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CHAPITRE V. LES OBJECTIFS PROPOSÉS EN TERMES DE CAUSE ET D’IMPACT

ANNEXE 6 – ÉTUDE DE CAS

LE RÔLE DES FEMMES DANS LA CHAINE DE VALEUR DE LA MANGUE AU GHANA ET AU MALI

Cette étude de cas est basée sur une série d’entretiens avec des intervenants de la chaine et des visites sur site menées par l’ITC du 11 au 23 avril 2011 au Ghana (Région du Grand Accra et Région Nord) et au Mali (Bamako et Sikasso), en réponse à la demande de l’atelier régional.

L’objectif général de cette étude sur le terrain était de collecter des informations concrètes sur le rôle des femmes, les contraintes et les opportunités qu’elles rencontrent, dans la chaine de valeur de l’exportation de la mangue dans ces deux pays ; de compiler des exemples de bonnes pratiques ; et de tester et développer davantage les hypothèses préliminaires sur l’impact potentiel de la question du genre sur les interventions proposées. Les entretiens ont été menés avec :

a) Des femmes cultivatrices de mangue et du personnel de deux associations de petits exploitants de mangues (Ghana) ;

b) Un groupe de femmes pisteurs qui fournissent les exportateurs de mangue autour de Bamako (Mali) ;

c) Les représentants d’une grande plantation commerciale de mangue (Ghana) ; d) Les membres de deux groupes de petites unités de traitement de la mangue (Mali) ; e) Les directeurs et cadres de quatre entreprises/stations de conditionnement exportant de

la mangue (une au Ghana et trois au Mali), ainsi qu’un groupe d’ouvriers et d’ouvrières dans l’une des stations de conditionnement ;

f) Les gérants et les ouvrières d’une grande unité commerciale de traitement de la mangue (Ghana) et le directeur d’une unité commerciale de moyenne taille (Mali) ; g) Les représentants de cinq donateurs/programmes de développement clefs travaillant

dans le secteur de l’export de la mangue (trois au Ghana, deux au Mali) ;

h) Les représentants de trois organisations clefs du secteur public impliquées dans le secteur de l’export de la mangue (deux au Ghana, une au Mali).

Analyse selon la question du genre de la chaine de valeur de la mangue au Ghana

Comme dans la plus grande partie de l’Afrique sub-saharienne, les femmes au Ghana souffrent de l’accès inégal aux ressources de production clefs, ainsi que d’autres contraintes socio-économiques sous-jacentes. Ces restrictions influencent considérablement la manière dont ces femmes s’engage (ou pas) dans le secteur de l’export de la mangue.

Les facteurs les plus pertinents qui influencent l’implication des femmes dans le secteur de la mangue sont :

La propriété foncière : la propriété foncière au Ghana est largement dictée par les lois traditionnelles qui favorisent en général les hommes, avec un accès des femmes à la terre souvent restreint. Par opposition aux hommes, les femmes ne possèdent en général pas la terre qu’elles travaillent, ce qui leur donne moins d’assurance d’en conserver le bail. Lorsque des femmes possèdent de la terre, ce sont généralement des parcelles moins grandes que celles des hommes30 ;

Taux d’éducation / d’alphabétisation : le taux d’alphabétisation des femmes au Ghana demeure faible en termes absolus, et le taux d’alphabétisation des femmes est considérablement plus bas que celui des hommes : en 2000, 74,2% des femmes des régions rurales sont analphabètes, pour seulement 44,9% des hommes31 ;

Responsabilités domestiques : une étude récente des communautés rurales cultivant le cacao au Ghana a montré que les responsabilités domestiques comme la cuisine, l’approvisionnement en eau, le ménage et les enfants, sont presque exclusivement assumées par les femmes, ou en leur absence par leurs filles ;

Accès aux crédits et aux financements : l’accès des femmes aux prêts bancaires à travers les canaux officiels est plus limité que celui des hommes : le faible accès à la terre limite leur capacité à offrir des garanties, et beaucoup de femmes sont intimidées par la prédominance des hommes dans les banques (90% des employés de banque dans les régions rurales sont des hommes). La majorité des femmes cultivatrices tirent

30 Toutefois, il est important de noter qu’il existe de fortes disparités régionales en ce qui concerne l’accès des femmes à la terre, reflétant les différents régimes fonciers des différents groupes ethniques : le pourcentage de femmes propriétaires terriennes varie de 2% dans le Nord à 50% dans la région de l’Ashanti (« Social Institutions and Gender Index » (SIGI) 2011a).

