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Études d’irrégularités engendrées par des perturbations locales

Chapitre 2 Modélisation et analyse des lignes de bus

2.2 Analyse du système

2.2.3 Études d’irrégularités engendrées par des perturbations locales

D’après l’analyse précédente, l’instabilité du système est une condition nécessaire mais pas suffisante pour observer l’irrégularité des bus. Cette irrégularité provient des perturbations qui apparaissent dans les lignes. Ces perturbations sont à présent générées à différents niveaux du système. 2.2.3.1 Propagation d’une unique perturbation

Afin d’étudier la propagation de perturbations, le cadre simplifié du modèle déterministe de Newell et Potts (1964) est considéré. L’irrégularité du système ne peut provenir que de la perturbation initiale. En itérant l’équation (2.14), l’écart effectif d’un bus avec son prédécesseur peut s’exprimer en fonction des conditions initiales du système, c’est-à-dire les écarts entre les différents bus à leur départ (ℎ𝑛,1) et les écarts avec le premier bus (ℎ0,𝑠

= 𝐻

). Dans un premier temps, l’effet d’une unique perturbation est étudié. Cette perturbation Δ représente le retard (Δ > 0) ou avance (Δ < 0) du premier bus par rapport à son horaire lors de son départ : ℎ1,1= H + Δ et ℎ𝑛>1,1 = H.

La Figure 2.7 représente les trajectoires de bus simulées dans ces conditions. La propagation de la perturbation initiale s’observe par les nuances de couleurs. En l’absence de perturbation, le système est parfaitement régulier. Dans les deux autres situations, les retards et les avances tendent à s’amplifier le long de la ligne. Dans le cas simple où toutes les demandes 𝜆𝑠 sont constantes et égales à 𝜆, la valeur de la perturbation pour chaque bus à chaque arrêt s’exprime par5 :

5 La combinaison fait référence au nombre de chemins possibles pour que la perturbation passe de ℎ1,1

à

ℎ𝑛,𝑠, c’est-à-dire (𝑛 − 1) parmi ((𝑠 − 1) + (𝑛 − 1) − 1) = 𝑠 + 𝑛 − 3. Le résultat final sur ℎ𝑛,𝑠 est la somme de toutes les contributions de ces propagations.

𝑛,𝑠− 𝐻 = (1 + 𝑏𝜆)𝑠−1(−𝑏𝜆)𝑛−1(𝑠 + 𝑛 − 3𝑛 − 1 ) Δ (2.19)

Figure 2.7. Trajectoires de bus simulées pour une unique perturbation initiale sur le premier bus : (a) absence de perturbation (b) retard de 1 min, (c) avance de 1 min.

Cela établit la connexion entre une perturbation initiale et sa propagation dans le système. Il apparaît (i) que l’effet de la perturbation augmente le long de la trajectoire du premier bus (1 + 𝑏𝜆 > 1). En revanche, (ii) la perturbation change de signe (−𝑏𝜆 < 0) et s’atténue (𝑏𝜆 ≪ 1) d’un bus à l’autre. Cette alternance entre avance et retard s’observe par l’alternance de couleurs sur la Figure 2.7b et c. Les bus tendent naturellement à se regrouper par paire. Des trains de bus apparaissent si la perturbation initiale Δ est assez forte, si la demande aux arrêts 𝜆𝑠 ou le nombre d’arrêts 𝑆 est assez élevé, ou si l’écart désiré 𝐻 entre les bus est assez faible.

2.2.3.2 Effet combiné d’une suite de perturbations locales

L’effet d’une série de perturbations initiales est à présent étudié. Les écarts initiaux entre les bus à leur départ de la ligne suit l’équation (2.1) : ℎ𝑛,1= 𝐻 + 𝛿𝑛𝛥 où chaque 𝛿𝑛∈ [−1; 1] est uniformément distribué. D’après la linéarité de l’équation (2.14), les contributions de chaque perturbation 𝛿𝑖𝛥 à un écart donné ℎ𝑛,𝑠 s’ajoutent. Malgré cela, l’analyse de la propagation conjointe des perturbations initiales n’est pas aussi claire que dans le cas précédent. La Figure 2.8a représente le résultat d’une simulation où 𝛥 = 1 min. L’enchaînement non trivial des écarts initiaux fait que deux bus successifs peuvent présenter des écarts trop larges (resp. trop faibles) par rapport aux fréquences désirées.

