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Les éléments cis-régulateurs du gène Krox20 dans le rhombencéphale chez le poisson-zèbre

RT-qPCR sur embryons de souris à 4 et 5ss

5. Les éléments cis-régulateurs du gène Krox20 dans le rhombencéphale chez le poisson-zèbre

Le patron d’expression du gène Krox20 dans le rhombencéphale est conservé entre la souris, le poulet et le poisson-zèbre. Cette conservation a notamment été utilisée dans de nombreuses études au laboratoire pour les avantages techniques que présente chacun de ces systèmes modèles (Chomette et al. 2006; Wassef et al. 2008; Labalette et al. 2011; Bouchoucha et al. 2013; Labalette et al. 2015). De plus, la conservation de séquences d’une partie des éléments cis-régulateurs du gène Krox20 dans le rhombencéphale a aidé leur identification et leur caractérisation. Les alignements de séquences entre plusieurs mammifères, le poulet et le xénope ont révélé une bonne conservation de séquences entre les éléments A, B, C (Chomette et al. 2006) et M11 (Patrick Torbey, communication personnelle). Les éléments B et C (dans une moindre mesure, cf. Chapitre 3) sont aussi conservés chez le poisson-zèbre (Wassef et al. 2008; Labalette et al. 2011). La distance évolutive entre le dernier ancêtre commun de l’homme et le poisson-zèbre est d’environ 450 millions d’années (Kumar & Hedges 1998), rendant difficiles les comparaisons génomiques. Très récemment, le séquençage du génome du spotted gar (Lepisosteus oculatus) a révélé que ce poisson d’eau douce était un chaînon manquant évolutif entre l’homme et le poisson-zèbre (Braasch et al. 2016). La comparaison d’un côté entre la souris et le spotted gar et de l’autre entre le spotted gar et le poisson-zèbre a permis de révéler que les éléments A et M11 étaient aussi en partie conservés entre la souris et le poisson-zèbre (Pascale Gilardi-Hebenstreit, communication personnelle) donnant un argument supplémentaire pour la fonction de l’élément M11 dans la régulation du gène Krox20.

Le modèle du poisson-zèbre permet de générer un grand nombre d’embryons rapidement et les injections d’embryons au stade une cellule permettent d’obtenir facilement des lignées transgénique ainsi que des délétions. Nous avons tiré avantage de ce système pour étudier la régulation du gène Krox20 dans le rhombencéphale. J’ai généré la délétion de l’élément C grâce à la technologie CRISPR/Cas9 et montré que, de façon surprenante, cela n’avait pas de conséquence sur l’expression du gène Krox20 dans r3 et r5 (cf. Chapitre 3, fig. 17) contrairement à ce qui a été observé chez la souris (cf. Chapitre 2). Ceci n’a donc pas permis d’utiliser le poisson pour étudier la coopération en cis entre l’élément A et C comme chez la souris mais ouvre des perspectives intéressantes quand à la différence évolutive de la régulation du gène Krox20. C’est à présent le projet de thèse de Patrick Torbey, qui vise à identifier de nouveaux éléments cis-régulateurs et de caractériser le rôle de ces éléments par mutagenèse CRISPR/Cas9 chez le poisson-zèbre. L’activité des éléments cis-régulateurs conservés du poisson-zèbre a été observée par hybridation in situ GFP sur des embryons portant un transgène où l’élément est cloné en amont du gène rapporteur de la GFP. L’élément A présente une activité dans r3 et forte dans r5 pendant l’autorégulation, l’élément B uniquement dans r5, l’élément C est renforcé dans r3 à r5 et activé plus faiblement postérieurement de façon analogue à ce qui est observé chez la souris (fig. 22A). En revanche, l’élément ze2 de poisson-zèbre partiellement conservé avec l’élément M11 de souris, présente une activité forte et spécifique dans r3 et r5 à 10 somites (fig. 22A) avec une cinétique qui suit parfaitement l’expression du gène Krox20 (données non présentées). L’élément ze2 est activé plus tardivement que l’élément souris M11 dont l’activité précède l’expression de Krox20 dans r3 (fig. 21C). Malgré sa conservation partielle de séquence, l’élément ze2 n’a donc pas la même activité que l’élément M11, suggérant que ces éléments ont divergé de fonction entre le poisson-zèbre et la souris. La délétion de cet élément est en cours pour accéder à sa fonction au locus du gène Krox20.

