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Un briseur de chaînes, l’hospitalier Abraham Joly

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Un briseur de chaînes, l'hospitalier Abraham Joly

DREIFUSS, Jean Jacques

DREIFUSS, Jean Jacques. Un briseur de chaînes, l'hospitalier Abraham Joly. Revue médicale suisse , 2009, vol. 5, p. 1228-1231

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:103835

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27 mai 2009 Revue Médicale Suisse

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27 mai 2009

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Un briseur de chaînes, l’hospitalier Abraham Joly

Abraham Joly (1748-1812) est cré- dité d’avoir interdit l’utilisation de fers et de chaînes pour contenir des ma- lades mentaux dans les dernières an- nées du XVIIIesiècle, période mouve- mentée avec la révolution de 1792, la Terreur de 1794, puis l’annexion de Genève à la France en 1798. Joly a oc- cupé durant environ trois décennies avec distinction des postes à respon- sabilité au sein de l’Hôpital général de Genève, comme procureur-directeur, puis comme hospitalier, enfin comme membre puis comme président de la Société de Bienfaisance. Fut-il, comme certains le pensent, un précurseur de Pinel ?

L’

Hôpital général, une création de la Réforme, était au service des indigents et des malades genevois, les soutenait et les soignait, soit à leur domicile, soit dans le bloc de maisons construites au début du XVIIIe siècle et qui abrite l’actuel Palais de Jus- tice, place du Bourg-de-Four. Dans la

ville d’environ 25 000 habitants qu’était Genève à l’époque de Joly, l’Hôpital gé- néral était bien davantage qu’un hôpital au sens moderne du terme : c’était le principal lieu de soutien et de soins à disposition des indigents et des malades genevois ;ail comportait tout à la fois une infirmerie, un hospice pour l’accueil des pauvres et des orphelins, une maison de retraite hébergeant des pensionnaires, enfin une maison – la Discipline, proche de la Promenade de Saint-Antoine – pour la détention des aliénés et des jeunes délinquants.

UN HÔPITAL

-

HOSPICE

AU XVIIIESIÈCLE

Devant la diversité des fonctions de l’hôpital, et la modicité des moyens thé- rapeutiques à disposition, on comprend que les médecins et les chirurgiens n’y jouaient qu’un rôle subalterne.1Ainsi au- cun représentant de la corporation médi- cale ne siégeait à la direction collégiale de l’Hôpital, contrairement au pasteur dé- légué par l’Eglise et surtout aux représen- tants de l’Etat : trois membres de l’exé- cutif, dont un syndic en tant que prési- dent ; huit membres du législatif, chacun portant le titre de procureur-directeur, res- ponsable des habitants d’un quartier de la ville et habilité à demander hospitali- sation de ceux dont la maladie l’exigeait.

Le personnage le plus important de l’Hô- pital est cependant l’hospitalier, qui en est le directeur effectif, qui le gère et l’ad- ministre avec la collaboration de sa fem- me, et assiste, avec voix consultative, aux séances bihebdomadaires du collège de direction. Trois médecins et trois chirur- giens sont chargés du traitement des ma- lades, quatre en ville, deux à l’intérieur de l’Hôpital.

L’hospitalier et sa femme doivent ré- sider à l’Hôpital, ne peuvent exercer pour leur compte aucun commerce ou occuper aucun emploi, ni accepter aucune tutelle ou curatelle, et s’ils possèdent des biens

ruraux, il leur faut les confier à un exploi- tant tiers. Ils doivent visiter chaque jour les malades, tant ceux de l’Hôpital que ceux de la Discipline, surveiller avec dili- gence tous les domestiques de la mai- son, prendre garde que personne pût entrer dans l’Hôpital ou en sortir sans la permission des portiers, faire fermer les portes à dix heures du soir et se faire re- mettre les clés pour la nuit. L’hospitalier devait prendre note de toutes les per- sonnes admises à l’Hôpital, surveiller les vendanges et les caves, tenir note des blés et du foin récoltés, surveiller les cui- sines, ordonner les lessives, payer les pensions mensuelles aux assistés et veil- ler à ce que tous, à moins d’empêche- ment dû à la maladie ou à quelque autre cause importante, assistent au culte domi- nical et aux prières du soir et du matin.2 La vocation d’Abraham Joly fut d’abord médicale, probablement sous l’instigation d’un oncle, Gaspard Joly, médecin et homme d’Etat. Abraham étudia à Mont- pellier, obtenant le doctorat en 1771, puis voyagea longuement, en France et au Royaume-Uni. Il revint à Genève, eut le malheur de perdre sa première femme en couches, devint en 1774 membre de la corporation des médecins, des apo- thicaires et des chirurgiens – l’ancienne Faculté –, entra en 1775 au Conseil des Deux-Cents, se remaria en 1776 et fut nommé en 1780, à l’âge de 32 ans, pro- cureur-directeur pour le quartier de Saint- Gervais. Il avait trouvé sa voie, au service de l’Hôpital, abandonnant apparemment sans regret la pratique médicale.2-4