31 Agyare-Kwabi, P. (2009): « Gender mainstreaming into the CNFA, BMGF-funded cocoa project in Ghana ».

Gender assessment report, first draft. (« Tendances de la question du genre dans le projet cacao financé par CNFA et BMGF au Ghana. Rapport d’évaluation du genre, première ébauche. ») L’inscription à l’école primaire est à présent similaire pour les filles et les garçons (Fond pour le Développement de l’Afrique (FDA) 2008). Cependant, la disparité de genre dans les taux d’inscription à l’école secondaire et supérieure persiste. Les filles ne représentent qu’un tiers (33%) des élèves au niveau des classes supérieures du secondaire (Committee on the Elimination of Discrimination Against Women (CEDAW) 2005) et les femmes ne comptent que pour moins d’un tiers (34,67%) des inscriptions nationales dans les universités et encore moins (30,4%) à Polytechnique (FDA 2008).

donc leur capital de sources informelles, ce qui comprend des prêts de la part de leur mari ou de la famille, de prêteurs sur gage, d’opérateurs de systèmes financiers informels, et des dispositifs ruraux de micro-finance. Toutefois, les prêts souscrits par les femmes sont souvent petits.

Accès à l’extension de services : l’accès des petits exploitants ghanéens aux extensions de services agricoles est faible en général : par exemple, une étude a montré que seuls 13 pourcents des fermiers étudiés nommaient les extensions de services gouvernementaux en tant que source principale de conseil sur les techniques de production du cacao (en dépit du fait que le cacao est la culture la plus exportée au Ghana). Les femmes ont un accès encore plus faible aux extensions de services et considèrent le manque d’extensions de services et la formation comme des contraintes de production clefs.

La chaine de valeur de l’exportation de la mangue au Ghana présente les caractéristiques suivantes :

Chaine relativement courte, dont le pouvoir est concentré au sommet : au plus haut niveau de la chaine, c’est à dire l’export et le traitement, on ne trouve que peu d’acteurs impliqués : ce sont des entreprise commerciales relativement larges. Les mangues sont exportées comme fruits frais, semi traités et traités ;

Production – mélange de petits exploitants et de plantations : les principales régions de production sont le Grand Accra, la Région de l’Est, la région de la Volta et la Région du Nord (Chambre du commerce et de l’industrie du Ghana (GNCCI) 2011) ;

Les exportateurs/fabricants achètent directement aux petits exploitants : bien que les femmes dominent le commerce/marketing de la mangue et d’autres produits agricoles dans les marchés locaux, les négociants informels féminins ne sont pas impliqués dans le secteur de l’export (West Africa Fair Fruits (WAFF) 2011) ;

Il existe quelques signes d’intégration verticale, avec au moins deux entreprises (Integrated Tamale Fruit Company et Farm Management Services Limited) impliquées dans la production ainsi que dans l’emballage / le traitement et l’export (GNCCI 2011 et Integrated Tamale Fruit Company (ITFC) 2011) ;

Il n’y a que très peu de femmes propriétaires d’unités de traitement de la mangue dans la chaine de l’export : selon les personnes interrogées, il n’existe pas de petites unités de traitement appartenant à des femmes, ou de coopératives féminines d’unités de traitement vendant de la mangue sur le marché de l’export, et il n’existe qu’une seule entreprise d’exportation de mangue traitée appartenant à une femme (WAFF 2011 et Technoserve 2011).

Le diagramme ci-dessous résume les rôles attribués aux femmes dans la chaine de valeur de l’exportation de la mangue au Ghana, et le nombre estimé de femmes impliquées dans chaque fonction.

