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7. Rôle de l'orthophoniste

7.1. A la Consultation Mémoire

Le 1er février 2008, le Plan Alzheimer et maladies apparentées 2008-2012 a préconisé le renforcement du maillage territorial des consultations mémoires (1CM pour 15000 habitants âgés de plus de 75 ans) et des Centres Mémoire de Ressources et de Recherche (1 CMRR par région).

7.1.1. Présentation générale du CMRR de Lille-Bailleul

La Consultation Mémoire de Lille est créée en 1991 (Pr PETIT, Pr PASQUIER, Pr LEBERT). Associée à celle de Bailleul, elle devient, en 1993, le Centre Mémoire de Ressources et de Recherche de Lille-Bailleul.

Le CMRR de Lille a été créé afin d'améliorer le dépistage et le diagnostic de la MA tout en facilitant l'accès aux soins. Ses objectifs sont également de former médecins, soignants et travailleurs sociaux tout en animant un réseau de professionnels. De nombreux protocoles de recherche clinique ou en lien avec les unités de recherches fondamentales y sont entrepris. Depuis 2009, le CMRR a été labellisé Centre National de référence pour les malades Alzheimer jeunes.

Le CMRR accueille les personnes qui viennent consulter pour des troubles cognitifs, soit pour un diagnostic de première intention ou dans le cadre d'un suivi (généralement tous les 6 mois ou 1 an). Dans le cadre d'un suivi en CM, les bilans d'évolution confirmeront ou infirmeront les hypothèses diagnostiques de départ. De nombreux patients participent, au sein du CMRR, à divers essais thérapeutiques.

Le CMRR de Lille-Bailleul se compose d'une consultation et d'un hôpital de jour pluridisciplinaire (neurologue, neuropsychologue, orthophoniste, infirmière).

Au sein d'une consultation mémoire, l'orthophoniste peut apporter sa contribution au diagnostic.

7.1.2. L'évaluation orthophonique

Le bilan de langage n'est pas systématique au CMRR, les troubles du langage n'étant pas systématiquement présents au premier plan. Pour l'année 2009- 2010, nous avons consulté 72 dossiers de patients archivés au CMRR de Lille parmi lesquels 30 étaient exploitables. Les données relatives à cette étude seront présentées dans notre partie pratique.

Nature des 1ers troubles Scores bruts Pourcentage

Troubles mnésiques 21 70% Troubles cognitifs 3 10% Troubles du comportement 2 6,6% Troubles du langage 1 3,3% Trouble de l'humeur 1 3,3% Autres 1 3,3% Non renseigné 1 3,3% Total 30 100,00%

Tableau IV : Répartition de la nature des premiers troubles pour 30 patients du CMRR de Lille (2009-2010)

Sur 30 dossiers de patients MA consultés la plainte langagière était le motif initial de consultation pour un sujet. Un bilan orthophonique a été réalisé lors de la première consultation pour 16 patients soit 53,3% des sujets.

Le bilan orthophonique a pour but d'objectiver les déficits, potentialités, et stratégies du patient. Il doit être adapté en fonction de ses possibilités. Ainsi, des troubles visuels et/ou gnosiques peuvent induire une chute des performances dès lors que l'épreuve est présentée sur un support imagé. Il faut également veiller à la bonne compréhension des consignes, à leur mémorisation (mémoire de travail) et à

la fatigabilité du patient. Ce bilan concerne les habiletés langagières, communicationnelles et cognitives. Le profil langagier du patient peut contribuer à orienter le diagnostic. Par exemple, des troubles isolés du langage pendant au moins deux ans orientent davantage le diagnostic en faveur d'une APP.

La communication

Le professionnel interroge le patient et son entourage sur ses plaintes et la gêne fonctionnelle éventuelle. Il observe l'utilisation des canaux de communication non verbale.

Le langage oral

Sur le versant expressif, l'observation qualitative et quantitative porte sur le langage spontané, les aspects discursifs et pragmatiques de l'échange.

L'orthophoniste propose différentes épreuves de langage induit : dénomination (avec ou sans support imagé), évocation littérale et catégorielle (libre et indicée).