UN HOSPITALIER PHILANTHROPE

Joly n’a rien publié, si ce n’est une courte note sur les cheminées.5C’est qu’à l’époque, on mourait de froid tant les maisons (dont l’hôpital) étaient mal chauffées et mal isolées. C’est donc par défaut dans les registres officiels, conser- vés aux Archives de l’Etat, ceux des Con-

J.-J. Dreifuss

Jean-Jacques Dreifuss Département de neurosciences CMU, 1211 Genève 4

jeanjacques.dreifuss@unige.ch Rev Med Suisse 2009 ; 5 : 1228-31

a Les indigents et les malades français étaient pris en charge par la Bourse française, également sise place du Bourg du Four.

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seils, de l’Hôpital, de la Chambre de santé, qu’on retrouve consignées ses nombreu- ses prises de position.

Par exemple, en raison de la mortalité élevée des patients hospitalisés, il pos- tule que «seules les personnes gravement atteintes arrivent à l’hôpital ; en effet, les familles acceptent de s’occuper de leurs proches tant qu’elles ont un espoir de les voir guérir ; mais lorsque le cas sem- ble désespéré, le patient est envoyé à l’hôpital pour y mourir». Il en déduit que

«la mortalité tient davantage aux circons- tances qui déterminent les malades à entrer à l’infirmerie qu’aux secours qu’ils y reçoivent» ou encore, en d’autres ter- mes que «l’hôpital ne tue pas, mais il en- terre». Réflexion qui a fasciné les démo- graphes.

Mais Joly est surtout connu pour avoir aboli l’enchaînement des aliénés à Ge- nève. Guillaume Moultou (1767-1832), qui fut hospitalier une génération après Joly et qui, en 1830, militait au Conseil repré- sentatif pour la construction d’un hôpital destiné aux seuls malades mentaux, a écrit les lignes suivantes :

«Genève n’était pas plus juste et plus humaine pour les aliénés que les autres pays. Elle fut longtemps sous l’influence et l’empire des préjugés qui maîtrisaient l’Europe ; l’établissement où ils étaient en- fermés avait ses chaînes, ses chambres noires, et nos fous étaient abandonnés, pour ainsi dire aux seuls soins des infir- miers. Un hospitalier philanthrope, M. Joly, en introduisant de grandes améliorations dans notre hôpital, s’occupa aussi de notre Discipline, nom qu’a toujours porté la maison où sont mises les personnes atteintes d’aliénation ; il substitua le cor- set de force de toile aux chaînes et aux colliers dont on se servait pour contenir les fous furieux.6

ABOLITIONNISTE ET

PRÉCURSEUR

?

L’assertion qui précède doit être inter- prétée avec prudence, pour plusieurs rai-

sons. Premièrement, on ne trouve nulle part, dans les registres conservés aux archives de l’Etat, mention de l’abolition des chaînes qui permettaient de contenir les aliénés violents. Ces registres sont pourtant riches en informations de Joly.

Ses archives personnelles – devenues accessibles il y a quelques décennies – sont pareillement muettes au sujet des chaînes, comme l’est la biographie de son mari écrite par sa seconde épouse, Catherine Patron.

Deuxièmement, au temps de Joly, l’Hô- pital général hébergeait environ 25 alié- nés à la Discipline ; le nombre d’enchaînés devait être d’un à deux, si le pourcenta- ge des furieux était à Genève du même ordre que celui observé dans les grands hôpitaux-hospices parisiens. La Roche- foucauld-Liancourt a conduit en mai 1790 une inspection, mandatée par le comité de mendicité, à l’Hôpital de Bicêtre, près de Paris ; le quartier des aliénés de cette institution réservée aux hommes comp- tait le jour de la visite 270 fous ; parmi ceux-ci seuls dix étaient enchaînés, soit moins de 5%.

