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Étude expérimentale préliminaire

La mise en place d’une campagne d’essais sur une abatteuse fores-tière en conditions de service a pour objectif de quantifier les grandeurs physiques relatives au façonnage du tronc (efforts, vitesses, puissances, durées, etc.). Cette étude préliminaire s’intéresse à la faisabilité d’une telle campagne d’essais.

1.4.1 Études existantes

Différentes études ont déjà été menées sur des abatteuses en condi-tions de service. Bien loin des considéracondi-tions mécaniques qui nous préoc-cupent, la plupart d’entre elles portent sur l’efficacité opérationnelle des machines. Depuis les débuts de la mécanisation, la durée de chaque phase de travail (Tan 1987,Danilovi´c et al. 2011), ou encore la comparaison entre la productivité d’une abatteuse et celle d’un bûcheron manuel dans des peuplements difficilement mécanisables (Zinkeviˇcius et al. 2012) ont été analysées, en se basant sur le chronométrage des machines en fonctionne-ment, ainsi que sur diverses données liées, par exemple, au peuplement.

Plusieurs auteurs cherchent ainsi à optimiser le façonnage en étudiant l’influence du système d’organisation utilisé (Syunev et al. 2009), des com-pétences de l’opérateur (Ovaskainen 2009) ou encore de la taille des arbres façonnés (Nakagawa et al. 2007) sur la qualité du bois produit, l’environ-nement (tassement du sol, dommages aux arbres sur pied, etc.), mais sur-tout sur la productivité constatée.

Hallonborg et al.(2004) ont réalisé des essais afin de quantifier l’effort transmissible au tronc en fonction du type de rouleaux d’entraînement utilisé. Cependant, cette mesure était effectuée à l’aide d’un dispositif hy-draulique externe relié au tronc mais la machine en elle-même n’était pas instrumentée.

À notre connaissance, seul Prinz zu Hohenlohe (2011) propose une étude, ayant pour objectif de mesurer l’effet d’un accumulateur hydrau-lique placé dans le circuit de puissance et permettant de lisser la charge du moteur diesel et de réduire la consommation de carburant, dans laquelle la machine elle-même a été directement instrumentée. Dans ces travaux, les pressions hydrauliques à la sortie de la pompe et dans l’accumulateur, le débit vers la tête de bûcheronnage ainsi que le régime moteur ont été mesurés sur le porte-outil lors de l’entraînement d’un tronc.

1.4.2 Objectifs

Si les constructeurs de matériel forestier indiquent systématiquement un effort d’ébranchage maximal théorique dans les documentations des têtes de bûcheronnage, peu de données mécaniques obtenues expérimen-talement (pressions hydrauliques, efforts, vitesses, etc.) semblent dispo-nibles. L’objectif de cette première campagne d’essais est donc de valider la faisabilité de l’instrumentation d’une tête de bûcheronnage.

L’acquisition de données, si elle s’avère possible, devra permettre de quantifier les grandeurs physiques représentatives du façonnage, et d’ob-tenir des données concernant les puissances mécaniques (efforts, vitesses, durées, etc.) et hydrauliques (pressions et débits) en jeu. Ces données pourront être bénéfiques au dimensionnement général de la future tête de bûcheronnage, ou encore des bancs d’essais nécessaires au recalage expérimental des modèles qui seront développés.

1.4.3 Instrumentation et protocole d’essais

Grandeurs mesurées

Afin de remplir les objectifs précédemment définis, la mesure d’un certain nombre de paramètres s’avère nécessaire. En voici la liste :

– différentes caractéristiques de l’arbre (hauteur totale, diamètre à 1,30 m, décroissance du tronc, etc.) et des branches (diamètre et angles d’insertion, etc.) répertoriées dans le protocole de caractéri-sation des arbres établi par le FCBA, défini dans l’annexeB; – masse des arbres (pesage à l’aide d’un peson pendu sous la tête) ; – vitesse de défilement du tronc ;

– pression générale du circuit hydraulique ; – vitesse de rotation des rouleaux ;

– efforts de coupe.

Difficulté liée à l’acquisition de pression

La tête de bûcheronnage considérée est la Kesla 25RH. Son circuit hy-draulique est présenté dans l’annexeC. La figure1.16détaille le position-nement d’une prise de pression dans ce circuit, pour un des actionneurs.

On peut constater que la prise de pression existante est située, par rapport à l’alimentation, en aval du limiteur de pression mais en amont du distributeur. Cela s’explique simplement par le fait que la fonction initiale de ces points de raccordement est le réglage des limiteurs de pression.

La pression relevée en ce point n’est donc pas représentative de celle présente dans l’actionneur, et chaque choc subi par l’un des actionneurs entrainera systématiquement l’apparition d’un pic de pression sur l’en-semble des capteurs. Ainsi, il n’est malheureusement pas possible de dé-terminer simplement la pression dans chaque actionneur. C’est pourquoi seule une image de la pression "générale" sera mesurée.

Cette limitation semble d’ailleurs avoir fait l’objet de développements de la part de certains constructeurs, puisqueJohn Deere(2008) a intégré, dans sa dernière série de machines (série E), des capteurs de pression per-mettant l’accès direct, via l’ordinateur de bord, aux réglages et aux don-nées de pressions de serrage des rouleaux et des couteaux d’ébranchage, pendant les phases de maintenances mais également pendant les phases de travail.

