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2.3 Conception et élaboration de la plateforme EWOD

2.3.6 Électronique de commande

En dépit des avantages des puces microfluidiques EWOD comparées aux puces microfluidiques continues vis-à-vis de la portabilité, l’électromouillage sur diélectrique nécessite l’utilisation de tensions pouvant être élevées (parfois plusieurs centaines de volts), et d’un grand nombre d’in-terrupteurs capables de commuter ces tensions.

De nombreux matériaux diélectriques ont été étudiés en vue de diminuer la tension d’ac-tionnement nécessaire [129, 130, 131, 132], tout en conservant une fiabilité acceptable comme nous l’avons évoqué à la section 2.3.2. En effet, le besoin d’une tension d’actionnement élevée (i.e. > 10 V) est considéré comme un des freins à la miniaturisation de ce type d’équipement. L’instrumentation nécessaire à la manipulation des gouttes comprend trois fonctions principales : — Une source haute tension, éventuellement ajustable, qui peut être à courant continu ou

alternatif.

— Un réseau d’interrupteurs, permettant d’activer de façon sélective une ou plusieurs élec-trodes sur la matrice.

— Une Interface Homme Machine (IHM) afin de pouvoir contrôler le dispositif, programmer des séquences ou encore visualiser l’état d’activation des électrodes.

Nous décrirons ici notre approche sur chacune de ces fonctions. Une étude attentive des ar-ticles publiés sur l’électromouillage sur diélectrique permet de réaliser que la grande majorité des auteurs utilisent pour ces fonctions des équipements adaptés aux signaux de forte puissance. La configuration la plus classique est constituée d’un générateur de signal basse fréquence, relié à un amplificateur de puissance haute-tension, alimentant une carte munie de relais électromé-caniques ou d’interrupteurs électroméélectromé-caniques manuels [133, 134, 135]. Si une configuration de ce type est fonctionnelle, elle repose sur l’utilisation de composants dimensionnés pour de forts courants, et donc très largement surdimensionnés pour une application en EWOD ne

nécessi-Figure 2.16 – Gauche : Schéma de principe de l’électronique de commande développée pour le pilotage des puces EWOD. Droite : Photographie du driver EWOD DC, illustrant la taille du système complet. Une alimentation USB +5 V suffit à l’ensemble du système.

tant que de très faibles courants en raison de la charge capacitive que constitue l’empilement diélectrique/liquide. Ces équipements, en plus de leur encombrement et de leur consommation énergétique élevée, représentent également un cout élevé.

Afin de démontrer la portabilité réelle d’un tel système, y compris à partir de technologies hybrides et sans aller vers une intégration complète en technologie CMOS par exemple, Jean-Luc Lachaud et Vincent Raimbault ont ainsi mis au point une instrumentation portable, nécessitant une simple alimentation continue 5 V USB, et permettant de piloter dans sa configuration actuelle 32 électrodes. Cette instrumentation a été conçue pour être facilement réalisée à partir de com-posants commerciaux, et basée sur l’utilisation d’un microcontroleur ARDUINO2 MEGA. L’em-ploi d’un microcontroleur Open Hardware, et d’outils de développement Open Source rendent ce système facilement reproductible par d’autres laboratoires, et utilisable également dans des pro-jets d’enseignement, avec comme objectif annexe de démocratiser l’électromouillage. Quelques exemples d’intégration ont déjà été présentés dans la littérature, le plus avancé étant développé au sein de l’équipe de Wheeler et nommé DROPBOT [136], mais dépend toujours d’une source de puissance haute-tension, rendant ce système non-déployable sur le terrain en l’état.

Le système développé, décrit à la figure 2.16, est réalisé sous forme de carte fille venant s’adapter sur le microcontroleur ARDUINO MEGA, laissant la possibilité d’ajouter de nouvelles fonctions par empilement de nouvelles cartes. Deux types de modules ont été développés : un module à courant continu (DC), permettant de générer des tensions allant de 2.5 V à 300 V RMS, et un module capable de générer des signaux alternatifs (AC) d’une amplitude allant de 0 V à 140V RMS avec une fréquence maximale de l’ordre de 20 kHz. Seul le module DC a été utilisé dans le cadre de ces travaux, c’est donc celui-ci que nous détaillerons ci-après. Le module DC est représenté sous forme de schéma bloc à la figure 2.16, son schéma électrique étant illustré à la figure 2.17. Ce module est basé sur une architecture Push-Pull à transition contrôlée, la tension de sortie étant ajustée par une tension de commande allant de 0 V à 1 V, générée par le biais d’un convertisseur numérique analogique (CNA) de type MCP4725. Ce montage est adapté d’une note d’application de Linear Technology3.

Le module AC (non utilisé dans le cadre de ces travaux) possède une architecture différente. Il tire parti de l’amplificateur opérationnel LTC6090 de chez Linear Technology, qui permet d’obtenir des tensions de sortie allant de ±4.75 V à ±70 V, soit 140 V RMS. Cet amplificateur reçoit une alimentation symétrique, générée grâce à une architecture de convertisseur Flyback,

2. https://www.arduino.cc/

3. Voir la note d’application AN-118 intitulée High Voltage, Low Noise, DC/DC Converters. http://cds. linear.com/docs/en/application-note/AN118fb.pdf

bien adapté aux applications de faible puissance. Le signal d’entrée destiné à être amplifié par le LTC6090 est généré via un CNA 16 bits Analog Devices AD5660, commandé via un bus SPI par le microcontroleur ARDUINO MEGA.

