G ERGONNE
Réflexions sur le même sujet
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 4 (1813-1814), p. 6-20
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6
QUANTITÉS
qui résulte,
ouqui,
dumoins , peut
être censée résulter del’équation
Or,
si(a-b)
estnégatif
et(c-d) positif,
il faudra que(a-A),
ou son
égal a-b c-d,
soitnégatif ;
il en seraabsolument
demème ,
si(a-b)
estpositif
et(c-d) négatif; enfin,
s’ils sont tous deuxnégatifs, (x-A)
ou sonégal a-b c-d devra être positif.
Réflexions
surle même sujet;
Par M. G E R G O N N E.
ON
ne saurait disconvenir que la théoriequi
vient d’êtredéveloppée
ne soit très-exacte ,
très-simple
et très-lumineuse, etpeut-être
debeaucoup préférable
à tout cequi
a été ditjusqu’ici
sur le mêmesujet ;
du moins tantqu’on
voudra demeurer attaché aux idéesqui
sont
aujourd’hui généralement
en vogue sur la nature desquantités négatives.
Mais ces idéesqui ,
en touterigueur, peuvent
êtreadmises,
ont-elles
réellement,
sur cellesauxquelles
on les asubstituées,
toutela
supériorité qu’on
leur attribue ? Ces dernières étaient-elles tellement défectueusesqu’il
y ait eu une absolue nécessité ’à les écarter ?Et,
en les
rejetant,
n’a-t-on pas faitrétrograder l’algèbre jusqu’au point
où elle était dans son enfance ? N’a-t-on pas
ajouté à
la théorie ducalcul
une inutilecomplication? N’a-t-on
pas ouvert une sourceféconde
NEGATIVES.
7d’embarras pour
le calculateur ? Telles sont lesquestions que , depuis longtemps , j’ai
le dessein dediscuter,
dans cerecueil
avec tout lesoin et toute l’étendue que mérite leur
importance.
Le défaut de loisir m’en a constamment détournéjusqu’ici ; mais, puisqu’enfin
l’occasionvient s’en
offrir, je
veux dumoins ,
au défaut d’une discussion enforme ,
hasarderquelques
réflexions sur cesujet , espérant
que le lecteur voudra biensuppléer
à ce que les bornes étroites queje
suiscontraint de me
prescrire , pourront
me forcer d’omettre.Les adversaires de l’ancienne théorie des
quantités négative, je
veux dire de la théorie
adoptée
parNewton , Euler , d’Alembert,
etc., conviennent eux-mêmes que cette théorie est extrêmementcommode;
et, s’ils larejettent,
c’estuniquement
parce que, suivant eux , il en naitplusieurs
difficultés assez graves ; mais il meparait qu’avant
de luisubstituer une théorie
nouvelle,
il eût au moins falluexaminer,
avecsoin ,
si ces difficultés étaient réellement de nature à nepouvoir
êtresurmontées ,
et si on ne courrait pas lerisque
de ne faire que lesremplacer
par des inconvéniensbeaucoup plus
graves encore. Il meparaît qu’en présentant
la doctrine desquantités négatives
de la manière queje
vaisexpliquer,
tous les nuages élevés contre ellepeuvent
êtrefacilement
dissipés.
Il n’est pas besoin d’un
grand
effort d’attention pourapercevoir qu’in- dépendarnment
de leur valeur absolue, on a sans cesse àconsidérer,
dans lesquantités
leurmode d’existence, c’est-à-dire, l’opposition qui peut se
trouver entre celles
qui
sont de même nature. Cetteopposition
est un faitévident, préexistant
à toutsystème,
à touteconvention,
etgénéralement
aperçu par tout le monde.