Les petits exploitants impliqués dans la production de mangue pour l’exportation au Ghana peuvent être divisés en deux groupes :

Les associations de producteurs de petites exploitations autonomes sans marché garanti, qui vendent principalement sur les marchés locaux, et seulement une petite quantité aux exportateurs32 ; et

Les groupes/dispositifs de cultivateurs, mis en place avec l’appui d’une entreprise commerciale – un cultivateur commercial et/ou un exportateur. Le groupe et/ou les membres individuels du dispositif ont un contrat pour fournir l’entreprise mère avec une quantité de production définie. Les cultivateurs reçoivent souvent un appui financier et technique de la part de l’entreprise mère33.

En termes de participation des femmes dans le secteur des petits exploitants, elles sont impliquées de trois manières possibles :

 En tant que producteurs de petites exploitations34 : les fermes à mangue des femmes tendent à être plus petites que celles des hommes (en général autour d’un hectare) ; c’est souvent le mari qui s’occupe de la ferme ; les femmes qui sont réellement impliquées dans la culture de la mangue sont très active au sein des groupes de producteurs et participent régulièrement aux formations ;

 En tant que main d’œuvre familiale non rémunérée sur de petites exploitations appartenant à des hommes : le débroussaillage et désherbage lorsque les manguiers sont jeunes ; la gestion et/ou l’organisation des ouvriers rémunérés ; la récolte et le transport des mangues depuis la ferme ; et

32Par exemple, les groupes de producteurs de mangue soutenus par le projet USAID TIPCEE vendent la majorité de leurs mangues sur les marchés locaux, mais une partie de leur production est achetée par Blue Skies (WAFF 2011).

La majorité des cultivateurs dans la chaine de l’export entrent dans cette catégorie.

33 Pour le moment, le seul dispositif opérationnel de cultivateurs de mangues au Ghana est la Organic Mango Outgrowers Association (OMOA), rattachée à l’entreprise Integrated Tamale Fruit Company. Cependant, plusieurs dispositifs de cultivateurs sont en cours de développement (GNCCI 2011).

34 Chiffres indicatifs sur la proportion des femmes qui sont de petits exploitants de mangues : dans les régions de la Volta et du Brong Ahafo qui sont soutenues par le projet USAID TIPCEE, environ 2 (2%) fermiers sur 100 sont des femmes (WAFF 2011) ; dans le groupe de producteurs de mangues soutenu par Technoserve dans la région du Brong Ahafo, environ 10 (4%) membres du groupe sur 250 sont des femmes. Toutefois, certains groupes ont une proportion plus grande de femmes cultivatrices : par exemple, l’un des groupes avec lequel Technoserve travaille compte 30 à 40 membres féminins (représentant 12 à 16% des membres du groupe) (Technoserve 2011). Au sein de la Yilo Krobo Mango Farmers’ Association, on compte 20 femmes parmi les membres cultivateurs, dont 15 sont actives ; les femmes représentent environ 10% du total des membres du groupe (Yilo Krobo 2011). Pour OMOA, 149 (12%) sur 1 200 membres cultivateurs sont des femmes (OMOA 2011). Pour Volta Mango Growers’ Association (VOMAGA), selon une source secondaire, la majorité des fermiers sont des femmes – cette information n’a cependant pas pu être vérifiée avec l’association (GNCCI 2011).

 En tant qu’ouvriers rémunérés sur de petites exploitations, pendant la période de récolte : le transport des fruits depuis la ferme, le nettoyage et le calibrage des fruits35. Selon les personnes interrogées, la principale contrainte qui empêche les femmes de devenir de petits exploitants de la mangue est le montant de l’investissement nécessaire, combiné avec un manque de revenus durant les premières années d’exploitation. D’autres facteurs de découragement cités comprennent : a) la nature du travail dans la culture de la mangue, dans la mesure où une partie du travail requis, en particulier le creusement des trous et la taille, exigent de la force physique et se révèlent difficile pour les femmes ; b) les comportement culturels, par exemple de nombreux hommes et de nombreuses femmes pensent que la culture de la mangue n’est pas faite pour les femmes, qu’elles soient physiquement capable d’effectuer le travail ou non ; et c) le manque d’accès garanti à la terre, qui constitue souvent un pré-requis pour l’adhésion à un dispositif de cultivateurs.