Figure 2.8. (a) Trajectoires de bus simulées pour une série de perturbations initiales. (b) Dépendance de l’indicateur d’irrégularité global à l’indicateur d’irrégularité local à l’origine.

2.2. Analyse du système

Les seules irrégularités introduites dans le système l’étant à l’origine de la ligne, l’indicateur 𝐼0(𝑠 = 1) est a priori un critère satisfaisant pour quantifier la perturbation introduite dans le système. L’indicateur 𝐼1 est quant à lui utilisé pour quantifier l’irrégularité du système. La Figure 2.8b montre la relation entre 𝐼0(1) et 𝐼1. Les paramètres des simulations sont tels qu’une irrégularité initiale très faible (𝐼0(1) ≃ 0,5 %) conduit à un système fortement détérioré (𝐼1≃ 15 %). D’autres simulations pour la même valeur de 𝛥 mais avec des vecteurs aléatoires 𝛿 différents ont été réalisées. La forte dispersion des points obtenus montre que l’indicateur 𝐼0(1) relatif à la variance des écarts n’est pas suffisant pour expliquer l’intensité de la propagation des perturbations.

La Figure 2.8a laisse supposer que l’ordre des écarts relatifs est d’importance. En effet, plus deux écarts successifs sont différents, plus les bus vont avoir tendance à s’éloigner (ou au contraire à se rapprocher). L’indicateur 𝐼2 suivant permet de quantifier l’importance relative des perturbations initiales successives (indicateur de mélange des perturbations) :

𝐼2= 1

𝑁−1𝑁−1|𝛿𝑛+1− 𝛿𝑛|

𝑛=1 (2.20)

Figure 2.9. (a) Relation entre l’indicateur de l’irrégularité du système et l’indicateur de mélange. (b) Perturbations initiales de trois simulations particulières.

Un unique vecteur de perturbations 𝛿 = (−0,9; −0,7; … ; −0,1; 0,1; … ; 0,7; 0,9) est considéré de sorte à ce que 𝐼0(1) soit commun à toutes les simulations. Des permutations aléatoires de ce vecteur sont générées et permettent d’obtenir de nombreuses situations possibles en début de ligne. La Figure 2.9a montre dans quelle mesure 𝐼1 dépend de 𝐼2. Le nuage de points est beaucoup moins dispersé que précédemment. La Figure 2.9b exhibe la série de perturbations pour trois cas particuliers. En vert, les perturbations sont croissantes : le premier bus est très en avance et ses suiveurs le sont de moins en moins jusqu’au dernier bus qui lui, est très en retard. Dans cette situation où l’indicateur de mélange est très faible, le système est très régulier (𝐼1≃ 1,5 %). A l’inverse, la courbe rouge représente des perturbations oscillantes : les bus sont successivement en avance et en retard. Ils ont naturellement tendance à se regrouper par paire. Ici, l’indicateur de mélange élevé correspond à une irrégularité très forte (𝐼1≃ 26,5 %). Le troisième cas en bleu permet d’illustrer la dimension non représentée par l’indicateur de mélange. Il est en effet associé à une valeur élevée de 𝐼2 et faible de 𝐼1. Ici, les oscillations des perturbations sont plus lentes.

En conclusion, le passage très brusque d’un bus en retard à un bus en avance (et réciproquement) est néfaste pour la régularité du système. En revanche, les évolutions lentes sont bien

absorbées. Cet élément est particulièrement intéressant pour la conception de stratégies de régulation des bus. Si un bus est en retard, il peut être avantageux de retenir également le bus suivant plutôt que le faire repartir à l’heure. De plus, cette analyse permet de mettre en évidence l’importance cruciale des conditions aux bornes du système, à savoir la ponctualité ou non des bus à leur départ. Leur effet dans le système dynamique des lignes de bus n’est pas bien représenté par des indicateurs classiques (et statiques) tels que la variance. L’importance de l’ordre des conditions initiales est un argument fort pour intégrer autant que possible des éléments caractéristiques de la dynamique des lignes. Par ailleurs, la résilience des stratégies de contrôle des bus à un point fixe dépend fortement de la manière dont les bus repartent après leur régulation. Intégrer l’ordre des écarts dans ces stratégies permettrait d’améliorer leur efficacité en aval du point de contrôle.

