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Un impact éditorial remarquable

Dans le document L information par la bande dessinée (Page 43-56)

Comme on l’a vu dans les deux premiers chapitres, l’essor du roman graphique dans les années 1980 a permis au sec-teur de la bande dessinée de se renouveler. Le marché de la

« BD » est un des plus rentables du monde de l’édition fran-çaise. En 2019, le groupe des éditeurs de bande dessinée du Syndicat national de l’édition (SNE), en collaboration avec l’institut GfK, a mené la deuxième étude visant à analyser le public-acheteur de « BD » en France. L’étude La Bande des-sinée, variété et richesse 1, publiée le 1er juillet 2019, rend un ÁÀÃÅòºÅÅÃëĵºÇ¶ÃĺȱìµÆ½¶´Å¶ÆÃÅÊÁ¶µ¶³²¿µ¶µ¶Äĺ¿ì¶ʇ Selon cette étude, la « BD » représente 15 % du marché grand public de l’édition française, tous genres confondus (hors scolaire et périscolaire). En 2020, lors de l’ouverture de la 47e édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (FIBD), un nouveau bilan du marché a été publié par GfK, relevant un record des ventes : 48 millions d’exem-Á½²ºÃ¶ÄÀ¿ÅìÅìǶ¿µÆĶ¿ЀϾϿЇʁÁÀÆÃÆ¿´¹ºȮöµʓ²Ȯ²ºÃ¶Äµ¶

555 millions d’euros.2 Cette production étonnante est un in-dice d’un univers éditorial dynamique et hétérogène. Trois

1. SNE, Institut GfK. La Bande dessinée, variété et richesse, 1er juill. 2019 [en ligne — consulté le 2 oct. 2020].

2. « Le marché de la BD en progression : les ventes font un bond de 11 % en 2019 », France Info : Culture, 31 janv. 2020 [en ligne — consulté le 2 oct. 2020].

secteurs en particulier connaissent une très forte hausse de leurs ventes : le manga (+22 % en volume en deux ans), la « BD » jeunesse contemporaine (+20 % en deux ans) et la bande dessinée de genre, qui inclut les œuvres biographiques, µÀ´Æ¾¶¿Å²ºÃ¶Ä¶Å½²ȱ´ÅºÀ¿´À¿Å¶¾ÁÀòº¿¶ʁÁÀÃÅì¶Á²Ã½¶·ÀÃ-mat roman graphique (+47 % en deux ans). Ce dernier sec-teur relève la plus grande hausse de vente par rapport au dernier rapport de 2017. 3

La bande dessinée du réel voit ses ventes augmenter d’an-née en and’an-née. Les grands auteurs du genre font désormais partie du fond de la plupart des librairies. Guy Delisle comp-tait, par exemple, plus de 200 000 exemplaires vendus pour Chroniques de Jérusalem, et ce en 2015.4 Le grand succès de L’arabe du futur de Riad Sattouf est la preuve d’un intérêt de plus en plus vaste de la part du grand public pour le docu-mentaire. Les trois premiers tomes, traduits en vingt-deux langues, s’étaient vendus à 1,5 million d’exemplaires en 2018,

¶Å ½¶ ÂƲÅú뾶 ȱ¸ÆòºÅ ¶¿ ÅíŶ µ¶Ä Ƕ¿Å¶Ä µ¶ ½ºÇöÄʁ ÅÀÆÄ genres confondus. 5

ȱ¿ µ¶ ÁÃÀ¾ÀÆÇÀºÃ ½ʓÆ¿ºÇ¶ÃÄ µÆ ¿¶ÆǺ뾶 ²ÃÅʁ ȱ¿ ЀϾϿЇ ½¶

ministère de la Culture, le Centre national du livre (CNL) et la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image se sont associés pour mettre en place une année de célébrations de la bande dessinée et de ses auteurs et autrices, intitulée

« BD 2020 ». L’objectif de cette initiative était « de faire de l’année 2020 (et jusqu’au 30 juin 2021) une année dédiée à la bande dessinée sur l’ensemble des territoires et pour tous

3. Ibid.

4. AFP. « Le dessinateur Guy Delisle va passer du cocon familial à la Tchétchénie », L’Ex-press, 31 janv. 2015 [en ligne — consulté le 2 oct. 2020].

