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Les équations phénoménologiques

Dans le document Diffusion du plomb dans la monazite (Page 33-38)

I.4. La diffusion atomique à l’état solide

I.4.6. Les équations phénoménologiques

La loi de Fick, conçue par analogie avec la loi de Fourier pour la conduction thermique et avec la loi d’Ohm pour la conduction électrique, est mise en défaut dans plusieurs cas, comme par exemple l’interdiffusion où le coefficient de diffusion n’est pas constant. En fait, c’est dans le cadre de la thermodynamique des processus irréversibles que l’on peut aborder la diffusion dans sa généralité. Le moteur de la diffusion est le gradient de potentiel chimique généralisé η :

F

µ

=grad gradη

où µ est le potentiel chimique et F regroupe les autres forces s’exerçant sur les atomes. Dans le cas de la diffusion dans les minéraux, les espèces diffusantes sont souvent chargées et on ne

peut pas négliger le champ électrique crée lors du déplacement des charges, de sorte que le potentiel considéré est le potentiel électrochimique :

qV

µ+

= η

où q et V sont la charge et le potentiel électrique.

Dans un système à l’équilibre mécanique et isotherme constitué de n espèces (défauts ponctuels inclus), les flux, dans le repère lié aux plans atomiques, sont donnés par les équations phénoménologiques de la diffusion :

− = − − = 1 1 ) ( grad 1 n j n j ij i L T J

η

η

− = − = 1 1 n i i n J J Eqs. I.9

où les Lij sont les coefficients phénoménologiques. Les termes diagonaux peuvent être reliés

aux coefficients de diffusion usuels et les termes croisés traduisent les interactions entres les divers constituants.

I.5. La problématique

La capacité à intégrer de grandes quantités d’uranium et de thorium et de très faibles quantités de plomb lors de sa cristallisation fait de la monazite un des minéraux les plus utilisés en géochronologie U-Th-Pb après le zircon. Il est évident que la fiabilité d’une datation est d’autant plus grande que le minéral est resté hermétique à l’échange des isotopes du système chronométrique avec le milieu extérieur. Il est souvent implicitement entendu que ce sont les isotopes fils (radioactifs ou stable) qui seront susceptibles de migrer à l’extérieur du réseau. En effet l’isotope père intègre naturellement le réseau du minéral donc il y a moins de raisons de penser qu’il aura tendance à le quitter. Et en effet la principale cause de perturbation des chronomètres constatée est la perte de l’isotope fils stable qui n’est pas favorable dans le réseau (e.g. Albarède et al., 1985). Toutefois, même si la monazite intègre très peu de plomb lors de sa cristallisation, cet élément n’est pas pour autant proscrit dans cette structure puisque la brabantite de plomb Pb.5Th0.5PO4 peut être synthétisée (Montel et al., 2002). La monazite

est plus sensible à la perte de plomb que le zircon, et imprime donc plus souvent l’âge d’évènements métamorphiques postérieurs à la cristallisation (Parrish, 1990). Toutefois les monazites peuvent donner des âges très anciens, de plusieurs milliards d’années.

Le mécanisme à l’origine de la perte de plomb des monazites n’est pas clairement identifié. Une des causes de perte de plomb dans le zircon est liée à sa métamictisation (e.g. Cherniak et Watson, 2003). Mais ce phénomène est très rarement observé pour les monazites (e.g. Seydoux-Guillaume et al., 2004). Ceci est a priori surprenant vu les grandes concentrations en radioéléments de ce minéral (la monazite est typiquement 100 fois plus radioactive que le zircon). Les expériences d’irradiation par des ions Kr+ réalisées par Meldrum et al. (1996), Meldrum et al. (1997) et Meldrum et al. (1998) montrent qu’il n’est pas possible d’amorphiser une monazite naturelle au delà de la température critique de 175°C, alors que pour le zircon cette température est supérieure à 700°C. La perte de plomb accélérée par la métamictisation n’est donc pas un processus envisageable pour la monazite.

