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2. I NTERPRÉTATION DES RÉSULTATS

1.2 Données qualitatives issues de la simulation

1.2.3 Émotions et réflexions en débreffage individuel

Après la simulation, un retour sur l’expérience s’est réalisé individuellement entre la chercheuse et chacun des participants et des participantes afin de permettre l’expression des émotions et une réflexion sur les forces et les difficultés rencontrées dans leur performance, la réflexion sur l’action (Schön, 1987 cité dans Zai, 2001).

La nervosité a été nommée par le participant P1 et la participante P3. Cette dernière, à la différence de son collègue, ne s’est pas dissipée pendant la simulation. Les sources de ce stress ont été identifiées comme étant reliées au manque de préparation par P1 qui souligne qu’il aurait aimé avoir davantage d’informations sur la patiente, nommant là une des difficultés générales reliées à la simulation. Pour P3, il s’agissait davantage d’une impression de perte de contrôle. P4, quant à elle, se sentait bien dès le début de la simulation. Chacun et chacune ont souligné le réalisme du jeu des actrices et le fait que cela a entrainé un élément de surprise : je ne m’attendais pas à ce que ce soit des gens si bien ciblés, c’est vraiment comme si c’était vrai ! (P2).

Les différentes questions posées par la chercheuse ont permis aux participantes et aux participants d’identifier des forces et des défis lors de leur intervention. P1 dit avoir été un peu déstabilisé par le contexte de la simulation en visioconférence qui limite le contact physique. Il mentionne ne pas avoir pris assez de temps pour établir un lien de confiance avec la patiente et avec l’interprète : j’ai donné toute l’information d’un coup, ça ne permet pas vraiment l’ouverture

(P1). Il souligne qu’il aurait pu essayer de parler anglais et aborder davantage le sujet de l’alimentation puisqu’elle affecte la glycémie : la culture, ça joue sur les habitudes alimentaires des individus (P1). En ce qui a trait à l’interprétariat, il relève que la prise en charge des informations par la famille, car dans ce scénario l’interprète était aussi la fille de la patiente, ne permettait pas de respecter le principe de consentement et qu’il aurait été préférable que l’interprète traduise les informations au fur et à mesure. Il indique aussi que la simulation par visioconférence et la limite de temps ne lui avaient pas permis d’utiliser des gestes, comme il l’aurait fait à l’hôpital, ni de créer une liste de mots traduits ou encore, tout simplement, de démontrer que son regard était dirigé vraiment vers la patiente plutôt que sur l’écran d’ordinateur. Il mentionne qu’il était toutefois satisfait des informations données, et qu’il s’était assuré au préalable que celles-ci soient justes.

P2, quant à lui, dit avoir beaucoup apprécié la simulation. Suite au sentiment de surprise créé par le réalisme de la situation, il mentionne s’être réajusté dans son organisation : il a fallu que je me recentre, car je m’en allais plus sur une ligne d’enseignement de diabète, des termes précis […], il fallait que je revienne aux bases : comment elle se sent et d’abord savoir ses ressources (P2). Il revient sur l’importance d’intégrer des notions de bases de soins infirmiers dans l’approche et l’enseignement comme de ne pas juger, de vulgariser les termes, de considérer le rythme et les connaissances du patient, mais qu’il aurait pu prendre le temps d’explorer davantage la culture de la patiente, son pays d’origine et sa langue. Il mentionne que les limites imposées par la visioconférence ne lui ont pas permis d’utiliser le toucher thérapeutique : la main sur l’épaule (P2), qui peut faciliter la relation d’aide. Pour lui, une relation de confiance se développe réellement avec le temps, mais il s’est dit tout de même satisfait de sa performance et de sa préparation qu’il décrit assez large, mais en ciblant les points importants à aborder. Il relate

l’importance d’intégrer les membres de la famille pour le confort de la patiente, ainsi que celle de valider le support qu’ils apportent et, dans ce cas-ci, en tant qu’interprètes de la famille, leur compréhension de l’enseignement avant de traduire les informations à la patiente.

Au début du débreffage, P3 avait l’impression de ne pas avoir bien performé : je passais du coq à l’âne, je n’étais pas vraiment structurée. J’avais même écrit les étapes et je ne les ai pas suivies (P3). Elle relate avoir voulu donner trop d’informations trop vite, mais souligne sa capacité à s’adapter tout en gardant le sourire. Elle précise qu’habituellement la communication est une de ses forces, parce qu’elle est en mesure de démontrer de l’empathie et de la chaleur humaine et de rester naturelle. Elle insiste toutefois que dans cette simulation, la problématique communicationnelle ne relevait pas uniquement de l’autre, car elle a manqué de clarté et s’est trompée dans les informations transmises. Elle aurait aimé pouvoir accompagner son enseignement par un support visuel, mais a hésité bien que cela aurait facilité la compréhension. Elle nomme quelques enjeux possibles en termes d’interprétariat, notamment qu’un membre de la famille peut se trouver en situation de conflit d’intérêts et manquer d’impartialité. Les commentaires apportés par la chercheuse quant à sa démonstration de quelques habiletés culturelles durant la simulation l’ont amenée à considérer ses bons coups. Elle souligne que lorsqu’on saisit les occasions d’en apprendre davantage sur l’autre en étant curieux de sa culture, on prouve notre intérêt à la personne (P3).

Finalement, P4 s’est dite satisfaite de sa performance. Elle relate une responsabilité communicationnelle partagée entre elle et la patiente : j’ai de la difficulté à finir mes phrases et je prends pour acquis qu’on va me comprendre, je sais que c’est une problématique que je dois

travailler en général (P4). Elle ajoute que cette problématique a encore plus d’impact lorsque les personnes sont aussi confrontées à une barrière de langue. Malgré le fait qu’elle ait intégré quelques habiletés culturelles dans son intervention, elle souligne ne pas avoir été assez en profondeur : j’aurais pu plus poser de questions, depuis combien de temps vous êtes ici, première ou deuxième génération… pour établir un climat de confiance et un premier contact qui favorise les échanges (P4). Comme les autres participantes et participants, elle note certaines limites de la visioconférence : ça crée des limites, ça n’est pas vraiment la même chaleur humaine, le lien est plus difficile (P4). Elle mentionne aussi que cela amène un enjeu supplémentaire dans l’enseignement, car elle aime utiliser la gestuelle dans ses explications. En contrepartie, elle ajoute avoir pris la peine de regarder la patiente lorsqu’elle posait ses questions à l’interprète : il faut que je la regarde et qu’elle se sente écoutée (P4) et dit avoir opté pour un enseignement sans structure fixe qui lui a permis d’aller un peu partout, laissant libre cour aux questions et ciblant au fur et à mesure les éléments importants. De plus, elle souligne avoir vérifié les connaissances, les ressources disponibles, et avoir validé la compréhension. Elle nomme l’importance de la sphère familiale dans cette simulation qui permet un suivi plus serré.

En résumé, les thèmes qui ressortent du débreffage individuel sont d’abord l’importance du réalisme des actrices et du scénario pour l’immersion des participantes et des participants. La curiosité de la culture de la personne est un autre thème important. Effectivement, tous ont mentionné qu’il faudrait aller plus en profondeur en posant davantage de questions, ce qui favoriserait l’ouverture et les échanges. Une certaine souplesse dans l’organisation des interventions et la capacité d’adaptation sont aussi des éléments importants qui permettent de

personnaliser l’approche infirmière. Les enjeux, les forces et les habiletés à développer en situation d’interprétariat familial ont aussi été explorés par les participantes et les participants.