5. « Livres : la BD L’Arabe du futur détrône Zemmour au top des ventes », SudOuest, 5 oct.

2018 [en ligne — consulté le 2 oct. 2020].

Infographie du SNE basée sur l’étude réalisée avec le GfK (2019)

les publics » 6. Des événements et des expositions étaient pré-vus tout au long de l’année sur le territoire de l’Hexagone.

Malheureusement, la crise sanitaire due à la propagation du virus Covid-19 à l’échelle mondiale a empêché l’organisation de cette manifestation. Il est toutefois pertinent de mettre en avant l’existence d’une telle initiative.

Place aux prix et aux rééditions

Les prix littéraires pour la bande dessinée jouent également Æ¿Ãĝ½¶´½¶·µ²¿Ä½²µºȮÆĺÀ¿µÆöÁÀÃŲ¸¶µ¶Äĺ¿ìʇ¿ϿЇЇЂʁ Jean-Christophe Ogier, journaliste et chroniqueur d’une émission de « BD » pour France Info, lance la première édi-tion du prix France Info de la bande dessinée d’actualité et de reportage. Ce prix est attribué par un jury de journalistes et est choisi parmi une dizaine d’albums parus au cours de l’an-née achevée. Il est généralement décerné en janvier, avant le FIDB d’Angoulême.7 Le lauréat de la première édition était La Fille aux Ibis, de Christian Lax et Frank Giroud, publié en 1993 par les éditions Dupuis. Des auteurs comme Marjane Satrapi, Joe Sacco, Emmanuel Guibert, Étienne Davodeau, Em-manuel Lepage, Nicolas Wild et Luz ont également étaient ré-compensés. Pour l’édition 2020, ce sont Vincent Jarousseau et Eddy Vaccaro qui ont remporté le prix pour leur bande des-sinée « docu-photo » Les racines de la colère, publié par les 쵺źÀ¿Ä¶ÄÃ뿶Äʇ²¿Ä½²Ä콶´ÅºÀ¿ÀȲ´º¶½½¶µÆÁúÉЀϾЀϾ ȱ¸Æòº¶¿Å²ÆÄĺL’Odyssée d’Hakim de Fabien Toulmé et Algues Vertes : L’histoire interdite d’Inès Léraud et Pierre Van Hove.

6. Source : « Présentation BD 2020 », Ministère de la Culture, www.bd2020.culture.gouv.fr 7. Source : « Prix France Info de la bande dessinée d’actualité et de reportage », Wikipédia

[consulté le 25 oct. 2020].

Le genre documentaire s’impose depuis des années dans les sélections du FIBD d’Angoulême. Fondé en 1974, aujourd’hui premier festival francophone de bande dessinée et deuxième au niveau européen, le FIDB, avec ses nombreux fauves 8, cou-ronne régulièrement des œuvres reportages. En 1988, puis en 1993, c’est Art Spiegelman avec ses deux tomes de la série Maus qui remporte l’Alph’Art 9 du meilleur album. Puis, ce sera au tour de Marjane Satrapi, de Guy Delisle, de Riad Sat-touf de remporter le prestigieux trophée. En janvier 2020, le prix de la ville d’Angoulême est attribué à Emmanuel Guibert pour l’ensemble de son œuvre. Le reportage dessiné envahit le panorama angoumois.

