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1.2 Évolution du matériau béton avec la température

1.2.5 Évolution des propriétés mécaniques avec la température

Le comportement mécanique du béton est particulier dans le sens où sa résistance en com-pression est largement supérieure à celle en traction, d’un rapport de l’ordre de 10 à 15. Ainsi, pour les bétons ordinaires il est courant de négliger sa résistance en traction, ce qui n’est pas le cas pour les bétons fibrés à ultra hautes performances, sujet de la thèse, et que nous aborderons à la section1.5. Lorsqu’on s’intéresse aux essais à haute température, il faut être conscient que deux caractérisations différentes sont bien souvent associées à l’expression "haute température". En effet, on peut effectuer des essais mécaniques (compression, traction ou autre) à température ambiante sur les matériaux ayant été portés à haute température pendant un certain temps puis refroidis. Avec cette première caractérisation que l’on notera "résiduelle", on s’intéresse aux propriétés dites résiduelles du matériau, après sa "cuisson" à haute température. Ces essais permettent de connaître le comportement actuel du matériau à température ambiante, compte tenu de son histoire thermique. Avec la deuxième caracté-risation que l’on notera "à chaud", on s’astreint à étudier le matériau dans son état lorsqu’il est porté à température (la mesure s’effectue pendant l’application de la température). Ce dernier type d’essai permet de connaître la résistance ou plus globalement le comportement du matériau lorsqu’il est soumis à la température.

Dans la littérature, il règne une grande confusion. En effet les essais sont bien souvent ef-fectués pour déterminer les caractéristiques résiduelles du matériau, car les caractérisations réellement effectuées à haute température sont plus difficiles à mettre en œuvre et donc beau-coup plus rares.

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Figure 1.14: Évolution de la distribution des pores pour un béton ordinaire (Rc=35 MPa) en haut et un béton haute performance (Rc=57 MPa) en bas, d’après Noumowé [83].

22 Étude bibliographique

Il existe une autre différence entre les essais que l’on peut trouver dans la littérature. Il s’agit de les réaliser avec ou sans précharge. Dans le premier cas, une précharge est appliquée pen-dant la phase de montée en température de l’échantillon alors que dans le deuxième cas, il n’y a pas de précharge. Cette précharge est parfois réalisée pour les essais de compression mais elle n’est pas courante. C’est pourquoi dans la suite, s’il n’y a pas de précision, cela signifie que l’essai est effectué sans précharge.

Enfin, il est utile de préciser la taille des échantillons afin d’estimer le gradient thermique qu’il peut y avoir dans l’échantillon lors de la sollicitation thermique. Ce gradient thermique pouvant alors entrainer d’éventuelles contraintes dues à des dilatations empêchées. Lorsque la température s’élève, les transformations physico-chimiques et la modification de la porosité du matériau vont entrainer une évolution des propriétés mécaniques que nous proposons de présenter maintenant.

1.2.5.1 Comportement en compression

L’essai de compression simple est une référence pour qualifier la résistance mécanique d’un béton. Cette dernière étant utilisée par la suite pour le dimensionnement de structures. Si cela est particulièrement vrai pour les bétons ordinaires, nous verrons que la simple valeur de résistance en compression d’un béton fibré ultra performant n’est pas suffisante pour juger de la bonne tenue d’une structure (voir partie1.5).

Comme indiqué dans l’introduction, nous montrons ici des résultats de résistance "résiduelle" et "à chaud" de quelques bétons, sachant que le lecteur pourra trouver des résultats plus exhaustifs avec Hager [50], Kanema [62] ou Pliya [91].

La figure1.15présente l’évolution du comportement sous compression simple "à chaud" d’un béton ordinaire (rapport E/C=0.5). On note ainsi sur cette courbe "contrainte/déformation" une diminution du module d’élasticité du matériau (jusqu’à ne plus avoir de phase élastique) et une augmentation de la déformation à la rupture. Cette augmentation de la ductilité est intéressante puisque la fragilité de la structure est amoindrie, et donc la prévention de la rupture, non brutale, est plus aisée.

La figure 1.16montre l’évolution de la résistance en compression simple "à chaud" et "rela-tive" pour différentes valeurs du rapport E/C. Nous pouvons voir que peu importe la valeur de ce paramètre, l’évolution de la résistance relative en compression est similaire et passe par plusieurs phases (voir figure 1.16). Tout d’abord on peut observer une diminution de la résistance jusque 150°C environ dans le cas des essais "à chaud" (hormis le cas e/c=0.3), et qui ne se voit pas sur les essais "résiduels". Selon Khoury [63], cette diminution serait due à une dégradation de la cohésion des forces de Van der Waals entre les feuillets des C-S-H. Pour Hager [50], c’est la dilatation thermique de l’eau qui est responsable de cette diminution des forces à cause de l’écartement des feuillets de C-S-H. Elle ajoute également que des pressions de vapeur d’eau peuvent entrainer des contraintes internes sur le squelette non négligeables. Entre 150°C et 350°C, il est courant d’observer une stabilisation voire même une augmentation de la résistance en compression du matériau. Pour expliquer cela, plusieurs hypothèses sont mises en avant :

– la première consiste à dire que la déshydratation des C-S-H fournit de l’eau qui peut migrer dans la porosité du béton et ainsi venir hydrater les lieux où la formation d’hydrates n’a pas encore été effectuée, d’après Dias [32].

