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Étude de cas

Dans le document L information par la bande dessinée (Page 33-43)

ÆÄÂÆʓº´ºʁ¿ÀÆIJÇÀ¿ÄÇÆÂƶ½ʓìźÂƶÅŶÂƶ½ÂƶÁ¶ÆȷÀƶµ¶

« bande dessinée de reportage » peut facilement être collée sur un ensemble d’ouvrages très divers. Bande dessinée du réel, documentaire, de genre, biographique ou autobiogra-phique, et encore carnet de voyage, reportage dessiné… Les sous-genres étant nombreux, il devient problématique pour les historiens de la bande dessinée de formuler une seule et Æ¿ºÂƶ µìȱ¿ºÅºÀ¿ Âƺ ÁƺÄĶ ö¸ÃÀÆÁ¶Ã ÅÀÆÄ ´¶Ä ÅòºÅÄ µºÄ-tinctifs.

Dans ce troisième chapitre, je comparerai deux romans gra- Á¹ºÂƶIJÁÁ²ÃŶ¿²¿Å̵¶ÆÉÄÀÆÄʉ¸¶¿Ã¶ÄµºȮìö¿ÅÄʃ½²Åú-logie L’Odyssée d’Hakim de Fabien Toulmé (Delcourt, coll.

Encrages, 2018 – 2020) et Algues Vertes : L’histoire interdite d’Inès Léraud et de Pierre Van Hove (Delcourt et La Revue Dessinée, 2019).

Dans L’Odyssée d’Hakim, on découvre l’histoire vraie d’Ha-kim1, jeune Syrien qui dut fuir son pays après la répression des manifestations contre le régime despotique de Bachar El-Assad, en 2011, pendant le printemps arabe. Fabien Toul-mé décide de mettre en images son échange avec Hakim. La

1. Dans l’œuvre, tous les prénoms ont été changés pour éviter d’éventuelles représailles contre la famille d’Hakim qui est restée en Syrie.

¸Æ¶Ãöʁ½²ÇºÀ½¶¿´¶ʁ½²ÄÀÆȮò¿´¶²ÆÉÂƶ½½¶Äº½²µŃ·²ºÃ¶·²´¶

sont représentées par le bédéaste dans une trilogie qui re-trace ce long voyage, de la Syrie à la France, en passant par le Liban, la Jordanie et la Turquie.

Algues Vertes : L’histoire interdite est une enquête en bande dessinée consacrée au scandale environnemental et sani-taire meurtrier des marées vertes qui envahissent les plages bretonnes depuis les années 1980. La journaliste Inès Léraud et le dessinateur Pierre Van Hove dénoncent les mensonges µ¶Ä ²ÆÅÀúÅìÄʁ ½ʓº¿ȷƶ¿´¶ µ¶Ä ½À³³º¶Ä µ¶ ½ʓº¿µÆÄÅú¶ ²¸ÃÀ²½º -mentaire, la disparition de preuves et de documents scien-źȱÂƶÄʁ¶Å´¶½²¸Ã䶲ÆÉÅì¾Àº¸¿²¸¶Äµ¶¾ìµ¶´º¿Ä¶Åµ¶Ä lanceurs d’alerte, aux lettres et aux mails provenant de la préfecture de Côtes-d’Armor (Bretagne) et du Procureur de la République, et à un travail journalistique rigoureux.

Pour leur contenu et leur approche formelle, ces ouvrages sont considérés comme des « BD » de reportage. Toutefois,

½¶Ä µ¶ÆÉ ³²¿µ¶Ä µ¶Äĺ¿ì¶Ä ÄÀ¿Å ¶ÉÅÃí¾¶¾¶¿Å µºȮìö¿Å¶Äʇ Dans L’Odyssée d’Hakim, l’auteur se met en scène avec son interlocuteur et témoin. Il suit une démarche narrative et chronologique, faisant revivre le personnage d’Hakim et son voyage. L’histoire tourne autour du protagoniste et de sa vie, les faits sont présentés de façon très subjective et les moments d’échange entre auteur et témoin sont également intégrés dans le récit. Toulmé fait en sorte qu’une contex-tualisation des faits, nécessaire pour la compréhension de la situation géopolitique en question, ne coupe pas la narration.

