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Conseil de l’Europe

1.2.7 La conception et la validation de descripteurs de compétence par étalonnage multidimensionnel par étalonnage multidimensionnel

1.2.7.5 Les échelles des acquisitionnistes

Parallèlement à cet effort, les acquisitionnistes ont eux aussi élaboré plusieurs échelles

censées représenter la segmentation de niveaux d’acquisition d’une langue. I. Bartning (in E. Labeau et F. Myles, 2009 :11) propose ainsi un continuum en six niveaux sur la base de travaux avec des étudiants suédois :

Stade initial (Initial stage)

Post stade initial (Post-initialstage) Stade intermédiaire (Intermediate stage) Stade avancé de base (Advanced low stage) Stade avancé medium (Advanced medium stage)

54 Stade avancé élevé (Advanced high stage)

Concernant les niveaux avancés, le même auteur propose également une autre dénomination : Avancé (Advanced)

Quasi locuteur natif (Near-native Level) Locuteur natif (Native speaker)

« En commençant par la fin, par un locuteur “natif”, et sans entrer dans la complexité que recouvre cette notion, nous voulons définir un locuteur archétype en langue 1, pas

nécessairement monolingue, qui a appris cette langue et continue de l’utiliser régulièrement

dans sa vie. Un quasi locuteur natif est une personne qui dans tous les aspects utilise la langue comme un locuteur natif, bien que cette langue ne soit pas sa première langue. Par quasi

locuteur natif, nous voulons parler de quelqu’un qui perçoit et comprend une interaction orale

normale comme un locuteur natif, mais qui peut être distingué du locuteur natif dans certains

aspects lorsque l’on analyse avec détail sa compétence linguistique. Par locuteur avancé, nous

voulons signifier une personne dont la 2ème langue est proche de celle du locuteur natif mais dont certains usages de non natifs sont perceptibles dans des interactions orales ou écrites normales ».15

I. Bartning ajoute les informations suivantes au sujet de l’apprenant avancé (advanced

learner) :« (…) C’est une personne qui a étudié la langue cible à l’école comme langue étrangère, souvent dans un autre pays que celui de la langue cible, et qui continue à

l’université. Son acquisition est mixte (formelle et informelle) au long de différentes périodes.

Son objectif est de devenir bilingue, mais il veut souvent conserver son identité de non natif. Il est souvent motivé par une acquisition instrumentale et intégrative, mais la première domine souvent la seconde. Cet apprenant est devenu compétent et capable grâce à sa

formation à l’école mais aussi après. Ajoutons que la langue étrangère n’est souvent que sa

3ème langue ».16

15Starting from the end, by a « native » speaker of a language – without going into the complexities involved in this notion – we mean the archetypical first language speaker, not necessarily monolingual, who has learnt that

language and continued to use it regularly throughout their lifespan. A “native-like”speaker of the same

language is someone who, in all respects, uses the language like a native speaker, in spite of the fact that the

language in question is not that person’s first language. By a “near-native” speaker we mean someone who perceived, in normal oral interaction, as a native speaker, but who can be distinguished form native speakers in some feature when their language is analyzed in greater linguistic detail (…). By an “advanced”second

language learner/user we mean a person whose second language is close to that of a native speaker, but whose non-native usage is perceivable in normal oral or written interaction”

16 « A person who has studied the Target Language at school as a foreign language, often in another country than that of the target language and who continues at the university. His acquisition is “mixed” (formal and

55 Et elle précise avoir également déterminé que ces « apprenants d’un niveau d’instruction

élevé » ne correspondent pas forcément à toutes ces caractéristiques.

E. Labeau complète ce tableau (E. Labeau et F. Myles, 2009 :74-75) : « L’apprenant d’un niveau d’instruction élevé est donc un apprenant qui a étudié la langue cible en tant que langue étrangère à l’école, souvent dans un pays autre que celui de la langue cible, et qui

continue à l’université. Il s’agit d’un apprenant guidé, ayant des connaissances

métalinguistiques de la langue cible. Son apprentissage est parfois « mixte » grâce à des

stages et des séjours à l’étranger […]. Pour exercer ultérieurement des activités

professionnelles, il aura souvent besoin d’un répertoire spécifique et explicite des structures d’expressions ».

