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Si les textes historiques commencent à compléter les données de l'ar•

chéologie celtique, ils nous fournissent, avec Rome, des renseignements multiples, et on gonflerait un chapitre à vouloir les collationner et les commenter ; aussi bien n'est-ce pas un ouvrage d'histoire qu'il s'agit de faire ici ; néanmoins quelques mots d'introduction historique seront utiles 1•

L'Italie gardait un mauvais souvenir des invasions celtiques, depuis celles du IVe siècle av. J .-C. et celle, plus récente, du début du Ille siècle. L'affer­

missement de la puissance romaine allait avoir pour corollaire obligé la main-mise sur les marches alpines d'où pouvaient surgir à nouveau des bandes armées, attirées par les basses terres du Nord de la Péninsule.

La conquête de la Gaule par César, dès 58 av. J ..

c.,

rendit l'occupation des Alpes Pennines

( Alpes Poeninae)

d'autant plus indispensable, comme l'explique Stiihelin : « La possession de la haute vallée du Rhône et la sécurité de la ligne de liaison nord-sud la plus courte, par le Grand St-Bernard, est indispensable à toute puissance qui veut régner en même temps sur la France centrale et septentrionale et la plaine du Pô. Il ne pouvait pas échapper au coup d'œil pénétrant de César, comme à celui de Napoléon Bonaparte,

qu'il était de toute importance d'englober le Valais dans son système de donùnation » 2

C'est pourquoi, dès l'automne 57, le général romain envoya son légat Servius Sulpicius Galba avec la douzième légion et de la cavalerie pour réduire à l'obéissance les peuples de la

vallis Poenina

et s'assurer la liberté du passage par le célèbre col. Sans détailler cette campagne valaisanne, qu'on se contente de rappeler qu'elle tourna mal : assiégé sans succès par les

V eragri

et les

Seduni

dans le camp qu'il avait établi à

Octodurw

(Martigny) pour y hiverner, Galba dut cependant renoncer à rester. Sa retraite laissera une quarantaine d'années de sursis aux tribus du Valais.

1 Pour l'exposé détaillé et l'iodicn1ion des sources, je renvoie un magistral ouvrage de Stiihelin, Die Schweiz in romuc1,er Zeit (Sl?.Z), 3e éd., Berne, 1948, où le Valais romain est en bonne place et d'où je tire l'essentiel de cette introduction historique. Lei pages consacrées par Oecl1sli, dons U. W., ù c lu pins ancienne histoire du Valais ,, valent encore pour l'époque romaine.

r Stâhelin, SRZ, pp. 85-86.

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S III )C (t

Carte D. - Le Valais à l'époque romaine et au haut moyen âge.

VI. Epoque romaine, signes conventionnels noirs. - VII. Haut moyen âge, signes mi-partis.

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I l

C'est Auguste qui se chargera de les réduire à la raison romaine ; après avoir annexé les pentes méridionales des Alpes, c'est-à-dire le territoire des Salasses et celui des Lépontiens, après avoir soumis les Rhètes des Grisons, il compléta cette conquête en occupant le Valais vers les années 15 à 10 av. J .. C. Il put faire inscrire, parmi les 46 noms des peuples alpins vaincus, ceux des quatre tribus valaisannes sur le grand trophée de La Turbie sur Monaco, édifié en 7-6 av. J .. C. Au même moment les

Seduni

et les

Nantuates

font officiellement acte de loyalisme en dédiant à l'empereur, leur

patronus,

des monuments d'honneur (inscriptions de Sion et de St-Maurice, entre 8 et 6 av.

J.-C. ) . Quelques années plus tard, entre 2 et 4 ap. J .. C., les

Nantuates

réitéraient leur hommage, mais en l'honneur de Gaius César, tandis que les

Veragri

adressaient le leur à Lucius César ( tous deux étaient fils adoptifs d' Auguste) . Le Valais entre donc dans le cadre rigide de l'administration romaine ; il est réuni dans un même ensemble

(Raetia}

avec le territoire des Rhètes et celui des

Vindelici

(peuple celtique habitant entre le lac de Constance, le Danube et l'lnn) . Ce qui prouve une fois de plus, que les cols entre le Valais et les Alpes orientales constituaient de solides liens. Cette adminis·

tration romaine commença naturellement par être militaire, représentée par un préfet désigné en la personne du centurion qui commandait la garnison d'Oberhausen (près Augsbourg en Bavière) , la plus proche de là.

Mais très vite (avant 20 ap. J.-C.) l'administration civile prit à charge la nouvelle province, dont le responsable fut un procurateur de rang équestre et dont le centre fut la ville fondée par Auguste,

Augusta Vindelicum

(Augsbourg) .

