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1.3.1 Les différents types d’instabilités thermiques

La notion d’instabilité thermique est reprise de la thèse de Mindeguia [75]. Ce terme semble adapté pour décrire le phénomène rencontré lorsqu’on chauffe certains bétons. On peut définir plusieurs instabilités thermiques d’après l’étude d’Arup [13]. Les plus courantes et celles qui nous intéressent le plus sont :

– l’écaillage (surface spalling en anglais) correspondant à un détachement local, plus ou moins rapide, de la surface du matériau. Ce phénomène se produit généralement dans la première phase de l’élévation de température. Ceci peut amener les armatures à être à nu et donc compromettre fortement la stabilité de la structure, d’après Khoury [64].

– l’éclatement (explosive spallingen anglais) correspondant à un détachement violent de par-ties en général plus grosses que lors de l’écaillage. La caractérisation principale est l’énergie importante dégagée lorsque l’éclatement a lieu.

On rencontre plus souvent le phénomène d’éclatement dans les bétons à hautes performances que pour les bétons ordinaires, pour Phan [88]. Les raisons qui expliquent cela sont abordées dans les parties suivantes.

1.3.2 Les hypothèses d’instabilités thermiques

Les instabilités thermiques présentées précédemment reposent sur différentes hypothèses, qui sont défendues par les auteurs. Ces hypothèses sont elles-mêmes basées sur l’influence obser-vée qu’ont les paramètres suivants : la teneur en eau et la compacité du béton, le type de sollicitation thermique. Ainsi, sur la figure 1.23 sont regroupés les différents facteurs prin-cipaux intervenant dans l’explication du phénomène d’instabilité thermique : le gradient de température et la pression interne. Nous allons traiter ces deux aspects séparément dans ce paragraphe.

1.3.2.1 L’aspect thermo-hydrique

L’hypothèse considérant la pression interne élevée proche de la surface comme responsable de l’instabilité thermique est expliquée par Anderberg [12]. En effet, comme le montre la figure

1.23, on imagine trois zones au sein du béton soumis à une source de chaleur sur une paroi : la zone 1, proche de la surface, considérée comme sèche, croît au cours du temps. La zone 3, plus loin dans l’élément contient l’eau sous les formes décrites dans le paragraphe 1.4. Enfin la zone 2 en cours de séchage contient de l’eau sous forme de vapeur également. Cette vapeur migre vers la zone 1 mais aussi vers la zone 3, plus froide, où elle se condense. Ce faisant, les pores deviennent saturés en eau, créant un bouchon qui empêcherait la vapeur d’eau de migrer. Ainsi la pression interne augmente jusqu’à créer un état de contrainte dépassant la limite en traction du béton et serait responsable de l’instabilité thermique.

Cette hypothèse est soutenue par Harmathy [55], England [44], Kalifa et al [61], Yanko [110], Noguchi [81] et Dal Pont [29].

Nous verrons dans la partie 1.4.1 le rôle des fibres synthétiques et l’efficacité supérieure des fibres de polypropylène vis-à-vis de l’instabilité thermique. En revanche nous pouvons déjà dire que cette hypothèse serait bien en accord avec la capacité des fibres synthétiques à fondre et

1.3. Éclatement des bétons sous sollicitations thermiques 31

Z

one 1 Zone 2 Zone 3

Figure1.23: Suggestion d’évolution de la température et de la pression au sein d’un élément en béton soumis à un incendie, inspiré de Khoury [65].

Figure1.24: Modèle de pore sphérique utilisé par Lottman [71] pour le calcul des contraintes de traction.

donc à créer un volume améliorant la migration de la vapeur d’eau et permettant de diminuer la pression interne.

Cependant, de nombreuses expérimentations avec des mesures de pression interne ont montré que pour certains cas d’instabilité thermique la valeur de pression interne relevée n’était pas supérieure à la résistance en traction. L’inverse a également pu être observé. En revanche les observations effectuées sur de nombreuses expérimentations ont montré une tendance à l’éclatement plus élevée pour les bétons haute performance que les bétons ordinaires (Kalifa [61], Kodur [70], Phan [86] et Mindeguia [75]). Ceci est lié à la compacité de la pâte, et donc à la faible porosité du béton qui entrainent des pressions internes plus élevées.

Le tableau 1.1 expose des mesures de pression interne effectuées par différents auteurs. Le calcul de la contrainte directe présentée dans le tableau est basé sur un modèle sphérique de pore (voir figure 1.24, d’après Lottman [71]).

32 Étude bibliographique

Auteurs

Résistance en Pression Porosité Contrainte de traction

compression du béton de vapeur (mesurée ou estimée) appliquée au solide

MPa MPa % MPa

Yanko_2004 127 1.1≀ 11.9 0.77 86 5.2≀ 15 3.98 123 0.42≀ 10.2 0.28 80 0.61 19.3 0.52 88 0.26 15 0.20 harada_1997 [54] ? 0.13 13 0.09 shekarchi_2007 [99] ?? 0.350.46 1315 0.250.35 jansson_2007 [59] 3737 0.31.7 14 1.27 14 0.22 phan_2002 75 2.1≀ 10 1.40 kalifa_2001 106111 2.34 7.57.5 1.432.49 mindeguia_2009 37 1.5 14 1.12 37 0.2 14 0.15 37 0.32≀ 14 0.24 61 2.5 10.5 1.69

≀: signifie qu’il y a eu éclatement

Table1.1: Pressions de vapeur mesurées expérimentalement par différents auteurs (repris de Mindeguia [75]).

et Boström [58]. Elle est que le rôle des fibres de polypropylène est d’éloigner l’eau sous forme liquide de la surface chauffée en créant par microfissuration une connectivité supplémentaire dans le matériau. L’effet d’eau liquide soumis à une élévation de la température a un impact important sur la pression interne dans le béton. En effet, l’eau liquide ayant une dilatation thermique bien plus élevée que le béton (de l’ordre de 2.5 10−4 C−1 contre 1 10−5 C−1 pour le béton), sa dilatation entraine des contraintes internes supplémentaires. Il a en outre été montré que le béton à caractère humide a des caractéristiques mécaniques plus faibles. Ceci associé à l’augmentation locale des contraintes internes accentue les risques d’éclatement. Hertz [57] a montré qu’une teneur en eau inférieure à 3% pour les bétons ordinaires permet de limiter le risque d’éclatement. Lorsque l’ajout de fibres est préconisé la zone critique étant éloignée de la source de chaleur, elle est soumise à une température plus faible, diminuant ainsi le risque d’éclatement.

1.3.2.2 L’aspect thermo-mécanique

L’instabilité thermique provoquée par des contraintes mécaniques engendrées par la dilatation thermique empêchée est soutenue par Bažant [19], Ulm [103], Msaad [78]. Cette hypothèse défend l’idée que le gradient de température entraine des dilatations empêchées des granulats et de la pâte. Celles-ci engendrent alors des contraintes de compression parallèles à la surface chauffée, et par effet Poisson une déformation perpendiculaire à la surface chauffée, qui peut entrainer des contraintes de traction. De plus, le gradient thermique provoque des dilatations différentes entre pâte et granulats du fait de leur caractéristiques thermiques. Cette incompa-tibilité de dilatation thermique entre granulats et pâte de ciment est intéressante, cependant, l’efficacité des fibres synthétiques dans la tenue au feu est difficilement explicable dans ce cas là. Il semble tout de même intuitif que cet aspect puisse entrer en jeu dans les instabilités. Si ce n’est pas le facteur principal, il peut être un élément déclencheur.