Ainsi ,
parexemple ,
chacunconçoit
claire-ment que 12 francs de dettes ne sont
point
la même chose que 12 francs debiens ; qu’un
effort de 12livres , qu’il
faut faire pourempêcher
un ballon des’élever y
n’estpoint
la même chose que l’effort de I2 livresqu’il
faut faire pourempêcher
unepierre
dedescendre ;
que l’intervalle de 12années, qui sépare l’époque
actuelled’un événement
passé ,
n’estpoint
la même chose que l’intervalle8
QUANTITÉS
de in années
qui sépare
la mêmeépoque
d’unévénement à venir,
etc.La science des
grandeurs
neremplirait
doncqu’une partie
de sonbut ou , pour mieux
dire ,
elle deviendrait une source continuelle d’erreurs et deméprises , si ,
se bornant à considérer lesquantités
sous le
rapport unique
de leur valeurabsolue,
ellenégligeait
d’avoirégard
àl’opposition qui peut
souvent exister entre elles. Il faut doncque cette science fournisse des
symboles
non seulement pourrepré-
senter les valeurs
absolues ,
mais encore pour différencier entre euxles divers
modes’
d’existencequ’une
même sorte degrandeur
peut
offrir.Pour
remplir
ce butimportant,
il suffituniquement
d’une con-vention et de deux
signes : c’est-à-dire,
que,lorsque plusieurs quantités
de même nature entreront simultanément dans une même
question,
et
présenteront,
les unes àl’égard
des autres ,l’opposition
dont ilest
question ici ,
on affectera de l’unquelconque
de ces deuxsignes
toutes celles d’entre elles-
qui
offriront le même moded’existence ,
tandis que l’autre
signe
affectera cellesqui présenteront
un moded’existence inverse de celui-là.
Concevons
que l’onapplique
à cet usage les deuxsignes
+ et 2013 ;comme on les
appelle respectivement signe positif
etsigne négatif ,
une
quantité
sera ditepositive
ounégalive ,
suivantqu’elle
se trouveraêtre affectée de l’un ou de l’autre de ces deux
signes.
Ces dénomi-nations peuvent être mal
choisies ;
mais elles ont cela de communavec
beaucoup d’autres ;
et l’Inconvénient n’estpoint très-grave, lorsque
le sensqu’on
se propose d’attacher aux mots est nettement déterminé. L’essentiel est de bien serappeler
que , toutes les fois que , dans une mêmequestion ,
on a à considérer desquantités
dont le mode d’existence est
opposé ,
il est nécessaire d’affecter designes
contraires lessymboles qui
enreprésentent
les valeursabsolues;
mais que ce n’est que par une convention tout à fait
arbitraire ,
que les unes sontpositives ,
depréférence
aux autres ; et cela à telpoint
que, dans tout état d’une
question ,
onpeut changer
la conventiond’abord établie , soit
pour tous les élémens dont cettequestion
secompose ,
NËGATIVES.
9compose ,
soit seulement pour ceux d’entre euxqui sont d’une
mêmeespèce quelconque.
On voit
qu’ici je
considère lessignes
+ et - commeoriginaire-
ment
institués,
non pas pourindiquer
l’addition et lasoustraction ,
mais
uniquement
pour différencier entre elles lesquantités
ditespositives
etnégatives.
Il n’est pas difficile de faire voir ensuite quecet autre usage de ces deux
signes
est uneconséquence
toute naturelledu
premier.
Je sais bien queje
m’écarte ici de la marche desinventeurs ;
mais c’est que
je
pensequ’on
doittoujours
le fairequand
on ytrouve
quelque avantage.
On me demandera
peut-être
unedéfinition, proprement dite ,
dece
que j’appelle
ici modes cl’existenceopposés ? je répondrai
à cettequestion, lorsqu’on
m’aura donné de bonnes défanitions del’espace,
du
temps ,
dessubstances,
desmodes,
del’angle,
et notammentde ce
qu’on appelle aujourd’hui quantités
directes et inverses. Cetteopposition
est manifeste pourqui
veutprendre
lapeine
del’observer;
elle se fait même remarquer dans les êtres
purement intellectuels ;
commue dans les êtres
sensibles ;
etqu’importe , après
tout ,qu’elle
soit
définie,
pourvuqu’elle puisse
être nettement saisie par lesesprits
même les moins attentifs.
Voici ,
ausurplus ,
un caractèrepropre
a lareconnaître ;
c’estque
deuxquantités
entrelesquelles
elleexiste,
s’anéantissentpar leur
réunionlorsqu’elles
ont d’ailleurs la même valeur absolue.Ainsi,
parexemple,
parce que des
poids égaux , placés
dans les deux bassins d’unebalance;
se font
équilibre ,
il y aopposition
d’existence entre les mouvemensque ces
poids
tendent à faire naître dans le fléau(*).
