Sein, peau et cancer
Cas cliniques de dermatologie lib erale
Marc Reverte
Sainte-Maxime dr.reverte@orange.fr
Le dermatologue a un rôlea jouer dans le diagnostic du cancer du sein et dans le diagnostic des complications secondairesa son traitement.
Cette serie de cancers du sein en pratique liberale demontre le rôle du dermatologue.
Cas no1
Il s'agissait d'une patiente de 64 ans qui avait subi une mammectomie et une radiotherapie pour un adenocarcinome mammaire gauche. Elle etait adressee pour la prise en charge d'une plaie croûteuse et infiltree du sein gauche, etiquetee radiodermite chronique(figure 1).
Il s'agit d'un squirrhe dont la definition est :
«Cancer caracterise par sa durete et la retraction importante des tissus atteints».
Une biopsie aete realisee et a permis de montrer la recidive de l'adenocarcinome mammaire.
Un nouveau traitement a ete entrepris par chirurgie et radiotherapie permettant d'obtenir une remission.
Cas no2
Il s'agissait d'une patiente de 80 ans aux antecedents de cancer du sein gauche traite par chirurgie et radiotherapie.
Elle prenait du tamoxifène.
Elle etait adressee pour suspicion d'eczema (figure 2).
L'examen retrouvait un placard inflammatoire parseme de papules fermes.
L'histologie montrait des metastases cutanees d'un adenocarcinome mammaire.
La patienteetait en vacances dans le golfe de Saint- Tropez et est retourneea l'Institut Gustave Roussy où elle aete prise en charge.
Elle aete perdue de vue.
Cas no3
Il s'agissait d'une patiente de 67 ans, sans antece- dent, qui venait consulter pour un ecoulement hemorragique du sein droit.
L'examen retrouvait un semis de petites papules infiltrees du sein et une goutte de sang qui sortait du mamelon(figure 3).
L'histologie d'une papule retrouvait un adeno- carcinome mammaire avec recepteurs aux œstro- gènes eta la progesterone.
Elle a reçu un traitement hormonotherapique par inhibiteur d'aromatase (Femara1) qui a permis une mise en remission.
Revue avant la redaction de cet article, elle etait consideree comme guerie.
Figure 1.Cas numero 1.
Figure 2.Cas numero 2.
doi:10.1684/dm.2019.195
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CAS CLINIQUE
Cas no4
Il s'agissait d'une patiente de 59 ans, sans antecedent, adressee pourerysipèle chronique des seins(figure 4).
Elle avait vu apparaître, quelques mois avant la consultation, un placarderythemateux violace du quadrant infero-interne du sein droit. Il y avait une adenopathie axillaire droite mais pas defièvre.
Les bilans senologique (echographie, mammo- graphie. . .) et biologiqueetaient normaux.
Elle avaitete mise sous antibiotique.
Quelques semaines plus tard, on notait l'apparition de lesions similaires sur le sein gauche, toujours sans alteration de l'etat general, avec un bilan biologique normal et un nouveau bilan senologique negatif(figure 5).
Un nouveau traitement antibiotiqueetait entrepris avec un nouvelechec.
Une consultation dermatologiqueetait alors deman- dee pour suspiçion d'erysipèle chronique des seins.
On notait alors des placards erythemato-violaces des deux seins, predominant aux quadrants inter- nes, sans nodule mammaire palpable.
Le bilan biologiqueetait normal (CA 15-3 normal).
La palpation retrouvait de volumineuses adenopathies axillaires bilaterales.
L'examen clinique etait par ailleurs normal. On remarquait, toutefois, une extension axillaire et brachialea droite(figure 6).
Une biopsie sur le sein droitetait alors realisee et l'histologie retrouvait des emboles vasculaires de cellules adenocarcinomateuses permettant de por- ter le diagnostic de lymphangite carcinomateuse.
Seule l'IRM a permis de retrouver la tumeur initiale.
Elle aete operee et a reçu une chimiotherapie.
Cas no5
Il s'agit d'une patiente vue en mission humanitairea Madagascar.
La lesion regroupe differents signes cutanes du cancer du sein : le squirrhe, l'ulceration, la tumeur (figure 7). . .
Figure 3.Cas numero 3.
Figure 4.Cas numero 4.
Figure 5.Cas numero 4.
