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La propriété par étages face à ses créanciers

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La propriété par étages face à ses créanciers

MARCHAND, Sylvain

MARCHAND, Sylvain. La propriété par étages face à ses créanciers. In: Bianchi, François (Dir.).

Mélanges publiés par l'Association des notaires vaudois, à l'occasion de son centenaire . Genève : Schulthess, 2005. p. 191-209

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14425

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SYLVAIN MARCHAND

Professeur aux Universités de Genève et Neuchâtel

La propriété par étages face à ses créanciers

Sonunaire 1. Introduction

A. La parabole de la nlche fi. Des limites de la parabole C. De J'avantage de la parabole D. Je dépense, ec pourtant je ne suis pas IL La structure d'une propriété par étages

A. L'immeuble de base

B. Les parts de propriété par étages C. La communauté et son financement

D. Les obligations financières des nouveaux membres E. Les garanties de recouvrement des cotisations E Le fonds de rénovation

HI. Poursuite d'un créancier privé contre un copropriétaire A. La responsabilité personnelle d'un copropriétaire B. Poursuite contre un copropriétaire

C. Patrimoine du copropriétaire D. Réalisation de la part de copropriété E. Faillite d'un copropriétaire

E DroÎt de préemption ou d'opposition conventionnel des copropriétaires G. Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pour des o~vrages sur

les parties privées

IV. Poursuite d'un créancier social contre la communauté A. Responsabilité de la Conununauté

B. Patrimoine de la conununauté C. Saisie du fonds de rénovation

D. Saisie des créances de la communauté contre les copropriétaires E. Droits indirects du créancier social sur les parts de copropriété V. Hypothèques légales des créanciers sociaux

A. Bénéficiaire de l'hypothèque

B. L'immeuble de base comme objet de J'hypothèque C. Vers une solidarité forcée?

D. Répartition du solde du produit de réalisation E. L'obstacle de l'article 648 al. 3 CC

F. Solution de la répartition du gage

G. Cas des travaux objectivement inutiles pour un copropriétaire VI. Conclusion

A. La propriété par écages entre deux écueils B. Le fonds de rénovation, capital social de la PPE?

192 192 192 192 193 193 193 195 196 197 197 198 199 199 199 200 200 201 202

202 203 203 204 204 204 205 206 206 206 207 207 207 208 208 209 209 209

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1. Introduction

A. La parabole de la ruche

La structure d'une ruche illustre à merveille le fonctionnement d'une propriété par étages: les parois en bois de la ruche et le toit représentent les parties commu- nes, les alvéoles les unités d'étages. Les abeilles sont les copropriétaires, la reine des abeilles l'administrateur de la copropriété. Le pollen que les abeilles ramènent à la ruche représente les contributions que les copropriétaires paient à la communauté, et le miel évidemment le fonds de rénovation, cette fortune sociale de la propriété par étages.

B. Des limites de la parabole

Cette métaphore animalière souffre il est vrai d'une faiblesse: l'étude attentive de la vie trépidante des abeilles révèle que ces insectes sont disciplinés, et qu'ils ont le sens de l'intérêt commun. Les notaires qui ont le malheur d'ajouter à leurs mul- tiples activités celle d'administrateur de PPE n'apprécieront peut être pas d'être comparés à la reine des abeilles, et ne retrouveront pas cette discipline et ce sens de l'intérêt commun dans leur expérience du propriétaire par étages moyen.

C.

De l'avantage de la parabole

Cela dit, la parabole a un avantage: la nature juridique de la communauté des propriétaires par étages est aussi mystérieuse que la nature juridique d'une ruche.

Les amateurs de droit romain se souviendront peut être que nos homologues anti- ques se sont longuement interrogés sur la question de savoir si une ruche, ou plus exactement un essaim d'abeilles, est une chose, ou une pluralité de choses. Une

"communauté des propriétaires par étages pose un problème conceptuellement as- sez proche: il n'est pas facile de savoir s'i! s'agit d'une personne, ou d'une pluralité de personnes. Le Tribunal fédéral a toujours considéré que la communauté des propriétaires par étages n'est pas une personne morale '. Elle n'a donc pas de per- sonnalité juridique, comme peut ravoir une société anonynle, une association ou une fondation. Elle n'existe pas juridiquement en tant que personne 2.

ATF 114 II 239 = JT 1989 J, p. 162, où le Tribunal fédéral a qualifié la communauté des pro- priétaires par étages de ;c communauté de gestion 8.

Sur la nature juridique de la communauté des propriétaires par étage, v. en détail KOLLER A ..

Wesen und Strukturen des schweizerischen Stockwerkeigentum, AJP/PJA 2004 (cité KOLLER).

p. 933 ss, not. 940 $S.

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La propriété par étages face à ses créanciers

D. Je

dépense, et pourtant je ne suis pas

Et pourtant, la loi confere à la communauté des propriétaires par étages des pré- rogatives qui sont normalement celles d'une personne. Une communauté de pro- priétaires par étages peut ainsi en son nom actionner ou être actionnée en justice, ainsi que poursuivre ou être poursuivieJ. En d'autres termes, un créancier peut poursuivre la communauté en tant que telle, en indiquant dans la réquisition de poursuite que le débiteur est la communauté elle-même, et non l'ensemble des copropriétaires ..

Dans le monde juridique surprenant qui est le nôtre, il n'est donc pas nécessaire d'exister pour avoir des dettes. La communauté des propriétaires par étages, ce n'est pas: Je pense donc je suis, c'est plutôt: Je dépense, et pourtant je ne suis pas.

II. La structure d'une propriété par étages

A. L'immeuble de base

Si la communauté des copropriétaires n'a pas d'existence légale en tant que per- sonne juridique, elle n'en est pas moins une réalité dout il faut comprendre la structure si l'on veut comprendre ce que les créanciers doivent affronter.

Une propriété par étages, c'est d'abord un immeuble. La caractéristique de la propriété par étages par rapport aux autres forl;Iles de multipropriété est qu'elle ne peut porter que sur des immeubles. Cet immeuble est divisé matériellement en parties privées (article 712 b al. 1 CC), qui sont les unités d'étages, et en parties communes (article 712 b al. 2 CC).

