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L’avancée des recherches dans le domaine de la biologie moléculaire durant ces dernières années a permis le développement de techniques efficaces et rapides pour l’édition de génome. L’édition de génome est très efficace pour l’étude des gènes inconnus d’un organisme, en partant des virus, jusqu’aux plantes et à l’humain (132–138). Il a été démontré qu’une coupure double brin de l’ADN (DSB) en utilisant une nucléase spécifique stimule les voies de réparation de l’ADN par recombinaison homologue ou par assemblage des brins non homologues (NHEJ), permettant l’introduction de mutations aux sites spécifiques d’un génome (139–141). Les protéines ayant la capacité de produire de tels bris dans l’ADN doivent obligatoirement posséder deux domaines différents, un domaine pour reconnaître et lier l’ADN et un domaine pour le couper (142). Parmi les premières protéines utilisées pour l’édition de génome se trouvaient les endonucléases, plus particulièrement les mégas nucléases, les doigts de zinc et les protéines nucléases effectrices de type activateur de transcription (TALEN) (132, 143, 144). Toutefois, ces nucléases fonctionnent par interactions entre la protéine et un site spécifique sur le génome, et pouvoir cibler un nouveau site implique la fabrication d’une nouvelle protéine ce qui représente un travail énorme. Ainsi les cibles possibles dans un génome sont assez restreintes et limitent les possibilités futures.

Cependant, la découverte de la protéine Cas9 augmente de beaucoup l’efficacité d’édition de génome, car cette protéine est guidée par une molécule d’ARN interchangeable et la reconnaissance d’un site spécifique fonctionne par complémentarité des bases selon le principe de Watson-Crick (128, 145). Cas9 devient donc un outil révolutionnaire dans le domaine des modifications génétiques permettant l’établissement de systèmes à haut débit. Les variantes de cette protéine, développées au courant des dernières années, ont permis aux chercheurs d’adapter ce système pour diverses applications différentes, dont la régulation des gènes et l’imagerie génomique (figure 1.11) (142, 146–148).

L’édition de génome employant Cas9 est quelque peu divergente du système de type II-A, au sens qu’il nécessite un ARN guide plutôt qu’une molécule ARNtracr:ARNcr. L’ARN guide est en quelque

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sorte une fusion de ces deux ARN dont la partie complémentaire au proto-espaceur peut s’interchanger et viser des régions différentes de n’importe quel génome (145). Comme mentionné précédemment, Cas9 possède deux domaines qui produisent une coupure double brin dans l’ADN cible lorsqu’il y a une reconnaissance du PAM et du proto-espaceur. Cette coupure stimule les voies de réparation de l’ADN. La voie de réparation NHEJ cause des mutations diverses, telles des délétions, des insertions et des mutations ponctuelles, de façon aléatoire au site de coupure ce qui peut causer l’inactivation d’un gène ou un changement de cadre de lecture (149). Pour engendrer une mutation précise, il est possible de fournir un gabarit d’ADN qui ira s’insérer par recombinaison homologue au site de coupure, résultant ainsi en une mutation contrôlée pour accomplir n’importe quelle tâche (140, 150).

La protéine Cas9 est associée à plusieurs sous-types de systèmes CRISPR-Cas, soit les types II-A, II- B et II-C. Celle majoritairement utilisée en édition de génome provient du système de type II-A de

Streptococcus pyogenes (SpCas9) et elle a une taille de 1368 acides aminés (145, 151, 152). La

nucléase SpCas9 reconnaît un court PAM NGG, ou plus rarement NAG. De plus, il est possible de muter les domaines de SpCas9 pour produire une version ayant un seul des deux domaines ou les deux domaines absents. Lorsqu’un seul domaine est actif, un seul brin d’ADN est coupé et agit comme une nickase (nCas9). Cette version limite les mutations non prévues (off target activity) et permet d’augmenter la spécificité du système (142, 153–155). Lorsque les deux domaines sont inactifs, la protéine est catalytiquement morte, d’où le terme dead Cas9 (dCas9), mais elle peut tout de même lier l’ADN et être couplée à d’autres facteurs pour générer des mutations épigénétiques ou réguler la transcription des gènes (146, 156, 157). De plus, dCas9 peut être couplée à plusieurs protéines fluorescentes permettant l’étiquetage de certaines séquences associées aux maladies génétiques. Cette méthode est avantageuse, car elle peut être pratiquée sur les cellules vivantes et permettre l’étude de la dynamique des génomes en temps réel (158–160).

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Figure 1.12 : Applications et outils reliés à l’utilisation de la protéine Cas9 en édition de génome. Cas9 peut être utilisé pour causer une coupure double brin et favoriser la réparation de l’ADN par la voie NHEJ, causant des mutations au hasard ou la recombinaison homologue avec un gabarit d’ADN, pour une mutation précise (a). Cas9 ayant les sites RuvC et HNH inactifs (dCas9) peut être couplé à certains facteurs de transcription et influencer la régulation des gènes (b). La protéine dCas9, couplée à une protéine pouvant modifier les histones, peut servir à l’édition des marqueurs épigénétiques (c). Lorsque dCas9 est couplée à un marqueur fluorescent, cet outil peut être utilisé pour l’identification de séquence en imagerie génomique. Adaptée de Wang et al. (142).

Plusieurs autres orthologues de Cas9, provenant d’autres microorganismes, ont aussi été développés comme outil d’édition génomique. Notamment, la protéine Cas9 de Staphylococcus aureus (SaCas9).

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L’édition de génome in vivo utilise souvent un vecteur de transfection viral associé aux adénovirus qui ne peut supporter une charge plus grande que 4,5 kb, toutefois la taille de SpCas9 limite l’utilisation de ce vecteur à des fins thérapeutiques. En revanche, SaCas9, par sa taille plus petite de 1053 acides aminés, a été optimisée pour ce genre d’application et le rendement d’édition de génome

in vivo est égal à SpCas9. SaCas9 reconnaît un PAM NNGRRT, où R représente une adénine ou une

guanine, et a déjà été développée pour l’édition, en plus de la régulation des gènes (161, 162). Un autre problème engendré avec l’utilisation de SpCas9, est que cette protéine ne peut effectuer qu’une seule tâche à plusieurs sites, incapable de médier plusieurs activités différentes à des sites différents en même temps. Les orthologues Cas9 de Neisseria meningitidis et de S. thermophilus CR1 ont été développés dans ce but. Il a été démontré que ces protéines peuvent accomplir plusieurs activités indépendamment l’une de l’autre dans une seule cellule. Par exemple, une version de NmCas9 couplée à un activateur peut réguler un gène, tandis qu’une autre version de NmCas9 édite le génome simultanément. Ceci permet d’exercer une pression sélective plus forte et plus rapide (98, 163).

Finalement, il est clair que les possibilités employant la protéine Cas9 et ses orthologues sont infinies. Ces outils moléculaires seront indispensables pour approfondir l’étude de la fonction des gènes, les modèles thérapeutiques, la thérapie par les gènes et les interactions entre les protéines et le génome. Le plein potentiel de cette technologie est encore à découvrir et les prochaines années verront l’exploration et la recherche de nouveaux mécanismes et de nouveaux systèmes augmenter de façon considérable.

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