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Étude de cohorte prospective (enquête exposés/non exposés)

Stratégies et plan de recherche

2.5 Stratégies analytiques en épidémiologie

2.5.2 Étude de cohorte prospective (enquête exposés/non exposés)

La stratégie classique des études de cohorte est de prendre au départ une population de référence (ou un échantillon représentatif de celle-ci), dont certains individus présentent des caractéristiques ou des attributs d’intérêt pour l’étude (groupe exposé), tandis que d’autres individus ne les présentent pas (groupe non exposé). Les deux groupes doivent être exempts de la ou les pathologie(s) en considération au commencement de l’étude. L’observation des deux groupes se poursuit sur une période donnée afin de découvrir pour chaque groupe son risque de développer la ou les pathologie(s) objet de l’étude. Cette démarche est illustrée schématiquement dans la figure 2.2.

Caractéristiques du plan d’étude a. Sélection d’une cohorte :

• Une cohorte appartenant à une même communauté, d’âge et de sexe spécifiques ;

• Une cohorte ayant le même facteur d’exposition : radiologues, fumeurs, utilisatrices de contraceptifs oraux ;

• Une cohorte ayant la même année de naissance : écoliers de première année ;

FIGURE 2.2 PLAN D’ÉTUDE D’UNE ENQUÊTE DE COHORTES (PROSPECTIVE)

Développent la maladie Avec

facteur

Ne développent pas la maladie

Population Échantillon

de référence

Développent la maladie Sans

facteur

Ne développent pas la maladie

Exemple

Développent le cancer de la bouche Chiquent

Ne développent pas le cancer de la bouche Population

exempt de Échantillon

cancer de la

bouche Développent le

cancer de la bouche Ne chiquent pas

Ne développent pas le cancer de la bouche

• Une cohorte ayant la même profession : mineurs ; militaires ;

• Une cohorte ayant le même état civil (marié, célibataire…) ;

• Une cohorte de même diagnostic ou de même traitement : cas traités par radiothérapie, par chirurgie, par traitement hormonal.

La procédure habituelle est de situer ou d’identifier la cohorte, qui peut être la population totale d’une région ou un échantillon de celle-ci.

b. Données à recueillir :

• Données sur l’exposition considérée dans les hypothèses de l’étude ;

• Données sur le résultat considéré dans les hypothèses de l’étude ;

• Caractéristiques de la cohorte qui risquent de confondre l’association étudiée.

c. Méthodes de collecte des données :

On emploie différentes méthodes, qui doivent se prolonger dans le temps, pour recueillir les données mentionnées ci-dessus.

Ces méthodes comprennent :

• Les enquêtes avec interrogatoires et des procédures de suivi ;

• Les dossiers médicaux qui sont contrôlés au cours du temps ;

• Les examens médicaux et les essais de laboratoire ;

• Regroupement des archives avec les ensembles de données d’exposition et avec les ensembles de données de résultat : par exemple, données sur le travail passé dans les mines avec les données de mortalité des archives nationales de mortalité.

Dans une étude de cohorte classique, on effectue souvent une enquête transversale préalable afin d’exclure les individus qui présentent déjà le résultat considéré (maladie) et d’identifier la cohorte exempte de la maladie.

Mesures de fréquence.

Dans les études de cohorte on utilise couramment deux méthodes pour mesurer l’incidence de la maladie (état pathologique) étudiée : a. Incidence cumulée

Cet indicateur de la fréquence d’une maladie est basé sur la population totale à risque qui était, au commencement de l’étude, exempte de la maladie étudiée. On calcule l’incidence de la maladie pour chaque niveau d’exposition au facteur de risque, l’incidence étant le nombre de cas ou d’événements nouveaux au cours de la période d’observation, rapporté à la population totale à risque au cours de la même période.

La mesure d’incidence donne une estimation de la probabilité ou du risque de développer la maladie chez tous les membres du groupe, inclus dans l’étude à son commencement, qui étaient susceptibles de développer la maladie. Comme la mesure est obtenue par le cumul de tous les nouveaux cas dans la population totale à risque, on a adopté le terme de ‘incidence cumulée’.

L’incidence cumulée est une proportion mais n’est pas un taux.

Elle peut varier de 0 à 1, c’est-à-dire qu’entre 0 % et 100 % de la population à risque peut développer la maladie.

Cette mesure de la fréquence de la maladie se calcule comme si la même période d’observation s’appliquait à toutes les unités ou à tous les individus de la population, mais les nouveaux cas qui ont développé la maladie ne font plus partie de la population à risque.

b. Densité d’incidence, ou taux d’incidence, ou incidence instantanée (approche personne-temps)

Cette approche améliore la mesure classique de l’incidence puisqu’elle tient compte non seulement du nombre d’individus observés mais également de la durée de l’observation de chaque individu. Ainsi, si l’observation de 30 individus se déroule de la façon suivante : 10 pendant deux ans, 5 pendant trois ans, et 15 pendant quatre ans, leurs parts respectives sont de (10x2)+(5x3)+(15x4) soit un total de 95 personnes-année d’observation. Cette dernière valeur devient le dénominateur alors que le numérateur est le nombre de nouveaux cas observés dans le groupe au cours de la période spécifiée. On obtient

ainsi un taux d’incidence exprimé en personnes par année, qui s’appelle la densité d’incidence (ou incidence instantanée). La valeur personnes par année ne correspond pas à un nombre défini de personnes : 400 personnes/année d’observation peut correspondre à 400 personnes observées pendant une année ou 40 personnes observées chacune pendant 10 ans. Cette mesure a deux inconvénients : il est souvent difficile de déterminer le moment précis de l’apparition de la maladie ; la maladie ne progresse pas nécessairement à taux constant au cours du temps.

