FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNEE -1894-1895 N° 22.
ROUYEL APPAREIL PLATRE
A FRACTURE DU FÉMUR
THÈSE
POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
Présentéeet soutenue publiquement le30 novembre 1894
PAR
Clément-Joseph-Jacques MIQUEL
ÉLÈVE"DU SERVICE DE SANTE DE LA MARINE
LAURÉAT DES HOPITAUX (MÉDAILLE D'ARGENT) Né à Céret, le 6juin 1870 (Pyrénées-Orientales)
MM.DEMONS professeur, Président
_ . . , . ) COYNE professeur, )
Examinateurs de la These..( P0USS0N agrégé jU£es
V1LLAR agrégé i
Le Candidat répondra à touteslesquestions qui lui seront faites sur les diverses
parties de l'enseignement médical
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI, P. CASSIGNOL
91, EUE POBTE-DIJEAUX, 91
1894
FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS M. MICÉ
AZAM Professeurs honoraires
Clinique interne.
Messieurs
PICOT.
PITRES.
. . i DEMONS.
Cliniqueexterne
j LANELONGUE.
Pathologie interne DUPUY.
Pathologie et thérapeutiquegénérales YERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecineopératoire MASSE.
Clinique d'accouchements MOUSSOUS.
Anatomie pathologique COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomiegénéraleet Histologie VIAULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
Médecine légale MORACHE.
Physique BERGONIE.
Chimie BLAREZ.
Histoire naturelle GUILLAUD.
Pharmacie FIGUIER.
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Clinique ophtalmologique BADAL.
Clinique des maladies chirurgicales des enfants PIÉCHAUD.
AGRÉGÉS EN EXERCICE
MOUSSOUS.
DUBREUILH.
Pathologie interne et Médecine légale ( MESNARD.
CASSAET.
AUCHE.
SECTIO '■ï DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS i
POUSSON.
Pathologie externe
j
DENUCE.( YILLAR.
Accouchements. ) RIVIERE.
) CHAMBRELENT.
SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
PRINCETEAU.
Histoire naturelle N.N.
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physique SIGALAS.
Chimieet Toxicologie DENIGES.
Pharmacie
BARTHE.
COURS COMPLÉMENTAIRES
SECTION DE MEDECINE
Anatomie et Physiologie.
Clinique int. des enf. MM. MOUSSOUS Ciiniq.dcsMaladiessyphilitiqueset cutanées B U B RE UIL11 Cl. des mal. des fern. BOURSIER Cliniq. desmaladies desvoies urin. POUSSON
Mal. dularynx, desoreillesetdunez MOURE
Maladies mentales. .
Pathologie externe., Accouchements.. . . Chimie.
Zoologie
MM.REGIS.
DENUCE RIVIÈRE DENIGÈS BEILLE LeSecrétaire cle la Faculté: LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans les thèses qui lui sont présentées, doivent être considérées comme propres û leurs
auteurs et qu'elle n'entendleur donnerniapprobation ni improbation.
A MA
GRAND'MÈRE
A MON
PÈRE ET A MA MÈRE
Témoignagede profondereconnaissance etd'affection.
A MONSIEUR
JOSEPH
DELMASANCIEN MAGISTRAT
A MONSIEUR LE DOCTEUR P. TALAYRACH
MÉDECIN EN CHEF DE LA MARINE
OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
1
A jnoîî Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR DEMONS
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER D'ACADÉMIE
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
ï
INTRODUCTION
Depuis
quelques
annéesl'appareil instrumental de chi¬
rurgie
générale s'est compliqué considérablement
pour répondre auxbesoins
nouveauxcréés
parl'avènement de
l'antisepsie.
Il
n'en est pasde
mômede l'arsenal destiné
autraitement des diverses fractures, de celles du fémur en par¬
ticulier.
Des nombreux appareils
imagines
parl'ancienne chirurgie
il ne reste guère que
l'appareil de Scultet dont l'usage est
encore des plus
restreints.