Plus
généralement ,
si l’on fait un tout de deuxquantités
de mêmenature, mais de
signes contraires,
l’effet de cellequi
aura la moindrevaleur
absolue
sera de détruire dans l’autre uneportion égale
à elle-(*) C’est à cela que revient cette
expression populaire, il
lui manqire quatre liards pour avoir, un sou,employée
dansquelques provinces,
pour dire qu’un homme n’a absolumentrien
Tom.
IV.10
QUANTITÉS
même ;
en sortequ’il
s’en formera un résultatunique ; égal à
ladifférence de leurs valeurs
absolues,
et affecté dusigne
de laplus grande.
D’après
les idées queje
viens dedévelopper , lorsque l’expression
2013a se
présente
àmoi, je n’y
vois nullement une soustractionimpossi-
ble à
effectuer,
etje n’y
vois pasd’avantage
uneforme algébrique inintelligible
parelle-même.
Cetteexpression
2013a m’annoncesimple-
ment
qu’il
a étéfait ,
sur lesquantités
de la naturede a,
uneconvention
formelle
outacite ,
en vertu delaquelle
Otl adifférencié ,
par les
signes ,
celles dont le mode d’existence étaitopposé ,
et quea
appartient
à la classe de cellesqu’on
est arbitrairement convenu d’affecter dusigne
-. C’est ainsi que lesquantités négatives
isoléesreçoivent ,
dèsl’origine ,
uneinterprétation simple
et naturelle.A. cette manière
d’envisager
leschoses, répondront
deslocutions qu’il
faudra bien segarder d’employer
dans lelangage vulgaire ,
maisqui pourront
être utilement introduites dans lalangue
de lascience ; ,ainsi,
parexemple,
on dira d’un événementqu’il
arrivera dans-4
ans, pour direqu’il
est arrivé il y a+4
ans ; ou , aucontraire, qu’il
est arrivé il y a
-4
ans , pour direqu’il arrivera
dans+4
ans ;et ces locutions n’auront rien de
plus étrange
quecelles , générale-
ment
admises , qui
consistent à direqu’on répète
unnombre I 4
defois ,
pour dire
qu’on
le divisepar 4,
etqu’on partage
un nombreen I 4
departies égales,
pour direqu’on
lemultiplie
par4.
On me demandera maintenant si
je
considère lesquantités négatives
isolées comme
plus grandes
ou comme moindres que zéro ? Avant derépondre
à cettequestion, je distinguerai
d’abord deux sortes de zéros :savoir ,
le zéroabsolu, symbole
d’un purnéant ,
et au-dessousduquel conséquemment
rien ne saurait se trouver, et un zéro limiteou
point
dedépart , qui
est de pureconvention,
etauquel
serapportent
constamment les
quantités
considérées commepouvant
êtrepositives
et
négatives. C’est,
parexemple,
le zéro duthermomètre;
c’est leplan
de niveauduquel
onpart
pour estimer les élévations et lesabaissemens ; c’est l’époque
delaquelle partent
leschronologistes
NÉGATIVES.
IIpour fixer
la date desévénemens ,
soit antérieurs soitpostérieurs ;
et c’est encore
l’origine
des coordonnées dans lagéométrie analitique,
Présentement , lorsqu’on
me demandera si unequantité peut
êtremoindre que
zéro, je répondrai simplement qu’une quantité,
considéréeabsolument ,
nepouvant
être nipositive
ninégative ,
ne sauraitjamais
être moindre que le zéro
absolu ;
mais que , dès lorsqu’on
aégard
au
signe
de cettequantité ,
on annonce par là mêmequ’il existe,
pour
lesquantités
de même naturequ’elle ,
un zérolimite ;
etqu’ainsi ,
si elle estnégative ,
zéro doit se trouver entre elle et lesquantités positives.
Si ,
pour fixer lesidées, on imagine
toutes lesquantités possibles;
d’une même nature
quelconque , disposées
par ordre degrandeur
etde haut en
bas , depuis
l’infinipositif jusqu’à
l’infininégatif,
surune même
ligne verticale ,
ainsiqu’il
arrive pour lagraduation
duthermomètre ;
on pourra fort bien dire alors que, de mêmequ’une quantité positive plus petite
est au-dessous d’une autrequantité positive plus grande ,
unequantité négative plus grande
est , aucontraire ,
au-dessous d’une
quantité négative plus petite ,
et , àplus
forteraison,
au - dessous de zéro et des
quantités positives.