Ce n’est pas seulement à Angoulême que l’on met en va-leur le travail des dessinateurs-reporters. Le prix de la BD FNAC France Inter 10ʁ´Ãì춿ЀϾϿЁʁ·²ºÅȱ¸Æöõ²¿ÄIJÄ콶´ -tion 2021 deux bandes dessinées documentaires : La Patrie des frères Werner de Philippe Collin et Sébastien Goethals (Futuropolis, 2020) et Payer la Terre de Joe Sacco (Futuro-polis et XXI, 2020). En 2004, le prix des libraires de bandes dessinées 11 récompense Didier Lefèvre, Emmanuel Guibert et Frédéric Lemercier pour l’album Le Photographe (Dupuis, 2003). En 2017, on décerne le premier prix étudiant de la BD politique 12, fondé par radio France Culture et l’association Lire la société, à Histoire dessinée de la guerre d’Algérie de Benjamin Stora et Sébastien Vassant (Le Seuil, 2016). Dans les sélections, on retrouve des ouvrages comme Coquelicots d’Irak de Lewis Trondheim et Brigitte Findakly

(L’Associa-8. Le terme fauve désigne ici le trophée décerné par le jury du FIBD, récompensant les meil-leurs albums de bande dessinée de l’année passée.

9. Le Fauve du meilleur prix du FIDB a connu plusieurs dénominations, dont « Alph’Art du meilleur album », de 1989 jusqu’en 2005.

10. Source : « Prix BD FNAC France Inter », www.fnac.com/prix-bd-fnac

11. Source : « Prix des Libraires de Bande Dessinée : Les Archives », CanalBD, www.canalbd.net 12. Source : « Prix étudiant de la BD politique », Wikipédia.

tion, 2016) ou encore La petite mosquée dans la cité de So-lenne Jouanneau et Kim Consigny (Casterman, 2018).

Au niveau des ventes, c’est la série L’arabe du futur de Riad Sattouf (Allary Éditions) qui domine. Un vrai succès édito-rial, qui a permis à une petite maison d’édition indépendante de s’assurer une place solide dans le marché du livre fran-çais, mais aussi à l’international. Les ouvrages de Guy De-lisle, comme Chroniques de Jérusalem, traduit en seize lan-gues, ou encore Pyongyang, traduit en vingt-cinq lanlan-gues, ont également eu un énorme impact sur le secteur. Aujourd’hui, l’auteur canadien voit ses livres publiés en vingt-sept pays µºȮìö¿ÅÄʇ13

En dehors de la France, un autre exemple de reportage des-siné de succès est Kobané Calling du bédéiste italien Zero-calcare. Publié en 2014, le livre qui fait le point sur la si-ÅƲźÀ¿²´Åƶ½½¶µÆÁ¶ÆÁ½¶¼Æõ¶¶ÅµÆ´À¿ȷºÅ²Ã¾ì´À¿Åö

Daesh a joui d’une reconnaissance sans précédent. Le roman graphique est rapidement monté à la première place du clas-sement des livres les plus vendus en Italie et, en avril 2020, une nouvelle édition augmentée a été publiée par la maison italienne Bao Publishing, avec quarante pages inédites et une nouvelle couverture.14

Ces bandes dessinées sortent du lot grâce à leurs caractéris-tiques graphiques et formelles, qui leur ont valu une place prestigieuse à côté des grands titres littéraires contempo-rains. Pourtant, malgré les rééditions et le succès de certains auteurs et de certaines autrices, nombre de professionnels de la bande dessinée et des arts graphiques rencontrent

au-»ÀÆõʓ¹Æºµ¶¸Ã²¿µ¶ÄµºȲ´Æ½ÅìÄì´À¿À¾ºÂƶÄʇ

13. Source : blog personnel de Guy Delisle, www.guydelisle.com

14. ZEROCALCARE. Kobané Calling Oggi, Bao Publishing, Milan, avril 2020.

Tout n’est pas rose…

À quelques jours de la 47e édition du FIBD d’Angoulême, Bru-no Racine, ancien président de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et du Centre Pompidou, livrait au ministère de la Culture un rapport sur le niveau de vie des artistes auteurs en France.15 L’étude montre que le sentiment d’une baisse de revenus est largement partagé.