Joly est un hospitalier philanthrope, proche de ses assistés. Il milite pour que les aliénés aient «une place dans le jardin de la Discipline où ils auraient la liberté de se promener» et de prendre l’air sans importuner les passants qui arpentent la Promenade de Saint-Antoine (figure 1).b Pour Joly, les aliénés ne sont pas des possédés, mais des malades dont beau- coup sont curables et qu’il convient de soigner avec douceur. Il écrit: «Nous avons remarqué que la contrainte, l’espèce d’in- carcération et tous les moyens rigoureux qu’on est obligé d’employer pour contenir ou pour guérir les aliénés ne font qu’exas- pérer leurs maux et les rendre souvent incurables, là où des moyens de douceur et des efforts pour gagner leur confiance auraient amené une guérison». En cas

d’amélioration, ajoute-t-il, il faut se hâter de continuer la cure à la campagne et donner au malade davantage de liberté et d’exercice à mesure qu’il se rappro- che de son état naturel, sans quoi il re- tomberait souvent dans un état plus vio- lent et plus obstiné. Joly était, à n’en pas douter, un proto-psychiatre plein d’huma- nité, un homme des Lumières.

La question demeure si l’attitude de Joly envers les aliénés était novatrice au point qu’il faille voir en lui un précurseur.c Plusieurs historiens qui se sont inté- ressés à Joly répondent par l’affirmative, notamment Léon Gautier qui écrivait :

«Précurseur de Pinel, Abraham Joly fit cesser à l’Hôpital de Genève l’emploi des chaînes et autres moyens barbares de coercition dont on se servait partout sous prétexte de soigner les aliénés ».5Or, on n’enchaînait pas tous les aliénés, mais seuls les plus violents et ceci non sous prétexte de les soigner, mais dans l’idée de les empêcher de nuire.

UN PSYCHIATRE FRANÇAIS

,

PINEL

Philippe Pinel (1745-1826) est ce mé- decin et pionnier français de la psychia- trie naissante qui est crédité d’avoir fait abolir à Paris, dans les dernières années du XVIIIe siècle, les chaînes qui entra- vaient les aliénés de l’Hôpital de Bicêtre et les aliénées de l’Hôpital de la Salpê- trière.d Son collaborateur Jean-Baptiste Pussin (1745-1811), «gouverneur» des aliénés dans les deux institutions sus- mentionnées, a joué un rôle important dans cet événement.7L’abolition effecti- ve des chaînes eut lieu en 1797 à Bicêtre, en 1800 à La Salpêtrière ; elle est deve- nue réglementaire en 1802 : «L’usage des chaînes, à moins d’une nécessité abso- lue et jugée telle par les officiers de santé, sera supprimé ; on y substituera celui des

... ...

Figure 1.Ancienne Discipline vue de la Promenade de Saint-Antoine (vers 1850)

b Selon Moultou, les aliénés avaient l’habitude de crier et d’in- terpeller journellement depuis leur prison les personnes qui avaient le bonheur de se promener librement en leur pré- sence sous de délicieux ombrages.

c La recherche de précurseurs fleurit aux temps des nationa- lismes et des indépendances, et leur nombre tend à pêcher par excès plutôt que par manque.Pour la seule abolition des chaînes bridant les aliénés, citons – outre ceux qui sont mentionnés ailleurs dans le texte – les noms de William Tuke (1732-1822) pour l’Angleterre,Vincenzo Chiarugi pour la Toscane, Joseph Daquin pour la Savoie, etc.

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corselets de toile de treillis».

Si Pinel a eu des précurseurs, il faut les rechercher du côté du médecin écos- sais William Cullen (1710-1790), dont Pinel a traduit en français en 1785 les Institu- tions de médecine pratique, de Pussin, son surveillant-chef, du chirurgien Jean Colombier (1736-1789), auteur avec le médecin Doublet, d’une vaste enquête en France prérévolutionnaire, publiée en 1785 :

«Il faut traiter les insensés pauvres qui sont à la charge du gouvernement com- me les riches traitent les leurs. S’il est préférable, bien sûr, d’éviter les dépen- ses inutiles, il faut cependant leur fournir des vêtements, une cellule ou un dortoir propre où ils couchent seuls, une nourri- ture simple et saine, de l’air et de l’eau salubres, et leur offrir la possibilité de pro- menades ombragées». Colombier pour- suit en recommandant de trier les malades curables des incurables, mais il rappelle que même quand la maladie est ancien- ne, «on ne doit pas croire que les mala- des ne guériront point», puisqu’il y en a qui «reviennent entièrement à la raison, au moment où l’on s’y attend le moins».