Mais il faut bienremarquer que ce n’est ici
qu’une
pure fiction del’esprit ,
etqu’aux
idées de dessus et de dessous on
pourrait,
tout aussibien,
substituercelles de droite et de
gauche,
ou encore celles de devant et de derrière.La
question
desquantités
au-dessous de zérocorrespond
exacte-ment à celle des
quantités
au - dessous del’unité ;
car, de mêmequ’il
y a deux sortes dezéros ,
il y a aussi deux sortesd’unités ; savoir ,
une unitéabsolue,
au-dessous delaquelle
rien d’existant nesaurait se trouver,
puisque,
pourexister,
il faut au moins être un,et une unité
conventionnelle qui
admet indistinctement desquantités
au-dessus et au-dessous d’elle. De même donc
que
l’on ditque 4
estau-dessous de cette dernière
unité,
etque
est au-dessousde pourquoi
craindrait-on dedire ,
dans un sensanalogue ,
que20134
est au-dessous de zéro, et que -4 est inférieur à -3 ? En
général,
I2
QUANTITÉS
si -a est une
simple
formealgébrique
ou une soustractionimpossible
a
effectuer , pourquoi -
ne serait-il pas aussi une autre formealgé-
brique
ou une divisionimpossible à
effectuer ? il est aisé de voiren
particulier
que tous les raisonnemens que M. Cach vientd’appliquer
au calcul des
quantités
201303B4 et 201303C9,pourraient
êtreégalement appliqués
aux
quantités
et2013 ;
et ,puisqu’on
nejuge point
ces raisonne-mens
nécessaires ,
pour établir lesrègles
du calcul decelle-ci, pourquoi
les
jugerait-on
tels àl’égard
du calcul des autres ?Enrésumé , je
ne voispoint pourquoi
lesgéomètres, adoptant
un
système
toutpareil
à celui de la double doctrine des anciensphilosophes , aujourd’hui
tant etsi justement décrié, professeraient
exté-rieurement des
principes différens
de ceuxqui
lesdirigent
eux-mêmes dans leurs
recllerches; principes qu’ils
nepourraient abandonnera
dans la
pratique,
sans leplus grand embarras ,
et dont l’extrêmelucidité est d’ailleurs de nature à
frapper
tous lesesprits ?
N’entendent- ils pasrépéter
tous lesjours
autour d’eux que tel homme amoins
querien,
et cette locutiontriviale ,
sifréquemment employée ,
ne leurannonce-t-elle pas que le
vulgaire
lui-même sembleappeler
desnotions que l’on se
figure
êtreinaccessibles
pour lui ?Tout ce
qui précède
ne concerne encore que lesquantités concrètes ;
mais que dirons-nous
présentement
des nombres abstraits? Pourront- ils aussioffrir ,
les uns parrapport
aux autres ,quelque opposition
dans leur manière d’exister ? en
quoi
cetteopposition
consistera-t- elle ? et àquels
caractèrespourra-t-on
la reconnaître ? Jen’ignore
pas que des
géomètres
dontje respecte
les lumières ontétabli,
enprincipe,
que tout nombre abstrait estessentichement positif ; mais ,
à ce
compte , je
ne voisplus,
dans lespuissances
des nombresnégatifs,
que des êtres de
raison ;
carenfin,
dans toutemultiplicatioil ,
encorefaut-il bien que l’un des facteurs au moins soit
abstrait ; d’ailleurs
ces mots nombre
abstrait,
ne sont au fond que des mots , etpeuvent
commetels,
êtreemployés
asignifier
tout cequ’on voudra.
NEGATIVES. I3
Écartons-nous, toutefois
le moins que nous lepouvons,
des no- tions communes et voyonsquels
sont les cas où cequ’on appelle vulgairement
nombresabstraits ,
seprésente
à nous. J’en remarque deuxprincipaux :
lepremier
a lieulorsque
nouscherchons 4 assigner
le
rapport
entre deuxquantités
de même nature , et onpeut dire ,
dans
ce sens , que le nombre abstraitexprime
combien defois
unequantité
donnée doit êtrerépétée
pourformer,
une autrequantité,
aussi
donnée,
de même naturequ’elle.