« La dégradation de la situation économique et sociale des ar-tistes auteurs se traduit par une érosion de leurs revenus, en dépit de l’augmentation générale de la valeur créée. Peu

rému-¿ìòŶÆÃĶ¿¾Àʶ¿¿¶ʁ½¶Ä¾ìź¶Ãĵ¶½²´Ãì²ÅºÀ¿ÄÀ¿Å²Ȯ¶´ÅìÄ d’un fort biais social, tandis que parmi les artistes auteurs, les

»¶Æ¿¶Ä¶Å½¶Ä·¶¾¾¶ÄÄÀ¿ÅÁ²Ãź´Æ½ºëö¾¶¿Å¶ÉÁÀÄìIJÆɵºȲ -cultés socio-économiques. » 16

L’objectif de ce rapport était de dresser un état des lieux, ʠµʓºµ¶¿Åºȱ¶Ã½¶ÄŶ¿µ²¿´¶Ä̽À¿¸Å¶Ã¾¶¶Åµ¶ÁÃÀÁÀĶÃÆ¿

plan d’action » quant à la question de la place des artistes auteurs dans le secteur de l’édition. Le périmètre d’analyse embrassait toutes celles et tous ceux qui cotisent au régime général en tant qu’artistes auteurs, soit 270 000 personnes, dont un peu plus de 40 000 à titre principal.17

L’étude menée par la SNE, citée au début du chapitre, nous dit clairement que le secteur de la bande dessinée est un des plus importants du monde de l’édition français. Paradoxalement,

½²ÄºÅƲźÀ¿ȱ¿²¿´ºëöµ¶Ä²ÃźÄŶIJÆŶÆÃÄ¿¶Ã¶ȷëŶ²³ÄÀ½Æ-¾¶¿ÅÁ²Ä½²ÇºÅ²½ºÅ쵶´¶ÅŶȱ½ºëöʇ¿¶Ȯ¶Åʁµʓ²ÁÃëĽ¶Ã²ÁÁÀÃÅ

15. RACINE, Bruno. Le rapport Racine : L’auteur et l’acte de création, janv. 2020 [version PDF en accès libre en ligne — consulté le 2 oct. 2020].

16. « Le rapport Racine suggère de renforcer les "politiques publiques" de soutien aux au-teurs », 20 Minutes, 23 janv. 2020 [en ligne — consulté le 15 oct. 2020].

17. RACINE, Bruno, op. cit., p. 12.

Racine et d’autres études précédentes 18, plus d’un tiers des ar-tistes auteurs français vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Dans le secteur de la bande dessinée, la situation des femmes est encore plus alarmante : 67 % des autrices ont un revenu inférieur au SMIC annuel brut et 50 % perçoivent des revenus qui les placent en dessous du seuil de pauvreté, ce taux étant de 36 % pour les hommes. Au sein de la profession d’illustra-teur, l’écart entre les revenus féminins et masculins est im-pressionnant : il s’élève à 41 % après vingt ans de carrière.19 Les bédéistes étant rémunérés en avance de droits d’auteur, l’éditeur accorde une somme d’argent pour que les auteurs et autrices puissent créer un album, ce qui leur prend en moyenne un an de travail. Lorsque l’album est imprimé et édité, l’éditeur se rembourse des avances à hauteur du pour-centage des droits d’auteur. Les artistes ne touchent leurs droits d’auteur, généralement autour de 8 %, qu’une fois l’avance remboursée.

Mais il est de plus en plus rare que les artistes auteurs par-viennent à rembourser l’avance et à toucher des droits sup-plémentaires. Cela malgré l’augmentation du lectorat. La production livresque de bande dessinée a beaucoup crû ces dernières années, mais les tirages n’ont pas pour autant gon-ȷìʇʓ¶ÄŽʓÀȮöµ¶ÅºÅöÄÁ²Ã²¿Âƺ²´À¿¿ÆÆ¿¶·ÀÃŶ¹²ÆÄĶʇ

« En 2000, il y avait huit cents titres par an, aujourd’hui on est à plus de cinq mille. Les libraires n’ont pas le temps de tout présenter ».20

18. États Généraux de la Bande Dessinée. Enquête auteurs 2016 — Résultats statistiques, déc.

2016, p. 37 [en ligne — consulté le 4 oct. 2020].