On a mis un frein « au dévergondage
de la mécanique
industrielle », dont
parle Malgaigne. Tous
cesinstruments,
d'un maniement long et
difficile,
ontdisparu
pourfaire
place à un
outillage plus simple et plus commode.
Les
appareils solidifiables, surtout les appareils plâtrés,
ont pris une
grande extension; ils font merveille, en effet,
toutes les fois qu'il est
utile d'immobiliser
unmembre.
— 8 —
L'appareil du professeur Démons, destiné aux fractures
de cuisse, est de ceux-là.
Encore pour qu'il puisse donner les résultats qu'on est
en droit d'attendre de lui, est-il de toute nécessité qu'il soit
bien appliqué, suivant une méthode que nous exposerons, celle de l'auteur lui-même.
Nous donnerons au préalable une étude des éléments à combattre dans les fractures du fémur et des
principaux
moyens de traitement actuellement employés.
Une planche représentant
l'appareil
due au talent de notre excellent camarade Gauthier et deuxphotographies
d'unmalade guéri aideront à
l'intelligence
de notredescription
et feront ressortir toutl'avantage
que l'on peut en tirer.Un chapitre sera consacré aux observations qui nous ont
inspiré
le sujet de notre thèse.Enfin, nous résumerons brièvement dans nos conclusions
l'exposé
de ce travail.Tel sera le plan que nous suivrons dans cette étude abso¬
lument pratique.
Nous l'aurions voulue plus
digne
du maître à qui en revient tout le mérite. Que M. le professeur Démons par¬donne à notre
incompétence.
Nous le prions aussi de vouloir bien agréer
l'expression
de notre vive gratitude pour l'intérêt et la sympathie qu'il
n'a cessé de nous prodiguer depuis que nousavons eu l'hon¬
neur d'exercer les fonctions d'interne intérimaire dans son
service.
— 9 -
Dans ce même service nous avons été, pendant quelques
mois, sous les ordres de MM. les professeurs agrégés Villar,
Pousson et Denucé; nous n'oublierons jamais leur affabilité.
Le professeur Vergely, dont nous avons suivi les leçons
comme externe, a toujours été pour nous un maître bien¬
veillant. Nous lui offrons également
l'expression
de notre reconnaissance.Avant d'entrer en matière nous tenons à remercier bien sincèrement M. ledocteur Binaud, chef de clinique chirur¬
gicale,
qui
nous aaidé de
sesconseils
enmaintes circons¬
tances et en
particulier
dansl'élaboration de
cetravail.
M.
NOUVEL APPAREIL PLATRE
A FRATURE DU FÉMUR
CHAPITRE PREMIER
§ I. — Éléments à combattre dans le traitementdes fractures
du fémur.
Avant de passer à la partie
essentielle de
notretravail, il
est de toute nécessité dejeter un coup d'œil
rapide
sur lesdifficultés que doit vaincre tout moyen
de contention des
fractures du fémur. De lànous pourronstireren conséquence
les qualités d'un bon
appareil. Nous
nous sommesinspirés,
dans ce chapitre, des auteursles plus connus.
Les fractures des fémurs sont classiquement divisée en : 1° fractures de la diaphyse; 2° fractures du col
(intra
et extra capsulaires); 3°fracturesde l'extrémité inférieure.
1oFractures de la diaphyse.—Dans les fractures diaphysai-
res du tiers supérieur et
sous-trochantériennes, le trait
est— 12 —
peu souvent transversal; cette sorte de trait se rencontre
plus souvent au tiers moyen, surtout dans la première
enfance. Mais il est bien rare qu'il présente la direction
transversale à laquelle on a donné le nom de fratcure en rave. Il est en général oblique ou même en bec de flûte.
Les fractures longitudinales et les fractures hélicoïdales constituent une exception au môme titre que les doubles fractures épiphsaires.
Lorsque la fracture est presque transversale ou dentelée,
il n'y a pas de déplacement très marqué, mais celui-ci se
prononce avec l'obliquité du trait. Comme l'obliquité est habituelle, le chevauchement est presque constant.