Conclusion

Nous reviendrons sur les apports acquisitionnistes dans le chapitre suivant, mais nous retiendrons pour la suite de notre étude la trame suivante pour élaborer les descripteurs qui pourraient compléter notre analyse des niveaux C, trame que nous avons voulue simple, non jargonnante et discriminante :

C1 C2 C2+

Extrait/devine le sens Comprend/produit une large gamme de…

Pressent l’implicite Varie sa formulation Traduit globalement

Maîtrise certains outils

d’analyse métalinguistique

Comprend/produit la plupart des textes

Maîtrise les effets sur

l’auditoire

Infère la valeur implicite Peut réaliser une analyse métalinguistique

comprend et à recours intentionnellement à de nombreuses formes figées Traduit fidèlement des textes stéréotypés

Comprend/produit tout type de texte

Traduit fidèlement et très finement un large répertoire de textes

Analyse en synchronie et en diachronie

Maîtrise la fonction subversive de la langue

non-native. […] His motivation is in general both instrumental and integrative, but the first one often dominates. These learners are competent and capable thanks to their long education, at school and beyond. Let me add that the foreign language is not always the second language but rather their third language”.

56 Deux questions restent en suspens. La première est relative à la fonction même des

descripteurs que nous envisageons de créer. La valeur d’un référentiel se mesure au degré d’acceptabilité qu’il reçoit dans la communauté des usagers. Afin de mesurer le degré de

consensus auquel nos hypothèses peuvent prétendre, nous allons soumettre un tableau

synoptique des descripteurs créés à un groupe réduit d’experts qui en détermineront une

valeur référentielle indicative.

Les spécifications provisoires que nous proposons ne peuvent pas être mises sur le même plan que les descripteurs du Cadre : elles n’ont pas pour objectif de supplanter ou compléter ces descripteurs et elles ne s’appliquent qu’à la langue française. Il s’agit simplement de

formulations visant à donner une image panoramique des résultats de notre recherche afin de

mesurer le degré d’approbation qu’ils peuvent recueillir auprès d’experts et d’utilisateurs des

référentiels.

La formulation de ces hypothèses soulève une deuxième question puisqu’elle revient à établir

une relation entre des contenus spécifiés et une compétence exprimée en termes de est capable de. « Il est évidemment plus simple d’expliquer comment on forme un adverbe à partir d’un adjectif en français, ou comment on construit un indicatif imparfait et un

conditionnel, ou encore comment on accorde le participe passé, plutôt que de faire comprendre que certains mots, expressions, constructions syntaxiques ne sont appropriés que dans certains contextes spécifiques », J.M. Dewaele, N. Wourm (2002). Nous considérons, à la suite de S. Ranney (1992), qu’un ensemble de processus cognitifs permettent de comprendre et de fonctionner dans le monde, qui constituent des schémas basés sur la connaissance de procédures et de relations appropriées entre les rôles sociaux, et adaptés à des situations discursives données. Ces schémas variant selon les cultures, le malentendu est

toujours latent. Nous avons construit nos hypothèses de spécification sur la conviction qu’il

existe dans le langage des traces discursives, linguistiques, sociolinguistiques et pragmatiques qui relèvent de, ou qui révèlent des, intentions de communication implicites et/ou explicites,

volontaires ou non, qui peuvent caractériser la compétence d’un locuteur averti en langue étrangère. Cette approche dépasse le cadre diffus de l’approche dite communicative et

implique la prise en compte des 3 niveaux de catégories conceptuelles que M. Paradis (1997) ou A. Pavlenko (1999) conçoivent :

niveau de surface (caractéristiques phonologiques et morphologiques), 2. niveau sémantique (connaissance explicite des règles de grammaire),

57 3. niveau conceptuel (représentations mentales multimodales).

