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Remarque sur le concept d'écologie humaine

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Academic year: 2022

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Remarque sur le concept d'écologie humaine

RAFFESTIN, Claude

RAFFESTIN, Claude. Remarque sur le concept d'écologie humaine. In: Proceedings of the International Meeting on human ecology . Saint-Saphorin : Georgi, 1976. p. 403-410

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4492

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REMARQUES SUR LE CONCEPT D'ECOLOGIE HUMAINE Cl. Raffestin

D'entrée de jeu, il me semble nécessaire de préciser que les réflexions qui vont suivre ne seront pas situées par rapport à une science spécifique au ghetto de laquelle appartiendrait l'auteur mais bien plutôt par rapport à une série de problèmes dont l'insistance quotidienne confine à l'obsession pour cha- cun de nous mais qui n'appartiennent finalement à aucune dis- cipline en particulier. C'est dire que je refuse de|me laisser enfermer dans le corpus, théoriquement discutable d'ailleurs, d'aucune science. C'est pourquoi je ne partage pas l'idée de Konrad Lorenz qui écrit à propos du savant : "Celui-ci doit habituellement se borner à écrire sur des choses dont il est absolument certain" (5). Cependant il ajoute : "Toutefois, on peut se trouver dans une situation qui exige que l'on dise ce que l'on présume vrai" (6). J'adhère pleinement à cette secon- de idée qui corrige fort heureusement l'absence de relativisme de la première. La science d'une manière générale tend à uni- versaliser à partir de concepts qui sont créés dans des con- ditions particulières dont le savant le plus objectif ne peut pas faire abstraction, tout au moins jamais totalement. Dès lors, ces conditions déterminent les limites de l'appréhension des phénomènes à partir de ces concepts : "II n'existe pas de relation naturelle, universelle de l'homme à ses objets, car ces relations ont une signification symbolique conditionnées par tous les phénomènes et les conditionnant" (1). L'univer- salisation dans les sciences humaines peut avoir un rôle in- tensément conservateur qui est d'autant plus fort qu'il s'ali- mente à l'illusion d'une théorie indépendante non compromise par des présupposés idéologiques. Il est surprenant, effarant même de constater que les sciences humaines, qui véhiculent toutes sortes d'idéologies implicites, refusent de prendre en compte la dimension politique et avec d'autant plus de vigueur qu'elles croient être parvenues à une maîtrise théorique de leur champ conceptuel. Je m'abstiendrai de tirer des conclu- sions de cette constatation sinon pour dire que dans la pro- blématique qui sera posée ici pour parvenir à éclairer le con- cept d'écologie humaine, je ferai une place, la place fonda- mentale qui doit lui revenir, à la dimension politique.

Le cas de l'écologie humaine est, à cet égard, exemplaire. En effet, alors que cette discipline ou mieux ce projet d'espace scientifique aurait dû baigner dans un contexte politique so- lidement établi et explicité, il n'en a rien été sur le plan théorique sinon au niveau d'une praxis facilement récupérée en tant qu'expression d'une contestation marginale. Pourquoi ? Parce que l'écologie humaine a été conçue comme une forme dé- rivée de la question naturelle qui, selon Moscovici, est une des interrogations essentielles du XXe siècle (1?. Mais comme la plupart des questions essentielles, celle-ci s'est imposée avec brutalité sans pour autant être exempte d'ambiguïté. Elle est ambiguë en raison de l'opposition nature-culture ou nature- société qui définit une philosophie pragmatique propre à la

HUMAN ECOLOGY MEETING VIENNA 1975 HUMANÔKOLOGIE-TAGUNG WIEN 1975 GEORGI PUBLISHING COMPANY

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civilisation occidentale. Cette dichotomie se fonde sur le fait que l'homme est sujet et la nature objet. Ce partage tranché et évident, seulement en apparence, est source d'équi- voques car il oppose les oeuvres de l'homme, souvent quali- fiées d'artefacts, aux oeuvres dites naturelles. Cette manière de voir est dangereuse sur plusieurs plans. D'abord, elle con- duit à penser qu'il y a une nature et une anti-nature, celle- ci étant édifiée et élaborée par l'homme. Ensuite, cette oppo- sition nature-culture est homogénéisante en ce sens qu'elle évacue les modalités politiques de la relation nature-culture et ceci d'autant plus nettement que "capitalisme et marxisme ont en particulier tous deux glorifié la victoire de l'homme sur la nature sans apercevoir qu'une telle démarche ne pou- vait que se retourner contre l'homme" (2). Enfin, c'est ou- blier que l'action de l'homme fait partie de la nature et qu'elle s'intègre en le continuant dans un cycle universel.