Certaines parties de l'immeuble de base sont impérativement communes de par la loi '. Ces règles impératives ont pour but de protéger les propriétaires d'unités, qui ne sauraient dépendre des caprices du bénéficiaire d'un droit exclusif sur une partie de l'immeuble nécessaire à la communauté dans son ensemble'. Les parties impérativement communes sont les suivantes:

Article 712 1 al. 2 CC modifié par la Loi sur les fors du 24 mars 2000.

KOFMEl EHRENZElLER S.; in: Kommentar zurn Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Kon- kurs, SchKG l, Base! 1998, art 67, N 29, SCHMID E., Même ouvrage, art. 46, N 75 . Le comman- dement de payer doit être notifié à l'administrateur:ANGST P, Même ouvrage, art. 65, N 7.

Art. 712b al. 2 Cc.

WEIU.-Œ.LINGER-DE GOTTR.o\U A., L'utilisation de l'unité d'étage dans un inuneuble en propriété par étages, Thèse Fribourg, 1992 (cité WERMELINGER-DE GOlTRAu) p. 66, MEJER-HAYOZ A./REy H., Konuncntar zurn schweizerischen Privatrecht, Sachenrecht, Das Eigentum, Grundeigentum IV: Stockwerkeigentum (cité .MEIER-HAYOz/REY), art. 712b, N 5.

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Le bienjonds ou le droit de superficie sur lequel le bâtiment est implatlté. Cette défini- tion comprend toutes les parties intégrantes du sol comme les jardins, place de jeux, piscines, place de parc en plein air.

Les parties importantes du bJtiment, soit les parties qui sont objectivement élé- mentaires pour le bâtiment comme les fondations, les murs porteurs, le toit, bref toutes les parties qui, d'un point de vue architectural, sont déterminantes pour la structure du bâtiment.

Les parties déterminant la forme extérieure ou l'aspect du bâtiment. Chaque copro- priétaire d'unité doit entretenir correctement et à ses frais les parties de son unité visibles de l'extérieur '. Il convient donc de distinguer les parties privées visibles de l'extérieur et les parties qui ont un tel impact sur l'aspect extérieur qu'elles ne peuvent être que des parties communes. Ainsi, la partie intérieure d'un balcon sera-t-elle une partie privée, alors que la partie extérieure de ce balcon sera une partie commune'. La façade, y compris les plantes grimpantes qui la recouvrent en tout ou en partie, relève des parties communes 9, alors qu'une fenêtre peut être considérée comme une partie privée (sauf dans le cas ou façade et fenêtres se confondent, c'est à dire dans les buildings dont la façade est entièrement constituée de fenêtres). Une terrasse est une partie commune, de même que la partie extérieure d'une véranda ID La porte d'entrée du bâti- ment ou la porte du garage commun constituent des parties communes, alors que la porte d'entrée de chaque uuité est une partie privée, dont la face externe est visible de

r

extérieur et doit donc être entretenue conformément à

r

article

712 a al. 3 CO ".

Les ouvrages, installations, ou parties de bâtiment utilisées pay les autres propriétaires d'étages pOUY l'usage de leurs locaux. Cette règle s'applique même si ces ouvrages ou installations ne sont utilisés que par une partie des propriétaires d'étages.

Toutes les parties communes ne sont en effet pas nécessairement à la disposi- tion de tous les propriétaires d'étages. Selon les conditions architecturales, on peut concevoir l'existence de parties communes (accès, escaliers, ascenseurs) qui ne pourraient ou ne devraient servir qu'à certains propriétaires d'étages.

Ces parties demeurent des parties communes, mais cela n'empêche pas qu'il puisse y avoir des règles dérogatoires pour leur utilisation et pour les frais qui en

Article 712 a al. 3 Cc.

WERMELINGER-DE GOTTRAU p. 48 et 72.

WERMEUNGER-DE GOTTRAU p. 72.

10 WERMELINGER-DE GOTTR1\U p. 74.

Il WERMELINGER-DE GOTTRAU p. 63 et 74.

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La propriécé par écages face à ses créanciers

résultent 12. Ces parties utilisées par les autres propriétaires d'étages sont notam- ment la cage d'escalier, le chauffage central, les conduites reliant les unités de deux propriétaires d'étages au moins, la buanderie commune, J'ascenseur, l'abri antiatomique, ou des installations sportives ouvertes à tous ou à une partie des copropriétaires.

En ce qui concerne les murs et séparations entre les unités d'étages, de subtiles distinctions sont parfois nécessaires. Les murs porteurs sont impérativement des parties connnunes 13. Un mur non porteur séparant une partie commune et une partie privée est une partie privée (sauf s'il est désigné conune partie commune dans l'acte constitutif) l'. Un mur non porteur séparant deux parties privées est une partie privée sur laquelle les deux propriétaires concernés ont un «droit exclusif partagé •. Cette antinomie est proposée par la doctrine qui exclut l'application par analogie de l'article 670 CC, dans la mesure où l'intérêt des autres propriétaires doit être pris en compte (puisque ce mur a notamment pour fonction de délimiter des parts d'étages) 15 Les planchers et plafonds de chaque unité d'étages constituent des parties communes 16, mais pas les revêtements de sol (planchers, moquettes).

Les propriétaires d'étages peuvent par ailleurs convenir dans J'acte constitutif que d'autres parties du bâtiment seront des parties conununes. Une modification de l'acte constitutif à cet égard suppose l'accord de tous les propriétaires d'étages, même si elle n'implique pas une modification de la valeur des parts 17

B.

Les parts de propriété par étages

Chaque copropriétaire a un droit exclusif sur l'unité d'étage qui lui est attribuée.

Ce droit, ou part de copropriété, est lui-même qualifié d'immeuble par la loi (ar- ticle 655 al. 1 ch. 4 CC). Cette qualification n'a pas qu'un intérêt terminologique: elle signifie que la part de copropriété peut en tant que telle être grevée de tous les droits réels limités fonciers, en particulier d'hypothèques.

