Images en Ophtalmologie
•Vol. XII - n° 1
•janvier-février 2018 19
Focus
Protocole Treat and Extend dans le traitement de l’œdème maculaire diabétique par anti-VEGF
Treat and Extend regimen in the anti-VEGF treatment of diabetic macular edema
M. Addou-Regnard
(Service d’ophtalmologie, Centre hospitalier intercommunal de Créteil)
L’ œdème maculaire diabétique (OMD) est la principale cause de baisse d’acuité visuelle (AV) chez les patients diabétiques et dans la population en âge de travailler.
Avec l’augmentation permanente de la prévalence du diabète, la gestion de l’OMD constitue un réel enjeu de santé publique. Sa prise en charge nécessite souvent un suivi long et des traitements itératifs. Depuis 2012, le ranibizumab puis l’aflibercept ont obtenu
l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de l’OMD et se sont positionnés comme traitement de première ligne dans
cette indication. La photocoagulation au laser associée aux anti-VEGF n’a pas démontré de supériorité
sur le traitement par anti-VEGF seul.
Résultats du traitement de l’œdème maculaire diabétique selon un régime fi xe Les injections intravitréennes (IVT) de ranibizumab et d’aflibercept dans le traitement de l’OMD ont été d’abord évaluées en régime fixe. Les études contrôlées randomi- sées de phase III RISE et RIDE ont montré l’efficacité, la bonne tolérance et la supériorité du traitement par rani- bizumab comparé au laser maculaire seul, environ 40 % des patients ayant eu un gain visuel supérieur à 15 lettres à 24 mois dans les groupes traités par ranibizumab (1) . Les études randomisées VIVID et VISTA ont montré la supériorité des IVT d’aflibercept sur la photocoagulation maculaire. Les IVT d’aflibercept et la photocoagulation
maculaire obtenant respectivement un gain visuel moyen de 11 lettres versus 0,7 à 0,9 à 2 ans [2] .
Gestion de l’œdème maculaire diabétique dans la “vraie vie”
En pratique clinique, il est difficile de respecter un schéma mensuel de traitement et/ou de suivi au long cours, en raison du nombre croissant de patients atteints d’OMD, des contraintes techniques des centres de consul- tation et des limites liées aux patients (absences, suivi médical lourd d’autres pathologies systémiques, etc.).
Conformément aux recommandations, les patients sont traités par une phase d’induction de 3 IVT mensuelles d’anti-VEGF. Dans le cas d’une bonne réponse fonction- nelle et/ ou anatomique, le traitement est poursuivi men- suellement jusqu’à l’obtention de l’AV maximale, puis 2 schémas peuvent être envisagés :
•
un schéma de suivi en pro re nata (PRN) ;
•
un traitement selon un régime Treat and Extend (T&E) [3] . Plusieurs études ont montré l’efficacité du traitement par anti-VEGF en PRN dans l’OMD. Dans le protocole I de l’étude DRCR.net à 5 ans, le nombre d’injections néces- saires en PRN a diminué avec la durée du suivi tout en permettant un maintien du gain visuel, avec plus de 50 % des patients traités par ranibizumab qui ont pu arrêter le traitement. Cependant, le suivi en PRN ne permet pas d’éviter les rechutes de l’OMD, mais de les traiter une fois l’aggravation constatée, ce qui pourrait compromettre le confort visuel du patient.
Application du protocole T&E
L’objectif du traitement en T&E est de rechercher l’intervalle libre d’injection le plus long sans récurrence de l’OMD en préservant la meilleure AV. Cette stratégie
✔ Mots-clés. Œdème maculaire diabétique
•Ranibi- zumab
•Afl ibercept
•Treat and Extend .
✔ Keywords. Diabetic macular edema
•Ranibizumab
•Afl ibercept
•Treat and Extend.
0019_IOP 19 06/03/2018 15:21
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permet un suivi personnalisé pour chaque patient, selon le
“profil” de l’OMD et son intervalle de récidive. En pratique, lors de chaque visite, le patient bénéficie d’un contrôle de l’AV et d’un examen d’imagerie incluant au moins une OCT maculaire, auxquels s’associe une injection fixe indépendamment de sa réponse fonctionnelle ou anatomique. L’intervalle entre les différentes visites est déterminé après évaluation de l’AV et de l’aspect anato- mique de l’OMD. En cas de bonne réponse, l’intervalle pourrait être allongé ; en cas de récidive ou d’aggravation, ce délai est raccourci. L’inter valle de suivi minimal étant de 4 semaines, l’intervalle maximal n’est pas consensuel, pouvant aller au-delà des 12 semaines dans certains cas d’OMD. Cette approche permet de diminuer le nombre
de visites, de prévenir les récidives de l’OMD et, ainsi, de préserver et de stabiliser le gain visuel sur une longue période (figure).