Le déplacement quoique susceptible de varier lorsque la fracture siège sur le corps de l'os est cependant le même dans laplupart des cas. « L'extrémité du fragment supérieur
passe le plus souvent en avant du fragment inférieur, d'où résulteun premier déplacementsuivant l'épaisseur; àcelui-ci vient s'ajouter presque toujours un déplacement angulaire
dont le sommet
regarde en dehors et en avant ; enfin, un
dernier déplacement consiste dans la rotation en dehors du
fragment inférieur, déterminé par le renversement du pied
dans le même sens ».
(Follin). « Il y a de plus, ajoute
M. Ricard, déviation angulaire saillante en avant et en
dehors et rotation du fragment inférieur. Il y a donc, en
somme, un quadruple déplacement suivant l'épaisseur, la
direction, la longueur, la circonférence ». (Duplay etReclus1
tome II).
Il en résulte un raccourcissementtrès marqué qui est bien plutôtproduit par la déviation angulaire des fragments, que par le chevauchement; celui-ci doit être mis en cause mais pour une part souvent très faible.
- 13 -
Quant au déplacement, il est surtout produit parles adduc¬
teursqui forment la corde de l'arc décrit par le fémur. Cet
arc étant brisé, les muscles tendent à en rapprocher les
extrémités. La rotation, en dehors du fragment, est consé¬
cutive à celle du pied dans le môme sens et soumise à cette tendance du membre inférieur à reposer sur son bord
externe lorsqu'il est abandonné à lui-même.
La saillie, en avant du fragment supérieur, peut être très accusée, il peut embrocher le tricepset perforer la peau.
Quant aux fractures sans déplacement nous n'en parlerons
pas ici, n'importe quel appareil bien appliqué suffisant à les
maintenir.
Voyons ce qui se passe dans les fractures du col et de
l'extrémité inférieure du fémur :
2° Fractures du col. —Dans les fractures intra-capsulaires,
l'existence ou l'absence du raccourcissement dépend de
l'existence et du degré de pénétration des fragments et de
leur déplacement dans le sens de la diaphyse du fémur. Il peut ne se prononcer qu'après plusieurs jours, lorsque l'ac¬
tion musculaire ou la pression sur le membre ontdéterminé
la séparation et le déplacement des fragments; le raccour¬
cissement peut donc être nul au début et exister d'emblée.
Au début, dans la grande majorité des cas, il ne dépasse
pas deux centimètres et n'est
jamais beaucoup plus
pro¬noncé. D'après les explications de Brun, le raccourcisse¬
ment est essentiellement lié à la rotation du membre en dehors. Il est d'autant plus prononcé que la rotation en dehors est pluscomplète; il diminue quand on fait cesser
cette rotation et ne disparaît par l'extension du membre que si la pointe du pied est ramenée enavant. L'étendue
du
rac¬courcissement est encore déterminée par la déchirure des
- 14 —
tissus fibreux; il faut, sur le vivant, ajouterà cette influence
la tonicité musculaire.
Pour les fractures extra-capsulaires, le raccourcissement peut osciller entre quelques millimètres et dix centimètres,
il résulte égalementde la rotation en dehors. Cette rotation peut-être extrêmement prononcéeau pointque le talontouche
la malléole externe du côté opposé, et que la face externe du pied repose entièrement sur le plan du lit.
Dans quelques cas exceptionnels, la rotation se fait en
dedans;
3° Fractures de l'extrémitéinférieure. — Dans les fractures
sus-condyliennes le fragment supérieurse porte endedans et
enavant, en se rapprochant plus ou mois du côté interne du genou; le fragment inférieur reste, en général, parallèle au
supérieur. La pointe du fragment supérieur peut pénétrer à
travers les muscles et arriver jusque sous la peau et ne peut
être que difficilement réduite; elle perfore les téguments ou le cul-de-sac supérieur de la synoviale.
Dans la fracture sus-condylienne et intra-condylienne, le fragment supérieur pénètre dans la masse des condyles et les
fait éclater. En général, il passe au-devant d'eux; quelque¬
fois, il reste entre eux deux, les écartant l'un de l'autre.
