• Aucun résultat trouvé

Dès 1997, les tunnels sous la jonction sont transformés par des opérations artistiques et un nouvel éclairage. En 1999, La Dernière Heure écrit : « déjà à l’origine de la décoration des tunnels

Tanneurs et Vanderweyden, les dynamiques occupants de la gare de la Chapelle ont cette fois travaillé main dans la main avec de jeunes artistes et enfants du terrain. Objectif ? Rendre un

14 La Libre Belgique, 15.03.2000, « Le café de la gare », M.Ba. 15 Philippe Nicolas, Urban Talk à Recyclart le 31.01.18. 16 Philippe Nicolas, Urban Talk à Recyclart le 31.01.18. 17 Le Vif/L’express, 18.02.2000 « Loin du Train-train ».

33

semblant de chaleur à un espace urbain particulièrement repoussant »18. Ces interventions artistiques, centrées sur l’art urbain (principalement le graffiti), avaient comme objectif de raconter les histoires des habitants. Pour ce faire, des étudiants en art sont allés à la rencontre du public de la maison médicale et des habitants pour constituer leurs œuvres. L’art urbain, comme toutes autres formes d’art, ne fait pas consensus, mais Recyclart semble attentif au fait de réaliser des œuvres qui correspondent à une histoire, à une identité de quartier. Le travail de médiation de Vincen Beeckman viendra renforcer cette dynamique en 2003.

En 2001, Recyclart s’engage dans le réaménagement de l’espace situé devant la gare, « la

place que n’aurait pas osé traverser une famille de pittbull »19, avance la Tribune de Bruxelles. Après le réaménagement de la voirie par la délégation au développement du pentagone de la Ville de Bruxelles, un espace de rencontre prend forme : « la plage ». Il s’agit d’une place publique bleutée et minérale qui doit assurer le remaillage du tissu urbain. C’est un « espace de délassement

et de discussion pour les écoles du quartier », qui sera aussi « apprécié[e] par les jeunes passionnés de skateboard » et qui se « prête également à merveille à des concerts et fêtes de plein air »20, explique une journaliste du Soir. A travers ce réaménagement, Recyclart encourage et prend parti dans des projets de transformation de l’espace public qui considèrent les divers usages de ce dernier. Le matériel urbain, comme les bancs, poubelles et autres potelets a été réalisé par les équipes en transition professionnelle de Recyclart. Une fresque conçue par de jeunes artistes est dessinée au sol. Elle représente un plan cadastral grandeur nature de l’ancienne petite rue des Brigittines. C’est une façon de valoriser le patrimoine du quartier et de faire un clin d’œil aux plus anciens habitants du quartier.

L’autre projet conséquent accompagné par Recyclart est celui du skate-park. Sur une place surplombée par des habitations, bureaux, auberge de jeunesse, bowling, école et une maison de retraite et située au croisement d’un quartier gentrifié et d’un quartier populaire, Recyclart a développé un projet partenarial d’aménagement urbain. L’association a accompagné un collectif de skate-borders à développer le projet ; elle a organisé un concours pour choisir l’architecte puis a suivi le chantier. Les équipes de Fabrik ont de nouveau fabriqué le mobilier urbain. Un mini- festival a été organisé pour inaugurer le lieu. Il permet une multitude d’usages ; faire du skate- board, mais aussi s’assoir, flâner, jouer, et accueillir des grands événements.

En 2005, l’artiste Jozef Legrand et Recyclart ont créé un « salon urbain » place Bruegel. Ils ont choisi d’aménager un Arbre à Palabre, avec des bancs arrondis, en arabesque, qui permettent de

18 La Dernière Heure, 16.09.99, « Un beau tunnel », V.L.

19 La tribune de Bruxelles, 09.12.2002, « L’art de recycler une gare », Benjamin Legrais. 20 Le soir en ligne, 08.05.2002, « Une plage bleutée au pied des rails », Martine Duprez.

multiples espaces de discussions, « respectant les bancs et les habitudes des jeunes du quartier »21. Cette œuvre urbaine qui invite les personnes s’y asseyant à échanger avec autrui s’inspire des espaces de discussion de certaines sociétés africaines. L’Arbre à palabre, au centre du village, est l’endroit où la communauté se réunit pour discuter de l’organisation de la cité, pour conter des histoires, ou pour mettre en scène des rituels. Ce projet a donné lieu à une création artistique participative : un enregistrement audio et des portraits photographiques. Le déploiement de cette collaboration entre l’artiste, Recyclart et les citoyens locaux, autour de débats, festivités et workshop a constitué la richesse du projet. Ce dernier a reçu en 2006 le prix Home in the City de la région flamande, qui récompense les réalisations innovantes dans la ville.

De nombreux projets d’amélioration des espaces publics sont menés ; des dalles de béton imaginées par des enfants implantées près de la place Anneessens, des potelets où s’installent souvent des jeunes peints pour faire office de siège…

Pour poursuivre cette expérimentation urbaine, le centre d’art et Fabrik créent chaque année une œuvre d’art temporaire, à l’occasion du festival Holidays. Ce festival gratuit, participatif et populaire repose sur l’idée de « reconstruire un village dans la ville (le pain, la coiffure…), afin

de reconstruire un langage commun culturel, et comme cela recréer un tissu social dans le quartier »22, explique Dirk Seghers, concepteur de l’événement et directeur artistique de Recyclart.

L’œuvre créée pour les Holidays fait référence à des réflexions portant sur l’espace public. Pour Charlotte Burgaud, l’ancienne directrice de Fabrik qui a participé avec les équipes en transition à la construction de l’œuvre, « c’est une manière d’intervenir dans l’espace public de

manière temporaire qui est intéressante ». 23 Pour l’édition 2017, l’œuvre était un long et haut panorama, avec un paysage et un horizon qui n’est plus visible aujourd’hui depuis l’édification de nouvelles constructions. Le temps du festival, le paysage et le contexte urbain sont transformés. C’était une œuvre évolutive, deux collectifs d’artistes venaient retravailler le décor de semaine en semaine. L’année 2016, l’œuvre consistait en une grande tour sur laquelle des inscriptions étaient tracées, où les DJs s’installaient, des réunions des habitants avaient lieu, des dîners pouvaient y être gagnés… Cette tour, plus haute que la Jonction Nord-Midi, était une façon d’interférer avec les voyageurs des trains.

21 Zone, 20.04.05, « L’art dans l’espace public et le conflit Urbain Arabesk ». Nr. 22 Extrait d’entretien Dirk Seghers, 31.01.18, Bruxelles.

35