19. RACINE, Bruno, op. cit., pp. 23-25.

ЀϾʇʁ²Å¹º½µ¶ʇʠì¾Æ¿ìòźÀ¿ʁÁ½²´¶µ¶½ʓ쵺ŶÆÃʈ¶ÄµºȮìö¿´¶Ä¶¿Åö½¶Ä²ÆŶÆÃÄ de comics US et les auteurs de BD franco-belge », 20 Minutes, 26 oct. 2019 [en ligne — consulté le 15 oct. 2020].

Pour ce qui concerne la bande dessinée de reportage, Sé-verine Bourdieu revient sur un aspect très intéressant, qui jouerait à la faveur des artistes-reporters.

ʠ¿ Ŷ½ Á²ÃŶ¿²Ãº²Å ¶ÄŠ츲½¶¾¶¿Å ÁÃÀȱŲ³½¶ Ì ½ʓ²ÆŶÆà ʃ IJ ÁÃìĶ¿´¶ µ²¿Ä Æ¿ ÁìúÀµºÂƶ µÀ¿Å ½¶Ä źò¸¶Ä Ķ ´¹ºȮö¿Å ¶¿

´¶¿Å²º¿¶Ä µ¶ ¾º½½º¶ÃÄ µʓ¶É¶¾Á½²ºÃ¶Ä ½Æº ÀȮö ½² ÁÀÄĺ³º½ºÅì µ¶

conquérir un nouveau lectorat, composé de tous ceux qui n’au-raient jamais fait la démarche d’ouvrir un album ».21

¶´º ÁÀÆÃòºÅ 츲½¶¾¶¿Å íÅö ö¿Å²³½¶ ²Æ ¿ºÇ¶²Æ ȱ¿²¿´º¶Ãʇ Pour certains artistes auteurs, un travail pour un périodique Á¶ÆÅ·²ºÃ¶½²µºȮìö¿´¶ʇ¶µ¶Äĺ¿µ¶ÁöÄĶ·ÀÆÿºÅÆ¿¾º-lieu propice à la créativité, permet aux bédéastes d’acquérir Æ¿ÁƳ½º´ȱµë½¶¶Åµ¶Ä¶·²ºÃ¶´À¿¿²ĄÅöÁ²ÃÆ¿Á½Æĸò¿µ nombre de lecteurs. Et, évidemment, un contrat au sein d’un journal ou d’une revue constitue une source de revenus plus régulière. Par exemple, Jochen Gerner, dessinateur, illustra-teur et plasticien, publié par L’Association, Automne 67, Édi-tions du Rouergue, l’Ampoule, B.ü.L.b Comix et les ÉdiÉdi-tions Milan, est connu par le grand public grâce à ses illustrations dans Libération et pour l’hebdomadaire Le 1, dans lequel il crée des frises en bande dessinée pour exposer les événe-ments clefs du sujet de la semaine.

Cependant, ce n’est pas toujours si simple. Certaines revues spécialisées, comme La Revue Dessinée par exemple, font ap-Á¶½Ìµ¶Äµ¶Äĺ¿²Å¶ÆÃĶÅ̵¶Ä»ÀÆÿ²½ºÄŶĵºȮìö¿ÅÄÁÀÆà chaque numéro. Les artistes auteurs interpellés travaillent de façon ponctuelle et sont souvent payés « à la pige », comme est le cas pour beaucoup de dessinateurs de presse. 22 Les

21. BOURDIEU, Séverine. « Le reportage en bande dessinée dans la presse actuelle : un autre regard sur le monde », op. cit.

22. KRIEGK, Jean-Samuel. « 7 choses à savoir sur le dessin de presse », ÆȮÀÄÅ, 21 févr.

2014 [en ligne — consulté le 10 nov. 2020].

dessins de presse et les contributions dans des revues

spé-´º²½ºÄì¶ÄÁ¶ÆǶ¿Å¶¿¶Ȯ¶Å´À¿ÄźÅƶÃÆ¿¶ÄÀÆô¶µ¶Ã¶Ç¶¿ÆÄ supplémentaires, mais cela reste toujours très limité.

De plus en plus d’initiatives

Entre bande dessinée de reportage et dessin de presse, de plus en plus d’initiatives permettent aux artistes auteurs de faire connaître leur travail.

