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Cadre g´ en´ eral des travaux

1.2 Mesure de la perception du mouvement propre

1.2.2 Études portant sur la perception de la distance parcourue

Berthoz, Israël, Georges-François, Grasso & Tsuzuku(1995) ont voulu tester si des par-ticipants pouvaient reproduire une distance parcourue en utilisant seulement les informations vestibulaires et proprioceptives. Des sujets humains les yeux bandés étaient déplacés passi-vement sur un robot sur différentes distances (2, 4, 6, 8, et 10m) et selon différents profils de vitesse, e.g. sinusoïdaux ou triangulaires. Après la fin du mouvement, la tâche des sujets était de reproduire activement la distance parcourue perçue en pilotant le robot à l’aide d’un joystick. Les sujets ont montré qu’ils pouvaient reproduire de manière très précise la distance parcourue. Leur stratégie était de copier le profil de vitesse du premier déplacement.

Witmer & Kline (1998) furent parmi les premiers chercheurs à vouloir observer l’es-timation de la distance parcourue en environnement virtuel. Ils examinèrent les effets d’in-dices de mouvement, de modes de navigation, et de vitesse de mouvement sur l’estimation de la distance parcourue. Les participants voyaient l’environnement virtuel via un visio-casque (Head-mounted display – HMD) et se tenaient debout sur un tapis roulant. La tâche était de

naviguer dans l’environnement sur différentes distances allant de 3 à 100 mètres, via trois méthodes différentes. Par la suite, les participants devaient donner une estimation verbale de la distance parcourue. Les trois formes de déplacement testées étaient réalisées via : un joys-tick, un tapis roulant, et un mouvement passif contrôlé par l’expérimentateur. Les vitesses de déplacements étaient de 0.45 m.s−1 ou bien de 0.9 m.s−1 (pour la condition sur tapis roulant, les participants étaient incités à marcher plus vite ou moins vite si leur vitesse se trouvait en dehors d’une marge de + ou – 10% de la vitesse prédéfinie). Les résultats ont montré que les participants sous-estimaient la distance parcourue (leurs estimations verbales étaient d’environ 67% de la distance réellement parcourue) et qu’aucune différences ne pou-vait être observée entre les trois méthodes de déplacement. Les auteurs ont alors suggéré que cette non-différence entre les conditions – alors que la condition tapis roulant procurait des informations proprioceptives supplémentaires – pouvait s’expliquer par le fait que les partici-pants devaient en même temps se concentrer sur leur vitesse de marche pour ne pas s’écarter de la marge de 10%. Cette tâche secondaire pouvait alors les distraire et par conséquent réduire leur précision concernant la tâche primaire. A l’inverse, les résultats montraient une différence significative dans l’estimation des distances parcourues à travers les deux vitesses et dans les trois modes de déplacement. Les participants qui se déplaçaient à la vitesse la plus faible donnaient des réponses significativement plus précises que les participants confrontés à la vitesse la plus élevée. Les auteurs ont alors suggéré que le temps de parcours pouvait être responsable de ce résultat, dans le sens ou les participants devaient assimiler les temps de déplacement plus longs à des distances plus longues, et par conséquent des estimations plus grandes.

Kearns, Warren, Duchon & Tarr (2002) ont quant à eux étudié le rôle du flux optique et des informations endogènes (vestibulaires et proprioceptives) sur une tâche de retour à un point de départ (homing task) en environnements virtuel. Ils ont utilisé une tâche d’ "achève-ment de triangle" (triangle-completion task) dans laquelle les participants marchaient les yeux ouverts pour atteindre une première cible, ensuite ils devaient effectuer un virage pour voir et marcher vers une seconde cible, toujours les yeux ouverts. Après avoir atteint cette seconde cible, ils fermaient les yeux, se tournaient et tentaient de retourner au point de départ. Six types de triangles étaient testés dans cette étude. Tous ces triangles avaient leur premier côté de taille identique (4.25 m), par contre la longueur du second côté variait (2.25 ou 4.25 m), et l’angle formé par ces deux côtés pouvait également varier (60, 90, ou 120 degrés). Dans les expériences 1 et 2, un joystick était utilisé pour naviguer dans l’environnement virtuel. Les résultats de ces deux expériences ont montré que les participants pouvaient utiliser le flux optique pour réaliser une tâche d’intégration de trajet. Ces résultats ont également montré qu’un flux optique rotationnel provoquait différents types d’erreurs perceptives par rapport

à un flux optique translationnel. Dans une troisième expérience les participants marchaient réellement dans ce même environnement virtuel. Les résultats ont indiqué que l’intégration de trajet pouvait être réalisée par l’intégration du flux optique, mais quand des informations endogènes étaient présentes (vestibulaire et proprioceptive) celles-ci semblaient dominer.