Malgré ces contraintes, de nombreuses personnes interrogées pensent qu’il est important et réaliste d’aider davantage de femmes à s’impliquer dans la production de la mangue, dans la mesure où elles sont intéressées et capables de cultiver la mangue. Puisque l’implication se fait nécessairement sur du long terme, les fermes de mangues peuvent être potentiellement une forme d’investissement important pour le futur, qui permettrait aux femmes de payer pour l’éducation de leurs enfants sur plusieurs années. Toutefois, elles ont besoin d’aide pour réunir le capital de départ.36

Les plantations commerciales offrent souvent peu d’opportunités d’emploi pour les femmes37. Ceci est en partie dû à la nature du travail (comme la taille qui demande de la force physique, et sans doute aussi en raison des comportements culturels dominants qui présentent la culture d’arbres fruitiers comme un travail « d’homme »). L’adoption de politiques et de pratiques d’emploi équitable, y compris les efforts pour remettre en cause les comportements culturels sur les rôles de chaque genre, peut aider à améliorer les opportunités d’emploi pour les femmes.

35 Mis à part pour la taille, les ouvriers reçoivent le même salaire journalier, en général 5 nouveaux Cedis ghanéen par jour, indépendamment du type de travail accompli. Il y a donc peu de différence dû à la question du genre (Technoserve 2011).

36 Le modèle de l’ITFC/OMOA pour les dispositifs d’exploitation constitue une approche prometteuse à considérer, dans la mesure où l’entreprise préfinance les coûts de départ et où les fermiers ne doivent commencer le remboursement qu’au moment des premières récoltes. La proportion de femmes membres au sein de l’ OMOA est plus important que dans la plupart des groupes de producteurs de mangues dans les autres principales régions de production de mangues, et ce malgré le fait que les femmes de la Région Nord ont considérablement moins de droits sur la terre et moins d’accès en comparaison aux régions du Sud.

37 Il existe de nombreuses plantations commerciales de mangues au Ghana, y compris Integrated Tamale Fruit Company, Bomarts, Kingdom, Tacks Farms, Evelyn Farms et Farm Management Services Limited (GNCCI 2011 ; WAFF 2011). De plus, par le biais du Fond pour le développement et l’investissement des exportations (« Export Development and Investment Fund » - EDIF), le gouvernement appuie le développement de 8 100 hectares de nouvelles plantations selon le projet « National Mango Plantation Project » sur les 10 prochaines années (GNCCI 2011). Une seule pépinière commerciale a été identifiée (ITFC 2011).

En ce qui concerne le secteur du traitement, mis à part la seule femme propriétaire de Ebenut Food (mangue séchée), les femmes constituent la principale force de travail dans les unités de traitement38.

La principale contrainte à laquelle font face les femmes dans le secteur du traitement est la nature saisonnière de l’emploi : 70% des ouvrières sont employées sur une base temporaire ou saisonnière, travaillant 10 mois sur 12 dans l’année, si bien sûr il n’y a pas de problème avec la production. Au vue de la forte proportion de femmes dans ce secteur, les unités de traitement de la mangue constituent clairement des opportunités d’emploi pour les femmes : là où des pratiques d’emploi équitable sont en place, le secteur peut offrir des opportunités significatives aux femmes pour l’amélioration de leurs revenus et de leurs moyens de subsistance.

Les femmes constituent également la majorité de l’effectif dans les entreprises d’export et les stations de conditionnement. Mais ici aussi la nature saisonnière de l’emploi est une contrainte potentielle, dans la mesure où les mangues sont récoltées sur une période de 4 à 6 mois seulement. Toutefois, la plupart des entreprises exportant des mangues fraiches au Ghana sont aussi impliquées dans l’export et/ou l’emballage d’autres fruits (comme les ananas, les bananes et la papaye), ce qui implique que les opportunités d’emploi ne sont pas nécessairement limitées à la saison de la mangue.

38Par exemple, 753 (51%) ouvriers sur un total de 1 474 chez Blue Skies sont des femmes, et 102 (91%) ouvriers sur 112 impliqués dans les opérations de séchage de la mangue chez ITFC sont des femmes. Il y a une nette discrimination des genres au niveau des fonctions horizontales (c’est à dire que les hommes et les femmes tendent à être employés pour des tâches différentes), mais il n’y a pas de différence au niveau des salaires.

