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Dans le contexte de la longue histoire politique et culturelle partagée par la France et l‟Angleterre, le XVIIIe siècle se distingue comme « l‟époque par excellence de la découverte de l‟Angleterre et de la propagation du modèle anglais en France »149. C‟est une époque où les deux pays s‟influencent mutuellement, positivement lors de partages et d‟échanges, et négativement par une aversion de rivaux lors de conflits et de périodes de tensions150. De toute manière, l‟effet cumulatif est une sorte d‟imbrication culturelle. Nous considérons que les influences prononcées qui résultent de la solidité de ce rapport opèrent à deux niveaux : d‟une part au niveau national, entre gouvernements et sociétés, et d‟autre part au niveau personnel, entre individus isolés. Afin d‟élucider dans cette perspective l‟état du contact entre l‟Angleterre et la France au siècle des Lumières, qui aura permis la transmission et la naturalisation de la notion de spleen151, nous procéderons en trois temps : nous évaluerons d‟abord de manière générale l‟influence britannique Ŕ politique et culturelle Ŕ en France à ce moment- là152 ; ensuite nous présenterons ces individus que nous nommons, en paraphrasant Gabriel Bonno, les agents de liaison culturelle153 ; et finalement nous examinerons les attitudes ayant modulé ce rayonnement et les opinions des intermédiaires au long du siècle, soit l‟anglophilie, l‟anglomanie et l‟anglophobie.

149 Edmond Dziembowski, Un nouveau patriotisme français, 1750-1770. La France face à la

puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept Ans, Oxford, Voltaire Foundation, 1998, p. 18,

n. 6 ; cf. aussi Jacques Gury, « Une excentricité à l‟anglaise : l‟Anglomanie », dans L’Excentricité

en Grande Bretagne au dix-huitième siècle, Michèle Plaisant (éd.), Lille, Éditions universitaires,

1976, p. 191.

150 Notons que « [d]e 1689 à 1815, se déroule ce que les historiens appellent volontiers la seconde guerre de Cent Ans » (Dziembowski, p. 16) puisque « la guerre opposera la France et l‟Angleterre pendant près de soixante-dix ans et la paix se limitera à une série de trêves précaires » (Gury, p. 191).

151 D‟ailleurs, c‟est à la seule condition d‟un contact interculturel rapproché et prolongé que sont possibles des transmissions notionnelles. Un contact ponctuel ne pourrait suffire à influencer de cette manière le domaine des idées, vu que par nature elles muent lentement.

152 Pour les besoins de cette étude, nous privilégions cette optique et négligeons son pendant, c‟est-à-dire l‟influence française en Angleterre.

153 Cette expression est inspirée par le premier chapitre de La culture et la civilisation britanniques

devant l’opinion française de la paix d’Utrecht aux Lettres philosophiques, intitulé « Organes et

agents de liaison intellectuelle entre la Grande-Bretagne et la France ». Nous avons préféré adapter l‟expression de Bonno pour faire de la place aux partages dans des domaines plus divers et moins restreints aux seules élites.

L’influence britannique en France au XVIIIe siècle

Alors que la France jouit de la prééminence culturelle en Europe au XVIIIe siècle, l‟Angleterre s‟avère résistante à cette influence et jouit en revanche d‟un certain prestige en France154. En fait, on considère l‟intérêt que portent les Français à l‟Angleterre comme un trait caractéristique du XVIIIe siècle155 et on avance même que le facteur anglais est déterminant en ce qui concerne « the making of the French Enlightenment »156. En fait, la conséquence de cette ouverture à la culture britannique est qu‟avant la fin du siècle seront bouleversées « les idées reçues » dans tous les domaines, et renversées « toutes les conventions, les traditions, les institutions françaises »157.

Loin de s‟exercer d‟un seul coup, cette influence s‟impose par étapes et s‟inscrit d‟ailleurs dans un contexte plus large, celui des échanges culturels franco-anglais de toute l‟époque moderne, que René Pillorget a divisés en trois phases. La première correspond à « un XVIe siècle prolongé par les premières décennies du XVIIe » où l‟emprise de la France sur l‟Angleterre est telle qu‟elle exclut une quelconque réciprocité. Suit une transition : « un ensemble de décennies au cours desquelles on voit se développer certaines influences anglaises en France, au point que l‟on semble parvenir à certain équilibre, et à un véritable échange. » Finalement, la troisième phase, qui s‟étend « de la fin du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe, avec un apogée aux alentours de 1765-1775, apparaît caractérisée par une situation complexe, comportant une prédominance du rapport Angleterre-France sur le rapport France-Angleterre »158.