12 Sj 1991 p. 11. Ces règles dérogatoires peuvent passer notamment par l'organisation de SOltS-

communamés: STEINAUER P-H., Questions choisies en rappon avec la. propriété par étages, RVj 1991,285-316 (cité STEINAUER, Question choisies), p. 295.

IJ MEIER-HAvoz/REy, art 712b, N 15; WERMEUNGER-DE GOTIRAU p. 69.

14 WERMELINGER-DE GOTTRhV p. 62.

15 WERJo..ŒLlNGER-DE GOTTRII,U p. 61; MEIER-HAYOz/REy, art 712b, N 90; STEINAUER, Questions choisies, p. 287. Voir cependant FRIEDRICH H-P., Das Stockwerkeigentum, Reglement fUr dic Gemeinschaft der Stockwerkeigentümer, 2"me éd. Berne 1972 (cité FRIEDRICH, Reglemem), Re- glement, par. 4 N 6.

16 WER..\.tELiNGER-DE GOTIRAU p. 70.

n Artide 712 e al. 2 CC;\VEBER R.,Dîc Scockwerkeigentümergemeînschaf,Thèse Zurich 1979.

p. 161 et 165 ;ATF 112 Il 308 ~ JdT 19871 613 ~ SJ 1987, p. 501 = ZBGR 70 29.

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La valeur de chaque part de copropriété doit impérativement être indiquée dans l'acte constitutif18, étant entendu qu'aucune méthode particulière de calcul n'est privilégiée par le Tribunal fédéral, le calcul des parts pouvant reposer sur des facteurs aussi divers que ceux de la fIxation des loyers (volume, nombre de pièces, vue, accès, immiscions, etc.) 19. Cette valeur ne correspond pas forcément à la va- leur vénale de la part 20. En effet, la valeur vénale d'une unité est fluctuante, alors que la valeur des parts, clef de répartition des frais dans la communauté, doit être basée sur des critères stables. Le fait par exemple qu'un copropriétaire procède à des aménagements luxueux dans la partie privée de son unité en augmente la va- leur vénale sans pour autant augmenter les millièmes attribués à la part.

C. lA communauté et son financement

L'ensemble des copropriétaires forme la communauté des propriétaires par étages.

Cette communauté doit vivre et a donc besoin d'argent. Il lui faut en effet payer ses frais de fonctionnement, les honoraires de l'administrateur, du concierge, les réparations dans les parties communes. Ces frais et charges mentionnés par l'article 712 h CC sont inscrits dans le budget annuel qui doit être soumis à l'assemblée des copropriétaires 21. La loi mentionne l'approbation des devis, et non des factures, ce qui implique que le budget doit être approuvé avant que les frais ne soient effecti- vement générés. L'absence d'approbation de l'assemblée n'a aucun effet externe22, mais peut impliquer la responsabilité et la révocation de l'administrateur".

Dans le cadre des rapports internes entre la communauté et ses membres, cha- que copropriétaire est débiteur de son obligation de contribution au sens de l'ar- ticle 712 h CC vis-à-vis de la communauté. L'action de la communauté contre un copropriétaire en paiement de sa contribution peut être intentée au lieu de situation de l'immeuble, quel que soit le domicile de ce copropriétaire. Il s'agit en effet d'une obligation «propter rem»24:

Le montant des cotisations doit être déterminé par l'administrateur de la PPE 2'.

Les cotisations sont calculées en proportion de la quote-part que représente le

18 Article 712 e Cc.

19 MEIER-HAYOz/REy, art. 712 e, N 19-21.

" 5J 2001 [365 ;ATF 116 II 55 = JdT 1992 [71; 103 II 111 = JdT 19781226.

21 Art. 712 m ch. 4 Cc.

22 La communauté reste obligée à l'égard des tiers pour les dettes contractées par l'administrateur:

art. 712 t Cc.

n Art. 712 r Cc.

" BR 1995-45 (KGr. (Ausschuss) GR 15.2.1993; PKG 1993 NIl, s 46 ss). 5TEINAUER P-H., La propriété par étages, Fiches Juridiques Suisses (cité STEINAUER, FJS), 1304, p. 13.

25 Article 712 s aL 2 CC.

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La propriété par étages face à ses créanciers

droit de chaque copropriétaire, généralement exprimée en millièmes de l'immeu- ble de base 26.

Un principe essentiel de la propriété par étages est l'absence de solidarité entre copropriétaires 27: si un copropriétaire ne paie pas ses cotisations, la communauté doit le poursuivre et ne peut se contenter de reporter la charge sur les autres co- propriétaires 28.

D. Les obligations financières des nouveaux membres

L'acquéreur d'une part est responsable pour les contributions correspondant à des dépenses communes dont la cause est postérieure à son acquisition, et pour les contributions au fonds de rénovation échues après le transfert de propriété de la part": Par contre, l'acquéreur d'une part n'est pas responsable vis-à-vis de la communauté pour des contributions visant à couvrir des dépenses communes dont la cause est antérieure à l'acquisition de la part, ou pour des contributions au fonds de rénovation dont l'échéance est antérieure au transfert de propriété 30.

L'acquéreur n'assume en particulier aucune solidarité avec l'aliénateur pour cetre responsabilité 31 •

E. Les garanties de recouvrement des cotisations

Selon l'article 712 k al. 1 CC, la communauté jouit d'un droit à l'inscription d'une hypothèque légale sur la part de propriété par étages de chacun des copropriétaires pour sa contribution. Il s'agit d'une hypothèque légale indirecte, dont l'inscription au registre foncier sera constitutive 32 L'hypothèque légale de la communauté cou- vre les créances en paiement des contributions pour les trois dernières années, y compris pour les contributions au fonds de rénovation facultatif au sens de l'article

,. Article 712 h al. 2 Cc.

" Koller, p. 940, N Cl.

28 MEIER-HAyoz/REY, art. 7121, N 63; SJ 2001.1 p. 369 ;ATF 119 Il 404 = JdT 1995 1 180.

29 MEIER.-HAYOz/REv, art. 712 h, N 9.

30 MEIER.-HAYOz/REy, art. 712 h, N 9. Une clause contraire du règlement serait en principe nulle:

ATF 123 III 53.