Instrumentation

L’ensemble des composants utilisés pour l’instrumentation de la tête de bûcheronnage est présenté figure1.17.

La tête de bûcheronnage est munie d’un capteur de pression, de deux moteurs à courant continu jouant le rôle de dynamos tachymétriques pour mesurer la vitesse de rotation des rouleaux, ainsi que de deux capteurs d’efforts développés dans le cadre du projet. La pression d’alimentation est relevée sur l’une des prises de pressions prévues à cet effet.

Les capteurs d’efforts, présentés sur la figure1.18, agissent comme des vérins, reliés par des capillaires à des capteurs de pression hydraulique. Leur forme de couronne cylindrique permet un montage aisé sur les axes de rotation des couteaux mobiles supérieurs. La calibration de ces cap-teurs est réalisée sur banc d’essai, par la mesure simultanée de la pression relevée et de l’effort appliqué. En raison de la limitation dans l’acquisition des pressions évoquée précédemment, ces deux capteurs d’efforts ne sont pas raccordés au circuit hydraulique principal.

Figure 1.18 – Capteurs d’effort montés sous les couteaux mobiles

Protocole expérimental

En ce qui concerne les essences feuillues, l’intérêt est tout d’abord porté sur le chêne en raison des efforts de coupe élevés rencontrés lors de son façonnage et sur le hêtre, qui présente différents angles d’insertion. Pour chaque arbre, le déroulement prévu est le suivant :

– abattage de l’arbre et dépose au sol ;

– mesure de la géométrie de l’arbre (cf. protocole de caractérisation, annexeB) et marquage ;

– pesée de l’arbre à l’aide du peson suspendu sous la tête d’abattage (étape réalisable avant les mesures géométriques si besoin) ;

– début de l’acquisition vidéo, façonnage (relevé des grandeurs précé-demment présentées);

– fin de l’acquisition vidéo.

1.4.4 Résultats obtenus

La figure1.19 illustre une acquisition obtenue lors de cette première campagne d’essais, menée sur une douzaine d’arbres. Au vu de ces ré-sultats, on peut constater que les efforts relevés sur les couteaux d’ébran-chages sont généralement compris entre 30 et 60 kN. Cette plage de valeur est supérieure à l’effort d’entraînement théorique de 24 kN annoncé par le constructeur Kesla pour sa tête 25RH (Kesla Oyj 2013). Ceci s’explique par le fait que le conducteur d’engin préfère généralement utiliser, en plus des rouleaux d’entraînement, le déplacement de la grue du porte-outil afin de

Figure 1.19 – Acquisition type pour le façonnage d’un arbre

faire défiler la tête le long du tronc, ce qui entraîne une augmentation de l’effort.

La distinction des pics d’effort correspondant à l’ébranchage n’est mal-heureusement pas évidente, et la comparaison des données acquises avec les vidéos des essais semble donc nécessaire. Certaines discontinuités dans l’entraînement des moteurs à courant continu par les rouleaux ont ainsi pu être observées. Celles-ci interviennent en raison des chocs très importants subis par le matériel lors du façonnage.

L’utilisation de la vidéo a également permis de constater que le simple serrage des couteaux entraîne également l’apparition d’un pic sur les don-nées issues des capteurs d’efforts, ce qui ne permet pas de distinguer les pics d’efforts induits par l’ébranchage.

1.4.5 Conclusion

Cette campagne d’essai a été l’occasion d’expérimenter le protocole d’instrumentation d’une tête de bûcheronnage en vue d’acquérir certaines données physiques en conditions de service. Un ordre de grandeur de 30 à 60 kN a pu être obtenu concernant les efforts observés.

Cependant, en raison du déplacement de la grue du porte-outil lors de l’ébranchage, cette mesure ne permet pas de répondre aux attentes relatives au développement des différents modèles. Cette manœuvre, né-cessaire en raison des contraintes d’exploitation et des frottements impor-tants de l’arbre sur un sol très encombré de branchages, ne permet pas de mesurer l’effort de coupe induit uniquement par une propulsion des rouleaux.

Afin d’être en mesure d’acquérir cette donnée utile à la caractérisation du phénomène et au développement du modèle d’ébranchage, il faudrait être en mesure de créer des conditions d’essais limitant au maximum les

causes éventuelles de perturbations. Pour cela, il serait nécessaire de réali-ser le façonnage des arbres un à un, sur une parcelle entièrement dégagée. Une telle mise en place s’avèrerait très coûteuse dans la mesure où elle né-cessiterait, en plus de la mise à disposition de l’abatteuse forestière, celle d’un porteur afin de déplacer les arbres entiers, après abattage, vers la zone de façonnage.

Il parait donc très délicat d’obtenir des mesures exploitables à travers l’acquisition de données sur une machine en conditions de service. Les nombreuses sources de perturbations, les sollicitations très importantes subies par le matériel ainsi que les contraintes d’exploitations inhérentes à l’utilisation d’une telle machine nous conforte dans l’idée que le déve-loppement de modèles et la simulation s’avère bien plus rapide à mettre en œuvre et bien moins coûteux que l’instrumentation d’une machine.

La caractérisation expérimentale des paramètres des modèles à l’aide de bancs d’essais va également dans ce sens, tout en réduisant les risques de perturbations, et permet ainsi de se concentrer sur les phénomènes à étudier.

Les principaux défis scientifiques quant à la modélisation de ces diffé-rentes opérations vont maintenant être exposés.