154 René Pillorget, « Quelques échanges culturels franco-anglais au cours des temps modernes », dans Les Échanges culturels à l’époque moderne, Actes du Colloque de 1985, Association des historiens modernistes des universités, bulletin X, Paris, Presses de l‟Université de Paris- Sorbonne, 1986, pp. 63-64.

155 Gabriel Dominique Bonno, La Culture et la civilisation britanniques devant l’opinion française

de la Paix d’Utrecht aux Lettres Philosophiques (1713Ŕ1734), Philadelphia, American

Philosophical Society, 1948, p. 4.

156 Ira Owen Wade, « The English Influence », dans The Structure and Form of the French

Enlightenment, Princeton, Princeton University Press, 1977, vol. 1, p. 120.

157 Gury, « Une excentricité à l‟anglaise : l‟Anglomanie », p. 200.

158 Pillorget, pp. 55-56. En fait, Michèle Mat-Hasquin observe que « [l]‟influence du modèle anglais » s‟exerça sur l‟Europe entière (« Les influences anglaises en Europe occidentale au siècle des Lumières », Études sur le XVIIIe siècle, vol. VIII, 1981, p. 191).

Ce contexte historique permet de comprendre qu‟existaient déjà depuis la Renaissance d‟étroits rapports intellectuels entre les deux nations159, que les relations entre protestants français et anglais ne font que raffermir160 à la suite de la Révocation de l‟Édit de Nantes en 1685. La vague d‟émigration de huguenots en Angleterre amorce la « découverte progressive »161 de ce pays par les Français, le rendant présent et pertinent dans le discours social contemporain. Dans un deuxième temps, le contact de la France avec sa « rivale ancestrale »162 s‟est amélioré après la mort de Louis XIV en 1715 lorsque furent réalignées les alliances politiques. Le regard qui naguère avait été tourné vers l‟Espagne se dirige dès lors vers le Royaume-Uni, avec lequel on travaille activement à un rapprochement diplomatique163.

Dans ces conditions on éprouvait désormais en France un intérêt marqué pour ce qui devint en 1707 la Grande-Bretagne, d‟abord surtout au plan intellectuel164. Les Anglais étaient connus pour être forts en réflexion approfondie et l‟on admirait beaucoup les travaux de leurs grands philosophes165, reconnaissant volontiers « la contribution de l‟Angleterre au fonds général des idées de l‟humanité. »166 Les philosophes français s‟intéressaient aussi au gouvernement de leurs voisins167, que Montesquieu fera connaître et dont il tirera son principe de séparation des pouvoirs168. Hormis la philosophie et la politique,

159 Edouard Sonet donne pour causes les rapports politiques, la venue d‟Anglais dans les universités françaises et le collège anglais de Douai qui servait à former le clergé anglais catholique lors des persécutions sous la reine Élisabeth I (Voltaire et l’influence anglaise, Genève, Slatkine Reprints, 1970 (1926), p. 8).

160 Ibid.

161 Dziembowski, p. 19. 162 Ibid., p. 13.

163 Jean-Paul Schneider, « "Anglais affreux, Anglais sublimes dans le roman français vers 1730" : les Anglais vus par Prévost dans les Mémoires d'un Homme de qualité », dans Marie-Odile Bernez (dir.), Visions de l'étranger au siècle des Lumières, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, « Kaléidoscopes », 2002, p. 117.

164 Plus tard dans le siècle on allait s‟intéresser aux mœurs des Anglais, à leurs institutions culturelles et au style qu‟ils privilégiaient.

165 Wade démontre dans son chapitre « The English Influence » à quel point les travaux et les idées de Bacon, Hobbes, Shaftesbury et Locke ont, parmi d‟autres, profondément affecté la pensée des philosophes français.

166 Jacqueline de Laharpe, Le Journal des Savants et l’Angleterre 1702-1789, Berkeley, University of California Press, 1941, p. 335.

167 Cf. Mat-Hasquin pp. 194-197. 168 Wade, p. 159.

on accordait un grand respect aux Anglais entre autres dans les domaines de la médecine169, des sciences exactes170 et de la manufacture171, où ils étaient fort avancés ; la connaissance de leurs travaux apporta beaucoup aux Français et aux autres Européens œuvrant dans ces mêmes domaines.

