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M. Leiter, La Mission

4 L'ÉDUCATION ET LA RECHERCHE EN SCIENCES DE L'EDUCATION EN FACE

DE CERTAINS DÉTERMINISMES DE LA SOCIETE.

4.1 Introduction

Des déterminismes de société pèsent sur la mobilité des populations dans notre société. Ils s'expriment prioritairement dans les politiques d'accès au territoire suisse (et européen) et dans les politiques d'intégration. On peut se demander : en quoi ces déterminismes concernent l'éducation et les Sciences de l'Education? En quoi concernent-ils les politiques éducatives et la recherche? Les systèmes éducatifs et de recherche ne sont pas isolés dans la société. Ils en font partie. A ce titre, vu le poids de ces déterminismes, il convient de (mieux) les connaître (par l'enseignement et la recherche). Il convient également de tenter de mesurer leurs interactions avec le système éducatif et de la recherche, notamment dans les Sciences de l'Education.

Les Sciences de l'Éducation ont un rôle spécial dans le champ des disciplines académiques lorsqu'il s'agit de recherche sur la mobilité des populations. Elles ne sont pas uniquement un domaine où s'élaborent des savoirs, avec les règles internes pour l'établissement de connaissances nouvelles. Si elles remplissent en partie ce rôle de production de connaissances de manière interdisciplinaire, elles ont un rôle social particulier supplémentaire qui dépasse le cadre strict de construction et de diffusion de savoir.

Elles sont un des lieux sensibles au changement et aux crises.

L'école, les lieux de formation et les Sciences de l'Éducation remplissent - parfois malgré elles - un rôle paradoxal de paratonnerre et de caisse enregistreuse de l'Etre et du Devenir social, par l'intermédiaire de ce qui se vit et se dit à l'école.

Nous verrons plus loin (voir propositions) qu'il convient d'entendre - tant au niveau des pratiques d'enseignement, d'assistance que de la recherche - la désorientation de certains enfants, de certains adolescents, de certains parents, de certains enseignants et la lassitude, la « sourrrance » (Bourdieu and al. 1992) de certains professionnels qui s'occupent des requérants d'asile.

Des événements dans d'autres pays proches et de l'autre côté du continent n'ont-ils pas secoué l'école, les lycées, les universités, ainsi que les « banlieues » (en Italie, en France, en Angleterre, en Allemagne) et certains quartiers de grandes villes (Los Angeles)? Si la Suisse a été relativement épargnée jusqu'à ce jour, le sera-t-elle longtemps? Nous avons vu que le malaise est perceptible dans d'autres lieux de la société (tensions chez le personnel s'occupant de requérants d'asile, augmentation des actes racistes).

4.2 Des aspects du marché de la main-d'oeuvre et ses incidences sur le système éducatif.

« Vu le rythme du progrès technologique, le système de formation professionnelle et de perfectionnement sera confronté à de nouveaux défis. L'utlisation, la qualification et le perfectionnement du capital humain, sa mise en oeuvre plus

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,,1, déclare un rapport (p. 53), (OFS, 1992). L'orientation fédérale de la politique du choix de la main-d'oeuvre étrangère semble vouloir tenir compte de ces besoins, avec cependant un accent sur la main-d'oeuvre hautement qualifiée. Un chercheur de l'Office fédéral de la statistique (Rohner 1989) l'explique bien : « Il faudra à l'avenir vouer une attention particulière à la sélection et aux qualifications des nouveaux

1 Le même rapport précise que la mobilisation des ressources concerne les femmes, les hommes, les groupes marginalisés par le marché de l'emploi (sans préciser le statut des immigrés dans de tels objectifs).

arrivants et soutenir avant tout le développement des secteurs économiques de pointe, à productivité élevée et peu dépendants du facteur main-d'oeuvre. Les secteurs utilisant une forte proportion de personnel ne pourront compter sur un apport inconsidéré de main-d'oeuvre étrangère et devront s'efforcer de résoudre leurs problèmes par des mesures de rationalisation et de substitution, une amélioration des conditions de travail et de rémunération ainsi que de la formation du personnel. Il est toutefois évident que des secteurs tels que la santé publique, la construction et l'hôtellerie ne seraient tout simplement pas v iables sans main-d'oeuvre étrangère et, qu'il faudra absolument tenir compte de leurs besoins les plus urgents. » .1 Ces faits interviennent alors qu'apparaissent de nouveaux problèmes dans le champ éducatif en relation aux besoins de qualification de la main-d'oeuvre. Une enquête récente soulignait, par exemple, qu'à l'heure de l'intégration européenne, 40% de la population active en Suisse ne disposait d'aucune formation professionnelle (De Charrière 1992). Ce constat interroge la conception de la formation de base et de l'apprentissage. D'autres études présentent l'illettrisme comme un fait nouveau en Suisse (Girod 1991). Est-ce vraiment un fait nouveau ou faudrait-il plutôt penser que l'illettrisme est une «

invention » importée de France où elle a vu le jour dans les années 80, vu que ce nouveau concept n'est pas défini avec des critères précis2, qu'il faut considérer « qu'existe une forte 1 Certains voient un danger à privilégier les travailleurs peu qualifiés et préconisent de se tourner vers une politique de libre­

circulation des travailleurs qui favorise les élites : «Ainsi, la Confédération devra-t-elle renverser totalement la politique d'accueil aux travailleurs étrangers, ouvrir le pays aux cerveaux internationaux.

Aujourd'hui, elle favorise les travailleurs moins qualifiés, ce qui met en danger la capacité du pays de sauter dans des niches d'avenir » (Lambelet C. ( 1991) : « Alors, demain, comment les Suisses gagneront leur vie? » Le Temps straté�que, no. hors série, Genève, p. 30).