Dans Algues Vertes, on ne retrouve pas d’intrigue, ni un ou plusieurs personnages principaux. L’enchaînement des faits ne suit pas systématiquement une temporalité chronologique, il est plus complexe. On constate des retours à l’arrière, des explications et des analyses achroniques et des résumés du

contexte en lien avec les sujets abordés. Ni le dessinateur, ni la reporter n’apparaissent dans le récit.

ȱ¿µ¶¾¶¿¶ÃÆ¿¶ìÅƵ¶´À¾Á²Ã²ÅºÇ¶ʁ»ʓ²º´¹ÀºÄºµʓ²½½¶Ãµº-rectement à la source du processus de création. Pour ce faire, j’ai interviewé le dessinateur Fabien Toulmé et lui ai posé des questions sur son travail et son œuvre. Je vous propose ici la retranscription de notre entretien.

Fabien Toulmé dessiné par Fabien Toulmé

Dans L’Odyssée d’Hakim, de mener ce long projet ? La raison est rappelée au tout début du tome 1. En 2015, on est au cœur de la crise des réfugiés syriens. Juste après les événements qui ont conduit aux manifestations et à la répression du régime de Bachar El-Assad, il y a un nombre très important de personnes qui quittent la Sy-rie et d’autres pays du Moyen-Orient, comme l’Afghanistan, l’Iran ou l’Irak. Sans arrêt, on entend des nouvelles de mi-grants qui essaient de traver-ser la Méditerranée, en vain.

Puis, le 24 mars 2015, un pilote dépressif de la Ger-Fabien Toulmé,

auteur de la trilogie L’Odyssée d’Hakim

Interview manwings précipite

volon-tairement les passagers et l’équipage de l’avion 9525 contre une montagne des Alpes françaises et cent cin-quante personnes perdent leur vie. Comme je le raconte dans mon livre, quand je vois l’information passer je suis extrêmement choqué, car je me projette à bord de cet d’une énième traversée de la Méditerranée, qui est large-ment supérieur. J’ai toujours été sensible à la question des migrants ; j’arrive à imagi-ner la détresse de ces gens.

Mais l’impact a été beaucoup plus limité. Alors que pour l’accident d’avion, je me suis senti directement concerné.

C’est de là que l’envie d’in-terviewer un réfugié est née, pour arriver à en apprendre davantage sur cette crise hu-manitaire internationale.

Pourquoi avez-vous fait le choix de dessiner votre échange avec Hakim et, par conséquent, de vous dessiner voulais montrer à quel point nous, Européens, Français, sommes proches d’eux, réfu-giés, parfois non pas par la pensée, mais bien géographi-quement. Des « Hakim », il y en a partout autour de nous, mais nous n’en avons pas quelle autre œuvre d’art, il y a beaucoup de choses qu’on fait sans forcément les in-tellectualiser au préalable.

On les fait parce qu’on a en-vie de les faire. C’est dans un second temps qu’on se rend compte des raisons qui nous ont poussés à aller dans cette direction.

Au tout début du premier natu-rel. Il ne s’agit pas vraiment d’un travail journalistique, puisque je n’apporte aucune analyse du contexte poli-tique, économique ou social syrien dans ma bande des-sinée. Je retranscris et je ra-conte un témoignage. N’étant pas du métier, je ne sais pas

¶É²´Å¶¾¶¿Å »ÆÄÂÆʓÀŁ ÄʓìŶ¿µ la notion de journalisme.

C’était peut-être un style de reportage, mais ce n’était pas mon but.