En ce qui concerne la littérature, l‟influence britannique se fit sentir lentement d‟abord puisqu‟il fallait qu‟on se familiarise avec le goût anglais172. La popularité des traductions d‟ouvrages anglais augmenta cependant au cours du siècle et bien que la pratique traductive de l‟époque siècle penchât vers la francisation de la forme et du contenu173, graduellement, des éléments caractéristiques de la littérature anglaise furent introduits par cette voie174. « L‟importance qu‟avaient les traductions d‟ouvrages anglais et l‟influence qu‟elles exerçaient sont attestées par les imitations qu‟elles inspiraient, souvent dans un délai assez bref »175, surtout dans les genres romanesques et théâtraux176. Par ailleurs, la popularité de ce type de fiction est attestée par l‟ampleur stupéfiante de la production littéraire à l‟anglaise177. Non seulement découvre-t-on sous des plumes françaises des personnages, des sites et des motifs anglais, mais l‟esthétique même de la littérature française en fut affectée. À l‟exemple des écrivains compatriotes de Shakespeare, on accorda plus de valeur à la sensibilité, on commença à nuancer le langage des personnages, en différenciant les classes sociales dans un pas vers un réalisme accru, on donna à la littérature une fonction clairement moralisatrice et on commença à délaisser certaines règles formelles, en

169 Laharpe, p. 309.

170 Bonno, p. 2. Rappelons que ce fut d‟ailleurs l‟époque où régnait le newtonianisme, et cela encore longtemps après la mort, en 1727, de celui que Voltaire nommait « le grand Newton ». 171 Mat-Hasquin, p. 197.

172 Laharpe suggère que cela s‟est accompli vers le milieu du siècle (p. 424). 173 Mat-Hasquin, p. 192.

174 Selon Mat-Hasquin, l‟effet de la littérature anglaise fut considérable à travers l‟Europe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (p. 191).

175 Laharpe, p. 333.

176 Gerald B. Maher, « L‟Anglomanie en France au XVIIIe siècle », La Revue de l’Université

Laval, vol. X, 1955, p. 134.

177 Cf. le chapitre « The English in Fiction: Novels and Stories „from‟, „by‟, and about the English » de Grieder et l‟article « The 1750 Watershed: Anglomania in France » de Frail.

se libérant par exemple du vers au théâtre178. La mode anglaise laissa de cette façon son empreinte permanente sur le paysage littéraire de la France.

En fin de compte on voit que l‟influence anglaise joua un rôle déterminant dans « la mutation des sensibilités et des gouvernements, des formes esthétiques et politiques »179 de la France du XVIIIe siècle. Elle effectua également une « revolution in manners »180 quand la mode anglaise fit imiter sa culture et ses mœurs sous des formes aussi variées que les divertissements, l‟alimentation, l‟interaction sociale, les styles vestimentaires et paysaagers, et on en passe. Bref, on ne peut nier que le fait anglais était omniprésent et qu‟il laissa sa marque sur quasiment tous les aspects de la vie française.

Les agents de liaison culturelle

Ayant établi que l‟Angleterre eut une grande influence sur la France à l‟époque qui nous retient, nous devons à présent nous intéresser à ceux qui furent responsables de la diffusion de sa culture. Traditionnellement on accorde à Voltaire la primauté dans cette fonction d‟informateur181, en supposant que l‟Angleterre n‟était guère connue des Français avant la parution de ses Lettres

philosophiques182. Cependant, même si pour ses contemporains « il était impossible de ne pas lire »183 ce grand ouvrage, et qu‟il rendit accessible un portrait favorable de la société britannique, la présentation de l‟Angleterre aux Français ne résultait pas de l‟effort d‟un seul homme. D‟ailleurs, Voltaire n‟était ni le premier à introduire des informations sur ce pays ni nécessairement le

178 Maher, pp. 136-137. Wade donne Diderot comme un exemple d‟écrivain qui aurait fait l‟effort d‟adopter « the realism, the insistence upon morality, the appeal to sentiment, [and] the profound delineation of character » typiques de la littérature anglaise dans ses romans et ses écrits dramatiques (p. 166).

179 Mat-Hasquin, p. 199.

180 Charles Henry Lockitt, The Relations of French and English Society (1763-1793), New York, Longmans, Green and Co., 1920, p. 40.

181 Que Voltaire soit la figure la plus importante dans l‟éducation anglaise des Français est la prémisse de l‟ouvrage d‟Edouard Sonet (cf. son introduction), et un fait acquis pour D. Pasquet (« La découverte de l'Angleterre par les Français au XVIIIe siècle. I. », La Revue de Paris, vol. XXVII, no 6, 15 décembre 1920, p. 832). Que I. O. Wade accepte encore en 1977 ce cliché historique (p. 143) est cependant quelque peu surprenant.