L’association The Ink Link, fondée en 2016 par les dessina-teurs et scénaristes Laure Garancher, Mayana Itoïz et Wil-frid Lupano, rassemble des artistes auteurs internationaux

²ȱ¿µ¶ÁÃÀ¾ÀÆÇÀºÃµ¶Ä²´ÅºÀ¿Ä¹Æ¾²¿ºÅ²ºÃ¶ÄÁ²Ã½¶³º²ºÄµ¶

la bande dessinée. L’association propose d’accompagner les institutions et ONGs dans la sélection de la problématique et dans le choix de la technique graphique et des équipes adap-Åì¶Äʇ ²Ã¾º ½¶Ä ÁÃÀ·¶ÄĺÀ¿¿¶½Ä µ¶ ½² ʠʡ Ê ȱ¸Æö¿Å ²Æ½ Cauuet, Pozla, Simon Hureau, Jérémie Moreau, ou encore Fa-bien Toulmé.23

Pour ce qui concerne le dessin de presse, depuis 2003, Patrick Chapatte, dessinateur de presse pour les journaux Le Temps, Courrier International, The New York Times et Der Spiegel, coordonne l’organisation du projet « Plumes Croisées : Le dessin comme outil de dialogue », une série d’événements, d’ateliers et d’expositions autour des travaux d’auteurs in-ternationaux. L’idée naît de la volonté de « donner un espace pour aborder ensemble les thématiques qui divisent ».24 Leur µ¶ÇºÄ¶ʎʠÌÀŁ½¶Ä¾ÀÅķδ¹¶¿Åʁ¿ÀÆĶÄIJÊÀ¿Ä½¶µ¶Äĺ¿ʇʡ

23. Source : site de l’association The Ink Link, www.theinklink.org 24. Source : site du projet « Plumes Croisées », www.plumes-croisees.com

Le dernier projet date de 2020 et nous amène à la frontière

¶ÉºÂƶʦ>ŲÅÄʉ¿ºÄʁÀŁµ¶Äµ¶Äĺ¿²Å¶ÆÃĵƿÀõ¶ÅµÆÄƵ illustrent leur vision du mur.

Au niveau international, on peut également citer la plate-forme néerlandaise Drawing the TimesʁÀŁµ¶Äµ¶Äĺ¿²Å¶ÆÃÄ µÆ ¾À¿µ¶ ¶¿Åº¶Ã ÁƳ½º¶¿Å ½¶ÆÃÄ ´Ãì²ÅºÀ¿Ä ÄÀÆÄ µºȮìö¿Å¶Ä formes — dessins de presse, short stories, bandes dessinées, º¿·À¸Ã²Á¹º¶Äʁ ¶Å ²ÆÅÃ¶Ä ʨ ²ȱ¿ µ¶ Äź¾Æ½¶Ã ½² Ãìȷ¶ÉºÀ¿ ²Æ-tour de sujets politiques et sociaux. Les travaux sont divi-sés par thème : environnement, histoire, droits de l’Homme, racisme, immigration, féminisme, santé, égalité des sexes, économie, droits des animaux… Initiée par la dessina-trice-reporter néerlandaise Eva Hilhorst, la plateforme est

²Æ»ÀÆõʓ¹Æºȱ¿²¿´ì¶Á²Ãµ¶Ä²ÄÄÀ´º²ÅºÀ¿Äʁµ¶ÄÄÅƵºÀĵʓ²ÃÅ et de développement numérique, ainsi que par une institu-tion promouvant le journalisme d’investigainstitu-tion, et réunit une centaine d’artistes.25

25. Source : site de la plateforme Drawing the Times, www.drawingthetimes.com DISEASE X de Merel Barends

pour Drawing the Times (2020)

La « BD » reportage enseignée

²µºȮÆĺÀ¿µ¶½ʓº¿·Àþ²ÅºÀ¿Á²Ã½²³²¿µ¶µ¶Äĺ¿ì¶¶ÄÅö-connue aussi dans le milieu journalistique comme une tech-nique alternative. Comme on l’a vu, la « BD » de reportage acquiert de plus en plus de visibilité. Des initiatives récentes tentent de promouvoir également l’enseignement de cette

« nouvelle » stratégie de transmission de l’info.