31 Sa part reste soumise à une éventuelle hypothèque légale de la communauté (infra E). L'hypo- thèque légale ne peut cependant grever la part acquise aux enchères forcées que si elle écair mentionnée à l'état des charges (ATF 123 III 53).

J2 MEIER-HAYOz/REy, art. 712i, N 50; STEINAUER, FJS 1304, p. 13.

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712 m al. 1 ch. 5 CC 33. Le droit de gage couvre également les intérêts de la dette, et les frais de poursuite".

LCinscription de l'hypothèque légale de la conununauté peut être requise par l'administrateur de la conununauté35 qui en a le pouvoir en vertu de l'article 712 s CC, sans être mandaté par une décision de la majorité des copropriétaires 36.

Cette prérogative découle de son pouvoir d'encaisser les cotisationsJ7· Chaque copropriétaire peut également requérir l'inscription de l'hypothèque légale, dans la mesure où la décision en a été prise par une majorité des copropriétaires ou si elle a été ordonnée par un juge 38. Enfin, un créancier qui a fait saisir la créance de la conununauté contre le copropriétaire pour sa contribution peut également requérir directement l'inscription de cette hypothèque légale 39. La demande d'ins- cription n'est soumise à aucun délai: l'inscription de l'hypothèque légale de la communauté peut être requise en tout temps 40.

La communauté des copropriétaires dispose également, en garantie de sa créan- ce en contribution contre chacun de ses membres, d'un droit de rétention sur les meubles qui garnissent les locaux d'un copropriétaire et qui servent à leur aména- gement ou à leur usage 41. La créance garantie par ce droit de rétention est la même que celle qui fait l'objet de l'hypothèque légale de la conununauté. Le droit de rétention porte sur les meubles dont la destination est en relation avec les locaux du propriétaire d'étage, à l'exclusion de ses effets personnels. LC exercice du droit de rétention passe par un inventaire dressé par l'Office des poursuites conformément aux principes des articles 283 et 284 LP ".

F. Le fonds de rénovation

Que fait la conununauté de l'argent ainsi collecté? Tout dépend du degré d'orga- nisation de la propriété par étages. Certaines communautés vivent au jour le jour,

33 l'v1EIER-HAYOz/REY, art 712i, N 31 et 32; BLOCH P, Le fonds de rénovation dans la propriété par étages, Thèse, Tolochenaz, 1988 (cité BLOCH), p. 38 ;ATF 123 III 53.

34 Article 818 al. 1 CC; rviEYER-HAyoz/REy, art. 712 i, N 60.

35 MEIER-HAYOz/REy, art. 712i, N 47.

J6 SJ 1995, p. 695 (Cour de justice de Genève): DC 1993, 50-C (KGr GR 12 4 1991 ~ PKG 1991 s. 186 ss).

37 Article 712 s al. 2 Cc. Certains auteurs considèrent cependant que l'administrateur ne peut demander que l'inscription d'une hypothèque provisoire, la réquisition d'inscription définitive devant être approuvée par une majorité des copropriétaires. La question est laissée ouverte in SJ 1995695.

38 MEIER.-HAyoz/REy, art. 712 i, N 48.

39 Article 712 k al. 2 CC,ATF 119 II 404 .

., BR 1991-104 C (TeT! 29.7.1988; Rep. 1989, p. 479); STEINAUER, FJS 1304, p. 13.

41 Article 712 k CC.

42 MEIER.-HAYOz/REY, art 712k, N 66 ss; STEINAUER., FJS 1304, p. 14.

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La propriété par étages face à ses créanciers

et collectent les fonds au fur et à mesure qu'arrivent les factures. L'argent collecté sert donc directement au paiement des faccures en cours. D'autres cormnunautés, mieux organisées et plus prévoyantes, constituent avec cet argent une cagnotte destinée à faire face à de futures factures. Cette cagnotte, prudente mais facultative, est le fonds de rénovation de la propriété par étages.

La constitution d'un fonds de rénovation doit être décidée par l'assemblée des copropriétaires". Le montant des contributions est décidé chaque année par l'as- semblée". Le fonds de rénovation fait partie du patrimoine de la communauté. Il ne peut être en tout ou en partie saisi par un créancier d'un copropriétaire'lS. Le copropriétaire qui vend sa part n'a pas droit à une restitution d'une partie du fonds existant, qui profite à l'acquéreur'6. La valeur du fonds de rénovation participe donc indirectement à la valeur vénale de chaque part.

III. Poursuite d'un créancier privé contre un copropriétaire

A. La responsabilité personnelle d'un copropriétaire

La structure de la communauté étant ainsi mise en place, il est possible de s'inté- resser aux différents créanciers qui peuvent la prendre pour cible. Une première catégorie de créanciers susceptibles de s'intéresser à la propriété par étages est constituée des créanciers personnels de chaque copropriétaire. Ces derniers conti- nuent bien sûr à avoir une existence économique indépendante de la commu- nauté, susceptible de générer des dettes personnelles. De même, un propriétaire est seul responsable des frais liés à l'utilisation et l'entretien de la partie privée de l'immeuble qui lui revient: si un copropriétaire décide par exemple de faire poser du marbre dans la salle de bain de son unité d'étage, il assume seul le coût de ces travaux, et ne peut les faire partager par la communauté.

B. Poursuite contre un copropriétaire

Les créanciers de ce copropriétaire devront commencer une poursuite ordinaire contre leur débiteur. Ce n'est pas ce type de poursuites que visent les articles 712

43 Article 712 !TI al. 5 Cc.

44 Sur les différentes méthodes, voir BLOCH, p. 54 SS.

45 jtJfra III B.

-46 BLOCH, p. 66; FRIEDRICH, R.èglement, par. 20, N 4. Le pri.x de vente fixé est ainsi présumé tenir compte de l'indemnité pour la pan au fonds de rénovation: Arrêt du TC de Zoug du 17 juin 1985 cité p;lr ROMANG W Stod::werkeigentum, Haus-und Grundbesitz, Recht und Pra..xis. Zu- rich 1984, N.12.8.2 p. 6-7.

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1 CC et 46 al. 4 LP. Le for de poursuite est en général le for ordinaire du domicile du débiteur, qui n'est pas forcément au lieu de situation de l'immeuble détenu en copropriété.