De façon très simple. D’abord, j’ai recueilli le témoignage de la reformulation. Puis, il y

²¶Æ½²Á¹²Ä¶ȱ¿²½¶ʁ½¶µ¶Äĺ¿ʇ L’éditeur est le premier lec-teur. Il va donner son avis sur telle ou telle situation, mais dans la plupart des cas, ses conseils concernent plutôt la narration et non pas le des-sin. Des passages trop longs, ou alors une question qui est abordée trop rapidement, par exemple. Hakim, quant à lui, était très distancié de la rédaction de cette bande dessinée. Je lui montrais mes planches et souvent il faisait des remarques ou de petites blagues, que parfois j’ai in-tégrées dans l’histoire. Une

fois, il a dit que j’avais des-siné sa femme comme une bonne sœur. À une autre re-prise, il m’a dit qu’un

À votre avis, cette série pourrait rentrer dans réali-sé n’est pas une analyse jour-nalistique, mais il y a tout de même une retranscription d’un contexte. Il y a de la biographie, car je raconte le morceau de vie de quelqu’un.

73

Extrait de L’Odyssée d’Hakim, tome 2 (p. 214)

Ex tra it d e L’O dy ssé e d’H ak im , to me 2 (p . 2 15)

Une bande dessinée de reportage documentaire Par ses caractéristiques et son contenu, L’Odyssée d’Hakim est une série de romans graphiques témoignages, ancrée dans l’actualité de ces dernières années. Fabien Toulmé choi-ĺŵ¶Ã²´À¿Å¶Ã½ʓ¹ºÄÅÀºÃ¶µʓÆ¿Ãì·Æ¸ºìʁ²¼º¾ʁÂƺöȷëŶÅÀÆ -tefois la condition de la plupart des migrants, forcés de tout quitter pour réussir à mener une vie digne de ce nom.

Un accident d’avion sur les Alpes françaises. En parallèle, la nouvelle de l’énième naufrage d’un navire rempli de mi-grants. C’est un déclic pour l’auteur. La prise de conscience que, dans la société contemporaine, les vies de certains in-dividus vaudraient plus que celles d’autres semble absurde.

L’objectif de Toulmé est de montrer que ces réfugiés, dont on parle au JT et qui vivraient dans des contextes lointains et in-compréhensibles, font en réalité partie de notre communauté et que nous sommes plus proches d’eux que ce que l’on croit.

Comparable aux techniques de Joe Sacco et de Guy Delisle, le style graphique de Toulmé est sobre, limpide ; le dessinateur utilise une bichromie de couleurs douces, le bleu et l’ocre pour les scènes des souvenirs d’Hakim, qui viennent appor-ter un peu de légèreté au récit, malgré les faits dramatiques.1 Le voyage est raconté par Hakim lui-même ; l’artiste décide d’intégrer son échange avec lui dans la bande dessinée. Il se représente et représente ainsi leurs moments de vie parta-gés. Cette technique lui permet de transmettre au lecteur les émotions qu’il a vécues lors de ces échanges. Il ne s’agit pas de n’importe quel « réfugié » ; on découvre la vie d’un Syrien, d’un homme qui possédait une pépinière dans la banlieue sud de Damas, qui aimait aller au restaurant et en boîte de nuit, avant que la guerre civile n’éclate.

1. « L’Odyssée d’Hakim — Tome 3. De la Macédoine à la France », ToutenBD, 22 juin 2020 [en ligne — consulté le 15 oct. 2020].

Le choix de Toulmé de se représenter dans le récit n’a pas été volontaire. L’auteur souhaitait simplement donner à voir

¶Å̶¿Å¶¿µÃ¶´¶ÂÆʓ²¼º¾½Æº²Ç²ºÅ´À¿ȱìʇ½¿ʓ¶¾Áí´¹¶Âƶ

la présence du personnage de l’auteur dans le récit rend les ì´¹²¿¸¶ÄÁ½ÆÄÇìúµºÂƶĶŻÆÄźȱìÄʇëĽ²Áö¾ºëöÁ²¸¶ʁ le public sait qu’il s’agit d’un témoignage personnel. Le chan-gement de couleur marque aussi au niveau graphique le dé-calage temporel entre souvenir et dialogue (comme on peut le voir dans l’extrait, pages 70 et 71). Comme Sacco avant lui, Toulmé nous livre sa vision des choses sans pour autant changer la réalité des faits. Il « essaie d’être le plus sincère possible », veillant à respecter l’histoire originelle et à ne pas trahir le témoignage recueilli. Une honnêteté subjective, mais rigoureuse.