Le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI), chargé de promouvoir, tant sur le plan national qu’au sein des académies, l’utilisation pluraliste des moyens d’information dans l’enseignement, propose une série de res-sources qui visent à former les enseignants à la bande dessi-née de reportage, ainsi qu’aux autres médias.26

º¿²¿´ìÁ²Ã½¶¾º¿ºÄÅëöµ¶½ʓ>µÆ´²ÅºÀ¿¿²ÅºÀ¿²½¶²ȱ¿µʓ¶¿-courager le sens critique des élèves, le CLEMI met à dis-position des enseignants et des internautes des « pistes de Ãìȷ¶ÉºÀ¿ʡʁÆ¿¶³º³½ºÀ¸Ã²Á¹º¶ʁµ¶ÄÄìÂƶ¿´¶ÄÁìµ²¸À¸ºÂÆ¶Ä et des outils numériques pour découvrir et pratiquer du re-ÁÀÃŲ¸¶ µ¶Äĺ¿ì Ì ½ʓì´À½¶ʇ ¿ Ê ´ºÅ¶ʁ Á²Ã ¶É¶¾Á½¶ʁ ½¶ ȱ½¾ documentaire La BD s’en va t-en guerre, produit par Arte Éditions (2009), ou encore la revue « BD » Topo, créée par les fondateurs de La Revue Dessinée¶¿ЀϾϿЄ²ȱ¿µ¶µì´½º¿¶Ã l’« information dessinée » pour les plus jeunes.27 Les ate-liers et les outils numériques sont en accès libre ; il s’agit de plateformes réalisées pour promouvoir la création d’illus-ÅÃìĶÅÁÀÆö¿Ä¶º¸¿¶Ãµ¶·²èÀ¿½ÆµºÂƶ½¶ÄµºȮìö¿ÅÄÁÃÀ´ì -dés graphiques.

26. Source : site du CLEMI, www.clemi.fr

27. Source : Présentation de la revue Topo, www.4revues.fr/topo/

Des associations d’artistes auteurs ont par ailleurs été créées

´¶Ä µ¶Ã¿ºëÃ¶Ä ²¿¿ì¶Ä ¿À¿ Ķƽ¶¾¶¿Å ²ȱ¿ µʓ²¾ì½ºÀöà ½¶Ä conditions de travail des dessinateurs, mais aussi pour per-mettre de répandre les savoirs et savoir-faire des artistes auteurs en milieu scolaire et universitaire, à travers des ate-liers, des rencontres ou des conférences.28

28. On peut notamment citer les associations suivantes : l’AdaBD (Association des auteurs de BD), le CAAP (Comité pluridisciplinaire des artistes-auteur·trices), les EGBD (États généraux de la bande dessinée), la Ligue des auteurs professionnels, le SNAA-FO (Syndi-cat national des artistes auteurs Force Ouvrière), la Maison des Artistes.

« Chi aspira a cambiare il reale dovrebbe prima o poi

fare i conti col fumetto. »

« Ceux et celles qui aspirent à changer le réel devraient, tôt ou tard, prendre en main

la bande dessinée. »

Zerocalcare Pour la préface de

Comix Riot de Gaia Cocchi (Bordeaux Edizioni, 2014)

Conclusion

La bande dessinée de reportage, genre de plus en plus im-planté dans le milieu de l’édition, trouve aujourd’hui un écho très important au sein du public français et international. En

¶Ȯ¶Åʁ¶½½¶Ä¶Á½²´¶Ì½²´ÃÀºÄ춵¶µ¶ÆɵÀ¾²º¿¶Ä´Æ½ÅÆö½Ä bien distincts : l’illustration et la presse écrite. Mais quel a été le résultat de cet étonnant amalgame ?