Figure 6.Cas numero 4.
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CAS CLINIQUE
Ces differents cas sont l'occasion de faire un rapide rappel des presentations cutanees des cancers du sein(figure 8).
Cas no6
Il s'agissait d'une patiente de 58 ans qui avait subi des seances de radiotherapie pour cancer du sein un an auparavant.
Elle venait consulter pour des lesions bulleuses et post-bulleuses, prurigineuses, apparues sous le sein traite(figure 9).
L'histologie retrouvait une lesion bulleuse sous-
epidermique remplie d'eosinophiles.
L'IFetait positive avec des depôts de C3a la jonction dermo-epidermique.
Le diagnostic retenu etait celui de pemphigoïde bulleuse localisee post-radiotherapie.
La guerison aete obtenue par des applications de dermocorticoïdes.
Cas no7
Il s'agissait d'une patiente de 75 ans dont le cancer du sein droit avait ete opere et traite par radio- therapie un an auparavant.
Elle venait consulter pour l'apparition d'un placard bulleux non prurigineux sous ce sein(figure 10).
L'histologie retrouvait une bulle avec clivage sous-
epidermique dont le plancher etaitfibrineux avec un aspect laque du derme superficiel. L'IF etait negative.
Le diagnostic retenu etait celui de lichen bulleux post-radiotherapie.
Figure 7.Cas numero 5.
-Rétraction, induration
Signes cutanés des carcinomes mammaires
-Placard inflammatoire
-Peau d’orange
-Ulcération
-Ecoulement
-Masse
-Paget
-Lymphangite
Figure 8.Signes cutanes des carcinomes mammaires.
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CAS CLINIQUE
La guerison aete obtenue par des dermocorticoïdes.
À partir de ces deux cas, on peut faire une rapide mise au point sur les effets secondaires de la radiotherapie sur le sein.
Signes cutanees liesa la radiotherapie du sein (hors radiodermite)
Certaines complications de la radiotherapie sem- blent plus souvent retrouvees sur le sein. Ces complications peuvent apparaître de nombreuses annees après la dernière seance de radiotherapie.
Elles sont a distinguer des radiodermites chroni- ques.
On peut en citer trois :
– pemphigoïde bulleuse localisee [1] ; – lichen bulleux [2] ;
– morphee [3].
Pemphigoı¨de bulleuse localisee
Elle est generalement localisee a la zone irradiee (mais elle peut deborder). Sa latence est longue, pouvant aller jusqu'a 16 ans.
Elle est atypique par sa localisation car l'antigène de la PB a une plus grande expressivite sur les zones de flexion des bras, des jambes et des cuisses (lieux plus frequents des PB localisees).
Ce qui donnea penser que l'association radiotherapie et pemphigoïde localisee sur le sein n'est pas fortuite.
Toutefois, la physiopathologie reste a preciser (demasquage d'un ag ou formation d'un neo-ag ?).
Le traitement est la corticotherapie locale [1].
Lichen bulleux et morphee Ils sont souvent associes.
Le lichen bulleux post-radiotherapie se voit uni- quement chez la femme et presque uniquement sur le sein.
Le delai d'apparition est très variable (de quelques moisa plus de dix ans). Il n'y a pas de correlation avec les doses reçues, et il est generalement localise
a la zone irradiee (mais il peut deborder).
La physiopathologie restea preciser (demasquage d'un terrain particulier, phenomène de Koebner. . .) [2, 3].
Remerciements :a Isabelle Buffière eta Marie- Helène Jegou.
Liens d'interêts :l'auteur declare n'avoir aucun lien d'interêt en rapport avec l'article.
References :
1- Leconte-Boulard C, Dompmartin A, Verneuil L,et al. Localized bullous pemphigoid following radiotherapy. Ann Dermatol Venereol2000 ; 127 : 70-2.
2- Tournillac I, Dandurand M, Guillot B. Lichen sclereux bulleux après radiotherapie.Ann Dermatol Venereol1998 ; 125 (2) : 121-3.
3- Dussouil AS, Lota I, Grelier P. Deux cas de morphee du sein radio-induite : une complication meconnue. Ann Dermatol Venereol2017 ; 144 (Suppl. 12) : S221-2.
Figure 9.Cas numero 6.
Figure 10.Cas numero 7.
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