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Évolution des SR possessifs entre le premier état d’écriture et le texte finalisé

PARTIE II. TEXTE & DISCOURS

CHAPITRE 4. TRAMES ET SEGMENTS : DU TEXTE AU PROCESSUS DE TEXTUALISATION

4.1. Segments et segmentation

4.2.4. Évolution des SR possessifs entre le premier état d’écriture et le texte finalisé

Les SR possessifs sont parmi les plus fréquents du corpus. Les sondages textométriques montrent cependant qu’ils relèvent moins de la trame pré-établie des rapports que des stratégies d’exposition de la situation. Ainsi, dans les 3-4 premières versions, la spécificité du déterminant possessif de 3e personne (le plus fréquent dans le corpus, voir plus bas) est négative, c’est-à-dire que, compte tenu de la fréquence dans l’ensemble des versions, on aurait attendu davantage d’occurrences dès les premiers brouillons. C’est à partir des états 4-5 que les segments possessifs deviennent saillants, en multipliant leur fréquence.

TABLEAU 4.2. SPÉCIFICITÉS DES DÉTERMINANTS POSSESSIFS DE 3ÈME PERSONNE AU FIL DES 16 ÉTATS D’UN RAPPORT ÉDUCATIF.

Etats Déterminants 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 ses 1 (-5) 4 (-4) 6 (-3) 6 (-3) 19 26 34 41 41 42 42 47 51 51 51 51 son 8 (-4) 12 (-4) 17 (-3) 18 (-3) 51 64 81 78 78 78 78 80 84 85 85 85 sa 4 (-4) 9 (-3) 13 (-2) 15 32 42 56 57 57 59 59 59 60 60 60 60

Les SR possessifs présents dès la première version dans les trois rapports examinés focalisent moins sur l’enfant, qui n’est souvent pas le possesseur et, lorsqu’il l’est, il n’est ni l’Agent ni l’Expérienceur de la relation sémiotisée. Des SR comme son accueil & son placement accentuent d’ailleurs ce rôle passif. Les SR possessifs présents dès les trois premiers états des rapports sont Son accueil, son placement, [vivre chez] son père, sa famille [d’accueil], sa scolarité, ses enfants, maintenir son accueil du jeune au moment de

son orientation au. Cette particularité est due en grande partie à l’évolution linéaire des états, partant des premières rubriques des rapports qui relatent l’accueil de l’enfant au sein de la structure et l’historique de la mesure de placement.

Au fil de l’écriture, de nouveaux SR possessifs émergent, et font l’objet d’un travail de réécriture relativement régulier qui affecte le SR dans son unité, rarement la tête nominale et quasiment jamais le possessif lui-même134.

L’évolution des SR possessifs en tant que tels n’est pas nécessairement augmentative, des fluctuations sont visibles avant une stabilisation, ce qui montre tout un travail de formulation et de réécriture les concernant. Le graphique montre bien comment le SR son accueil, débutant à 12 points sur l’ordonnée, décline jusqu’à approcher 0 à l’état 07; son placement garde en revanche la même fréquence (un peu plus de 5 unités) au fil des états. Ce sont notamment les SR son père (qui débute à 20 sur l’ordonnée, pour monter à 50 avant de décroître) et sa famille (débutant à 10 et finissant à 15 sur l’ordonnée) qui montrent tout un travail de formulation :

GRAPHIQUE 4.2. FLUCTUATION ET STABILISATION DE QUELQUES SR POSSESSIFS DANS UN

RAPPORT135 (FRÉQUENCES RELATIVES)

Le travail de réécriture affectant les SR possessifs semble dévoiler une véritable stratégie discursive. Ainsi, certains sont orientés vers une évaluation de la situation et étiquettent des indices normatifs. On notera, à titre d’exemple, l’emploi dans la conclusion et la modification du SR ses capacités ses difficultés ; le dernier choix révèle des spécificités propres au genre rapport éducatif (cf. Veniard 2011).

(1)

a) Il nous montre dans ses comportements

b) Ce qui nous préoccupe quand à ses attitudes de futur majeur sur ces questions c) Conclusion Bertrand136 ne nous a pas montré ses capacités à élaborer un projet 

Conclusion Bertrand nous a montré ses difficultés à élaborer un projet (dossier (5)) D’autres exemples montrent comment le possessif s’impose. Ainsi, toujours dans le dossier (5), c’est l’ajout de fragments de texte au niveau de la version 2 (pour sa situation…) et de la version 5 du rapport (pour sa problématique… et sa construction…) qui fait émerger ces

134 La stabilité des structures possessives se vérifie également au niveau des données processuelles, les jets textuels (séquences langagières produites à l’écrit entre deux pauses) contenant des possessifs faisant rarement l’objet de modifications, le possessif restant stable une fois introduit dans le texte.

135 Les versions du rapport apparaissent sur l’axe horizontal (abscisse), tandis que la fréquence des SR est visible sur l’axe vertical (ordonnée).

136 Les rapports ont été anonymés ; tous les noms propres cités dans le corpus de rapports éducatifs sont des noms d’emprunt.