Le second cas a lieu
lorsqu’il s’agit d’assigner
les rangs entreune suite de
grandeurs
dérivées les unes des autres, suivant uneloi quelconque:_on peut
doncdire,
sous ce nouveaupoint
de vue ;que le nombre abstrait
exprime
le rangqu’occupe
unobjet parmi plusieurs
autres.Ces notions ainsi
admises,
et elles le sontuniversellement;
si l’onnous
demande,
parexemple, quel
est lerapport
entre I2 francs de bienset 4
francs de biens ? nousrépondrons,
sanshésiter ,
quec’est le nombre abstrait
3,
et nous ferons exactement la mêmeréponse,
si l’on nous demande
quel
est lerapport
entre 12 francs de detteset 4
francs dedettes ; puisqu’il
fautrépéter
3fois, soit 4
francs’de biens
pour
faire I2 francs debiens,
soit4
francs de dettes pour faire 12 francs de dettes.Que
si l’on nous demande ensuitequel
est lerapport,
soit entreI2 francs de biens et 4 francs de dettes , soit entre I2 francs de dettes
et 4
francs de biens ? nous pourrons nous trouver ddbordembarrassés ,
et même laquestion
pourra , d’unepremière
vue , noussembler
absurde ;
attendu que des biensrépétés
fonttoujours
des
biens
et que des dettesrépétées
fonttoujours
des dettes :cependant
en y réfléchissantmieux ,
nous ne tarderons pas àapercevoir qu’il
existe un moyen defaire ,
soit I2 francs de biensavec
4
francs dedettes ,
soit 12 francs de dettesavec 4
francs debiens ;
et que cemoyen
consiste arépéter
d’abord 3 foisles 4 francs
soit de biens soit de
dettes,
et achanger ensuite
lemode d’exigence
du
résultat obtenu.I4 QUANTITÉS
Or , très-certainement,
rienn’empêche d’indiquer,
tout d’un coupcette double
opération ,
en faisantprécéder
dusigne
- le nombreabstrait 3 ,
pourvuqu’on écrive
ouqu’on
sous-entende lesigne +
devant le même
nombre abstrait, lorsqu’il répondra
aupremier
desdeux
cas
que nous venons de considérer. Ondira,
enconséquence ,
queprendre
unequantité +3 fois,
c’est larépéter
3fois ,
en lui conservantson mode
d’existence
ou sonsigne ;
et que ,prendre
unequantité
-3
fois ,
c’est larépéter
3fois,
enchangeant
son mode d’existenceou son
signe :
il y auradonc,
dans ce sens, des nombres abstraitsnégatifs
aussi bien que des nombresabstraitspositifs;
et l’on pourraétablir,
enprincipe ,
que le nombreabstrait qui exprime
lerapport
entre deux
quantités
de même nature, estpositif
ounégatif,
suivantque ces deux
quantités
ont le même mode cl’exlstence ou un mode d’existenceopposé, c’est-à-dire,
en d’autres termes , suivant queces deux
quantités
ont le mêmesigne
ou dessignes
contraires. Ainsise trouveront
expliquées ,
par une convention toutesimple
et toutenaturelle,
lesrègles
dessignes
pour lamultiplication
et pour la division.Quant
à la seconde sorte de nombreabstrait ;
concevonsqu’afrès
avoir écrit une série dont on connaît la
loi ,
on ait numéroté sestermes , de
gauche
àdroite ,
I, 2,3,"...