Les mesures essentielles utilisées avec profit dans les études de cohorte sont le risque relatif (RR), le risque attribuable (RA), le risque attribuable dans la population (RAP), et le risque attribuable chez les exposés ou la fraction étiologique (FE).

Ces mesures seront traitées en détail au chapitre 7.

Avantages des études de cohorte

Parmi les avantages d’une étude de cohorte par rapport à une étude cas-témoins, on peut citer :

• Comme la population à risque est bien définie, les études de cohorte permettent une mesure directe du risque relatif de développer l’état pathologique chez la population exposée au facteur de risque par rapport à la population non exposée à ce facteur, grâce aux mesures d’incidence calculées séparément pour chaque population.

• Dans une étude de cohorte, on sait que la caractéristique ou facteur de risque précède l’apparition de la maladie, puisque tous les sujets sont exempts de la maladie au commencement de l’étude. Ceci est une condition nécessaire (mais non suffisante) pour conclure à une relation de cause à effet.

• Étant donné que la présence ou l’absence du facteur de risque est constatée avant l’apparition de la maladie, on ne risque pas d’introduire un biais par le fait que le sujet apprend son état pathologique, comme cela se produit dans les études cas-témoins.

• Il y a aussi un moindre risque de problèmes de survie sélective ou de remémoration sélective, bien qu’un biais lié à la sélection ne soit pas totalement écarté puisque

certains sujets qui tombent malades au début de l’étude ne sont plus pris en considération.

• Les études de cohortes peuvent identifier d’autres maladies éventuellement associées au même facteur de risque.

• Contrairement aux études cas-témoins, les études de cohorte permettent d’estimer des risques attribuables, indiquant ainsi la part absolue de la maladie attribuable au facteur de risque.

• En prenant un échantillon respectant les règles de probabilité dans la population de référence, il est possible d’extrapoler de l’échantillon à la population de référence avec un degré de précision connue.

Inconvénients des études de cohorte

Parmi les inconvénients des études de cohorte on peut citer :

• Ces études sont de longue durée ce qui pose un problème de faisabilité ; elles sont relativement peu efficaces pour l’étude de pathologies rares.

• Elles sont exigeantes en temps, en personnel, en locaux, et en planification de suivi des patients.

• La taille des échantillons requise pour une étude de cohorte est très grande ; en particulier pour des pathologies rares, il est difficile de constituer et de gérer des échantillons de la taille nécessaire.

• Le problème le plus grave est celui de l’attrition, ou la perte d’effectif dans les groupes exposés et non exposés au cours de la durée de l’étude par suite de migration ou de refus de continuer de participer à l’étude. L’attrition peut entacher la validité des résultats, si elle a pour effet de rendre les échantillons moins représentatifs ou si les patients qui participent au suivi sont différents de ceux qui ont abandonné. Plus la perte d’effectif est élevée (supérieure à 10-15 %) plus grand sera le risque de résultats biaisés.

• Le risque d’attrition existe aussi pour les chercheurs. Ils peuvent se désintéresser de l’étude, changer d’activité, ou se consacrer à un autre projet de recherche.

• Au cours d’une longue période, on assiste à beaucoup de changements de l’environnement, chez les personnes comme dans la nature de l’intervention, et ceux-ci peuvent créer une confusion en ce qui concerne l’association ou le risque attribuable.

• Au cours d’une longue période, le protocole de l’étude peut influencer le comportement des patients étudiés de façon à modifier l’évolution de la maladie (effet Hawthorne). Cet effet se produit surtout dans les études où il y a beaucoup de contacts avec les participants, par exemple dans les études de régime ou de contraception.

En réaction aux interrogatoires répétés, les participants modifient leur régime ou changent de méthode de contraception. Les changements de comportements posent aussi un problème sérieux dans les sondages d’opinion, les études d’acceptabilité et les enquêtes de nature psychologique, comme les études sur les séquelles psychologiques de la stérilisation.

• Un problème éthique très préoccupant peut se poser si l’on constate que le surnombre de cas de maladies de la population exposée est très significatif avant la fin de la période de suivi.

Il faut souligner que, même si une étude de cohorte est proche de l’essai randomisé (expérience) du point de vue de sa puissance épidémiologique, elle peut avoir des problèmes de validité. Il faut prendre soin de s’assurer qu’elle satisfait aux autres exigences de la recherche épidémiologique, en particulier pour ce qui concerne le choix de l’échantillon, la constitution des groupes de comparaison, le traitement des données manquantes, la mise en oeuvre de méthodes statistiques appropriées, et d’autres exigences de base d’un plan de recherche solide.