Cette fracture se complique accessoirementde l'ouverture dela synoviale, d'un abondant épanchement sanguin intra-
articulaire et d'une arthrite consécutive. Le raccourcissement
est faible et difficile à mesurer dans les fractures sus-condy¬
liennes; il estplusmarqué dans lafracture intra-condylienne.
En résumé, les principaux déplacements à combattre lors de l'application d'un appareil sont :
1° La rotation en dehors commune à toutes les variétés ;
2° Le raccourcissement par chevauchement oupénétration ; 3° Dans les fractures du tiers moyen et du tiers supérieur,
— 15 —
la tendance de l'extrémité inférieure du fragment supérieur
à faire saillie en avant et en dehors, due à l'obliquité et à la
contraction musculaire;
4° Dans les fractures du tiers inférieur et sus-condylienne,
le renversementpeu fréquent du fragment inférieur en arrière
vers le creux poplité.
Jusqu'àprésent nous n'avons parlé que d'un seul facteur
de la déformation : le déplacement des fragments variables
avecchaquefracture. Il en estdeux autres communs à toutes, qu'il ne faut pasnégliger ; le gonflement
des parties molles
et l'épanchement parfois siconsidérable dans les fractures de
l'extrémité inférieure.
De plus, dans la thérapeutique des fractures
du fémur
comme de toutes les autres, on doit tenir compte des dangers
d'inflammation, d'ankylose, de dénutrition du membre,
enfin
de la plaie s'il y en a.
§ IL — Qualités d'un bon appareil
Detous ces besoins, nous pouvons conclure facilement aux qualités d'un bon
appareil.
Quelque soit le principe qui
présideàsa formation, il devra
avant tout, maintenir lacoaptationjusqu'à soudure
complète.
Mais la maintenir en conservant au membre sa direction primitive. Ce sont là
les seuls
moyensd'obtenir la guérison
sans raccourcissement.
Pour répondre à ce but, il
doit annhiler les effets de la
tonicité musculaire et empêcher les mouvements
du membre
en immobilisant les articulations voisines. Tout cela, sans gêner la
circulation,
provoquerl'ankylose et arrêter l'action
de l'air et de lalumière.
Si la fracture est comminutive, il permettra le pansement
de la plaie.
CHAPITRE
II
Dans quelle mesure les principaux moyens
de contention
employés aujourd'huirépondent à ces
conditions
Les deux principaux moyens
employés jusqu'à présent
sont: l'extension continue et l'immobilisation
dans des
appareils
solidifiables. Etudions le premier d'après M. Mar-
thiens, qui a très bien résumé
cette question.
L'extension continue doit être toiérable,
inoffensive,
ne provoquer detroubles ni de la circulation, ni ne 1 innerva¬
tion; maisla traction étant
proportionnelle à la pression, il
enrésulte nécessairement que ladouleur à
la pression est
enraison directe de la force déployée et en
raison inverse de
l'étendue de la surface comprimée. Toutes
choses étant
égales, il est dudevoir de l'opérateur de réduire la traction à
laforce strictement nécessaire pour
vaincre les résistances
qu'il n'est pas enson
pouvoir de diminuer ou de supprimer.
Elle doit répartir la
pression
surdes régions abondam¬
ment garnies de
parties molles à travers lesquelles la trac¬
tion se transmettra au squelette du segment
mobile, consi¬
dération indispensable pour
rendre pondérable le travail
utile.
m. 3
— 18 —
Protéger suffisamment ces parties pour éviter les inconvé¬
nients d'une pression longuementcontinuée.
De nombreux appareils ont été construits pour arriver à
ce but, mais le nombre môme de ces appareils indique les difficultés que l'on a rencontrées. Les corps pesants de diverses natures seraient évidemment le meilleur moyen. Si
leur emploi était plus facile, si leur installation était moins
compliquée, s'ils pouvaient permettre le transport des mala¬
des d'un lit à un autre, ou tout au moins de les remuer
facilement.
