, …) ;

- les médicaments du système cardiovasculaire (digoxine, amiodarone, disopyramide, propafénone, flécaïnide,…) ;

- les psychotropes (amitriptyline, imipramine, clomipramine, désipramine, clozapine, lithium, midazolam,…) ;

Tableau 7: Caractéristiques requises pour qu’un médicament soit candidat à un programme de STP [98]

Caractéristiques requises pour qu’un médicament soit candidat à un programme de STP

Analytiques Disponibilité d’une méthode de dosage appropriée à

un coût supportable

Pharmacocinétiques

• Connaissances pharmacocinétiques adéquates sur le médicament (incluant la sous-population

considérée)

• Forte variabilité interindividuelle de la disposition du médicament dans l’organisme • Paramètres pharmacocinétiques individuels peu prévisibles (variabilité intrinsèque ou facteurs confondants) • Faible variabilité intra-individuelle de la disposition du médicament

Pharmacodynamiques

• Connaissances pharmacodynamiques adéquates sur le médicament

• Effet pharmacologique relié de manière consistante à la concentration sanguine

• Effet pharmacologique reproductible sur une période de temps étendue

• Marge thérapeutique étroite (c’est-à-dire faible différence entre concentrations efficaces et toxiques) • Effets réversibles en cas d’adaptation posologique

Cliniques

• Absence de marqueurs facilement mesurables pour le suivi (comme l’INR, par exemple, marqueur adéquat pour l’anticoagulation orale)

• Intervalle thérapeutique établi et validé en clinique (concentrations cibles)

• Démonstration d’un meilleur suivi basé sur le STP plutôt que sur le seul jugement clinique

• Durée de la thérapie suffisante pour que les patients puissent bénéficier d’un programme de STP

5. Méthodes de dosage :[99] [100] [101]

Les caractéristiques de la méthode choisie doivent répondre au mieux au but du dosage et a son degré d’urgence : recherche qualitative, dosage en cas d’intoxication, suivi thérapeutique, étude pharmacocinétique.

Ainsi, la limite de quantification, la sensibilité, les limites de linéarité et la spécificité sont différentes selon que l’on recherche une intoxication ou que l’on réalise un dosage pour suivi thérapeutique avec ajustement de posologie possible.

Le temps passé à l’exécution de l’analyse, ainsi que son prix de revient sont également des éléments à prendre en compte.

Deux grands groupes de méthodes existent principalement :