Colombier souhaite par ailleurs que l’on sépare les aliénés les uns des autres d’après leur type de comportement, de façon à les protéger de la violence de quelques-uns, mais aussi d’une agitation et d’une mélancolie qui pourraient se pro- pager. Sans doute faut-il parfois contenir un furieux, mais «si les liens sont quel- quefois nécessaires, il faudrait du moins leur ôter ce qu’ils ont de cruel et d’humi- liant».8

Ce texte est, en plus explicite, de la même encre que ceux (trop rares et trop brefs) de Joly.

La camisole de force constitue effec- tivement une alternative, puisqu’elle pré- vient les mouvements des membres su- périeurs et des mains de manière discrète, à peine visible. La figure 2montre une malade dans sa camisole de force aux longues manches attachées par devant.

En cas de crise, les très longues manches de la camisole de force s’attachaient soit dans le dos du patient, soit sous sa chaise.

Le texte que je viens de citer paraît, je le répète, en 1785. Précisons que Moul- tou n’indique pas quand eut lieu l’aboli- tion des chaînes entravant les aliénés de la Discipline, mais qu’il en attribue le mé- rite à Abraham Joly. Ceci n’implique pas nécessairement que l’abolition date de la période de six ans – 1787-1793 – du- rant laquelle Joly fut hospitalier, comme l’assument certains.3,4Il est probable que celui qui a occupé un temps pareille haute fonction dans l’administration genevoise conservait informellement le titre sa vie durant, comme on continue de s’adres- ser à un ancien syndic par sa fonction d’antan.e

UNE INCARCÉRATION ET UNE ÉVASION

Il valait donc la peine de rechercher si les registres de l’Etat mentionnent, dans les années qui ont suivi 1793, un désen- chaînement à la Discipline, qui résoudrait le problème que pose l’absence de date dans le texte fondateur de Moultou. Je crois avoir trouvé une explication plau- sible de cette énigme dans une incarcé- ration à la Discipline d’un groupe de jeu- nes délinquants, de leur désenchaînement et de leur évasion collective en 1796, et je la rapporte dans les termes utilisés par l’historien Walter Zurbuchen,9,10 qui a consulté les registres du Conseil.

La refonte du droit pénal consécutive à la révolution genevoise allait valoir à la Discipline, pendant trois ans, un rôle ca- ractérisé de maison de force. Ainsi, en 1794, des détenus politiques furent-ils temporairement incarcérés à la Discipli- ne. En juillet 1795, la direction de l’Hô- pital fut avisée qu’elle allait recevoir dix jeunes gens condamnés à des peines de réclusion pour vol et divers autres mé- faits. Ils devaient être mis au travail et ap- prendre un métier ; il fallut donc les regrou- per dans un local-atelier de la Discipline et leur confier des outils. Des mesures de sécurité furent prises qui ressemblaient à une aggravation de la peine prononcée : en plus du renforcement des portes et de la pose de barreaux, on décida, pour la sécurité du maître artisan et du gardien, que les détenus porteraient un anneau de fer fixé à la cheville auquel était atta- chée une chaîne de fer d’un mètre de long et pesant plusieurs kilogrammes. Si l’un ou l’autre faisait mine de vouloir briser le cadenas, il verrait l’anneau rivé à sa jam- be ; en cas de récidive, un boulet serait fixé à la chaîne ; en dernier ressort, l’in- soumis serait arrimé à un mur.

Une année ne s’était pas écoulée que neuf des détenus réussissaient à s’échap- per de la Discipline une nuit de juin 1796 et à passer la frontière. Sept des évadés furent arrêtés à Ferney deux jours plus tard. Le traité d’extradition avec la France ne prévoyant que les cas d’assassinat ou de vol de grands chemins, les longueurs d’une procédure d’extradition risquaient d’entraîner des frais considérables sans que l’on soit assuré pour autant du suc- cès ; le Petit Conseil renonça en consé- quence à réclamer le retour des jeunes évadés.

Il est tentant de postuler, que Moul- tou, en écrivant sa brochure 35 ans plus tard, se rappelle cet épisode-là, qui a dû faire jaser les Genevois en son temps.

Mais sa mémoire le trompe sur un point mineur et lui fait confondre malades men- taux et criminels de droit commun d’une part, et abolition des chaînes décidée en haut lieu et rupture de chaînes comme préalable à une évasion collective, d’au- tre part.