2.2.3.3 Analyse de sensibilité aux aléas

Outre les écarts initiaux, la stochasticité des phénomènes s’opère à plusieurs niveaux du système. Les temps de parcours varient suivant une certaine loi sur chaque tronçon. Leur variabilité est représentée par l’écart-type 𝜎𝑠 dans le cas d’une loi normale considérée pour cette étude. Le nombre de passagers montant et descendant du bus à chaque arrêt est aussi aléatoire. Cependant, leur variabilité n’est pas paramétrable. Elle provient uniquement de la loi de probabilité associée. Ces aléas induisent une déviation des écarts temporels effectifs. Ces écarts se propagent alors comme décrits précédemment, du fait de l’instabilité des lignes de bus. Leurs contributions respectives sont déterminées par des analyses de sensibilités.

Figure 2.10. Test de sensibilité de la régularité du système (a) aux aléas sur les écarts initiaux, (b) aux aléas des temps de parcours, (c) aux deux simultanément.

La Figure 2.10 montre le résultat de l’analyse de sensibilité lorsque : (a) seuls les écarts initiaux varient, (b) seuls les temps de parcours varient, (c) les deux varient avec la même amplitude. De plus, dans chaque cas, le module de temps d’arrêt est soit stochastique soit déterministe. Les équations (2.5) (a) et (b) sont respectivement utilisées. Les paramètres utilisés pour le modèle ainsi que des analyses plus poussées peuvent être trouvés dans Hans et al. (A1). La Figure 2.10 montre que 𝐼1 croît avec l’écart-type des distributions de temps de parcours 𝜎𝑠, ainsi qu’avec la dispersion des écarts initiaux 𝛥. Les écarts initiaux ont un impact plus fort que les temps de parcours sur le système. Cela vient du fait que le ratio 𝛥 𝐻⁄ représente directement une variation des écarts entre bus alors que le ratio 𝜎𝑠⁄ 𝑇𝑠 représente une variation du temps de parcours. En outre, si 𝜎𝑠 = 𝛥 = 0 , le système est totalement

2.2. Analyse du système

régulier (𝐼1= 0). En revanche, le caractère aléatoire du nombre de transferts en passagers aux arrêts n’est pas progressif. Le module est soit purement stochastique, soit purement déterministe. La comparaison entre les deux possibilités montre que la forme aléatoire de la demande induit à elle seule une forte variabilité dans le système.

Cette analyse est à présent complétée par l’étude de l’impact de la descente. Les mêmes paramètres que précédemment sont utilisés. De plus, le ratio de descente à chaque arrêt est fixé à 𝜇𝑠= 20 %. Les temps de parcours sont maintenus fixes.

Figure 2.11. Impact du choix du modèle de temps d’arrêt sur la régularité du système : Test de sensibilité lorsque le modèle est (a) déterministe, (b) stochastique.

La Figure 2.11 montre l’influence du choix du module de temps d’arrêt. Celui-ci est égal soit à la somme temps de montée et de descente, soit au plus grand d’entre eux, soit uniquement au temps de montée. Que le modèle soit déterministe ou stochastique, considérer le maximum entre la montée et la descente est équivalent à ne considérer que la montée. Cela vient de l’importance relative des paramètres de demande et de ratio de descente qui font que la phase de montée est toujours prédominante à celle de descente. En revanche, lorsque le temps d’arrêt est égal à la somme des deux phases, l’indicateur 𝐼1 croît plus rapidement qu’avec les autres modules déterministes. De plus, considérer une descente aléatoire induit une forte augmentation de l’irrégularité du système par rapport aux autres modules.

Cette partie a non seulement montré la contribution des aléas dans l’irrégularité des lignes de bus, mais aussi l’importance de bien prendre en compte la dynamique des phénomènes. Les modèles classiques prennent bien en compte cette dynamique au niveau des arrêts grâce (i) à la dépendance entre le temps d’arrêt et l’écart entre deux bus et (ii) au chargement des bus qui garde en mémoire une trace du parcours réalisé. En revanche, les temps de parcours ne sont appréhendés qu’au travers de distributions. Celles-ci ne sont que des génératrices de perturbations et ne modifient en rien la loi de poursuite des bus. Le module de temps de parcours doit donc être raffiné pour intégrer les dynamiques de parcours des bus dans leur environnement.