Rienn’empêchera, à
l’aide de la loi connue de cette
série,
de laprolonger
vers lagauche,
tout aussi bien que vers la
droite ;
et ,d’après
les idéesdéveloppées
ci-dessus ,
on sera tout naturellement conduit à numéroter successivement les termes nouveaux , Introduits sur lagauche,
o , 2013I , 20132 ,20133 ,
...;auquel
cas il deviendra nécessaire d’écrireon
de sous-entendre lesigne
+ devant les indices des termesdéjà
numérotés I , 2 , 3 ...On aura donc encore ici des nombres abstraits
positifs
et des nombresabstraits
négatifs ;
et les différenssignes dont
ils se trouverontaffectés ,
annonceront
qu’ils indiquent
les rangs de termes situés depart
etd’autre de celui
qu’on
sera arbitrairement convenu de numéroter zéro.On voit par là que ces
nombres
abstraits doivent êtresoigneusement
dis-tingués
de ceux de lapremière
sorte. Ceux-ci sontpositifs
ounégatifs
intrinsèquement ,
ou du moins en vertu d’uneconvention générale
NÉGATIVES. I5
qui ,
unefois établie ,
ne sauraitplus
êtrechangée;
tandis que lesautres ne sont tels que par la situation du
zéro, qu’on peut déplacer
à
chaque question
nouvelle que l’ontraite ,
et par la convention libre que l’on a ’faite sur le senspositif
et sur le sensnégatif
du numé-rotage. En un mot , les nombres abstraits de cette dernière sorte rentrent absolument dans ce que
j’ai déjà
fait remarquer desnombres
concrets ,
considérés commepositifs
et commenégatifs.
Ce que
je
dis icin’est ,
ausurplus ,
que ce que lesgéomètres pratiquent
tous lesjours.
En est-il unseul ,
eneffet , qui ignore
ce
qu’il
doit trouver,lorsque ,
dans le termegénéral
d’unesérie,
il
substitue ,
pourl’indice,
un nombrenégatif ?
En est-il un seulqui
hésite sur le rang que doit occuper un terme dont il trouve l’indicenégatif ? Que
devient donc alors la maxime : tout nombre abstrait est essentiellementpositif ?
Faut-il donc que la maxime contraire demeure une sorte demystère ,
entre les seuls initiés ? Etn’ai-je
pas eu raison dedire,
tout àl’heure ,
que les théories modernes avaient entraîné lesgéomètres ,
involontairement sansdoute ,
dans Nle
système
de la double doctrine.(*)
Les
principes
queje
viensd’exposer sont , â quelques modifica
tions et à
quelques développemens près ,
ceuxqui
ont étégénéra-
lement
professés jusqu’à
ces dernierstemps.
Uneexpérience
assez.longue m’a prouvé
que non seulement ils étaienttoujours
nette-ment saisis par les commençan.s , mais
qu’en
outre Ilsimprimaient
a toutes leurs recherches une marche
ferme , exempte
de touteméprise
et de toutehésitation ; avantages
que ne me semblent pasréunir,
au mêmedegré ,
toutes les diverses autres théories.Il me resterait
présentement
àrépondre
auxobjections,
tant et si(*) L’inconvénient n’est
point
encoretrès-grave à présent,
parce que les deux docrines sontgénéralement
connues, et que l’une d’elles n’est que de purapparât;’
mais, si celle-ci venait enfin à être seule
enseignée,
nouspourrions
fort bien enrevenir , dans
quelque
temps , aux racines vraies et auxracines fausses
des contem-porains
de Descartes.I6
QUANTITE?
souvent
rebattaes , qui
ont étéopposées a
ces mêmesprincipes; mais
dans la nécessité
d’abréger , je
m’arrêterai seulement aupetit
nom-bre de celles d’entre elles
qui
m’ont paru lesplus spécieuses.
I.° On demande
pourquoi
leproduit
de deuxquantités
designes
contraires a le
privilège
d’êtrenégatif plutôt
quepositif ,
et s’il nedevrait pas être l’un et
l’autre ; puisqu’en changeant d’hypothèse
sur les
quantités multipliées ,
+ - devient- + ,
et devraitalors
donner
unproduit
designe
contraire ? Ondemande ,
en sefondant sur les mêmes
motifs, pourquoi ,
si+ +=+,
on n’apas, en
changeant d’hypothèse
- -==-?La
réponse
à toutes les difficultés de ce genre estsimple
etfacileâ
Dans toute
multiplication ,
l’un des facteurs est essentiellement unnombre abstrait de la
première
sorte, et leproduit
est de la naturede l’autre facteur. Si donc on
change d’hypothèse
sur lesquantités négatives ,
cela entraînerauniquernent
lechangement
dessignes
dumultiplicande
et duproduit ;
or , c’est là une condition àlaquelle
satisfont en effet les
règles connues. (*)
Cette difficulté est, au
surplus p
du genre de celle que sepropose
Lacaille,
dans lespremières
éditions de sesélémens , lorsqu’il
sedernande
pourquoi
12deniers , multipliés
par 12.deniers ,
ne donnentpas la même chose que i sou
multiplié
par i sou ? Et laréponse
à cette dernière est tout à fait
analogue
à celle queje
viens de faireà la
première.