Pourquoi choisir de dessiner une histoire intime et unique ? Certes, tout réfugié n’a pas vécu les mêmes épreuves aux-quelles il a dû faire face Hakim. Certains ont mieux réus-ĺʁ µʓ²ÆÅÃ¶Ä À¿Å Á½ÆÄ ÄÀÆȮ¶ÃÅʇ ²ºÄ ²¼º¾ ¶ÄÅ Åì¾Àº¿ µʓÆ¿

contexte qui touche des millions de personnes dans le monde.

Raconter son histoire, c’est raconter la crise humanitaire qui perdure depuis des décennies. Dans cette série, le caractère biographique est un moyen pour dénoncer un phénomène mondial. Le reportage et la biographie vont ainsi de pair et dépendent l’un de l’autre.

Fabien Toulmé n’est cependant pas journaliste de profession.

Ce n’est qu’après des années dévouées au génie civil et à

l’ur-³²¿ºÄ¾¶ ÂÆʓº½ Ķ ÅÀÆÿ¶ ¶¿ȱ¿ ǶÃÄ ½² ³²¿µ¶ µ¶Äĺ¿ì¶ʇ À¿

œuvre est le fruit d’un échange bienveillant, comme il le dé-crit, et d’un long travail de retranscription et de recherche documentaire. Les planches ont été dessinées après cette phase de rédaction. Hakim a joué le rôle de « passeur d’in-formations », sans pour autant intervenir dans la création de la trilogie.

Entre biographie et enquête, L’Odyssée d’Hakim est un exemple de bande dessinée de reportage documentaire et biographique. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un procédé pure-ment journalistique, l’approche de Toulmé mêle soigneuse-ment parcours intime et reportage.

Algues Vertes, un reportage en bande dessinée Le 28 juillet 2009, sur une plage de Saint-Michel-en-Grève dans le département des Côtes-d’Armor en Bretagne, un chevalier est retrouvé envasé dans les algues, inconscient, encore en selle à son cheval, décédé. C’est avec cette image qu’Inès Léraud et Pierre Van Hove ont décidé d’ouvrir leur enquête dessinée intitulée Algues Vertes : L’histoire interdite, parue chez Delcourt en collaboration avec La Revue Dessinée en juin 2019.

Inès Léraud, journaliste d’investigation, se fait connaître

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sur France CultureʁÀŁ¶½½¶µì¿À¿´¶½¶Äµ²¿¸¶Ãĵ¶½ʓº¿µÆÄ-trie agroalimentaire qui menacent le paysage breton. Pierre Van Hove, lui, est dessinateur. Originaire d’Angoulême, il se consacre à la création d’ouvrages en collaboration avec des auteurs et autrices issus d’horizons divers. C’est grâce à La Revue Dessinée que la reporter et le dessinateur ont pu prendre contact.

Tout commence grâce à une enquête citoyenne. Un habitant de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) découvre que les problèmes µ¶Ä²¿Å쵶IJȱ½½¶ÁÀÆÃòº¶¿ÅíÅö½ºìÄÌÆ¿¸²ËÅÀɺÂƶµì-gagé par les algues vertes laissées pourrir sur les plages du territoire.2 À partir de ces quelques documents, Inès Léraud

2. GUILLAUD, Éric. « L’INTERVIEW. Inès Léraud, une enquête en bande dessinée sur les al-gues vertes », France Info, 15 août 2019 [en ligne — consulté le 16 oct. 2020].

commence un long travail de documentation, en interrogeant une centaine de témoins, de médecins et de lanceurs d’alerte, en regroupant des notes, des articles de presse et des

docu- ¾¶¿ÅÄÄ´º¶¿ÅºȱÂƶĶŲµ¾º¿ºÄÅòź·Äʇ½½¶µì¿À¿´¶ÀÆǶÃŶ-ment l’omerta et la « fabrique du silence » autour de l’agro-in-dustrie, responsable de l’apparition des marées vertes et, par conséquent, de la mort d’au moins quarante animaux et de ÅÃÀºÄ¹À¾¾¶Äµ¶ÁƺĽ²ȱ¿µ¶Ä²¿¿ì¶ÄϿЇІϾʇ