Analyse selon la question du genre de la chaine de valeur de la mangue au Mali Comme dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, les femmes au Mali souffrent d’un accès inéquitable aux ressources et intrants de production clefs, ainsi que d’autres contraintes socio-économiques sous-jacentes. De manière générale, les droits des femmes au Mali sont très limités, et le Code Civil octroi aux hommes toute l’autorité dans le foyer. Les facteurs les plus pertinents qui influent sur l’implication des femmes dans le secteur de la mangue sont :

La propriété foncière : légalement, les femmes et les hommes ont le même accès à la terre, et le gouvernement a lancé plusieurs projets de développement agricole sur les finances publiques, qui permet en principe l’accès des femmes à la terre de la même manière que les hommes. Toutefois, de nombreuses contraintes empêchent les femmes d’user de leurs droits. Selon la tradition, les femmes n’ont droit qu’aux terres les moins fertiles, et l’accès à la terre semble se faire sur une base d’usufruit plutôt que de propriété. En outre, si les femmes peuvent accéder à la terre, elles ont en générale moins de parcelles et de taille plus petites que les hommes39 ;

Taux d’éducation / d’alphabétisation : malgré des efforts considérables au niveau national pour améliorer l’alphabétisation, le taux d’alphabétisation des femmes demeure très bas au Mali40 ;

Responsabilités domestiques : un rôle des genres fortement patriarcal prévaut encore au Mali, où les femmes et les filles sont les seules ou presque responsables des tâches domestiques, ce qui leur prend énormément de temps ;

Accès aux crédits et aux financements : malgré des revenus très bas et de faibles compléments, l’accès des femmes aux crédits est relativement bon grâce aux investissements dans les dispositifs de microcrédit. Les femmes maliennes ont à présent accès à des centaines d’associations qui offrent des crédits mutuels, aux dispositifs d’épargne de villages gérés de manière indépendante, et aux prêts à court terme ; les femmes représentent près de la moitié des bénéficiaires de ces institutions de crédit. Cependant, les femmes font face à des restrictions culturelles et légales dans la mise en place d’une affaire : le Code Civil du Mali stipule qu’une femme ne peut pas s’engager dans une affaire commerciale sans le consentement de son mari ;

Accès à l’extension de services agricoles41.

39Par exemple, une étude a montré que si 82% des femmes interrogées dans le Sud du Mali possèdent leur propre parcelle, celles-ci ne comptent que pour 4% du total des parcelles dans la région (Banque Mondiale 1995).

40 En 1993 et 1994, 95% des femmes en milieu rural, et 80% des femmes en milieu urbain sont encore analphabètes.

41 Une étude a montré qu’en 1993 seuls 10% des participants aux activités d’extension agricole liées aux récoltes étaient des femmes, bien qu’il soit également montré que la participation des femmes augmentait grâce aux modifications des méthodes d’extension. Moins de 5% du personnel d’extension étaient des femmes (Banque Mondiale 1995).

Les principales caractéristiques de la chaine de valeur de l’exportation de la mangue au Mali sont :

Une chaine relativement longue, avec de nombreux acteurs tout au long de cette chaine : il existe un grand nombre de petite et moyennes entreprises à tous les échelons de la chaine, y compris un nombre important d’exportateurs de mangues fraiches et un grand nombre d’unités de traitement de la mangue. La chaine malienne demeure largement désorganisée, la plupart des exportateurs ou entreprises de traitement utilisant des infrastructures rudimentaires et non modernisées ;

La grande majorité de la production est issue des petites exploitations, bien qu’il existe quelques plantations/vergers plus grands dans la région de Sikasso. On estime à environ 15 000 le nombre de petites exploitations impliquées dans la production de la mangue pour le marché de l’exportation, avec plus de 90% des vergers ayant une taille inférieure à 5 hectares. Aucun dispositif d’exploitations de mangue n’a été identifié. Les principales zones de productions sont Sikasso et Bamako Koulikou, avec la région de Sikasso comptant pour environ 80% de la production nationale de mangues ;

Présence de « pisteurs » : au contraire du Ghana, les exportateurs et les grosses unités de traitement achètent la plupart des mangues par l’intermédiaire de pisteurs ;

De multiples unités de traitement de la mangue, y compris de nombreuses unités féminines de petite taille ;