On peut bienchanger d’hypothèse ,
relativement à lagrandeur
de l’unitéde
mesure dumultiplicande,
et cela entraîneranécessairement un
pareil changement
dans l’unité de mesure duproduit ;
mais le nombre des unités du
multiplicateur
étant un nombreabstrait,
est
indépendant
de toutehypothèse,
et ne sauraitconséquemment
être modifié dans. aucun cas.
2. On demande aussi
pourquoi,
si lesquantités
ne sontpositives
(4) On
pourrait m’objecter
que lemultiplicande,
comme lemultiplicateur,
peutsouvent aussi être abstrait et cela est vrai ; mais ces deux nombres abstraits n’en seront pas moins de nature différente. Le
multiplicande,
comme leproduit ,
estun nombre de choses;
le multiplicateur
seul est un nombrede fois,
et
NËGATIVES. I7
et
négatives
que parconvention , -a2
estimaginaire,
tandis que+a2
est réelle ? Cette difficulté rentre dans laprécédente. -a2
est
imaginaire,
parce que -a2, ne pouvantprovenir
que de la multi-plication
de +a par -a, ou de -a par+a ,
n’estpoint
unquarré.
Au
contraire +a3
estréelle
e parce que , soitqu’on,
suppose+a2=+a +a
ou+a2=-a -a,
cettequaanté
est,toujours
un
quarré.
Tout le monde
admet
commevraie ,
laproportion +i :
-I::-I:+I;
ordit-on,
si lesquantités négatives
sontmoindres
que lesquantites positives,
il s’ensuivra cetteconséquence- absurde
que, dan-sune telle
proportion,
tandis que lepremier conséquent
serasurpassé
par son
antécedent,
le secondconséquent,
aucontraire
surpasserason antécédent.
Je
répondrai a
cette difficulté enobservant qu’en pripejpe
on nedoit
jamais
chercherdans
unobjet
que despropriétés qui
résultentinévitablement de son essence, c’est-à
-,dire,
de sa définition.Or , l’essence
d’uneproportion géométrique
estuniquement
q,ue le quo-tient
des deuxpremiers
termes soitégal
auquotient
despeux derniers ;
et c’est parce
qu’ils
satisfont à cette conditionprimordiale
que lesquatre
termes que l’on vient de citer sont reconnus pour être ceux d’une telleproportion.
Il arrive bienquelquefois ,
eneffet, que,
le second terme étant moindre que le
premier ;
lequatrième
est aussimoindre que le
troisième;
mais cettepropriété,
essentielle aux pro-portions arithmétiques,
n’estqu’accidentelle
àl’égard
des ane
s’y
fait remarquer quelorsque tous
leurs termesont le
mêmesigne.
Nous venons de rencontrer une
proportion géométrique
danslaquelle
le
premier
termesurpassant
le second de deuxunités, Je
troisièmeterme est au contraire
surpassé
de deux u’nités par lequatrième. Voici,
a
l’inverse,
uneproportion arithmétique
danslaquelle
lepremier
termecontenant deux fois le
second
le troisième est au contraire contenu deux fois dans lequatrième :
c’est laproportion
2.I: -I ..--.2 ; etcette
proportion
est exacte , parcequ’elle
satisfait à la condition dedéfinition ,
et que toute autrepropriété ,
si elle n’est pasessentielle-
Fozn. IV, 3
I8
QUANTITÉS
ment
renfermée
danscelle-là ,
ne saurait lui êtrequ’accidentelle.
4.°
On citeenfin ,
dans lesproblèmes
degéométrie ,
des valeurs’d’inconnues
qui,
bienqu’affectées
designes contraires , doivent
néanmoins être
portées
du même côté.C’est, dit-on ,
cequi arrive,
en
particulier
dans leproblème
où il estquestion
de mener a uncercle, par
irnpoint extérieur,
une sécante telle que la corde inter-ceptée
soit d’unelongeur
donnée.Mais,
on anégligé d’observer qu’en
résolvant leproblème
parrapport
au cercledonné ,
on lerésout
aussi pour un autrecercle, symétriquement
situé avec luipar
rapport
àupoint donné,
et que c’est à oe dernierqu’appartient
la
solutionnégative.