L'appareil à extension continue, à bandelettes agglutina- tives, disposées le long du membre inférieur, qui donne de
bonsrésultats est en butte à ces critiques. Il ne saurait con¬
venir quand il y a un grand raccourcissement.
Une partie de la traction est annulée par le frottement sur
le plan du lit et il faut quelquefois une force de poids consi¬
dérable pour assurer lacorrection du déplacement etvaincre la contraction musculaire. Hamilton conseille
d'employer
neufà dix kilos: la traction exercée
par un pareil poids ne
laisse pas que d'être très douloureuse et n'est que difficile¬
ment tolérée.
Une autre partie de la force est perdue par le glissement
des bandelettes sur la peau; ces bandelettes, en effet, ne
prennent pas de point d'appui sur des saillies osseuses ni
musculaires; leur seule force de traction est représentée par leur adhérence avec la peau qui peut glisser elle-même et se
déplacersurles tissus sous-jacents.
D'autres causes nombreuses, forcément inévitables rendent stérile, au moins en partie, une traction qu'il est dès lors
impossible de mesurerexactement. Les corpspesants peuvent
se déplacer, reposer sur le sommier, le parquet
; le cordon qui passe sur la poulie de renvoi peut être trop grosse ou
trop petite et alors clans la première hypothèse
les frotte¬
ments diminuent la traction ; dans la deuxième, elle est trop faible, se laisse distendre et le résultat final est encore le
même.
Les poulies jouent ordinairement d'une façon tout à
fait
insuffisante, nouvelle cause de déperdition des forces ; ajou¬
tons aussi le frottement de la corde contre les matelas, le lit
ou tout autre objet, l'importance de la direction
dans laquelle
doit non seulement se faire, mais aussi se maintenir la trac¬
tion constante pour éviter un cal vicieux.
Le dernier modèle de l'appareil Hennequin qui est
le plus
parfait de tous, ceux construitsdans
cegenre-là n'échappe
pas à ces critiques. Il en est de môme
du premier modèle de
cet appareil modifié par le docteur
Cabadé, de Valence
cl'Agen. Cet habile praticien, frappé
des inconvénients
occa¬sionnés par la traction permanente
maintenue constamment
sur un point donné, a eu l'heureuse
idée de pratiquer l'exten¬
sion*à la fois sur les condyles fémoraux, lapartie
supérieure
delàjambe et le
coude-pied
;la contre-extension
surl'ischion
du côté malade,, du côté sain etsur les aisselles.
Grâce à un ingénieux dispositifon peut, sans
déranger les
fragments, supprimer l'extension et
la contre-extension,
exercées sur les deux derniers points au moyen de
poids
oude sangles et ne la conserver que sur
le premier où elle
s'exerce par la gouttière
seulement.
C'est un avantage appréciable qui permet
de soulever les
malades et de leschanger de position.
Cet appareil, cependant, et
les précédents, exigent
unesurveillance attentive et continue qui restreint
considérable¬
ment leur emploi, sinon dans les
hôpitaux, du moins dans la
c ientèle privée et plus
particulièrement
àla
campagne.— 20 —
L'immobilisation dans des appareils solidifîablesa eu aussi
ses adeptes et a donné également de bons résultats.
En effet, « l'idée qui a présidé à l'application des appareils inamovibles, dit Spillmann, est très séduisante ; elle consiste
en effet à saisir, dans un véritable moule, le membre frac¬
turé au moment où il vient d'êtreramené à laforme normale;
le membre serait ainsi enveloppé d'une véritable carrapace
moulée sur toutes les saillies et toutes ses anfractuosités, en
sorte que tout déplacement suivant l'épaisseur, la circonfé¬
rence et même la longueur serait rendu absolument impos¬
sible ».
Cette idée n'est pas neuve; les chirurgiensarabes employè¬
rent les premiers les appareils solidifîables : Albugeriq employait le mumie, Abucasis et d'autres, le blanc d'œuf.
Depuis lors, toutes les matières solidifîables, la chaux, le
plâtre, l'albumine, la gomme, la colle forte, la paraffine, le silicate de potasse, ont tour à tour été utilisées.