182 Dziembowski, p. 20.

personnage le plus influent dans ce rôle184. Nombreux furent ceux qui ont participé à cette interaction culturelle, nombreux ceux qui ont été actifs dans la dissémination de renseignements. Pour faciliter l‟analyse de leurs efforts, nous les regrouperons en trois catégories principales : les voyageurs, les journalistes et les traducteurs.

La forme de contact interculturel la plus directe est incarnée par les multitudes de voyageurs, Anglais comme Français, qui quittèrent leur patrie pour passer quelque temps chez leurs voisins d‟outre-Manche. Le premier exode d‟importance pour le XVIIIe siècle est celui des réfugiés huguenots185, mentionnés plus haut, qui avaient établi à Londres une communauté permanente à la fin du siècle précédent. Ces émigrants renvoyaient en France une abondance d‟information sur la civilisation anglaise qui les avait reçus186, stimulant ainsi auprès de leurs anciens compatriotes un intérêt à son égard187. De plus, lorsque sont arrivés les premiers curieux, la communauté huguenote aida à les initier à la culture britannique188.

Les voyageurs favorisèrent la transmission d‟informations aux Français et l‟initiation de futurs touristes à travers leurs écrits : des récits de leurs pérégrinations et des commentaires à propos d‟éléments divers de la culture anglaise. Quoique la réception de ces publications ne fût pas unanimement admirative189, celles-ci avaient un lectorat avide, ce dont témoignent par exemple les quatre éditions en français des Lettres sur les Anglais et les Français de Beat- Ludwig de Muralt qui parurent entre 1725 et 1728190, les deux rééditions des

184 Jacques Gury déclare par exemple que « l‟obscur abbé Desfontaines est en fait un intermédiaire beaucoup plus efficace et important que Voltaire » (Le Voyage Outre-Manche : anthologie des

voyageurs français de Voltaire à Mac Orlan, Paris, R. Laffont, « Bouquins », 1999, p. 3), ce que

soutient également Dziembowski (p. 22).

185 Le fait que les Huguenots ne sont pas, le plus souvent, retournés dans leur pays d‟origine, les différencie des voyageurs typiques qui, eux, ne partirent que pour un temps limité.

186 Wade, p. 121. 187 Maher, p. 128-129.

188 Bonno, p. 14. Bonno mentionne par exemple que Voltaire, Prévost et La Mottraye furent parmi ceux qui profitèrent de cette aide.

189 Les Lettres sur les Anglais et les Français de Muralt suscitèrent notamment toute une polémique, accusées comme elles l‟étaient d‟avoir trop favorisé les Anglais et trop critiqué les Français (cf. l‟article de Reichler).

190 Claude Reichler, « Le rapatriement des différences: Beat-Ludwig de Muralt entre deux mondes », Rivista di letterature moderne e comparate, vol. XLVIII, no 2, 1995, p. 141.

Lettres d’un Français sur les Anglais (1745) de l‟abbé Le Blanc191, et la popularité indéniable des Lettres philosophiques (1734) de Voltaire et du traité De

l’esprit des lois (1748) de Montesquieu192. Le nombre même des écrits de ce genre à paraître est indicatif de l‟intérêt qu‟ils suscitèrent193. Pris ensemble, ils effectuent par la dissémination d‟informations une démystification de l‟Angleterre194.

Cela dit, ce ne sont pas tous les voyageurs qui écrivent, ce qui ne les empêche pas de jouer un rôle clé dans la liaison culturelle, d‟autant qu‟ils ne sont pas peu nombreux à franchir la Manche à l‟époque. Si les voyageurs-écrivains appartiennent souvent aux élites intellectuelles Ŕ qui étaient en effet nombreuses à visiter les îles britanniques195 Ŕ l‟institution du Grand Tour assura que « [l]es échanges humains [se] sont également effectués à un niveau intellectuel moins élevé. »196 Malgré tout, le privilège du voyage était au XVIIIe siècle encore réservé aux élites sociales vu les coûts élevés qui y étaient associés197. Autour des ambassades et des salons de Paris et de Londres se fréquentent alors les classes supérieures des deux pays, tellement qu‟on peut dire qu‟ils forment une seule société198. Dans ces conditions, les fortes amitiés et les contacts sont importants pour les futurs visiteurs, car ces connaissances leur garantiront les recommandations nécessaires pour accéder à la bonne société du pays visité199. Entretenus au retour du voyageur par de riches échanges épistolaires, ces rapports amicaux fournissaient parfois un vecteur supplémentaire pour la communication

191 Gury, Le Voyage Outre-Manche, p. 3. 192 Dziembowski, p. 28.

193 Josephine Grieder fait le tour des écrits de voyageurs français dans son chapitre « The English in Fact: Traveler‟s Accounts and Observations ».