Elle place les dimensions discursive et sociolinguistique, ainsi que les stratégies métacognitives, au centre de notre problématique. Nous assumerons que ce choix doit se refléter dans la formulation de nos hypothèses, ce qui ajoute une règle additionnelle à

du langage

59

Chapitre 2 Apports de recherches en acquisition du

langage pour la spécification des niveaux C du Cadre

Tout essai de référentialisation suppose des choix qu’il convient d’expliciter pour que l’outil

didactique que nous tentons de constituer recueille le consensus minimum qui en validera

l’utilisation. En termes linguistiques aussi bien que d’apprentissages, chacun des choix opéré

doit être mis en correspondance avec les sous-jacents théoriques qui en ont motivé

l’insertion: théorie descriptive de l’objet langue et théorie linguistique du discours, références pédagogiques, théories cognitivistes, etc.

La tentation est grande de prétendre à une vision globale qui ne conduirait sans doute au

mieux qu’à la caducité d’un référent trop conceptuel et au pire au rejet immédiat d’un outil

par trop ambitieusement parcellaire. Il nous faut donc faire appel à un ensemble de ressources théoriques qui peuvent sembler parfois peu concomitantes ou trop généralistes pour justifier des choix qui pourraient être considérés comme arbitraires, mais qui restent toujours basés sur des options clairement énoncées.

Le succès des Niveaux Seuils se construisit autour d’un projet commun, d’une volonté de proposer de nouveaux référents susceptibles d’orienter l’enseignement apprentissage des

langues dans une optique communicative. Il en est probablement de même du Cadre qui a été conçu avec une visée méthodologique davantage que sur des bases théoriques sous-jacentes,

et la recherche de plus petits dénominateurs communs entre un maximum d’usagers a conduit

ses auteurs à privilégier la recherche et la validation consensuelle de descripteurs de compétences, tout en évitant un débat théorique qui ne pouvait envisager les choses que sous

l’angle de la complexité.

Il existe entre les linguistes, sociolinguistes, psycholinguistes, acquisitionnistes, et ethnolinguistes de nombreux concepts, théories et termes qui tentent de construire la réalité

sous l’angle de leurs observations mais qui ne constituent pas un système cohérent. La responsabilité d’imaginer de nouveaux paradigmes aurait pu échoir au didacticien, mais

celui-ci dans son ambition applicationniste se doit également de faire intervenir d’autres champs des sciences de l’éducation, pédagogie, andragogie, sociologie et autres, qui rendent sa tâche

encore plus complexe.

C’est la raison pour laquelle, dans la lignée des efforts anglais de English Profile, nous nous sommes penché sur les travaux des spécialistes en acquisition du langage, et plus particulièrement en langue étrangère.

du langage

60 Dans ce concert des sciences contemporaines, la fractabilité du profil de l’apprenant rend

difficile tout effort de référentialisation. La validation mathématique des descripteurs proposés par le Cadre leur confère une certaine légitimité, mais leur succès relève sans doute

aussi d’une fascination postmoderne pour un type de mathématiques qui étonne et qui séduit sans toutefois parvenir nécessairement à convaincre. Malgré tout les efforts déployés, la référentialisation des niveaux du Cadre reste fort disparate, de même que le sont les construits théoriques de chacun des examens des grands certificateurs européens. À la question rituelle « is your B2 my B2 ? » (ton B2 est-il mon B2 ?), la réponse est encore largement négative, et fut-elle positive que nous pourrions nous interroger sur les effets systémiques que cela produirait en termes de réductivité et de simplification abusive sur les systèmes

d’enseignement. Ce ne sont pas les six échelles de niveaux qui posent problème, mais bien les

points de césure qui les délimitent.

Nos travaux portent donc sur une spécification explicite basée sur un ensemble d’output, établis à partir de corpus d’apprenants, mais aussi de nombreuses études acquisitionnistes, qui

nous permettront de valider les seuils de césure entre B2 et C1, entre C1 et C2 et entre C2 et C2+.