Mais le plâtre a toujours joui d'une faveur spéciale. 'Son emploi remonte à une époque fort éloignée et doit être éga¬
lement attribuée aux orientaux, ce La première mention faite
en Europe, se trouve dans une lettre adressée en 1795 par Eaton, consul anglais à Bassarah, à Guthrie, de Saint-
Pétersbourg. Mais ce fut seulement en '1814 que Hendrisch l'employa le premier en Europe à Groningue.
Froriep, Hubenthal (1819), Keyl (1828), puis Diffenbach
suivirent bientôt son exemple » (Chavasse).
A partir de ce moment, le plâtre s'est généralisé dans la
pratique chirurgicale, grâce surtout aux perfectionnements
et aux simplifications apportées dans ses applications par
Hergott et Maisonneuve. Il justifie la faveur méritée dont il
jouit par la facilité de ses manipulations et surtout par la rapidité de sa solidification; il permet mieux que toute autre
— 21 —
substance inamovible de remplir exactement les
indications
du principe général dela contention des
fractures dont parle
Spillmann : « Saisir etmaintenir
dans
unmoule inaltérable
le membre fracturé au moment où il vient d'être rétabli dans
sa forme normale. » Il est nécessaire, toutefois, de faire
une exception pour les fractures du
fémur
oùles résultats
n'ont pastoujours confirmé ce
principe.
Jusqu'ici, pour ces fractures, on a
utilisé les appareils
plâtrés circulaires, les
appareils
àattelles et les gouttières
plâtrées.
D'après le docteur Dubosc, pour
les premiers, il est admis
que l'appareil
inamovible circulaire doit être banni de la
pratique usuelle. Toujours trop ou trop peu
serré, il
com¬prime ou ne maintient pas
suffisamment, et
on nesaurait
l'appliquer que dans les
derniers jours du traitement d'une
fracture.
De plus, ces
appareils circulaires ont l'inconvénient de
cacher le membre, d'empêcher le
chirurgien de surveiller
la fracture ou toute autre lésion et de constater
ainsi, si la
réduction se maintient ou non, si une plaie suppure on non.
Enfin leur application est
excessivement longue.
La gouttière plâtrée ouverte en
avant est préférable. Elle
n'est pas suffisante â
maintenir la coaptation parfaite, elle
permet bien la
surveillance constante du membre en avant,
mais pas dans toute son
étendue. Maisonneuve avait proposé
de maintenir les membres fracturés au moyen
d'attelles
plâtrées. Cette
méthode serait excellente s il n était pas
indispensable
d'employer
pourmaintenir solidaires ces
attelles, des anneaux plâtrés
qui donnent â
cesappareils
tous les inconvénients nombreux et
sérieux des bandages
circulaires.
En dehors de ces divers défauts
particuliers,
âchacun
— 22 —
on adresse aux appareils plâtrés d'autresreprochescommuns àtous.
Le premier est celui d'exiger l'immobilisation prolongée
des membres dans la rectitude, position favorable au déve¬
loppement de l'ankylose. M. Paul Reclus en faitjustice dans
lestermessuivants : «Lesattitudes vicieuses provoquent-elles l'ankylose? On a admis que les ligaments relâchés dans certaines positionsde la fracture,se rétractent si cetteposition
restefixe; le fait est possible, mais dans ce cas encore, il est bien difficile de ne pas invoquer l'inflammation. Attitude
vicieuse, immobilisation, inflammation sont trois facteurs bienl'influencedifficilesprépondérante.à séparer, mais dont le dernier a debeaucoup
Le second reproche est plus sérieux : les appareils plâtrés
ne peuvent être appliqués, à cause des risques de gangrène, immédiatement après le traumatisme lorsque la fracture s'accompagne d'un gonflement considérable, ce qui est
surtout le cas pour les fractures directes produites par une
grande violence.
En troisième lieu dans les fractures compliquées de plaies
ils permettent difficilement l'emploi cle pansements antisep¬
tiques.