Il existe peu d’études évaluant l’efficacité du traitement selon le protocole T&E dans l’OMD. Dans l’étude RETAIN, les patients atteints d’OMD ont été randomisés pour rece- voir un traitement selon une approche T&E avec ou sans traitement par laser (121 et 128 patients, respectivement) ou en PRN (123 patients). Les résultats à 2 ans ont montré un gain d’AV similaire dans les 3 bras de l’étude (respec- tivement, +8,3 et +6,5 versus +8,1 lettres). Le nombre de visites a été réduit de 46 % pour les patients du groupe T&E par rapport à ceux du groupe PRN (4).
Figure. Patient âgé de 70 ans, traité par ranibizumab pour un œdème maculaire diabétique (OMD) de l’œil gauche. a, b. OMD cystoïde.
c, d. Diminution de l’épaisseur maculaire après 3 injections mensuelles. Il persiste une micrologette périfovéale. Il faut noter une atrophie rétrofovéale limitant la récupération visuelle. e, f. 12 mois après un suivi en Treat and Extend, absence de récidive de l’OMD et maintien de l’acuité visuelle.
AV 20/63
AV 20/40
AV 20/40 a
c
e
b
d
f
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•janvier-février 2018 21 L’étude TREX-DME est la première étude prospective,
randomisée et contrôlée évaluant le traitement en T&E dans l’OMD versus un traitement mensuel. L’étude a comparé 3 groupes de patients traités par ranibi- zumab mensuel (30 patients) et en T&E avec ou sans laser focal (60 patients dans chacun de ces 2 derniers groupes). Les résultats n’ont pas montré de différence de gain d’AV dans les 3 groupes (respectivement, 8,6, 9,5 et 9,6 lettres ETDRS ; p = 0,8). La réduction de l’épais- seur maculaire était comparable dans les 3 groupes.
Le nombre d’injections a été significativement réduit dans les 2 groupes T&E (10,1 dans le groupe avec laser et 10,7 dans le groupe sans laser) comparés au groupe mensuel (14,1 ; p < 0,001) [5] .
Comment optimiser le traitement en T&E ? L’évaluation et le maintien de l’équilibre glycémique et de la tension artérielle permettraient d’optimiser la régres- sion de l’OMD et de trouver l’intervalle de surveillance maximal sans récidive. Le traitement par anti-VEGF en T&E peut être optimisé en association avec d’autres trai- tements, c’est-à-dire le laser focal dans le traitement des œdèmes focaux extrafovéaux résiduels (pas d’efficacité supplémentaire démontrée sur l’AV, mais il permettrait d’augmenter l’intervalle de suivi), ou la chirurgie vitréo- rétinienne pour le traitement d’une anomalie vitréo- maculaire entretenant l’OMD. Il est également nécessaire d’évaluer régulièrement la rétinopathie diabétique pour prévenir l’ischémie périphérique qui pourrait aggraver l’OMD. Le régime de traitement par anti-VEGF en T&E ne permet pas de prévenir une aggravation de la rétino- pathie diabétique.
Quels sont les points faibles du traitement en T&E ?
Outre l’absence d’un algorithme précis de traitement par anti-VEGF en T&E dans l’OMD et la rareté des études comparatives pour ce protocole, le risque en pratique
clinique reste l’endophtalmie secondaire à l’injection qui serait difficile à expliquer au patient si l’injection a été réalisée dans un contexte de bonne réponse fonctionnelle et anatomique satisfaisant les attentes du patient. Il est donc nécessaire d’expliquer longue- ment la démarche du T&E, les avantages attendus et les inconvénients éventuels. L’adhésion du patient au protocole T&E constitue un élément important pour garder une flexibilité dans l’évaluation des intervalles de suivi, afin de switcher pour une autre molécule ou changer d’approche thérapeutique si nécessaire.
Conclusion
Le protocole T&E dans le traitement de l’OMD trouve toute sa place dans l’aire de la médecine personnalisée.
Il constitue une alternative intéressante au traitement mensuel par sa faisabilité en pratique clinique et son efficacité fonctionnelle et anatomique démontrée dans
les différentes études.
IIM. Addou-Regnard déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références bibliographiques
1. Nguyen QD, Brown DM, Marcus DM et al. ; RISE and RIDE
Research Group. Ranibizumab for diabetic macular edema: results from 2 phase III randomized trials: RISE and RIDE. Ophthalmology 2012;119(4):789-801.
2. Brown DM, Schmidt-Erfurth U, Do DV et al. Intravitreal aflibercept
for diabetic macular edema: 100-week results from the VISTA and VIVID studies. Ophthalmology 2015;122(10):2044-52.
3. Massin P, Baillif S, Creuzot C et al. Fiche d’information aux méde-
cins : traitements de l’œdème maculaire diabétique. J Fr Ophtalmol 2015;38(9):e191-7.
4. Prünte C, Fajnkuchen F, Mahmood S. Ranibizumab 0.5 mg treat-
and-extend regimen for diabetic macular edema: the RETAIN study.
Br J Ophthalmol 2016;100(6):787-95.
5. Payne JF, Wykoff CC, Clark WL et al. Randomized trial of treat
and extend ranibizumab with and without navigated laser for diabetic macular edema: TREX-DME 1 Year Outcomes . Ophthalmology 2017;
124(1):74-81.
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