Je ’crois
devoir,
à cetteoccasion , relevet
une fausseinterprétation
que
l’on rencontre dansl’algèbre
de Bezotit. L’auteur suppose queI75
.francs,
devant êtredistribués ,
parégales portions y
entre un certainnombre de personnes, l’absence de deux d’entre elles
augmente
de 10francs la
part
de chacune des autres. Enpirenant
pour inconnue lenombre
des personnesqui devaient
d’abôr-d entrer enpart
iltrouv-e
pourF une
des solutions duproblème ,
et il dit quecette
solution répond
au casoù ,
aucontraire,
deux nouveaux ’sur-venans auraient diminué de I0 francs la
part
de chacun.Mais cette
interprétation
ne meparait point
exacte. Ce ne sont-point ,
eneffet , ni les I0 francs
ni lenombre
despersonnes
absentesqui
sont devenusnégatifs ,
etjamàis
les données ne sauraientéprouver
une semblable
métamorphose;
c’estuniquement le
nombre total despersonnes qui
à subi cechangement.
Puisdonc que, dans
lepremier - cas, il était question de personnes
recevant, ildevra
êtrequestion ici de personnes donnant ; c’est-à-dire,
que lenombre -5, pris
en+, répondra ’à. la question où ,
despersonnes
devant se- cotiserpour
fairb’1un fonds de
175 francs , l’absence de
deuxd’entre
ellesaurait
-
augmenté
de I0 francs laportion
à fournirpar chacune
d’elles.’Il estl
possible)
ausurplus , que:
cetteinexactitute ,
ainsi queplusieurs
autres , aitdéjà
étérelevée , =par quelqu’un
des nombreuxéditeurs
et commentateurs du Cours deBezout ; ouvrage
excellentNÉGATIVES.
I9sans
doute,
pourl’époque
où il a paru , maisqu’il
seraitpeut-être
temps
enfin de laisser reposer enpaix ,
à côté de la Caille et detous ceux du même
temps.
Avant de
terminer, je
dois direquelque
chose des difficultés queprésente fréquemment
aux commencansl’ambiguïté
dessignes
desradicaux
pairs. Quelques
auteurs , au lieu da mettre ces difficultés bien enévidence,
etd’enseigner
à les surmonter y semblent au contraire avoirapporté
tous leurs soins à leséluder ; c’est-à-dire, qu’ils
se sontappliqués
àdisposer
leurs calculs de telle sortequ’en extrayant
les racines sans aucunégard
au doublesigne ,
ontombe précisément
sur le résultat
qui
convient auproblème.
Mais on ne doit
jamais perdre
de vue que toute racinepaire porte
Inévitablement le doublesigne ±,
sansqu’on puisse dire ,
dansaucun cas , ni sous aucun
rapport ,
que l’un de cessignes
lui soitplus
naturel que l’autre. A lavérité,
il arrivefréquemment
que ,par la nature’ individuelle de la
question
dont ons’occupe ,
l’un deces
signes
doit êtrerejeté ; mais c’est
tout aussi souvent lesigne -(-
que le
signe
- ; et c’estprécisément
de là que naît l’embarras. Le moyen leplus simple
et leplus
uniforme de ledissiper
meparait
être de traiter le double
signe ±
comme l’on traite les constantesarbitraires ,
dans le calculintégral ; c’est-à-dire,
d’en leverl’ambi-
guïté
parquelques suppositions particulières qui
ne fassent pas évanouir les termesradicaux ,
et pourlesquelles
on saçhebien, à l’avance, quel
résultat on doit obtenir.J’ai
essayé,
dans cettedissertation ,
de ramener la théoriedes
quantités négatives
à des notionsqui
me semblentplus claires , et
sur-tout
incomparablement plus
commodes pour lecalculateur,
que cellesqu’on
leur a substituéesdepuis quelques années,
etj’ai montré,
par divers
exemples ,
que les difficultésopposées
à ces mêmes notionsne sont pas aussi sérieuses
qu’on pourrait l’imaginer.
Sij’ai
puparaître
avoir
quelquefois
en vue l’introduction de la Géométrie deposition,
c’est