Au sujet de ces mômes fractures, Hamilton signale un autre danger : <c Dans le cas d'une hémorrhagie secondaire del'artère fémoraleil serait impossible de comprimer l'artère
sur le pubis, le triangle de Scarpa ou sur tout autre point
convenable et le malade pourrait mourir avant qu'on lui portât secours.
Dans les fractures du fémur avec plaie et par coup de feu,
les hémorrhagies secondaires ne sont pas très rares : cet accident a été aussi observé quand le fémur est fracturé très
obliquement et qu'un fragment a traversé les chairsen con¬
tusionnant l'artère fémorale ou en passant assez près d'elle
pour amenerl'escharification des parois. »
D'autre part, les appareils plâtrés indépendants du lit ont
surl'extension continue l'avantage appréciable de faciliter le déplacement des blessés. Cette condition est éminemment
favorable à la terminaison heureuse d'une fracture du fémur, plus particulièrement chez les vieillards.
Par cette étudecritique que nous venons de faire des appa¬
reils plâtrés ouà extension continue, nous n'avons pas voulu
convaincre le médecin de leur infériorité. Loin de là, tous
ces moyens, l'extension continue plus spécialement, ont fait
leurs preuves et ont donné les résultats les plus satisfaisants.
Notre but a été de montrer, tout simplement, qu'ils n'attei¬
gnent pas la perfection, et qu'en proposant celui que nous allons décrire, nous ne croyons pas faire œuvre inutile.
CHAPITRE III
Appareil du
professeur Démons
§ I. — Description et mode d'application
Pour construire l'appareililfaut avoir sous
la main
:1° Deux attelles en bois, larges c!e six centimètres, assez
minces, mais suffisammentrésistantes ; l'une beaucoup
plus
longue que l'autre;
2° Une pièce de tarlatane de
six
mètresde long
sur soixante-dix centimètres de large environ.3° Deux kilos de plâtre à mouler,blanc,
fin,
non éventé.Le malade est placé sur un lit
résistant,
unetable
par exemple, le membre atteint etle
tronccomplètement à
nu.Le lit sera recouvert d'une alèze ou d'une toile cirée pour le garantir des souillures. Le
membre
serarasé puis enduit
d'un corps gras afin
d'empêcher l'adhérence du plâtre.
On étend d'abord sur le parquet autour du lit une
alèze
épaisse, surlaquelle
oninstalle la caisse à plâtre,
unréci¬
pient plein
d'eau,
et unlarge
vase engrès
ou enterre
destiné au gâchage du plâtre.
M. 4
— 26 —
Un aide endort le malade, pendant ce temps on prépare
lespièces de l'appareil.
On choisit deux attelles : la grande ne doit pas dépasser
la partie inférieure du creux de l'aisselle en haut, en bas la
malléole externe. La petite part du inguino-crural et se termine en bas au même niveau que la première. Pour les garnir, on enronle chacune d'elles dans une pièce de tarla¬
tane pliée en double, dépassant en haut et en bas chaque
extrémité de quelques centimètres. Les bouts qui dépassent
sont repliés et fixés sur le plat. Les deux attelles sont prêtes
alors à recevoir le plâtre.
Daus une seconde pièce de tarlatane repliée en quinze épaissseurs, on taille un long bandage de corps. On obtient
de la même façon une bande de quinze centimètres de lar¬
geur pour maintenir l'appareil à la cuisse et deux bandes de dixcentimètres l'unepour entourer la jambe au dessous
de la rotule, l'autre pour le cou de pied.
On prend la précaution de rendresolidaires les divers plans qui forment chaque bande àl'aidede quelques fils placésà un
ou deux centimètres des bords.
L'appareil préparé, la résolution musculaire étant obtenue
parle chloroforme, on procèdeà la coaptation, tandis qu'un
aide pratique l'extension sur le pied malade et un autre sur
la racine de la cuisse.
Pour ne pas perdre de temps et fatiguer inutilement les aides, on s'occupe simultanément de gâcher le plâtre, et de plâtrer les pièces de l'appareil.
