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Reena V. A2 acquis B1 acquis B1 acquis B1 en cours B1 en cours

3. Mon action de formation de formateurs

3.2. Formation à la pédagogie communicative dans une démarche « interformative »

3.2.3. Élaborer un clip-vidéo en vue de créer une exploitation pédagogique

Dans le cadre d’une soirée organisée sur les danses et chants traditionnels de la Provence et du Tamilnadu, les enseignantes-stagiaires, souhaitant faire participer leurs apprenants de l’AF en leur enseignant une chanson provençale en français, nous avons décidé en commun de didactiser l’expérience de A à Z en préparant une vidéo et une séquence pédagogique. Les objectifs étaient les suivants :

- Ecrire un scénario de clip vidéo (réécriture des paroles, imaginer un lieu, des personnages et une situation) en vue de fabriquer une compréhension orale, - Tourner le clip vidéo (faire les décors, penser aux costumes, à la coiffure, au

jeu),

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L’écriture du scénario

Synopsis: Une étudiante rentre chez elle et voit une petite fille (on devine qu’il

s’agit de sa petite sœur) s’ennuyer dans le salon tandis qu’une autre jeune fille étudie à son bureau. L’étudiante propose alors à sa petite sœur de jouer une chanson qui met en scène les parties du corps. Le jeu, petit à peti,t tourne à la bagarre et la maman doit intervenir pour les calmer.

Tout est codé dans le clip : la maman porte un chignon, comme toutes les mamans dans le Tamilnadu; la petite fille a deux tresses, ce qui est la coiffure typique des écolières indiennes, l’étudiante avec ses cheveux courts représente l’étudiante moderne tandis que celle qui étudie à son bureau où trône une pile de livres, avec un sari et les cheveux en une seule tresse, représente la tradition et l’étudiante studieuse. Lorsque la maman grondera une première fois ses filles, elle leur tirera les oreilles comme les mamans indiennes ont l’habitude de le faire, puis finalement, administrera une fessée comme on le fait traditionnellement en France.

Comme on peut le voir, les enseignantes-stagiaires ont donné une teinte interculturelle en mettant en scène des représentations du corps, des comportements et des façons de s’habiller françaises et indiennes.

Il a été surprenant de voir combien travailler à partir d’une chanson a eu un effet positif sur leur capacité d’imagination et de prise d’initiative. Je souligne les compétences d’imagination et de prise d’initiative car nous connaissons très bien, en tant qu’enseignants de français en Inde le problème qu’ont les apprenants indiens en général pour se projeter dans une situation réaliste qui n’est pas directement la sienne. J’ai souvent fait l’expérience avec mes apprenants de B1 et constaté que le jeu de rôle s’éternisait sans trouver de solution et que les arguments semblaient manquer d’à- propos.

Or, cette expérience m’a clairement indiqué que dès que l’on passe à la scène et à la narration, le public indien semble beaucoup plus à l’aise. En effet, alors que la chanson ne présentait pas de caractère narratif en elle-même puisqu’il ne s’agissait que d’une répétition à l’infini de trois vers, les enseignantes-stagiaires ont écrit de nouveaux vers et scénarisé la chanson.

Le tournage

Tourné en deux heures pour un clip-vidéo de 2 minutes 45, le tournage a mis en avant l’esprit de collaboration.

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L’élaboration de l’exploitation pédagogique (Annexe 14)

Cette dernière étape a permis de réinvestir les savoirs et savoir-faire abordés tout au long de la formation :

1. La progression d’une compréhension orale selon le modèle onomasiologique, 2. la formulation des objectifs communicatifs, grammaticaux, lexicaux… (Annexe 15),

3. la conception d’un exercice phonétique,

4. la fabrication d’un jeu pour réinvestir le lexique,

5. l’utilisation des outils informatiques pour enrichir les séquences (recherche d’images pour l’un des exercices)

Avec Yasmine Daâs, nous pensons que ce clip-vidéo pourrait être utilisé dans les formations de formateurs car ses avantages auprès d’un public indien sont indiscutables : le thème de la vie quotidienne est évocateur pour un public très large (« de 7 à 77 ans »), la confrontation tradition/modernisme est également un sujet qui touche de très près de nombreux Indiens et particulièrement les enseignants de français qui gèrent le contact des différentes approches de l’enseignement. Enfin, sur le plan linguistique, construite sur le schéma de la répétition et de l’association choses-mots, la chanson est facile à retenir mais aussi à faire détourner en travail de production (autour d’un autre champ lexical par exemple).

Yannick, le stagiaire de l’Alliance française de Madras enseignant à des étudiants garçons en hôtel management de Trichy (en milieu rural) a pu tester le clip- vidéo avec son activité et en a été très satisfait : ces garçons de nature si timides sont montés sur scène le jour du spectacle à la plus grande surprise du directeur de l’école, ont joué la chanson en cercle en français, puis en tamoul.

Pour toutes ces raisons, je conseillerai aux formateurs en Inde de travailler l’oral en faisant des projets qui ont traits aux arts : la chanson, la poésie, le théâtre ou le cinéma. Les apprenants se prêtent très facilement à toutes ces performances et les écoles organisent très souvent des spectacles, des concours de poésie inter classes, inter écoles. On peut dire qu’on retrouve là un esprit américain.

Parce que la formation pédagogique a représenté une nouveauté pour ces enseignantes-stagiaires et parce que ces dernières étaient très curieuses d’apprendre de nouvelles méthodologies, cette partie de la formation a suscité beaucoup d’enthousiasme et de réactions. Le parti pris d’agir dans une perspective

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«interformative» (Puren, 1999) a incontestablement été la bonne décision puisque cela a concrètement permis de relativiser les préceptes de l’approche communicative et de ce fait de toute méthodologie, en développant toujours un point de vue critique quand les enseignantes-stagiaires auraient tendance à rechercher des règles. De plus, avoir mis en avant le partage des expériences et le dialogue entre les enseignantes-stagiaires a permis de valoriser l’expérience et a contribué à décomplexer les enseignantes-stagiaires sur leur capacité à parler français. Enfin, de par la variété des supports utilisés, les enseignantes-stagiaires ont développé un lien affectif et matériel avec l’objet de leur profession.