C. Patrimoine d'l copropriétaire

Les actifS susceptibles de désintéresser les créanciers d'un copropnetaJre dans le cadre d'une saisie ou d'une faillite de leur débiteur sont le patrimoine personnel de ce débiteur, et sa part de copropriété.

Par contre, les créanciers d'un copropriétaire n'ont aucun droie direct sur:

le 'patrimoille de la commullautÉ •. Ce patrimoine (fonds de rénovation, créance contre les copropriétaires pour leurs contributions, liquidités, créances contre des tiers etc.) n'appartient pas juridiquement à la communauté, mais aux pro- priétaires par étages en copropriété. Cependant, la quote-part de chaque pro- priétaire d'unité sur ce patrimoine ne peut être directement saisie et réalisée par les créanciers de ce propriétaire pour ses dettes privées. C'est à travers la saisie et la réalisation de la part de propriété par étages que les créanciers des propriétaires d'unités bénéficient indirectement d'une partie du patrimoine de la communauté4i.

l'immeuble de base. L'immeuble de base ne fait pas partie du patrimoine d'un co- propriétaire et ne peut être réalisé en suite d'une poursuite ordinaire contre un copropriétaire que dans le cas tout à fait particulier où toutes les parts d'étages appartiennent à une même personne 48.

D. Réalisation de la part de copropriété

La réalisation de la part de copropriété est soumise aux règles sur la réalisation des 'immeubles, soit en particulier l'Ordonnance du Tribunal fedéral sur la réalisation forcée des immeubles (ORFI) , puisque ce droit est un immeuble''. Les articles 23 à 23d ORFI traitent spécifiquement de la réalisation d'une part de copropriété.

Les droits du propriétaire d'étage dans la communauté sont exercés par l'Office des poursuites dès la saisie de sa part de copropriété 50.

47 RUEDIN R., La propriété par étages et la poursuite pour dettes et faillite, RNRF 1975 (cité

RUEDIN), p. 325. En particulier, le fonds de rénovation ne peut pas être saisi par le créancier d'un copropriétaire: BLOCH, p. 86.

~ STEIN AUER, Questions choisies, p. 311 ; MEIER-HAvoz/REY, art. 712 C, N 61.

" Anide 655 al. 2 ch. 4 CC; art 1,23 à 23d ORFl.

;0 Article 23 c ORFI.

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La propriété par étages face à ses créanciers

Si la part d'étage fait l'objet d'un droit de gage pour une créance exigible, sa réalisation n'est possible que si l'offre de l'adjudicataire est suffisante pour couvrir la créance garantie par gage 51 • Tel est notamment le cas lorsque la communauté fait inscrire une hypothèque légale destinée à couvrir les obligations de contribu- tion du propriétaire d'étage pour les trois dernières années 52. Si la part d'étage fait l'objet d'un droit de gage pour une créance non exigible, ce gage est délégué à l'acquéreur". Le principe de la double mise à prix s'applique en ce qui concerne les servitudes qui grèvent soit la part, soit l'immeuble entier 54.

Un droit de gage sur l'immeuble de base n'est pas pris en compte dans le cadre de la mise en œuvre du principe de l'offre suffisante ss . L'article 73 e ORFI invite ce- pendant l'Office des poursuites à tenter de trouver un arrangement avec le titulaire du droit de gage sur l'immeuble et l'ensemble des copropriétaires. Une solution envisageable est la répartition du gage grevant l'immeuble sur l'ensemble des parts de copropriété 56. Cette solution suppose que le créancier gagiste accepte que son droit de gage sur l'immeuble de base soit réparti entre les divers propriétaires". Il doit alors poursuivre simultanément la réalisation des parts grevées 58 •.

E. Faillite d'un copropriétaire

Si un copropriétaire fait faillite, sa part de propriété par étages tombe dans la masse en faillite". La réalisation de cet immeuble par l'administration de la faillite ré- pond à des principes sirn.i1aires à ceux qui s'appliquent en cas de saisie'"- Dans ce cas, la communauté, en sa qualité de créancière des obligations de contribution du copropriétaire,jouit d'un double privilège:

Privilège des créanciers gagiste. En sa qualité de titulaire d'une hypothèque légale, la communauté des propriétaires par étages jouit du privilège des créanciers

51 Article 126 et 143a LP.

52 Article 712 i Cc.

53 Article 135 LP.

54 Article 142 LP et 104 al. 2 OR!; Fribourg, TC, in BISchK 2003, p. 102.

55 Article 73h ORFI; v. STEINAUER, Questions choisies, p. 311.

5<> Article 798 II CC; MEIER-HAYOzIREy, art. 712f, N 83.

57 Cette répartition du gage n'entraîne pas un changement de débiteur. v. cependant STEINAUER,

Questions choisies p. 312, MEIER-H.woz/REy, art. 712 f, N 83.

58 Article 816 III Cc.

59 RUEDIN, p. 323.

60 Les articles 130 e et 130 fORFI renvoient pour l'essentiel aux articles 73 e à 73g ORFI,Voir également art. 258 al. 2 et 259 LP.

201

(13)

gagistes 6. ,et sera donc désintéressée en priorité sur le produit de réalisation de la part de copropriété, selon le rang conféré à son droit de gage62

Privilège des créallciers de la masse. Le Tribunal fedéral reconnalt que les obliga- tions de contribution du copropriétaire durant coute la liquidation de la faillite sont des dettes de la masse 63, ce qui permet à la communauté d'être désintéres- sée en priorité sur les autres créanciers 64, y compris les créanciers gagistes.

F

Droit de préemption ou d'opposition conventionnel des copropriétaires

Une question discutée en doctrine est de savoir si les copropriétaires peuvent faire valoir, à l'occasion de la réalisation de forcée de l'immeuble, le droit de préemp- tion conventionnel que peut leur réserver le règlement de copropriété. L'article 51 ORFll'exclut clairement: seuls les droits de préemption légaux peuvent être exercés à l'occasion d'une réalisation forcée.