Nous n'insisterons pas sur ces détailsbien connus de tous les chirurgiens. Nous ferons remarquer simplement qu'on
n'enduit qu'une partie du bandage de corps, les deux extré¬
mités de l'appareil qui doivent se croiser sur l'abdomen.
La plus grande attelle est ensuite appliquée sur la face
externe du membre malade et sur le tronc dans les
limites
que nous avons
indiquées plus haut. Pendant qu'un aide la
maintienten bas, on fixeson extrémité supérieure au moyen
du bandage de corps.
Celui-ci
estglissé
sousle tronc, la
partie moyenne
correspondant à la région lombaire. Le chef
plâtré du côté
malade embrasse l'attelle, l'appuie contre le
tronc et vient s'appliquer sur
l'abdomen, l'autre chef
sesupperpose au
premier.
Alors seulement on applique la petite
attelle le long de la
face interne du membre. On les fixe solidement
l'une
etl'au¬
tre au membre placé entre elles au
dessus
et audessous du
genou, enfin au cou
de pied
parles bandes complètement
plâtrées qui ontété
aussi préparées.
Avantdeplacer la
dernière, il
nefaut
pasoublier d'inter¬
caler de la ouate entre les molléoles et les
attelles afin d'é¬
viterla compression. Pour
les sujets
peumusclés
011 asoin
môme, d'incorporer des rouleaux
d'ouate dans la tarlatane
qui entoure
la face des attelles destinée au membre.
Ilva sans dire que le
chloroformisateur et les aides char¬
gés de
l'extension
etde la contre-extension ne quittent pas
le maladeavant la dessication
complète de l'appareil.
Comme on levoit,le membreest
ainsi bien maintenu dans
un cadre constitué par des
attelles étroitement unies entre
elles en trois endroits différents et autronc
parle bandage de
corps. C'est ce que
représente la fig. 1 de la planche insérée
à lalin de l'ouvrage.
§ II. —Avantages.
Quels sont maintenant
les avantages de cet appareil. Dans
un chapitre
précédent
nous avonsénuméré les conditions
qu'exigent
le traitement idéal d'une fracture du fémur.
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Voyons dans quelle mesure nous arrivons à remplir ces desiderata.
Notre appareil, d'abord immobilise parfaitement le mem¬
bre, il partage du reste cette qualité avec un grand nobre d'excellents moyens de contention employés aujourd'hui.
Mais peu de chirurgiens ont songé à obtenir aussi, l'immobi¬
lité des articulations voisines. On comprend facilement les ennuis pour la coaptation régulière que peuvent entraîner la rotation sur son axe d'un des fragments. Cet inconvénient n'existe pas ici, la grande attelle et le bandage de corps ren¬
dentl'articulation de la hanche solidaire du membre malade.
Le chloroforme que nous avons vu donner dès le début de
l'application permetd'obtenir facilement la résolution mus¬
culaire complète et de combattre la contraction, cette grande
sourcede consolidations vicieuses des fractures du fémur. La bandeplâtrée, appliquéeau-dessusdugenou en contactimmé¬
diat avec la rotule, rend permanente cette action en inter¬
disant aux muscles de la cuisse tout retour offensif.
Qu'on nous permette de revenir ici sur quelques critiques
que nous avons adressées ailleurs à l'extension continue et
aux appareils plâtrés, dans l'énumération de certains avan¬
tages que nous croyons spéciaux à l'appareil du professeur
Démons. Il est absolument indolent, très facile â supporter pour le malade. Tout le monde sait que l'extension continue provoque souventquelques douleurs quand on l'applique au début dansla période de tâtonnements. La gouttière plâtrée, elle, cause parfois une gêne doloureuse â tel point qu'on est
obligé d'en écarter les bords, et alors elle ne maintient plus
rien. Ce que nous venons de dire ici s'applique également
aux appareils plâtrés circulaires.
En outre, ceux-ci, pas plus que la gouttière ne permettent d'exercer sur le membre malade une surveillance rigoureuse