Le peu d’intégration verticale : mis à part les exportateurs ivoiriens venant acheter dans la région de Sikasso et qui emploient leurs propres pisteurs, toutes les entreprise identifiées n’opèrent qu’à un seul niveau de la chaine (la production, le traitement, le négoce ou l’emballage/export) ;

Des différences clefs entre les régions de Sikasso et Bamako : au contraire de Bamako qui repose principalement sur les exportateurs maliens, la région de Sikasso exporte une grande partie de ses mangues par le biais d’exportateurs ivoirien et burkinabés, ainsi que certains exportateurs maliens. De plus, alors qu’autour de Bamako les pisteurs travaillent en général à petite échelle, de manière indépendante et sont souvent des femmes, les pisteurs de la chaine d’exportation autour de Sikasso travaillent à grande échelle, sont souvent des hommes, et dépendent souvent (ou sont employés par) des exportateurs individuels.

Le diagramme ci-dessous résume les rôles attribués aux femmes dans la chaine de valeur de l’exportation de la mangue au Mali, et le nombre estimé de femmes impliquées dans chaque fonction.

La grande majorité des cultivateurs de mangues sont des hommes ; les femmes représentent moins de 1% des petits exploitants. Les quelques femmes cultivant la mangue exercent cette activité souvent en raison du décès de leur mari42.

En termes de participation des femmes dans le secteur des petits exploitants, elles sont impliquées en tant que :

Main d’œuvre familiale non rémunérée sur des exploitations appartenant à des hommes : dans les vergers non parvenus à maturité, les femmes se voient souvent offrir l’usufruit du terrain pour faire pousser des produits annuels comme le manioc, les patates douces, et des légumes maraichers à destination du marché ; elles sont principalement impliquées dans la récolte ; et

Ouvriers rémunérés sur de petites exploitations, durant la grosse saison.

Malgré la très faible proportion de femmes impliquées dans la production de la mangue et l’accès limité des femmes à la terre, il semble important et réaliste d’appuyer davantage de femmes à devenir cultivatrices de mangues, en soutenant les coopératives de femmes existantes (comme les coopératives de femmes pour le traitement de la mangue ou les pisteurs) dans l’achat d’une ferme commune qu’elles pourraient gérer comme une coopérative.

Les pisteurs comme opérateurs indépendant est une particularité propre au Mali : dans d’autres pays, leur rôle est rempli par les cultivateurs eux-mêmes et par les exportateurs. Apparemment, au Mali, la plupart des exportateurs n’ont pas les moyens financiers d’intégrer cette fonction à leur entreprise, d’où leur dépendance à ces intermédiaires indépendants. La participation des femmes en tant que pisteurs est différente entre Bamako et Sikasso. La majorité des pisteurs opérant dans la région de Bamako sont des femmes43 parce que traditionnellement elles étaient chargées de la récolte et du transport (avec d’autres produits agricoles) sur les marchés locaux.

Parce que ces femmes avaient/ont déjà de bonnes relations avec les cultivateurs, les exportateurs de mangues se reposent sur elles pour identifier les fournisseurs et gérer les conditions d’achat. Du coup, bien que les femmes pisteurs soient des opérateurs de petite taille, gérant des lots de fruits entre 200 et 300 kilos, elles sont des acteurs relativement puissants dans la chaine : les exportateurs dépendent d’elles pour l’approvisionnement, mais puisqu’il existe plusieurs exportateurs les pisteurs peuvent choisir de vendre à d’autres exportateurs, y compris des exportateurs de Côte d’Ivoire ou du Burkina Faso. En revanche, dans la région de

42Chiffres indicateurs de la proportion des femmes petits exploitants de mangues : sur 1 700 petits exploitants de mangues avec lesquels IICEM travaille, seuls 10 (moins de 1%) sont des femmes (IICEM 2011). Sur les 97 petits exploitants auprès desquels Kene Yiriden achète ses mangues, aucun (0%) n’est une femme (Kene Yiriden 2011).

43 Chiffres indicatifs de la proportion de femmes pisteurs dans la région de Bamako : 80 des 120 pisteurs avec lesquels travaille IICEM sont des femmes ; Yiri Degnouma, une association de pisteurs de Bamako compte 84 membres féminins pour seulement quelques hommes.