2 « L'observateur ne peut qu'être frappé par l'extrême soin mis à faire de la notion d'illettrisme un concept "attrape-tout" susceptible de

concordance dans le temps entre la migratoires autorisés vers la France l'illettrisme » (p. 26), (Hébrard 1991)?

diminution des flux et la découverte de Si c'était le cas, il faudrait constater que les effets de certaines mobilités des populations sont parfois inattendus. Un tel phénomène mériterait d'être étudié en Suisse pour en vérifier le sens et la teneur. L'apparition de l'illettrisme peut, selon le même auteur, encore être mise en rapport avec les orientations des formations en fonction de priorités de certains besoins liés à la conjoncture économico-politique actuelle : « La formation échappe au secteur associatif et se consacre prioritairement au recrutement des cadres ou à ceux de la communication en entreprise, lorsque l'alphabétisation des émigrés n'est plus une priorité, lorsque le chômage trie parmi les travailleurs potentiels ceux qui, employés dans des secteurs sans dynamique, n'ont aucune chance de reconversion, alors sont peut-être réunies toutes les conditions qui vont permettre de donner corps à la notion illettrisme » (p. 26-27).

Les questions de recherche et de formation posées de manière persistante depuis plus d'une dizaine d'années (Fibbi and Neri 1979) à propos de ceux que l'on appelle les « deuxièmes générations » de l'immigration touchent également, d'une autre point de vue, notamment les problèmes de qualification de la main-d'oeuvre (sans parler ici de la politique d'intégration).

De nombreuses recherches se déroulent en Suisse sur l'intégration scolaire des jeunes d'origine immigrée, sur la formation professionnelle (De Rham and others 1985) et l'insertion sociale des jeunes d'origine immigrée (Fibbi 1985), sur leur position dans le marché du travail (Fibbi and De Rham 1988), sur l'évolution du rapport des étrangers à la naturalisation (Centlivres 1990), sur le statut juridique et le processus d'intégration. En France, des études ont eu lieu sur définir un champ d'attention plutôt qu'un phénomène social et culturel spécifique » (Hébrard J. ( 1991) : L'invention de l'illétrisme dans les pays alphabétisés : le cas de la France, Presses universitaires, Lyon,

p. 26)

les politiques d'intégration pour les jeunes issus de l'immigration, (Lorreyte 1989), etc. Il n'est pas dans notre propos de faire ici le compte-rendu de toutes ces études très intéressantes!.

En ce qui concerne les chômeurs, un groupe de chercheurs dans les Sciences de l'Éducation a mis en exergue des pistes pour la formation continue concernant les travailleurs à basse qualification. Ces milieux de la recherche en Sciences de

!'Éducation travaillent en étroite collaboration avec des entreprises et des associations de travailleurs « nationaux » et «

non nationaux » (Stroumza 1990). Ce groupe de chercheurs s'appuie sur une idée avancée par le Conseil de l'Europe : «

L'éducation initiale est insuffisante pour socialiser les gens dans les nouvelles exigences de la société d'aujourd'hui » (p.

186). Dans ce sens, il s'agit de réfléchir sur l'éducation qui apparaît comme une des causes de chômage, « car la distance entre l'éducation formelle et informelle est trop importante, il faut créer davantage de liaisons entre éducation scolaire et éducation des adultes » (p. 137). Les travailleurs « nationaux »

et « non nationaux » et les modèles éducatifs et de formation sont concernés par ces remarques.

D'un point de vue plus général, quant aux structures éducatives en matière d'instruction publique, les constats convergents se multiplient. Ils mettent l'accent sur le fait que notre système éducatif est décentralisé et complexe (CDIP 1988)2. Les

1 Voir un article qui fait la genèse sociale de cette problématique de recherche (Fibbi R. ( 1992) (à paraître) : « les jeunes étrangers et la formation professionnelle », Etre Migrants Il, éd. Peter Lang, Berne ) . 2Si l'on en croit une enquête du mensuel Bilan sur l'apprentissage (mars 1992), en Suisse les études ne durent pas plus longtemps que dans d'autres pays, la Suisse n'est pas est le pays du monde qui, proportionnellement à sa richesse dépense le plus pour l'instruction publique, la Suisse n'est pas une véritable pépinière d'ingénieurs, l e taux de femmes sur le marché du travail stagne depuis 1974, la Suisse n'est pas l'i déal démocratique de l'Occident si l'on lui applique

systèmes cantonaux suisses d'éducation secondaires ont été l'objet d'une évaluation globale nationale en novembre 1989 par l'entremise de l'OCDE. Le rapport de l'OCDE, dans le cadre des examens des politiques nationales d'éducation a fait apparaître des « résuïtats globalement bons » (Tschoumy and Cardinaux­

Mamie 1990) avec cependant certaines lacunes de notre système éducatif (OCDE 1990). Plusieurs dossiers sont sur le métier, tant à Berne que dans les cantons : constat du nombre insuffisant de bacheliers, réforme de la maturité fédérale, réforme de l'apprentissage (Amoos 1992)1, projets linguistiques2, rôle de la langue dans la communication interculturelle (Alby and Py 1986), (Alby and de Prieto 1986), coordination des programmes cantonaux, (Groupe de travail du Département de l'Intérieur, 1989 ), comment introduire une pédagogie interculturelle à l'école (Tschoumy, 1992), etc ..

« l'indicateur de liberté humaine » du PNUD. Il manque à cette enquête des informations concernant les étrangers et la population active d'origine étrangère.

1 Dans un article récent de vulgarisation de ses recherches sur