Certains auteurs sont favorables à une solution contra [egelll"" et s'appuient sur une comparaison avec la copropriété simple qui confère aux copropriétaires un droit de préemption légal (article 682 CC), pouvant être exercé lors d'une réalisa- tion forcée 66. La copropriété est cependant une structure par définition instable, ce qui justifie l'existence d'un droit de préemption destiné à réunir les parts en une seule main. La propriété par étages est par nature destinée à être pérennisée 67 et il n'y a pas de raison de protéger les propriétaires par étages mieux que les autres titulaires de droit de préemption conventionnels.

G. Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pOlir des ouvrages sur les parties privées

Un entrepreneur qui travaille sur une partie privée de l'immeuble n'a de droit à .l'inscription d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs que sur la part d'étage du débiteur, et non sur l'inulleuble de base"'. Si l'entrepreneur travaille dans plusieurs parties privées de l'inmleuble en PPE, chacune de ses interventions

6! Arc. 712 i cc et art. 219 al. 1 à 3 LP

62 Ce rang est déterminé selon le principe de la priorité dans le temps: STEINAUER, P-H., Les droits réels. Tome IIJ, Y= éd. N 2761.

" ATF 10611J 118

=

JdT 1982 II 151

=

Pra 70-143

=

ZBGR 65-52.

" Article 262 LP.

65 Anicle 712 c CC; 73g al. 3 ORI; 51 ORI: critique à ce sujet MEIER-HAVOz/REv, Art. 712c N 53, STE1Ni\UER, Questions choisies, p. 314.

'" Article 60 , ORFl.

67 En particulier en raison de l'absence d'un droit au partage.

'" ATF 126 III 462

=

Jdt 2001 1 178, cons. 2 b.;ATF 111 11 31, cons. b

=

JdT 1987 1 124.

202

(14)

La propriécé par étages face à ses créanciers

dans les parties privées donne lieu à une hypothèque légale distincte. Le délai d'inscription de chaque hypothèque légale court de façon differenciée pour cha- que partie privée

'9

IV Poursuite d'un créancier social contre la communauté

A. Responsabilité de la Communauté

Les créanciers sociaux sont ceux qui ont une créance contre la communauté elle- même, en relation avec ses frais de fonctionnement, ou la rénovation des parties communes. Tel est le cas chaque fois qu'un contrat a été conclu par la commu- nauté avec un tiers, à travers son aruninistrateur ou un copropriétaire nluni d'un pouvoir de représentation.

Ces créanciers doivent poursuivre la communauté en tant que telle, et non les copropriétaires comme codébiteurs. Les copropriétaires n'assument en effet aucune obligation directe vis-à-vis des tiers pour ces dettes communes 70. Un cas particulier survient cependant lorsqu'un copropriétaire commande des travaux à un entrepreneur pour des parties COrtlrllUneS, soit parce qu'il s'agit de travaux urgents 71, soit parce que les règles de la communauté lui en donnent le pouvoir 72,

soit encore parce qu'il outrepasse ses pouvoirs. Dans ces cas, sous réserve d'une représentation directe de la communauté, l'entrepreneur n'a de relation qu'avec ce copropriétaire, qui assume donc la responsabilité du contrat. Le copropriétaire a alors une créance en remboursement contre la conununauté 73.

La communauté peut être poursuivie au lieu de situation de l'immeuble 7'. La poursuite se continue par voie de saisie 7S.

6') ATF 112 II 214 = JdT 1987 [ 310 (construction de placard dans les différentes parties privées d'une PPE).

" RVJ 2000-169 cons. 2 (Tribunal fèdéral);ATF 119 Il 404 cons. 6; DC 1991104 A = 5J 1991, p.329; MEIER-HAYOz/REY,Art. 7121 N 63; contra SEINJ\UER, FJS 1305, p. 6; FRJEDRJCH, Re- glement, par. 45, N 3, qui considèrent que les créanciers peuvent directement agir contre les copropriétaires.

71 Article 647 al. 2 ch. 2 Cc.

12 Par exemple pour les actes d'administration courants:Article 647a Cc.

73 Dans le cas il outrepasse son pouvoir, ce droit de recours est limicé à J'enrichissemenc de la communauté: DC 2000-144, 145 (OGr ZH 24.12.1998, ZR 992000, N 2, S. 455).

74 Article 7121 al. 2 CC et 46 al. 4 LP.

i~ STEINAUER, Quescions choisies, p. 311; MEIER-HAVOZ/REY, art. 712f, N 66.

203

(15)

B. Patrimoine de la communauté

Ces créanciers ne peuvent s'en prendre, en tous cas directement, au patrimoine personnel de chacun des copropriétaires: leur débiteur est la communauté, et non les copropriétaires. Les actifS susceptibles d'être saisis par les créanciers de la com- munauté sont donc uniquement les actifs appartenant à cette communauté, soit notamment le fonds de rénovation, et les créances de la communauté à l'égard copropriétaires pour leurs contributions 76.

Par contre, l'immeuble de base n'appartient pas à la communauté 77, et ne fait donc pas partie des actifS destinés à désintéresser les créanciers sociaux.

C. Saisie du fonds de rénovation

S'il existe un fonds de rénovation suffisamment fourni, les créanciers s'arrêteront probablement à cet actif facile à saisir et facile à réaliser. En pratique, cette situation confortable pour les créanciers est peu probable : le fonds de rénovation a juste- ment pour but de désintéresser les créanciers de la communauté, et si la conunu- nauté ne les paie pas, c'est en général parce que le fonds de rénovation est absent ou insuffisant.

D. Saisie des créances de la communauté contre les copropriétaires

Le deuxième actif auxquels peuvent s'en prendre les créanciers sociaux est consti- tué des créances que la communauté a contre les copropriétaires en paiement de leurs cotisations 78. Ces cotisations doivent permettrent de couvrir les frais et char- ges communes. Si des créanciers sociaux restent impayés, c'est que des cotisations sont encore dues, et que la communauté en est créancière. Les créanciers sociaux peuvent donc faire saisir la créance de la communauté contre les copropriétaires.