Les conséquences de la délétion des éléments A et B sur l’expression du gène Krox20, chez le poisson-zèbre, ont été analysées par hybridation in situ d’ARNm Krox20 (fig. 22B et 22C). La délétion de l’élément A entraîne chez le poisson-zèbre une réduction de taille du territoire r5 à 9 et 14 somites, alors que le territoire r3 semble quant à lui moins affecté (fig. 22B). Ce phénotype (en accord avec son profil d’activité) suggère que l’élément A joue un rôle important dans l’expression du gène Krox20 dans r5 mais mineur dans r3 contrairement à son rôle chez la souris (Bouchoucha et al. 2013). La délétion de l’élément B entraîne un retard de l’expression de Krox20 dans r5 jusqu’au stade 5 somites alors qu’elle est normale dans r5 à 12 somites. Ces résultats suggèrent que l’élément B est nécessaire à l’expression précoce du gène Krox20 dans r5 mais peut être compensé plus tardivement par

Figure 22 : Les éléments cis-régulateurs du gène Krox20 chez le poisson-zèbre

A. Hybridation in situ GFP sur des embryons de poisson-zèbre portant les transgènes tg (zA::GFP) à 10 somites (ss), tg (B::GFP) à 9ss, tg (zC::GFP) à et tg (ze2::GFP) à 11ss. L’élément zA présente une activité dans r3 et r5, l’élément zB dans r5 uniquement, l’élément zC de r3 à r5 et faiblement postérieurement et l’élément ze2 (homologue du M11) dans r3 et r5.

B. Hybridation in situ GFP sur des embryons de poisson-zèbre sauvages et mutants Krox20∆A/∆A à 9 et 14 somites.

C. Hybridation in situ GFP sur des embryons de poisson-zèbre sauvages et mutants Krox20∆B/∆B à 5 et 12 somites.

(Photos : Patrick Torbey)

A

C

WT Hybridation in situ GFP 5ss 1 0 ss r3 r5 r3

B

WT Hybridation in situ GFP 9 ss 15 ss r3 r5

Krox20∆A/∆A Krox20∆B/∆B

tg (zA::GFP) tg (zB::GFP) tg (zC::GFP) tg (ze2::GFP) r3 r5 r5 r3 r5 r3 r5 Hybridation in situ GFP 10ss 9ss 14ss 11ss

un autre élément régulateur. Les autres éléments actifs dans r5, notamment un élément identifié uniquement chez le poisson-zèbre nommé ze8 (Patrick Torbey, communication personnelle) peuvent donc peut-être contribuer à l’expression à la fois précoce et tardive du gène Krox20 dans r5.

Ensemble, ces résultats montrent que, jusqu’à présent, aucune délétion d’éléments cis-régulateurs conservés en séquence entre la souris et le poisson-zèbre n’entraîne de phénotype similaire. Chez la souris, les délétions des éléments A et C abolissent complètement l’expression tardive du gène Krox20 dans r3 et r5 pour l’élément A et dans r3 pour l’élément C. En revanche, chez le poisson-zèbre, la délétion de l’élément C ne modifie pas l’expression du gène Krox20, alors que les délétions des éléments A et B conduisent à des phénotypes subtils qui n’abolissent jamais complètement l’expression du gène Krox20 dans les rhombomères 3 et 5. Il semble donc que la régulation du gène Krox20 chez le poisson-zèbre fasse intervenir de nombreux élément cis-régulateurs partiellement redondants et dont la fonction est divergente par rapport aux éléments cis-régulateurs conservés chez la souris. La délétion des autres éléments cis-régulateurs individuellement et par combinaison permettra de caractériser en détail le système de régulation du gène Krox20 pour l’établissement du patron d’expression dans le rhombencéphale du poisson-zèbre. Il est intéressant de souligner que ce système de régulation chez le poisson-zèbre fait intervenir plusieurs éléments cis-régulateurs conservés chez la souris, que leur fonction n’est pas conservée mais permet d’aboutir à un patron d’expression identique chez la souris à l’origine du développement précis et robuste du rhombencéphale et des structures qui en découlent.