194 Grieder, p. xi.

195 Lockitt soutient par exemple qu‟entre 1763 et 1789 quasiment tous les « prominent men of letters » ont visité l‟Angleterre, ou côtoyaient des Anglais en France (p. 2).

196 Pillorget, p. 62. Aux siècles classiques les jeunes de la bonne société entreprenaient le Grand Tour Ŕ un long voyage à travers divers pays de l‟Europe Ŕ pour parfaire leur éducation.

197 Ce n‟est plus le cas au XIXe siècle quand le bateau à vapeur et le chemin de fer rendent commune la possibilité de partir quelques jours en Angleterre (Gury, Le Voyage Outre-Manche, p. 10).

198 Lockitt, p. 14.

199 Gury, Le Voyage Outre-Manche, pp. 4-5. Ainsi, c‟est parce qu‟ils avaient fait la connaissance de Lord Chesterfield lorsque celui-ci séjourna à Paris que Voltaire fut recommandé à la princesse de Galles et que Montesquieu fut présenté à la Cour anglaise et élu membre de la Royal Society (Bonno, p. 7).

d‟informations. Ajoutons que ces liens étaient assez forts pour que les conflits militaires anglo-français, qui auraient dû entraîner pour le moins un obstacle considérable à la communication, n‟aient pas, au XVIIIe siècle, interrompu les relations intellectuelles et culturelles200.

Notre deuxième catégorie d‟intermédiaires culturels est celle des journalistes. Ceux-ci représentent les multiples périodiques de langue française, publiés en France comme en Hollande, qui étaient soucieux de faire connaître les événements et les détails du monde anglais201. Alors que le rôle des journalistes en tant qu‟agents du rapport anglo-français est moins complexe que celui des voyageurs, leur influence s‟exerçant de manière moins variée, la nature de la presse fait que leur traitement du fait anglais eut une plus vaste diffusion. Ainsi fut atteint un public plus étendu que le lectorat des écrits de voyageurs ou que celui des œuvres anglaises en traduction202, et en vérité ce fut le moyen de dissémination d‟informations auprès de la population en général203. Cependant, il faut noter que les compétences en langue anglaise étaient très peu communes en France204, ce qui avait pour conséquence qu‟à l‟exception de ce que rapportaient les voyageurs, les périodiques ne pouvaient habituellement traiter que de ce qui avait déjà été traduit205. Ainsi dépendaient-ils presque entièrement de ceux qui traduisaient à leur gré les ouvrages exposant les discussions, les découvertes, les idées anglaises206. Pour cette raison, il faut considérer que les journalistes

200 Gury Le Voyage Outre-Manche, p. 2 ; Bonno, p. 9 ; Lockitt, pp. 14-15.

201 Citons à titre d‟exemples le Pour et Contre de Prévost, le Mercure de France, le Journal des

Savants et les Mémoires de Trévoux. Selon Pasquet : « Des revues comme la Bibliothèque anglaise, la Bibliothèque britannique, se fondèrent en Hollande, dans l‟intention expresse de faire

connaître en France les publications d‟outre-Manche » (« La découverte de l'Angleterre par les Français au XVIIIe siècle. I. », p. 831).

202 Bonno, p. 15. 203 Maher, p. 133.

204 Bonno, p. 6 ; D. Pasquet « La découverte de l'Angleterre par les Français au XVIIIe siècle. II. »,

La Revue de Paris, vol. XXVIII, no 1, 1 janvier 1921, p. 204 ; Maher, p. 125 ; Wade, p. 122.

205 Remarquons toutefois que Prévost, et donc son Pour et Contre, représente une exception importante à cette règle générale, puisqu‟il avait de bonnes connaissances et une grande habilité en langue anglaise.

206 Bonno, p. 3 ; Laharpe, p. 474. Les périodiques hollandais qui circulaient en France étaient moins affectés par cette déficience linguistique et, en conséquence, ils ont pu y introduire des informations inédites et autrement inaccessibles (Bonno, p. 19). Notons d‟ailleurs qu‟un manque

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