La difficulté pour les créanciers sociaux vient de ce que la saisie de ces créances les contraint à plonger la tête la première dans les rapports internes entre copro- priétaires. Pour saisir ces créances, il faut en effet en déterminer le montant. Or, ce montant est calculé selon les rapports internes entre les copropriétaires, conformé- ment à l'articles 712 h CC, avec toutes ses exceptions (notamment le très polémi- que article 712 h al. 3 CC), et ses éventuelles dérogations réglementaires 79

" RUED<N, p. 324-325.

77 STEINAUER, Questions choisies, p. 311.

78 Article 99 LP.

79 V. à ce sujet MARCHAND S., Chacun chez soi, factures pour tous: la répartition des frais dans la PPE, in La propriété par étages, Fondement théoriques et questions pratiques, FOËx/HoTTELIER (éd.), Genève 2003,p.145 SS.

204

(16)

.1.

La propriété par étages face à ses créanciers

Cette confusion des rapports externes et internes, cette intrusion des créanciers dans les rapports entre la communauté et les copropriétaires, contraint les créan- ciers à s'impliquer dans le débat toujours conflictuel du partage des frais au sein de la copropriété. En d'autres termes, les créanciers doivent plonger leurs mains nues dans la ruche, à la recherche du pollen. I: expérience risque d'être douloureuse, l'abeille étant de nature vindicative.

E. Droits indirects du créancier social sur les parts de copropriété

La saisie des créances de la communauté contre les copropriétaires donne au créan- cier social un accès limité, mais un accès tout de même, au patrimoine personnel de ces copropriétaires. Le créancier saisissant peut en effet se faire céder la créance saisie, et en poursuivre le recouvrement (article 131 LP) sa.

Sur la base de cette cession, les créanciers de la communauté sont alors en mesure de poursuivre les copropriétaires. I:hypothèque légale et le droit de ré- tention de la communauté étant des accessoires de la créance, ils profitent aux créanciers cessionnaires 81. Ces derniers peuvent notamment requérir eux-mêmes l'inscription de l'hypothèque légale de la communauté 82. Les créanciers cession- naire peuvent alors poursuivre chaque copropriétaire en réalisation du gage, dès lors qu'une hypothèque légale a été inscrite. Cette poursuite conduit à la saisie et à la réalisation des parts 83.

Cet accès au patrimoine personnel du copropriétaire est cependant limité à la dette du copropriétaire vis-à-vis de la communauté, et en aucun cas le créan- cier ne pourra se payer totalement, pour le montant de la créance sociale, sur le pattimoine d'un seul copropriétaire. I:absence de solidarité entre copropriétaires conttaint le créancier à se limiter au montant des contributions non payées dans son accès au patrimoine personnel des copropriétaires.

80 Il peut s'agir soit d'une cession à titre de paiement, soit d'une cession en vue d'encaissement:

MÜLLER K., Der Verwalter von Liegenschaften mit Stockwerkeigentum, Thèse Berne, 1975, p. 52; MElER-HAvoz/REy, art. 712i, N 39.

81 Art. 170 CO; MEIER.-HAYOz/REy, art. 712i, N 49.

82 Article 712 i al. 2 in fine; MEIER-H,woz/REy, ut. 712i, N 49.

83 Supra, ch. III D.

205

(17)

V Hypothèques légales des créanciers sociaux

A. Bénéficiaire de l'hypothèque

Certains créanciers sociaux disposent de privilèges légaux qui leur épargnent le triste sort des créanciers sociaux ordinaires. En particulier, les artisans ou entre- preneurs ayant travaillé dans les parties communes de la propriété par étages bé- néficient de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs des articles 837 ss Cc. Un artisan ou un entrepreneur dispose en effet du droit de faire inscrire sur l'immeuble où il a travaillé une hypothèque garantissant le paiement de ses hono- ranes.

Le délai pour inscrire le droit de gage court de manière uniforme pour toutes les unités d'étages devant être grevées, dès la fin des travaux, même si l'entrepre- neur a fourni successivement, mais sur la base d'un contrat d'entreprise unique, des prestations dans chacun des bâtiments d'un complexe constitué en propriété par étages 84.

B. L'immeuble de base comme objet de l'hypothèque

S'agissant d'une propriété par étages, toute la question est de savoir sur quoi doit être inscrite cette hypothèque. La première solution, a priori la plus logique, est que cette hypothèque des artisans et entrepreneurs soit inscrite sur l'immeuble de base. Cette solution n'est en tout cas pas exclue par le Tribunal fédéral, qui en a encore récemment mentionné la possibilité 85

C'est une très mauvaise solution.

Admettre qu'un créancier social puisse faire inscrire une hypothèque sur l'im- meuble de base, c'est admettre qu'il puisse faire réaliser cet immeuble de base s'il n'est pas payé. La réalisation de l'immeuble de base entraîne la liquidation de la .. propriété par étages, puisqu'un seul acquéreur devient propriétaire du tout. Dans cette liquidation, chaque copropriétaire perd son droit de copropriété. En d'antres termes, le droit de copropriété de chaque copropriétaire est menacé tant que le créancier social n'est pas totalement payé.

"' ATF 125 III 113 ~ JdT 2000 1 22.

85 ATF 126 III 462 = JdT 2001 1 178, cons. 2 b. également KOLLER, p. 940, N 5. Cette possibilité avait cependant été exclue dans l'ATF 125 III 113.

206

(18)

--

La propriété par étages face à ses c[éancÎe[s

C. Vers une solidarité forcée?

Bien sûr, il est toujours possible d'éviter la réalisation en payant le créancier gagiste.

Mais il faut alors le payer entièrement, pour dégrever l'immeuble de base ". Cha- que copropriétaire, s'il veut éviter la perte de son droit de copropriété (et donc, pour parler clairement, la perte de son appartement) doit potentiellement payer au créancier gagiste la totalité de la créance sociale. Cette solution implique donc une solidarité forcée entre tous les copropriétaires. C'est une dérogation inadmis- sible au principe de l'absence de solidarité entre copropriétaires. Qui accepterait en Suisse d'acquérir un appartement en propriété par étages, s'il était conscient du risque de devoir payer non seulement la part de cotisation qui lui revient, mais également la part de cotisation de ses voisins, si ceux-ci font défaut?