Redlick, Jenkin & Harris(2001) ont cherché à savoir si le flux optique seul était suffisant afin d’estimer de manière précise la distance parcourue. Dans leur étude l’environnement vir-tuel était un couloir constitué de bandes verticales colorées dont les couleurs variaient dans le temps afin d’éviter aux participants de prendre des repères. Le sol et le plafond étaient quant à eux non-texturés. Cet environnement était présenté aux participants via un visio-casque sans stéréo. Pour chaque essai, une cible apparaissait à une des quatre distances suivantes : 4, 8, 16, et 32 mètres. Quand les participants étaient prêts ils pouvaient, en cliquant sur un bouton, déclencher à la fois la disparition de la cible et le mouvement de l’environnement dans leur direction. La tâche était de cliquer une seconde fois sur le bouton lorsque qu’ils pensaient avoir atteints la position de la cible préalablement visible. Le flux défilait soit selon cinq vitesses constantes (0.4, 0.8, 1.6, 3.2, ou 6.4 m.s−1) soit selon six accélérations (0.025, 0.05, 0.1, 0.2, 0.4, 0.8, ou 1.6 m.s−2). Les résultats montraient que lorsque le flux optique avait une vitesse constante ou une accélération inférieure à 0.1 m.s−2, les participants don-naient leurs réponses avant d’avoir atteint la cible. Les auteurs ont suggéré que si la distance initiale à la cible (la distance égocentrique) était perçue correctement alors les participants surestimaient la distance parcourue. Par exemple, les participants parcouraient en moyenne seulement 20 mètres dans l’environnement pour atteindre une cible initiale à 32 mètres. Mais quand le flux optique avait une accélération plus grande que 0.1 m.s−2 leurs estimations de la distance parcourue étaient beaucoup plus précises. Les auteurs ont alors conclu que les humains pouvaient utiliser le flux optique pour estimer une distance parcourue. Cependant, les erreurs de distances parcourues à vitesses constantes ou à faible accélération impliquent que les observateurs jugent de manière correcte la distance parcourue seulement quand l’in-formation donnée par le mouvement visuel est approprié.

Frenz & Lappe(2005) ont testé si des observateurs stationnaires pouvaient se construire une représentation interne de la distance parcourue pour ensuite l’estimer de manière cor-recte. Dans cette étude, l’environnement virtuel était affiché sur un grand écran. Les parti-cipants étaient assis sur une chaise dont la hauteur pouvait être ajustée afin que leurs yeux soient pour chacun d’entre eux à la même hauteur (1.6 mètre), il n’y avait ni stéréo, ni pa-rallaxe. La scène représentait un sol texturé. Dans la première expérience, les participants étaient dans un premier temps confrontés à une scène en mouvement dans leur direction qui se stoppait par la suite. Ils devaient dans un deuxième temps, par la manipulation d’une ligne

virtuel présente sur le sol et pouvant être déplacée face à eux dans la profondeur, estimer la distance qu’ils pensaient avoir parcourue visuellement précédemment. Les distances à par-courir allaient de 1.8 à 4.6 mètres. Trois scènes visuels pouvaient leur faire face : avec un sol texturé, avec un sol constitué de 3000 points blancs, et avec un sol constitué de 150 points blancs. Ces trois différentes textures fournissaient trois différents niveaux de flux optique. Les résultats montraient que les participants sous-estimaient significativement la distance parcou-rue dans les trois conditions de flux optique : 49% avec sol texturé, 33% avec sol constitué de 3000 points, et 24% sol constitué de 150 points. La corrélation très élevée entre la distance parcourue et l’estimation de distance parcourue indiquait que les participants pouvaient dis-tinguer la distance qu’ils venaient de parcourir en se basant uniquement sur le flux optique.

L’objectif de la seconde expérience était d’expliquer les différences de résultats obtenus dans la première expérience et celle de Redlick & al. (2001) car en effet dans la première expérienceFrenz & Lappeont relevé que les sujets sous-estimaient la distance parcourue alors queRedlick & al.relevaient une sur-estimation. Avec le même dispositif que dans l’expérience 1, les auteurs ont reproduit l’étude menée par Redlick : les participants pouvaient dans un premier temps voir une cible, puis cette cible disparaissait et le mouvement du tunnel dans leur direction était déclenché. Ils devaient alors stopper le mouvement de l’environnement lorsqu’ils pensaient avoir atteint la position de la cible préalablement présente. Deux sous-expériences ont été menées : dans l’expérience 2A, les distances étaient les mêmes que celles présentent dans l’étude deRedlick & al. (2001) (4 à 32 mètres) ; dans l’expérience 2B, les auteurs ont repris les distances de leur première expérience (1,8 à 4.6 mètres). Les résultats montraient que les participants sur-estimaient la distance parcourue lors de l’expérience 2A, mais qu’ils les sous-estimaient lors de l’expérience 2B.

La troisième expérience avait pour but d’investiguer différentes méthodes d’estima-tion de la distance parcourue. Quatre méthodes furent utilisées : 1) la reproducd’estima-tion active d’un mouvement visuel : le participant était d’abord confronté à une simulation visuelle de déplacement d’une certaine distance et devait ensuite reproduire cette même distance ; 2) l’intervalle correspondant (interval matching) : le participant était d’abord confronté à une simulation visuelle de déplacement d’une certaine distance et devait ensuite placer une ligne pour que l’intervalle entre celle-ci et une autre - fixe - soit équivalent à la distance préalable-ment parcourue ; 3) le rapport verbal dont l’unité est la hauteurs du point de vue : le participant parcourait visuellement une distance et devait ensuite rapporter, à l’aide d’une unité lui étant est propre, la hauteur de son point de vue, la distance qu’il venait de parcourir ; 4) la marche les yeux bandés : le participant parcourait visuellement une distance et devait ensuite essayer de marcher les yeux bandés cette même distance. Les distances s’étendaient de 1 à 6,4 mètres. Les résultats montraient que les participants étaient précis lors de la reproduction active du mouvement visuel (1), mais qu’ils sous-estimaient dans les trois autres conditions.

Ensemble, ces trois expériences suggèrent que le flux optique offre une information utile pour l’estimation de la distance parcourue, et que les participants semblent sous-estimer les courtes distances dans certaines circonstances.