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Chapitre 1 : Synthèse de biaryles cétones

II- 1-5 Études du mécanisme

Nous avons tout d’abord cherché à déterminer le rôle du zinc dans cette réaction. En effet, comme vu précédemment avec le Schéma 55 et le Schéma 56, la présence de zinc est obligatoire afin d’obtenir les cétones symétriques avec de bons rendements. Une fois l’arylzincique filtré, l’ajout d’une quantité catalytique ou stœchiométrique de zinc (Tableau 6, entrées 3 et 4) permet d’augmenter sensiblement le rendement comparé à la réaction sans ajout de zinc après filtration (Tableau 6, entrée 1). Cependant, l’ajout, dans la 2ème étape après filtration de l’arylzincique, de zinc préalablement activé en quantité stœchiométrique (Tableau 6, entrée 5) permet d’obtenir un rendement similaire à celui obtenu sans filtration de l’arylzincique (Tableau 6, entrée 2). Le remplacement du zinc par d’autres métaux réducteurs comme du manganèse ou du fer (Tableau 6, entrées 6-8) ne donne pas de résultats satisfaisants. L’ajout d’un acide de Lewis, tel que ZnBr2 qui pourrait être enlevé de la solution dans l’étape de filtration, ne permet pas d’obtenir la cétone avec un bon rendement (Tableau 6, entrée 9). Il semble donc que le zinc agit ici en tant que réducteur et qu’il pourrait également s’insérer dans l’un des intermédiaires de la réaction, et non comme agent de chélation car il doit être activé pour obtenir la cétone avec un bon rendement. De plus, ce zinc doit être présent en excès et non en quantité catalytique (Tableau 6, entrée 10).

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Entrée Conditions Temps de réaction (h) Rendement isolé (%)

1 Filtration de l’arylzincique 18 13 2 Pas de filtration de l’arylzincique 5 76 3 Filtration de l’arylzincique + 13 mol% de zinc 5 16 4 Filtration de l’arylzincique + 3 equiv. de zinc 2.5 24 5 Filtration de l’arylzincique

+ 3 equiv. de zinc activé 1 73

6 Filtration de l’arylzincique + 1 equiv. de manganèse 1.5 10 7 Filtration de l’arylzincique + 3 equiv. de manganèse 2 25 8 Filtration de l’arylzincique + 3 equiv. de fer 2.5 0 9 Filtration de l’arylzincique + 1 equiv. de ZnBr2 1.5 8 10 Filtration de l’arylzincique

+ 13 mol% de zinc activé 4.5 8

Tableau 6. Rôle du zinc dans la réaction entre un arylzincique et l’éthyle chloroformiate

Tout comme le zinc, la présence de cobalt est également nécessaire à la formation de cétones. En effet, si on utilise une solution commerciale de bromure de phénylzinc dans du THF, qui ne contient donc pas de cobalt, que l’on remplace le THF par de l’acétonitrile pour être dans les mêmes conditions développées et que l’on y ajoute l’éthyle chloroformiate (voire du zinc), la formation de benzophénone n’est pas observée (Schéma 59).

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Schéma 59. Réaction sans cobalt avec l’éthyle chloroformate

Comme mentionné précédemment,159 Jackson avait obtenu une bialkyle cétone par réaction d’un alkylzincique et de l’éthyle chloroformiate en présence de palladium avec un faible rendement. Il explique cela par la formation d’un complexe palladium-carbonyle, dû à la décomposition du chloroformiate (Schéma 60).

Schéma 60. Formation d’un complexe palladium-carbonyle

Basée sur ces résultats, notre première hypothèse concernant le mécanisme de notre réaction était que le chloroformiate se décomposait dans le milieu réactionnel pour former un complexe de cobalt- carbonyle. La spectrométrie infrarouge est le seul outil à notre disposition pour détecter ce complexe. En effet, la liaison terminale entre un métal et un carbonyle se voit très bien et est normalement comprise entre 2125 et 1850 cm-1.

La réaction de synthèse de la biaryle cétone a donc été étudiée par spectrométrie infrarouge. Tout d’abord, le complexe de cobalt-carbonyle a été observé en mélangeant du cobalt et du zinc sous atmosphère de CO (Schéma 61 a), en absence de chloroformiate et de bromure d’aryle. Deux bandes de vibrations de CO ont été observées, à 1985(m) et à 1956(m) cm-1. L’intensité de ces bandes augmente au début de la réaction, au moment de la mise sous atmosphère de monoxyde de carbone du mélange réactionnel, puis rapidement cette intensité ne varie plus, indiquant que tout le cobalt a réagi avec le monoxyde de carbone. Dans le casoù le chloroformiate est ajouté à une solution de cobalt et de zinc, celui- ci est lentement consommé et on observe les mêmes bandes de vibrations qu’avec le CO (Schéma 61 b). Cependant, quand le chloroformiate est seulement en présence de zinc, aucune espèce de zinc-carbonyle n’est observée et le chloroformiate n’est pas consommé (Schéma 61 c). De même, quand une espèce de cobalt(I) est générée par réduction du Co(II)Br2(bpy) avec du zinc dans les conditions habituelles, que cet excès de zinc est ensuite filtré et que le chloroformiate est ajouté, aucune bande attribuée à un cobalt- carbonyle n’est alors observée par spectrométrie infrarouge (Schéma 61 d) et le chloroformiate n’est pas consommé. Ainsi, la présence de cobalt et de zinc est essentielle pour décomposer le chloroformiate et

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obtenir une espèce active de cobalt-carbonyle. Il est à noter que l’ajout d’un bromure d’aryle à un complexe de cobalt-carbonyle, obtenu par décomposition du chloroformiate, permet bien la formation de la biaryle cétone correspondante. Toutefois, d’autres études doivent être réalisées afin de déterminer le mécanisme exact de la décomposition du chloroformiate et les degrés d’oxydation des espèces de cobalt impliquées dans cette décomposition en utilisant par exemple un complexe de cobalt(I).

Schéma 61. Étude de la décomposition du chloroformiate par spectrométrie infrarouge

Ainsi, un mécanisme simplifié peut être proposé dans le Schéma 62, comme suggéré par Takagi.83b Le cobalt(II) est d’abord réduit en cobalt(I) par du zinc activé. En présence de cobalt et de zinc le chloroformiate est décomposé pour former un complexe de cobalt-carbonyle. Un arylzincique transmétalle avec ce complexe, puis, par insertion migratoire, un complexe d’aroyle cobalt est obtenu. Après une deuxième transmétallation avec un arylzincique, la biaryle cétone est obtenue par élimination réductrice et l’espèce active de cobalt(I) est régénérée.

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Schéma 62. Mécanisme proposé pour la synthèse de biaryles cétones via un complexe de cobalt-carbonyle