SR dans le cadre de tournures disposant de toutes les caractéristiques d’un figement discursif révélateur d’attentes et de contraintes socio-discursives : sa situation de placement, sa construction de jeune adulte.

L’exemple des SR possessifs permet de formuler des pistes quant aux parcours de construction de l’unité sémantique du texte. En mettant en exergue un format discursif sensible à la place accordée à l’enfant, on voit comment se construit progressivement un discours évaluatif s’efforçant à intensifier la focalisation sur l’enfant.

4.3. MACRO-SEGMENTATION LONGITUDINALE

137

: RÉÉCRITURE DE

SEGMENTS ET CONSTRUCTION DU SENS

L’exploitation du corpus d’états successifs des rapports éducatifs dans le cadre du projet ANR Écritures a impulsé des études longitudinales ancrées dans la génétique textuelle pour ce qui est des observables – segments détachés de la textualité par les opérations de réécriture (segments effacés, déplacés, ajoutés, substitués, substituants...) – et dans la linguistique du discours pour ce qui est de leur description (docs 37, 49, 55, 56). Relevant des processus d’actualisation, de révision et de reformulation propres à l’écriture, ces opérations s’inscrivent dans une activité métadiscursive, comme le note C. Doquet (2011). Cette démarche impose en partie les catégories d’objets linguistiques sur lesquels porte l’analyse : seules les formes soumises à la réécriture sont dès lors prises en compte, même si des contextualisations à empan plus ou moins large restent possibles.

Une première étape du travail a visé à l’identification des séquences homogènes et non homogènes à travers la comparaison des états d’écriture. Des sondages quantitatifs et des analyses qualitatives ont été entrepris par la suite. Les analyses qualitatives ont porté sur des problématiques sémantiques et discursives interrogeant la construction de l’éthos institutionnel, l’intersubjectivation, l’adaptation pragmatique du texte.

4.3.1. MÉTHODES DE COMPARAISONS LONGITUDINALES DE SEGMENTS DE

TEXTE HOMOGÈNES ET NON HOMOGÈNES

Une vue simultanée des écarts entre les états d’un rapport et l’application des méthodes quantitatives ont été rendues possibles grâce au logiciel Allongos, outil d’alignement des versions de texte développé par Adrien Lardilleux dans le cadre du projet ANR Écritures, sous la direction de Serge Fleury et de moi-même. Ce travail a donné lieu à un article présenté dans le cadre de CICLing, colloque international de linguistique computationnelle (cf. doc 37), auquel je renvoie pour le détail technique de l’élaboration informatique et les conditions d’évaluation empirique138. L’alignement du corpus de rapports est exploitable en ligne, à l’URL http://syled.univ-paris3.fr/projet_anr/ecritures/allongos/alignements-allongos.html. Comparé au logiciel Edite Medite avec lequel il se partage le même segment heuristique (Fenoglio et Ganascia 2007), le programme Allongos permet d’automatiser l’alignement les états d’un texte139 sur de multiples versions : un alignement de 42 états de texte a été testé dans le cadre du projet, mais le potentiel est à priori plus élevé, en fonction de la puissance de l’ordinateur et de la largeur de l’écran (pour permettre la visualisation des données).

137 Avant le recueil des données numérisées et la mise en place des outils d’alignement de l’ensemble des états d’un rapport éducatif, nous avons travaillé sur des brouillons tapuscrits. Des exemples tirés de ce premier corpus figurent dans les descriptions que je propose plus bas.

138 Le programme peut être trouvé sur la page dédiée du projet ANR Ecritures : http://www.univ-paris3.fr/allongos-221592.kjsp?RH=1295620557102

139 À la différence de MkAlign cité plus haut, où l’alignement a été fait manuellement, le logiciel permettant juste de reconnaître les éventuelles différences formelles caractéristiques pour chaque ligne segmentée.

En comparant les états d’un texte, Allongos fait ressortir les suppressions (marquées en rouge sur l’interface), les ajouts (en vert), les substitutions (en bleu) et les déplacements (en jaune). Le logiciel a permis également d’identifier la plupart des déplacements dans les textes. Il comptabilise par ailleurs les types d’opérations réalisées au sein d’un état d’écriture (dernière ligne du tableau) et par tranche textuelle (colonne de droite). La visualisation des opérations facilite les études qualitatives, en pistant des segments au fil des états et en observant leur évolution : suppression, lignes 42, 43 et 49 ci-dessous ; modification, ligne 46, déplacements, ligne 52 :

Allongos réalise des représentations graphiques de la répartition des opérations de réécriture pour chaque séquence ou chaque état d’un rapport éducatif, comme le montre le graphique plus bas140.

FIGURE 4.4. RÉPARTITION DES OPÉRATIONS DE RÉÉCRITURE POUR CHAQUE VERSION D’UN RAPPORT ÉDUCATIF.

4.3.2. UN EXEMPLE DE PARCOURS D’ÉCRITURE : L’EXPRESSION DES AFFECTS ET