A en croire les inscriptions monumentales, les tribus valaisannes tenaient décidément à prouver à l'empereur leur respect. C'est en 23 après J .. C., une dédicace commune des « quatre cités de la vallée poenine »

( civitates Illl V allis Poeninae,

inscription de St-Maurice) au jeune Drusus, fils de l'em­

pereur Tibère ; c'est le nom de ce même Drusus donné à une localité du Valais (non identifiée) :

Drusomagus.

Il ne fallut pas longtemps pour que la faveur impériale répondît à la persévérance et, surtout, à l'obéissance des Valaisans. En effet, Claude (41-54 ap. J.-C.) leur accorda le droit latin, prélude à la jouissance du droit romain absolu. Le même empereur éleva le

vicus d'Octodurus

au rang de marché impérial,

Forum Augusti

(après sa mort,

Claudii) Vallensium.

Le dernier terme de cette désignation signifie que ce nouveau chef-lieu devenait celui de toute la

civitas vallensium

et non plus seulement celui des Véragres.

Les fouilles effectuées à Martigny attestent de façon éloquente le dé­

veloppement de la ville ainsi favorisée, de par sa position-clé, par l'empereur (fig. 26) : grands bâtiments publics à portiques, amphithéâtre, temple, maisons privées à confort . . . romain, statues monumentales (pl. XV) mon·

trent une ville riche, active, proche des bienfaits de l'administration.

Peu après, en tout cas sous l'empereur Vitellius (69 ap. J.-C.), le droit romain complet vint combler les habitants de la

civitas V allensium.

Attribués à la tribu

Sergia,

les citoyens valaisans purent s'administrer eux-mêmes sans restriction : les inscriptions mentionnent leurs magistrats :

duumviri

(St-Mau­

rice, Sion) et

seviri

(Massongex) .

Les épigraphistes discutent du moment où le Valais fut détaché de la province rhétique pour être rattaché au territoire des Alpes Grées où habitaient les Centrons (Tarentaise et Savoie) : les uns attribuent cette déci­

sion

à

Claude, les autres à un empereur du Ille siècle. L'enjeu de la dispute n'est ici que de peu d'importance ; aussi bien, du Ier ou du Ille siècle, la nouvelle distribution montre que les relations entre les deux territoires officiellement réunis étaient relativement fréquentes : on passait de Martigny à

Augusta Praetoria

(Aoste) par le Grand St-Bernard, où la route en partie creusée (pl. VII, 2), les constructions (temples, refuge) et les trouvailles (inscriptions votives, statuettes, monnaies, pl. VII,

1

et XIII,

3

et

5)

attestent la densité du trafic et les difficultés du voyage (le col est à

2473

m.) ; d'Aoste, la route du Petit St-Bernard

(2190

m.) menait à Axima (Aime-en­

Tarentaise) et à

Darantasia

(Moûtiers} ; le col des Montets

( 1461

m.) ou celui de la Balme

(2201

m.) reliait, plus difficilement il est vrai, Martigny à Chamonix et à la vallée de l' Arve.

Et puisque je parle des routes de transit alpestre, j'ajoute que le Simplon semble avoir été fréquenté : les quelques trouvailles faites sur le territoire des communes de Brigue, de Ried et de Zwischhergen ( Gondo, où la tradition veut que les mines d'or aient été exploitées par les Romains}, corroborent l'indication fournie par l'inscription du Val d'Ossola 3, où il est question d'une réparation de route ; Mommsen pensait qu'il devait s'agir d'une voie construite par un municipe ou une association de publicains.

Le col de la Furka, je l'ai déjà dit, devait réunir le Valais et les Grisons autrement que dans les dossiers de l'administration romaine. C'est ce que permettent de penser les indices archéologiques de la vallée de Conches 4 Ceux-ci ne remontent pas au-delà de Reckingen (fig.

28-29) ,

dans la vallée même, mais la monnaie trouvée au col de Nufenen

(2437

m.) comble la lacune : car si ce col était utilisé, à plus forte raison l'était celui de la Furka.

On peut se demander si d'autres hauts cols ont vu passer les voyageurs de l'époque romaine : par exemple celui du Théodule (Zermatt,

3319

m.) , où l'on a trouvé des monnaies des Ille et IVe siècles ; mais proviennent-elles de là ?

Nous ne suivrons pas, pour l'instant, les vicissitudes de l'Empire romain, qui n'amènent pas grand changement dans l'organisation, ni dans la vie

cul-a CIL,

V,

p. 149, 6649.

• P. Boufrard et M.-R. Sauter, Trouvailles romaine., à Reckingen, dans AV, 1945.

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