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L’ACCÈS AU FINANCEMENT Faire de l’argent

1.1. ÉCONOMIE POLITIQUE 6

Depuis 20027 un phénomène appelé « politique de consensus » a influencé et façonné le paysage géopolitique et d’économie politique interne actuel du Mali. La politique de consensus a été l’approche adoptée de 2002 à 2012 pour gouverner le pays à travers une large coalition multipartite. Cette approche a apporté une stabilité apparemment démocratique au pays et a contribué au développement d’organisations de la société civile (OSC) locales et d’une presse relativement libre. Toutefois,

derrière la façade, cette politique de consensus a conduit à la capture de l’élite et à la corruption du Gouvernement du Mali8, entraînant ainsi une concentration des pouvoirs entre les mains du Président, enlevant toute place à une véritable opposition9. La recherche du consensus peut alors être considérée comme l’une des causes profondes de l’instabilité politique actuelle du Mali. Cette instabilité politique –exacerbée par la détérioration de la situation sécuritaire dans tout le pays, et plus récemment par la pandémie de Covid-19– a bloqué le Mali dans la réalisation de son véritable potentiel économique et social.

Dans une société dominée par une politique de consensus et une insécurité croissante, les réformes technocratiques classiques comme la libéralisation du secteur agricole ou des transports, qui ignorent les réalités géopolitiques et politico-économiques actuelles du Mali, n’auront que peu d’impact. La conception et la mise en œuvre de stratégies innovantes et ciblées qui s’attaqueraient aux causes sous-jacentes de la persistance des crises géopolitiques, économiques et même sanitaires aideraient le Mali à sortir de sa situation difficile. Ce résultat est d’une importance capitale pour dynamiser la nation sahélienne de l’Afrique de l’Ouest pour qu’elle devienne une économie nationale productive et compétitive, une destination viable pour des investissements du secteur privé, et capable de soutenir la croissance et le

développement économiques et la réduction de la pauvreté dans un monde fragilisé et, aujourd’hui nouveau, de la Covid-1910.

La situation géopolitique du Mali depuis 2012

Dès le début de 2012, de vastes régions du Nord ont été conquises et occupées par des insurgés militaires locaux soutenus par des militaires revenant de Libye et avec le soutien de groupes armés djihadistes (comme Al-Qaida). Gao, Tombouctou et Kidal sont tombés aux mains des forces rebelles. Les insurgés ont ensuite chassé l’armée malienne des autres grandes villes du Nord. Un groupe de soldats du rang a organisé un coup d’État en mars 2012, alimenté par le mécontentement populaire concernant la gestion de la crise par le gouvernement civil, ainsi que par ses propres défaites répétées dans le Nord contre les rebelles.

Début 2013, les militants de groupes armés du nord du Mali ont été chassés des principales villes par les Forces armées maliennes (FAMa) avec l’aide des troupes militaires françaises et africaines, renforcées par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). En juin 2013, un nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta, a été élu et a reçu le soutien d’une coalition de 12 partis politiques, de personnalités religieuses, de chefs d’entreprises et d’une grande partie de la communauté internationale.

Malgré les accords de paix d’Alger de 2015 mettant théoriquement fin au conflit dans le Nord et en dépit de la forte présence et du soutien multiforme des forces armées partenaires, les efforts visant à rétablir la sécurité et l’ordre politique et social dans les Régions du Nord et du Centre se sont heurtés à des défis considérables. La violence, autrefois confinée au Nord, s’est étendue au Centre du Mali et se déplace lentement vers le Sud, vers des zones plus productives. Cette propagation pourrait avoir un impact gigantesque sur les activités du secteur privé qui se déroulent essentielle-ment dans le Sud. En outre, les tensions ethniques (largeessentielle-ment liées à des différends concernant la gestion du foncier et l’accès aux ressources) ont une longue histoire au Mali. Elles se sont intensifiées et se sont étendues au centre du Mali ces dernières années. Le cercle vicieux du sentiment anti-gouvernemental, de la corruption et de la

La situation politique du Mali reste volatile avec deux coups d’État en neuf mois et le renouvellement des sanctions imposées par la CEDEAO le 9 janvier 202211. Le premier coup d’État s’est produit le 18 août 2020 et a conduit à la démission du président Ibrahim Boubacar Keita et à la dissolution de l’Assemblée nationale et du Gouvernement. Le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), dirigé par le colonel Assimi Goïta, a été chargé de la transition vers un régime civil. Un Gouvernement de Transition, dirigé par le président Bah N’Daw et le Premier ministre Moctar Ouane, a été formé le 5 octobre 2020. Un poste de vice-président du Gouvernement de Transition est créé et occupé par le colonel Goïta en accord avec la CEDEAO. Le 25 mai 2021, le président N’Daw, le Premier ministre Ouane et le ministre de la défense nouvellement nommé sont arrêtés et détenus sur la base militaire de Kati. Le vice-président de la Transition, le colonel Goïta, a revendiqué la responsabilité de ces arrestations, pointant du doigt des violations de la Charte de la transition de la part du président intérimaire et a déposé le Premier ministre pour trahison. Le colonel a reconfirmé les engagements de protéger le processus de transition et d’organiser des élections présidentielles et générales en février 2022 dans la même déclaration. Le 7 juin, le colonel Goïta a officiellement prêté serment en tant que nouveau président du Mali. Peu après, il a annoncé la nomination de Choguel Kokalla Maïga au poste de Premier ministre. Le 11 juin, un nouveau Gouvernement composé de 25 ministres et de 3 vice-ministres a été annoncé.

Le 10 juin 2021, le Président de la République française, Emmanuel Macron, a annoncé la fin de l’opération Barkhane - le déploiement de troupes françaises à travers le Sahel qui est en place depuis 2013. Dans le cadre du réalignement du format et des objectifs de la présence française dans la région, le nombre de soldats sera réduit de 5100 à environ 3500 d’ici la mi-2022, puis à 2500 en 2023. Trois bases (Kidal, Tombouctou, Tessalit) sont en cours de fermeture dans le Nord Mali, la base de Gao restant la principale du pays.

Aller de l’avant

Pour aborder et résoudre ces crises, le Mali, avec le soutien de la communauté internationale du développement et en étroite collaboration avec la société civile malienne et le secteur privé, doit donner la priorité à la bonne gouvernance et aux stratégies spatiales multisectorielles ciblées dans sa stratégie de développement économique. De telles approches liées à l’innovation technologique ont le potentiel de commencer à restaurer la confiance entre l’État et ses citoyens. L’évolution vers l’industrie manufacturière légère basée sur l’agriculture, en se concentrant d’abord sur les principales chaînes de valeur comparatives du pays comme l’élevage, la mangue, les noix de karité et le coton, sera essentielle. En outre, les zones économiques spéciales, ZES, pourraient constituer des outils politiques efficaces pour permettre à l’État malien de mettre en œuvre des stratégies innovantes et audacieuses nécessaires à la reconstruction du tissu économique et social du Mali. De telles interventions peuvent augmenter la probabilité d’attirer les investissements nécessaires conduits par le secteur privé afin de relancer la reprise économique au Mali, tant après le conflit que la crise sanitaire de la Covid-19.

1.2. FRAGILITÉ : CONSIDÉRATIONS CONTEXTUELLES SUR