– une deuxième hypothèse serait liée au départ d’eau, le séchage qui rapproche alors les feuillets de C-S-H et améliore les liaisons entre hydrates, d’après Hager [50].

augmente-1.2. Évolution du matériau béton avec la température 23

Figure1.15: Courbes de résistance en compression "à chaud" à différentes températures pour un béton de rapport E/C=0.5, d’après Hager [50].

raient la résistance. Pour Khoury [63], ce serait une perte des liaisons entre les groupes silanol et l’eau qui engendrerait la création d’éléments siloxane plus courts et plus résis-tants. Pour Robert [94], ce serait l’apparition d’éléments appelés katoite, plus résistants qui seraient à l’origine de cette évolution.

Enfin, au delà de 300°C, la résistance décroit quasi-linéairement. Cette décroissance est due à la décomposition de la portlandite, la déshydratation des C-S-H et l’incompatibilité des dilatations thermiques entre pâte et granulats.

Avec la figure1.15nous avons déjà montré que la rigidité du matériau diminue avec la tempé-rature dans le cas d’essais "à chaud". La figure 1.17 présente l’évolution du module d’Young apparent "résiduel" avec la température suivant le rapport E/C. On remarque qu’il y a éga-lement une diminution et qu’elle est similaire quel que soit le rapport E/C. Cette diminution quasi-linéaire est fortement liée à l’incompatibilité de la déformation entre pâte et granulats.

1.2.5.2 Comportement en traction

Dans la littérature, peu de résultats montrant l’évolution de la résistance en traction du béton avec la température sont exposés. Il est vrai que pour les bétons ordinaires la résistance en traction ne semble pas primordiale pour la bonne stabilité d’une structure. Cependant quelques auteurs ont pu réaliser des essais de traction directe à chaud, ce qui est en soi une performance. En effet ce genre d’essais est de loin le plus délicat des essais permettant de déterminer une résistance en traction. De fait l’essai de traction directe est très exigeant sur la préparation des échantillons et leur mise en place (problèmes de centrage, de rigidité des pièces, de système de traction....) et bien sûr la température ne facilite pas l’expérimentation. Sur la figure1.18

sont recensés de façon quasi exhaustive des essais de traction directe sur béton existants, ainsi que des essais de résistance en traction par fendage. En particulier nous pouvons noter les essais réalisés dans le cadre du projet européen HITECO [40] qui a eu lieu dans la fin des années 90s. A cette occasion des essais de traction directe "à chaud", ont été réalisés, ce

24 Étude bibliographique E/C=0.62 E/C=0.29 E/C=0.36 E/C=0.44 E/C=0.55

a

b

Figure1.16: Évolution de la résistance relative en compression en fonction de la température pour différents rapports E/C : (a) "à chaud" , d’après Hager [50], et (b) "résiduelle", d’après Kanema [62].

1.2. Évolution du matériau béton avec la température 25 E/C=0.62 E/C=0.29 E/C=0.36 E/C=0.44 E/C=0.55

Figure 1.17: Évolution du module d’Young résiduel avec la température, suivant le rapport E/C, d’après Kanema [62].

qui n’est pas courant. Les résultats montrent une diminution rapide de la résistance puisqu’à 300°C, nous n’avons plus que 50% de la résistance en traction à température ambiante. Si l’on compare aux autres essais réalisés également par Felicetti et al. [39], cette fois-ci après refroidissement ("residual"), ces derniers montrent un meilleur comportement jusqu’à 300°C puis une diminution plus importante au-delà. Ainsi à 550°C, les essais "à chaud" sur béton hautes performances montrent une résistance relative de l’ordre de 20% alors que dans le cas de la résistance résiduelle, celle-ci n’est que de l’ordre de 5%. Nous pouvons noter ici l’influence de protocole d’essai.

La figure 1.18 montre une contradiction entre les résultats obtenus par Hager [50], où la résistance augmente avec la température, et ceux obtenus auparavant dans la littérature, où la résistance diminue avec la température. La tendance obtenue par Hager semble peu naturelle vis-à-vis des différents essais déjà réalisés. Cependant ses résultats restaient encore à confirmer par d’autres campagnes expérimentales, dont les aboutissements n’ont pas été trouvés.