Dans une interview pour le webzine Benzine 3, Léraud et Van Hove racontent leur collaboration. Après avoir repris et retravaillé les éléments que la journaliste possédait, les deux auteurs ont poursuivi l’enquête côte à côte, et cela même pendant le temps de fabrication de la « BD ». Imprégnée de ses études de cinéma, Inès Léraud propose immédiatement un scénario concret et visuel, pour qu’il puisse facilement être décliné en images. C’est à partir du récit de la journa-liste que Van Hove crée les premières planches, choisissant d’apporter de la légèreté et de l’ironie au récit.

« J’avais écrit un scénario, qu’il pouvait, par le dessin, "interpré-ter" de mille façons, comme un musicien devant une partition.

J’imaginais qu’il ferait un truc grave et sérieux. Et un jour, il m’a envoyé ses premières planches, dans ce style léger, simple, souvent drôle ou ironique. J’ai tout de suite été subjuguée par l’intelligence du découpage, de la mise en scène. Ensuite avec Mathilda, la coloriste, ils ont choisi de mettre des couleurs pop ce qui a achevé de m’étonner et de me plaire ».4

L’objectif était de restituer et de rendre intelligible la com-plexité de l’histoire, tout en proposant des personnages, un cadre et une chronologie adéquats. Le fait qu’il y ait une

3. PROUDHON, Laurent. « [Interview] Inès Léraud et Pierre Van Hove au Festival d’An-goulême pour Algues vertes », Benzine, 9 mars 2020 [en ligne – consulté le 16 oct. 2020].

4. Propos d’Inès Léraud dans GUILLAUD, Éric. « L’enquête qui dérange : Algues vertes, l’his-toire interdite d’Inès Léraud et Pierre Van Hove », France Info, 19 août 2019 [en ligne — consulté le 16 oct. 2020].

multitude de positionnements face au problème des marées vertes donne par ailleurs du « nerf narratif » 5 à l’album, se-lon Pierre van Hove. L’ironie, élément propre au genre de la caricature, est utilisée dans l’ouvrage comme instrument de critique sociale et politique.

Le choix des nuances de vert-bleu-jaune et d’une coloration

« pop » vient contrebalancer la ligne claire du dessin, choi-sie car rapide à représenter. Au départ, le projet naît comme simple article d’une quarantaine de pages pour La Revue Dessinée, qui est publié en 2017. Pour cette raison, Van Hove décide de se servir d’une technique simple et classique.6 Les couleurs donnent un caractère atypique aux planches, tout en évoquant de manière évidente l’aspect toxique et dange-reux des algues.

Les moyens techniques propres à la « BD », comme la recons-titution des scènes, la possibilité de créer des ellipses ou des infographies, ont permis de rendre cette enquête, très docu-mentée et détaillée, accessible au grand public.

* * *

5. Chaîne YouTube de la Librairie Mollat. « ANGOULÊME 2020 : Pierre Van Hove — Algues vertes : l’histoire interdite », YouTube, 14 mars 2020 [vidéo en ligne — vue le 16 oct. 2020].

6. Ibid.

81

Extrait d’Algues Vertes : l’histoire interdite (p. 36)

Ex tra it d

’Alg ues V ert es : l

’h ist oir e in ter dit e (p . 3 7)