Figure 2.17 – Schéma électrique de l’électronique de commande DC utilisée dans le cadre de ces travaux. Les trois blocs constitutifs, à savoir le générateur haute-tension, le convertisseur numérique analogique (CNA), ainsi que les interrupteurs 16 voies sont mis en évidence sur le schéma. Il est à noter que pour simplifier ce schéma, un seul des interrupteurs 16 voies est représenté.

Le signal haute-tension ainsi obtenu vient alimenter deux interrupteurs 16 voies Maxim MAX14802 basés sur la technologie HVCMOS, et qui permettent de commuter des signaux allant du continu jusqu’à 20 MHz et de 0 V à 200 V ou 100 V à 100 V. Ces interrupteurs 16 voies, habituellement utilisés pour l’imagerie ultrasonore, offrent des caractéristiques tout à fait adaptées au pilotage de charges capacitives telles que les puces EWOD.

Un autre aspect permettant d’obtenir un système peu onéreux et facilement reproductible est celui de la connectique. En effet, les puces EWOD comprenant généralement un nombre important d’électrodes, des problèmes de connectique se posent rapidement. Si certaines équipes de recherche ont tenté de diminuer le nombre de contacts électriques nécessaire par le biais du multiplexage [121], la grande majorité des travaux utilisent des cellules de test complexes, le plus souvent basées sur des pointes de touche à ressort (Pogo pins), ou bien un report de la puce sur substrat d’accueil suivi d’un câblage filaire. Nous avons pour notre part privilégié une approche plus simple et moins couteuse, en utilisant un connecteur commercial SAMTEC MB1, qui est reporté sur un circuit imprimé et relié au module DC par un câble nappe. Ce connecteur de bord de carte dispose de guides, et permet, sous couvert d’avoir un substrat à la bonne largeur, une insertion et un retrait aisé et non destructif des puces EWOD, qui peuvent être utilisées sous forme de cartouches renouvelables. Les contacts étant formés par de fines lames métalliques, la puce EWOD se retrouve maintenue mécaniquement, sans que les contacts ne rayent de manière trop prononcée la métallisation des puces, autorisant la réutilisation d’une même puce pour un grand nombre de manipulations.

Figure 2.18 – Capture d’écran de l’IHM permettant le contrôle de la puce EWOD. Les boutons de commande des électrodes sont placés dans des positions analogues à celles utilisées sur la puce EWOD telle qu’illustrée à la figure 2.14.

L’ensemble du système est représenté à la figure 2.16. Il fera l’objet d’une description plus poussée dans un article de revue, en préparation au moment de l’écriture de cette thèse, et qui permettra aux lecteurs de reproduire le système dans son intégralité.

Le dernier élément de la chaine de pilotage des puces EWOD concerne l’IHM, qui a été réa-lisée à l’aide de l’environnement Open Source PROCESSING4, fondé sur la plateforme Java. Si cet environnement de développement n’est pas dédié directement à la création d’IHM, sa facilité de programmation, et la portabilité des programmes développés, utilisables sur un navi-gateur internet muni d’un plug-in Java ou comme des applications indépendantes sur la majorité des systèmes d’exploitation, en font un outil pertinent. L’interface réalisée reproduit schéma-tiquement l’emplacement des électrodes sur la puce EWOD physique, et permet d’activer par simple clic une ou plusieurs électrodes simultanément. La tension d’actionnement ainsi que le temps d’activation sont ajustables, et des boutons de séquences permettent d’effectuer des tâches programmées, telles que l’extraction d’une goutte depuis un réservoir par exemple. L’interface graphique est représentée à la figure2.18. Elle communique avec le microcontroleur ARDUINO MEGA par une liaison série USB, qui permet conjointement communication et alimentation de l’électronique de commande.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons utilisé uniquement le module DC, dont les perfor-mances ont été jugées suffisantes pour notre application. Afin d’illustrer le bon fonctionnement de l’ensemble, des caractérisations électriques ont été effectuées, en particulier pour s’assurer de la rapidité de commutation des électrodes, mais également de la stabilité de la tension appliquée. La figure2.19 illustre les performances de l’électronique dans le cas d’une charge représentative en termes de temps de montée et temps de descente, pour trois valeurs de tension de commande. Dans le cas d’une tension de commande fixée à 150 V, nous obtenons un temps de montée de l’ordre de 200 ns, et un temps de descente de l’ordre de 50 µs. La stabilité court terme de la tension est bonne, nous notons cependant une dérive long terme de l’ordre de ±5% (maximum observé), qui n’est cependant pas préjudiciable au bon fonctionnement de la puce EWOD.

Figure 2.19 – Caractérisation du fonctionnement de l’électronique de commande DC pour une charge de 11 pF, représentative d’une goutte de fluide typique.