Les phénomènes de dissolution-précipitation, de recristallisation au contact de fluides magmatiques, métamorphiques ou hydrothermaux sont de plus en plus fréquemment relevés pour les monazites. Cela est d’une grande importance quant aux datations des monazites. En effet, la monazite intègre très peu de plomb au cours de sa cristallisation, donc si une nouvelle couronne se forme autour d’un grain ancien au cours d’un évènement métamorphique postérieur à la cristallisation, elle sera dépourvue de plomb mais réintégrera de l’uranium et

du thorium. On aura donc, au moment de la mesure, un cœur ancien, de l’âge de la cristallisation, et une couronne plus jeune, de l’âge du métamorphisme. Si le grain est analysé dans sa totalité (dissolution de l’échantillon) on obtiendra un âge intermédiaire que l’on pourra interpréter comme résultant d’une perte de plomb. De nombreuses études de cas naturels montrent que les discordances des âges des monazites sont dues à des interactions avec des fluides (e.g. Crowley et Ghent, 1999). La remise à zéro partielle des monazites en présence de fluides hydrothermaux a été observée expérimentalement par Teufel et Heinrich (1997) et Seydoux-Guillaume et al. (2002). Nous savons donc que les interactions avec les fluides peuvent être efficaces pour perturber, voire remettre complètement à zéro, les âges U- Th-Pb des monazites.

Cependant, le mécanisme qui est le plus classiquement avancé pour expliquer la perte de plomb des monazites est la diffusion atomique. Cela est tout à fait légitime car les évènements métamorphiques qui affectent les datations sont aussi des évènements thermiques et la diffusion, processus thermo-activé, est connue pour être responsable des perturbations d’autres géochronomètres, comme la diffusion de l’argon dans la biotite (e.g. McDougall et Harrison, 1988). Pourtant Suzuki et al. (1994) sont les seuls à notre connaissance à avoir reporté des profils de concentration de plomb de plusieurs dizaines de micromètres dans des monazites métamorphiques. En supposant que ces profils étaient dus à de la diffusion, il ont trouvé une loi d’Arrhenius de paramètres E = 244 (118 à 529) kJ mol-1 et log D0 (m2 s-1) = -

10.47 (-15.07 à 3.34). Les grandes incertitudes sur les paramètres de cette loi la rendent inutilisable et des mesures expérimentales sont nécessaires. Smith et Giletti (1997) ont réalisé des expériences sur des monazites naturelles en faisant diffuser un sel enrichi en plomb 204 évaporé sur la surface des échantillons. Ils ont trouvé une loi de diffusion avec les paramètres

E = 180 ± 48 kJ mol-1 et log D0 (m2 s-1) = -14.18 ± 1.54. Cherniak et al. (2004a) ont utilisé des

monazites naturelles et synthétiques (CePO4) pour réaliser des expériences d’incorporation ou

d’extraction de plomb par diffusion. La loi qu’ils mettent en avant est définie par E = 594 ± 39 kJ mol-1 et log D0 (m2 s-1) = -0.03 ± 1.35. Si on calcule les longueurs de diffusion

caractéristiques (2 Dt ) à 700°C pour une durée de 100 Ma, on trouve environ 200 µm, 100 µm et 0.01 µm selon les données de Suzuki et al. (1994), Smith et Giletti (1997) et Cherniak et al. (2004a) respectivement. On voit que si les données de Suzuki et al. (1994) et Smith et Giletti (1997) sont en bon accord, ce n’est pas du tout le cas avec celles de Cherniak et al. (2004a) : il y a une différence de 4 ordres de grandeurs dans les longueurs de diffusion. Il y a donc un désaccord majeur entre les résultats de ces auteurs : quand pour les premiers la

diffusion du plomb est importante à des températures métamorphiques classiques, elle est complètement négligeable pour les derniers.

Le travail de cette thèse a donc consisté à effectuer de nouvelles mesures expérimentales de la diffusion du plomb dans la monazite. La motivation venait du fait que les données expérimentales de Smith et Giletti (1997) prévoient une diffusion relativement rapide aux températures métamorphiques alors qu’elle n’avait jamais été observée naturellement, à part par Suzuki et al. (1994). L’article de Cherniak et al. (2004a) qui conclue à une diffusion très lente, en accord avec notre conviction forgée par les contre exemples de la littérature, a été publié après le commencement de cette thèse. Toutefois cette publication ne rend pas nos travaux obsolètes car de nouvelles séries de mesures expérimentales sont bienvenues pour « trancher » entre les deux premières et parce que notre approche expérimentale et théorique est différente de celle des travaux antérieurs.

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