Documentaire, biographique, reportage, la bande dessinée

¶ÄÅÆ¿¾ìµºÆ¾µÀ¿Å½¶Ä²ÁÁÃÀ´¹¶ÄÄÀ¿Åº¿ȱ¿º¶Äʇ¶Ã춽Á¶ÆÅ être remodelé avec un crayon pour aller au-delà de la simple représentation. Néanmoins, dans cette diversité, deux

sous-¸¶¿Ã¶ÄÁú¿´ºÁ²ÆÉĶÁÃÀȱ½¶¿Åʇ

Le premier se distingue pour la présence et l’importance des personnages et de leurs vies. Le lecteur se familiarise avec l’histoire d’un individu en particulier, qu’il s’agisse d’un té-moin ou de l’auteur lui-même, victime ou simple spectateur d’un contexte politique, social ou humanitaire délicat. Perse-polis de Marjane Satrapi (L’Association, 2000 – 2003) est sans doute l’une des bandes dessinées autobiographiques documen-taires les plus connues à ce jour. La vie de l’autrice fait écho au contexte politique de la révolution islamique iranienne de 1979, qui transforma profondément le pays. Dans cette catégo-rie, on peut de toute évidence aussi citer les ouvrages de Sacco, de Delisle, de Sattouf ou encore de Zerocalcare.

Le deuxième sous-genre exploite le médium bande dessinée pour illustrer un récit journalistique. Il s’agit d’un reportage ou d’une enquête, souvent menée par un ou une journaliste,

¾ºÄ¶¶¿º¾²¸¶ÄÁ²ÃÆ¿ÀÆÆ¿¶²ÃźÄŶʇ²ʠʡÄʓÀȮö²Æ öÁÀÃŶÃÁÀÆÃÁ²ÃŲ¸¶Ã¶ÅʁÁ²Ã·ÀºÄʁʠÇƽ¸²ÃºÄ¶ÃʡÆ¿¶²Ȯ²ºÃ¶

´À¾Á½¶É¶²ȱ¿µ¶½²µºȮÆĶòÆĶº¿µÆ¸Ã²¿µÁƳ½º´ʁÁÀÆDz¿Å ainsi déclencher un débat d’intérêt général. La bande dessi-née vient aider le reportage.

Algues Vertes n’est évidemment pas unique dans son genre : l’on peut rappeler par exemple l’ouvrage d’Étienne Davodeau, Cher pays de notre enfance (Futuropolis, 2015), écrit en colla-boration avec le grand reporter Benoît Collombat. Ensemble, ils ont mené une enquête très approfondie sur les « années de plomb » de la Ve République et ont recueilli plusieurs té-moignages, qui ont d’abord été publiés dans deux numéros de

La Revue Dessinée. Dans la même collection d’Algues Vertes, est publié ²Ã¼ÀËÊʉ²µ¹²ȱ (Delcourt — La Revue Dessinée, 2019), une enquête-choc conduite par cinq grands reporters et mise en images par Thierry Chavant, qui décortique l’af-faire de la campagne pour la présidentielle de Nicolas

Sar-¼ÀËÊ ¶¿ ЀϾϾЅʁ ȱ¿²¿´ì¶ Á²Ã µ¶Ä ·À¿µÄ ÁƳ½º´Ä ½º³Ê¶¿Ä Ǻ² ÀƲ¾¾²Ã²µ¹²ȱʇ

Autre exemple de reportage en bande dessinée est La fan-taisie des dieux (Les Arènes, 2014) écrit par le rédacteur en chef de la revue XXI, Patrick de Saint-Exupéry, et dessiné par Hippolyte. Dans cette œuvre monumentale, l’auteur tente d’expliquer un génocide indicible : celui de 1994 au Rwanda, ÀŁʁ¶¿ÅÃÀºÄ¾ÀºÄʁІϾϾϾϾϾÆÅĺÄÀ¿ÅìÅì¾²ÄIJ´ÃìÄÁ²Ãµ¶Ä extrémistes Hutus.

Malgré ses nuances, les bandes dessinées de reportage en-globent souvent plusieurs de ces étiquettes, puisqu’elles font appel à des thèmes très divers, abordant des sujets géopoli-tiques, historiques, sociaux, environnementaux, intimes.

« Le dessin de presse, les strips, la BD, peu importe, je voulais dessiner et mon but était de manger grâce à ça. »

Claire Bretécher (1940 — 2020 †) Figure emblématique

de la bande dessinée française des années '60 et '70

Chapitre 4

Un impact éditorial

Dans le document L information par la bande dessinée (Page 33-43)

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