Moscovici s'est efforcé de lever cette ambiguïté en considé- rant qu'il y avait une histoire humaine de la nature. Ce n'est pas parce que l'homme a atteint le stade de l'homo sapiens qu'il est sorti de la nature : "Le milieu naturel n'est pas vaincu, diminué par des techniques, mais modifié par un autre milieu naturel auquel il s'intègre" (9).

La mise en évidence de ces dangers n'est pas en soi suffisan- te mais elle est l'amorce critique d'une problématique de l'é- cologie humaine. Celle-ci pourrait être considérée comme l'es- pace scientifique potentiel à l'intérieur duquel pourraient être réconciliées nature et société dans une perspective in- tégrée. L'existence de groupes humains différenciés détermine un devenir social de la nature et par conséquent une combina- toire matière et savoir faire qui varie dans le temps et dans l'espace : "Un système de ressources est une structure homme- esprit-terre qui impose une sorte de contrainte ou de nécessi- té à ses agents humains" (10). Moscovici explicite cela fort bien en écrivant que : "Cela signifie qu'en agissant sur la matière, l'homme agit simultanément sur lui-même; que toute réorganisation des rapports avec les puissances du milieu ma- tériel est une réorganisation des rapports avec les puissances du milieu matériel et une réorganisation de ses rapports avec lui-même" (11). On est donc, ici, en présence d'une interac- tion étroite dont la complexité est grande, certes, mais qui présente l'avantage de suggérer une possibilité d'intégration sans les ambiguïtés de la dichotomie classique. On peut pré- tendre, sans craindre d'être contredit, que jusqu'à maintenant le problème écologique a été posé en termes traditionnels c'est-à-dire à travers cette opposition nature-société. Oppo- sition qui a permis de se réfugier dans une série d'attitudes qui ne sont pas nécessairement inadéquates mais qui acheminent vers des impasses d'un point de vue global car il n'est pas tenu un compte suffisant de la pluralité des natures d'une part et de celle des sociétés surtout d'autre part. En effet, toute la question naturelle et partant toute la question éco- logique a été polarisée par la protection de la nature menacée par l'homme ou quelquefois prétendument menacée par l'homme.

L'erreur qui est commise, dans ce cas, réside dans le fait

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qu'il n'y a pas, si menace il y a, menace pour la seule nature mais encore menace pour l'homme. S'il est évident qu'un cer- tain mode de production, qu'il soit capitaliste ou socialiste d'ailleurs, est dangereux pour les équilibres naturels, il n'est pas moins dangereux pour les équilibres humains. Ivan Illich l'a fort bien vu : "Le monopole du mode industriel de production fait des hommes la matière première que travaille l'outil" (3). Or, l'écologie humaine classique, suivant en ce- la l'écologie physique, s'est plus préoccupée des effets de la destruction des systèmes végétaux et animaux sur l'existence des hommes que des effets des modes d'exploitation de ces sys- tèmes sur les hommes. L'écologie humaine est placée devant le problème de considérer toutes les relations existant à l'inté- rieur d'une enveloppe spatio-temporelle. Qui parle de rela- tions sous-entend la notion de système et celle d'interrela- tion entre l'ensemble des systèmes. Pour des raisons de sim- plification du discours, j'accepterai la notion de système sans pour autant adhérer à une théorie dont le néo-positivisme latent ne me paraît pas, pour l'instant et pour les sciences humaines, apporter autre chose qu'un mode de description utile sinon opératoire.

Finalement l'écologie humaine est confrontée avec une situa- tion globale dont la complexité est, en première analyse dé- courageante sur un plan pratique et sur un plan théorique. Sur un plan pratique parce que les relations existant à l'inté- rieur de l'enveloppe ne peuvent pas être toutes appréhendées.