Sur le versant réceptif, la réalisation d'ordres et une épreuve de désignation (de mots, de phrases) sont proposées au patient.

Le langage écrit

Sur le plan expressif, l'orthophoniste teste l'écriture spontanée, l'écriture automatique, la dictée (mots, phrases) ainsi que la lecture à voix haute.

Sur le plan réceptif, la compréhension écrite est évaluée par des tâches de désignation et la lecture d'un texte suivie de questions.

D'autres épreuves peuvent être proposées de manière complémentaire. Ainsi, le calcul et le raisonnement peuvent être évalués. Si des troubles sémantiques sont suspectés, le Pyramid Palm Tree Test (HOWARD et PATTERSON, 1992) pourra être proposé. En cas de dysarthrie, les troubles pourront être objectivés grâce à la Batterie d'Evaluation Clinique de la Dysarthrie (AUZOU et ROLLAND-MONNOURY, 2006). La déglutition pourra également faire l'objet d'une investigation si nécessaire.

7.1.3. Apport du bilan orthophonique dans le diagnostic différentiel

La MA est la démence la plus fréquente avec des troubles mnésiques au premier plan. L'apparition d'autres troubles initiaux (comportement, langage...) peuvent orienter vers un diagnostic différentiel (DLFT, DCL, DV...).

 La démence fronto-temporale (DFT)

Des troubles du comportement majeurs peuvent suggérer une DFT. Les principales altérations de l'expression orale seront alors des persévérations dues au manque de flexibilité mentale, voire des stéréotypies ainsi qu'une sensibilité notable aux distracteurs en tâche de désignation.

Selon le type, on peut constater une aspontanéité pouvant aller jusqu'au mutisme akinétique ou une logorrhée avec hyperactivité et désinhibition.

 L'aphasie primaire progressive (APP)

La présence de trouble du langage isolé depuis au moins deux ans fait évoquer une APP. A la phase débutante, le tableau clinique est homogène avec des troubles lexicaux (manque du mot, paraphasies lexicales sémantiques et phonémiques) puis il évoluera vers une forme fluente, non-fluente (MESULAM, 2001) ou logopénique (GORNO-TEMPINI et al. 2004 et 2008).

Au stade débutant, le discours est fluent. Le patient présente un manque du mot en tâche de dénomination et dans le discours spontané, manifesté par des pauses, mots neutres et recherches lexicales. Il produit des paraphasies lexicales sémantiques et phonémiques. La compréhension est préservée ainsi que la syntaxe et la lecture.

Les principales caractéristiques des trois tableaux d'APP sont résumées dans le tableau V ci-dessous :

APP non-fluente APP fluente APP logopénique Articulation Troubles arthriques Préservée Préservée

Lexique -Manque du mot

-Compréhension lexicale longtemps préservée

-Manque du mot assez bien compensé (gestes, pauses, définition par l'usage...) -Trouble de compréhension (erreurs en désignation) -Manque du mot -Trouble de la répétition (atteinte de la mémoire de travail verbale) -Compréhension lexicale relativement préservée

Syntaxe -Tendance à l'agrammatisme

-Apparition de difficultés pour la compréhension des phrases complexes Préservée Préservée Fluence Ralentissement de l'expression orale, hésitations, pseudo- bégaiement et palilalies

Préservée Perturbation liée au manque du mot

 La démence sémantique (DS)

L'atteinte porte en premier lieu sur la mémoire sémantique. SNOWDEN et al. (1994) décrivent la détérioration progressive et sélective des connaissances sémantiques, affectant les choses, les objets, les lieux et les personnes. Les troubles lexicaux sont de nature lexico-sémantique s'associant des troubles de l'expression et de la compréhension (impression d'étrangeté face à des mots usuels). Les fluences littérales sont mieux réussies que les fluences catégorielles sémantiques. En revanche, la compréhension syntaxique reste longtemps préservée, tout comme les aspects non sémantiques de la cognition (phonologie, syntaxe, raisonnement, mémoire épisodique...). La fluence verbale n'est pas réduite dans le discours.