D. Répartition du solde du produit de réalisation

Dans le cadre de la dissolution de la copropriété, le solde du prix de vente de l'immeuble, après paiement des créanciers sociaux, sera remis à la communauté dé- funte, et réparti entre les copropriétaires non pas proportionnellement à la valeur de leur quote-part, mais proportionnellement à la valeur vénale de leur apparte- ment87Cela peut être riche de surprise pour les copropriétaires, qui ont payé leurs cotisations en fonction de la valeur de leur quote-part durant toute la durée de la propriété par étages.

E. L'obstacle de l'article 648 al. 3 CC

La solution d'une hypothèque grevant l'immeuble de base est d'autant plus mau- vaise qu'elle n'est envisageable que si aucune part de copropriété n'est grevée d'hypothèques: l'article 648 al. 3 CC exclut que l'immeuble de base soit grevé alors que des parts de copropriété le sont déjà. Selon les hasards du statut réel des parts de copropriétés, les copropriétaires se voient ainsi contraints ou non à une solidarité forcée totalement incompatible avec les principes de base de la propriété par étages. A la limite, les copropriétaires auraient intérêt à grever artificiellement une part de copropriété d'un droit de gage, pour éviter le risque d'une hypothè- que légale sur l'immeuble de base.

tI6 Article 827 CC.

g; Article 106, al. 3 ORFI.

207

(19)

F. Solution de la répartition du gage

La bonne solution, qui s'impose lorsque des parts de copropriété sont grevées de gage, et qui devrait être la seule solution admissible en toute hypothèse, est une répartition du gage du créancier social sur les parts de copropriétés, en application de l'article 798 al. 2 CC 88. Chaque copropriétaire peut ainsi dégrever sa part de copropriété en payant non pas la totalité de la dette, mais la fraction de la dette que garantit sa part de copropriété. Le créancier social doit demanderJa réalisation de l'ensemble des immeubles grevés simultanément (arricle 816 al. 3 CC), ce qui réduit les inconvénients de cette répartition du gage.

Dans la mesure où le débiteur est la communauté, la poursuite doit être dirigée contre la communauté. Les propriétaires des parrs grevées peuvent cependant s'op- poser au commandement de payer en leur qualité de tiers propriétaire du gage".

Ils ont également la possibilité de dégrever leur part en payant l'entrepreneur pour la partie de la dette dont leur part garantit le paiement90, et de compenser leur droit de reCOurs contre la communauté 91 avec leurs obligations de contributions.

G.

Cas des travaux objectivement inutiles pour un copropriétaire

L'article 712 h al. 3 CC exonère des frais relatifS aux parties communes les copro- priétaires pour lesquels ces travaux n'ont pas d'utilité objective. Cette disposition est cependant une règle de répartition interne des frais. Elle n'a donc pas d'effet sur le plan exrerne.

Si un entrepreneur qui a travaillé sur les parties communes de l'immeuble fait inscrire une hypothèque légale d'artisans et entrepreneurs pour garantir sa créance, cette hypothèque doit grever proportionnellement toutes les parts de copropriété, y compris les parts de copropriété des propriéraires d'unité pour lesquels les tra- vaux sont inutiles92. Les copropriétaires exonérés des frais au niveau interne peu- .' vent dégrever leur part aux conditions de l'article 827 al. 1 CC, et recourir contre

la communauté conformément à l'article 827 al. 2 Cc.

88 ATF 125 III 113

=

DC 1999-158;ATF 112 II 214

=

JdT 1987 [124;MElER-HAyoz/REY, art. 648 CC, N 44 contra: DE HALLER., in RDS 1982 Il pp. 259 ss, 669 ss. Cette solution est égale- ment celle qu'a adoptée le Tribunal fédéral pour la charge hypothécaire des parts de copropriété en général :ATF 95 [ 568 = JdT 1970 [ 570.

" Article 153 al. 2 LP.

'" Article 827 al 1 Cc.

" Article 827 al. 2 Cc.

" ATF 125 III 113

=

DC 1999-158-161 ;ATF 111 II 31

=

JdT 1987 [ 124

=

ZBGR 68-383.

208

(20)

La propriété par étages face à ses créanciers

VI. Conclusion

A. La propriété par étages entre deux écueils

Ces quelques réflexions sur la poursuite contre une communauté de propriétaires par étages permettent d'identifier deux écueils, entre lesquels il faut naviguer à vue pour éviter le naufrage.

Le premier écueil est celui d'une confusion des rapports internes et externes.

Le créancier social ne devrait pas avoir à se mêler des inextricables problèmes de répartition des frais entre copropriétaires.

Le second écueil est celui d'une solidarité forcée entre les copropriétaires. La participation à une communauté ne doit pas impliquer le risque pour un copro- priétaire de devoir payer les cotisations de ses voisins.

B. Le fonds de rénovation, capital social de la PPE?

Ces deux écueils peuvent facilement être évités lorsqu'il existe un fonds de ré- novation suffisant: la saisie du fonds de rénovation évite aux créanciers sociaux de devoir saisir la créance de la communauté contre les copropriétaires, et de se retrouver englués dans les problèmes de répartition interne des frais. Les artisans et entrepreneurs sont payés au moyen du fonds de rénovation, qui est alimenté par les copropriétaires en fonction de la clef de répartition interne des frais. Il n'y a donc plus de risque de solidarité forcée des copropriétaires à travers la menace d'une hypothétique réalisation forcée de l'immeuble de base. La solution à ces problèmes réside donc peut-être dans la perspective d'une réforme législative instituant un fonds de rénovation minimum.

Cette solution n'est pas particulièrement originale: qu'est-ce qu'un fonds de rénovation obligatoire, sinon le capital social d'une société de capitaux, et qu'est-ce qu'une obligation de niveau minimal, sinon la solution des réserves familière aux administrateurs de sociétés anonymes? Dès lors que la communauté des proprié- taires par étages a des prérogatives qui sont celles d'une personne morale, il n'est guère surprenant que des solutions propres à ces personnes morales s'imposent à terme, dans une forme adaptée, à la communauté des propriétaires par étages.

Et finalement, quoi de plus raisonnable que de prévoir une petite réserve de miel, pour éviter la colère d'un apiculteur impatient?

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