Que mon hypothèse soit vérifiée ou non, la légende de l’abolition des chaî- nes qui entravaient les aliénés violents a des profondes justifications psycholo- giques. Elle identifie un changement de paradigme. L’aliéné cesse d’être un étran- ger (an alien) à la société dans laquelle il

d Ces deux hôpitaux ont joué un rôle-clé dans le «grand enfermement» ordonné en 1656 par Louis XIV pour recueillir, dans le cadre d’une mesure de police, les hommes et les femmes qui présentaient des troubles persistants du comportement social, quelle qu’en soit la nature. Bicêtre avait une capacité d’hébergement pour environ 4000 déte- nus, la Salpêtrière pour près de 8000 détenues ! e Joly avait décliné en 1793 l’offre d’un second mandat de six

ans comme hospitalier, vraisemblablement parce qu’il ne partageait plus les vues des révolutionnaires de 1792. Il fut d’ailleurs condamné par l’un des tribunaux révolutionnaires à six mois de détention à domicile.

Figure 2.Femme avec la camisole de force

Figure montrant bien comment les mouvements des membres supérieurs sont entravés.

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... ...

vit, un possédé de démons nocturnes (a lunatic) qu’il convient d’éloigner, voire d’exorciser : c’est un malade, un malade mental, justiciable, en théorie sinon déjà en pratique, d’un traitement efficace et non de brutalités ni de punitions.

La question de la cohabitation dans le même bâtiment de détenus de droit com- mun et de malades mentaux resta posée tant que Genève ne possédera pas une institution dédiée spécifiquement aux soins des malades mentaux. Moultou :

«Toutes les améliorations que permet- taient les localités de la Discipline ont été faites, mais cette maison, contenant divers départements dont le service se contrarie, ces améliorations n’ont pu atteindre le but désiré».

Le premier véritable «aliéniste» de Ge- nève fut le savant professeur (et docteur médecin diplômé en 1797 d’Edimbourg) Gaspard de La Rive (1770-1834), qui «vou- lut bien achever ce qu’avait commencé M. Joly».6Ainsi, il fut le premier qui a fait connaître tous les inconvénients et le besoin que nous avions d’un nouvel éta-

blissement pour les aliénés. En fonction à la Discipline depuis 1802, de La Rive y effectuait des visites bihebdomadaires.

C’est lui qui supervisa le déménagement des malades mentaux qui quittent défini- tivement la Discipline en 1832, pour s’ins- taller quelques brèves années à Corsier.

La construction et la mise à disposition

d’un premier asile psychiatrique, celui de Vernets, sis sur la rive gauche de l’Arve, près de la Jonction, ne seront réalisées qu’en 1838. Bel-Air suivra en 1900, où existe depuis 1997 un Espace Abraham Joly, dédié à l’art et à la culture.11 Ce médecin et hospitalier éclairé mérite bien cet hommage.

... ...

Bibliographie

1 Louis-Courvoisier M. Soigner et consoler. La vie quo- tidienne dans un hôpital à la fin de l’Ancien Régime.

Genève : Georg, 2000 ; 318 p.

2 Lescaze B. Abraham Joly, le briseur de chaînes. Ge- nève : Hôpitaux universitaires de Genève, 1997 ; 32 p.

3 Gautier L. La Médecine à Genève jusqu’à la fin du dix-huitième siècle. Genève : Jullien et Georg, 1906 ; 696 p.

4 Cramer M. Un précurseur peu connu de Pinel : le mé- decin genevois Abraham Joly. Med Hyg 1974;32:1572-3.

5 Joly A. Lettre au rédacteur. Genève : Bibliothèque bri- tannique, Sciences et Arts, 1797;6:300-2.

6 Moultou GF. Des aliénés et de l’établissement projeté pour l’amélioration de leur sort dans le Canton de Ge- nève. Genève : Lador, 1830 ; 27 p.

7 Weiner DB. Comprendre et soigner. Philippe Pinel (1745-1826). La médecine de l’esprit. Paris : Fayard, 1999 ; 479 p.

8 Colombier J, Doublet F. Observations faites dans le département des hôpitaux civils : instruction sur la ma- nière de gouverner les insensés, et de travailler à leur guérison dans les asiles qui leur sont destinés. Paris : Journal de Médecine, de Chirurgie et de Pharmacie, 64, 529-583, août 1785 (cité dans réf.7).

9 Zurbuchen W. L’Hôpital général de Genève au temps de la révolution et de l’Empire ou l’ère des tribulations.

In Sauvez l’âme, nourrir le corps. De l’Hôpital général à l’Hospice général de Genève. Genève : publié par Les- caze B, 1985;295-325.

10Zurbuchen W. Une grande figure oubliée : Abraham Joly. Idem, 1985:327-31.

11Brulhart A. Du Mal de Saint-Antoine à Belle-Idée.

Tome 1 : 1800-1950. Genève : Georg et Hôpitaux univer- sitaires de Genève, 2002 ; 289 p.

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