L’union d’illustré et reportage, qui remonte à la naissance même de l’illustration au XIXe siècle, permet de développer un nouveau regard sur le monde, tout en encourageant l’es-ÁúŴúźÂƶ¶Å½²Ãìȷ¶ÉºÀ¿ʇ¶Ã¶ÁÀÃŲ¸¶µ¶Äĺ¿ìÅÃÀÆÇ¶Ä¶Ä racines dans l’histoire de la bande dessinée et de la presse écrite. L’invention de l’imprimerie en 1454, le premier illustré µ¶ÀµÀ½Á¹¶ģÁȮ¶Ã¶Å½²µºȮÆĺÀ¿µ¶ÄÁö¾º¶ÃÄöÁÀÃŲ¸¶Ä de terrain pendant la Guerre de Succession aux États-Unis ont favorisé l’essor du dessin de presse politique, satirique,

infor-¾²Åº·¶ÅµÀ´Æ¾¶¿Å²ºÃ¶ʇǶ´½ʓº¿ȷƶ¿´¶µ¶Ä»ÀÆÿ²½ºÄŶÄʉµ¶Ä -sinateurs, de plus en plus nombreux au début du XXe siècle, et la création en 1935 du Syndicat des Dessinateurs de Journaux (SDJ), le panorama du dessin de reportage s’élargit et s’impose dans le milieu de l’information, en France comme à l’étranger.

En passant par les comic books américains et l’innovation de la ligne claire, symbole de l’école franco-belge, la bande des-sinée, principalement publiée pour un jeune public, change

petit à petit de visage. En réponse à la censure instaurée aux États-Unis, interdisant toute référence à des thèmes tabous comme la violence et la sexualité dans les comics, un nouveau mouvement d’artistes auteurs éclot. L’apparition des comix et de la bande dessinée underground des années 1960 en Amé-rique et la vague militante française de Mai 68 ont un grand impact sur la façon de représenter le monde. De nouvelles techniques graphiques et des sujets « adultes » commencent ÌÄʓº¾ÁÀĶÃʁ¾Àµºȱ²¿Å²º¿Äº½ʓÀȮö쵺ÅÀú²½¶µ¶½ʓìÁÀÂƶʇ¶Ä auteurs se soutiennent et travaillent ensemble pour renouve-ler le regard que l’on porte sur les arts graphiques. On constate l’émergence d’un marché propice à une bande dessinée qui traite de sujets géopolitiques, documentaires, réels.

« BD » biographique, autobiographique, carnets de voyage, re-portages, romans graphiques. Le bouleversement du marché des illustrés sollicite également la volonté de se détacher des moyens de production conventionnels de la chaîne du livre. À partir des années 1990, de nouvelles maisons d’édition indé-pendantes voient le jour. Leur objectif : promouvoir une bande dessinée dite alternative, qui dévie les chemins graphiques traditionnels. C’est dans ce courant audacieux que la « BD » de reportage trouve son public.

¿Ã²ºÄÀ¿²ÆÄĺµʓÆ¿ÁÃÀ·À¿µÄ¶¿Åº¾¶¿Åµ¶µìȱ²¿´¶ÇºÄʉÌʉÇºÄ des médias modernes, le reportage dessiné se distingue pour son approche analytique et personnelle. Se plaçant à l’oppo-sé de la pratique de « l’info en continu » et du breaking news, ÄÀÆǶ¿Å´ÃºÅºÂÆì¶ÁÀÆÃIJ¿²ÅÆöÄÆÁ¶Ãȱ´º¶½½¶¶ÅìÁ¹ì¾ëöÂƺ

¿Ã²ºÄÀ¿²ÆÄĺµʓÆ¿ÁÃÀ·À¿µÄ¶¿Åº¾¶¿Åµ¶µìȱ²¿´¶ÇºÄʉÌʉÇºÄ des médias modernes, le reportage dessiné se distingue pour son approche analytique et personnelle. Se plaçant à l’oppo-sé de la pratique de « l’info en continu » et du breaking news, ÄÀÆǶ¿Å´ÃºÅºÂÆì¶ÁÀÆÃIJ¿²ÅÆöÄÆÁ¶Ãȱ´º¶½½¶¶ÅìÁ¹ì¾ëöÂƺ

Dans le document L information par la bande dessinée (Page 43-56)

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