Un très petit nombre seulement peut être saisi et analysé. Sur un plan théorique, aussi, car le découpage scientifique tradi- tionnel d'essence analytique parvient difficilement à saisir les relations complexes entre systèmes. Les sciences, en ef- fet, dans leur souci d'être immédiatement opératoires décou- pent l'objet de manière à le maîtriser dans une optique d'in- tervention qu'on pourrait qualifier de limitée. Celle-ci étant commandée par une finalité productiviste qui dérive d'une ra- tionalité technico-économique. Etre opératoire dans le contex- te occidental c'est être en mesure d'intervenir pour produire des biens ou des services en mobilisant des ressources. Que les scientifiques le souhaitent ou non, le veuillent ou non, ils sont pris dans la rationalité technico-économique et par là même contribuent à assurer le succès de la finalité pro- ductiviste. Cette finalité implique un contenu politique et ce n'est pas par la distinction artificielle que l'on fait ha- bituellement entre recherche pure et recherche appliquée qu'on modifie quoi que ce soit à la situation du chercheur et à son rôle. Cette finalité peut s'exprimer encore par le triomphe de la valeur d'échange sur la valeur d'usage : "Comme valeurs d'usage, les marchandises sont avant tout de qualité diffé- rente; comme valeurs d'échange, elles ne peuvent être que de différente quantité" (7). L'occultation de la valeur d'usage est lourde de conséquences pour toutes les situations rela- tionnelles qui prennent naissance à l'intérieur d'une envelop- pe spatio-temporelle. L'oubli de la valeur d'usage, donc de la qualité, c'est l'oubli de la finalité existentielle. Or

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l'écologie humaine se présente d'abord comme la mise en ques- tion critique de cette situation dans laquelle l'existence est largement oubliée. L'écologie humaine propose un change-ment de projet social en apparaissant comme la critique d'un quotidien tout entier tourné vers l'appropriation et la pro- duction qui sont deux mouvements qui ne tiennent que très peu compte des conditions d'existence.

A cet égard, le projet de l'écologie humaine est en opposi- tion avec la rationalité technico-économique d'une part et la finalité productiviste d'autre part. Dans ces conditions, l'é- cologie humaine est davantage un projet scientifique qu'une science constituée. Par conséquent en tant que projet c'est une utopie. Mais comme toute utopie, elle est susceptible de montrer l'envers du quotidien et constitue par là même une tentative idéologique et donc politique. Il ne me semble guère possible de faire de l'écologie humaine si l'on n'a pas pris conscience de ce fait que l'écologie humaine est au départ une critique politique qui se fonde sur une analyse transdiscipli- naire.

Si l'écologie humaine est un projet scientifique, cela signi- fie qu'elle doit expliciter sa problématique et ses méthodes.

C'est au niveau de la problématique qu'il convient d'évoquer l'utopie puisque celle-là ne peut être tirée que d'une réfle- xion sur la société actuelle mais aussi et surtout d'une ré- flexion sur la société à faire dont la finalité serait exis- tentielle et non pas productiviste. C'est ce que Lefebvre ap- pelle la transduction ou réflexion sur un objet possible. La problématique doit donc postuler un objet possible. La mobi- lisation de cette problématique suppose des méthodes qui doi- vent être imaginées et élaborées puisque les méthodes à dis- position, dans les sciences humaines surtout, sont entachées par des problématiques implicites qui procèdent d'une idéolo- gie plus productiviste qu'existentielle. Cela ne signifie pas que l'on fasse table rase des méthodes existantes mais cela signifie que leur valeur soit dégagée en regard d'une nouvelle problématique. Mais comment établir cette dernière sinon à partir d'une réflexion critique sur la praxis sociale. Marx n'a-t-il pas rompu et par là même dépassé l'économie politique classique en procédant à une critique systématique qui con- duit à une nouvelle vision théorique. C'est aussi en cela que l'écologie humaine est un projet politique dans l'exacte me- sure où l'on cherche à définir les conditions d'une situation qui ne soient pas les éléments d'une praxis conservatrice.

Il est donc nécessaire de renverser la perspective scientifi- que si l'on veut fonder une écologie humaine. La science qui se veut opératoire a pour finalité la puissance sur les cho- ses, c'est-à-dire que par un processus idéologique, qui a été incomplètement analysé, à mon avis, elle est devenue une tech- nologie tout en se définissant contemplative. Je vais essayer d'expliciter ce renversement de perspective aussi clairement et aussi succintement que possible. Si je considère l'évolu- tion de la science, je constate que l'effort a porté sur la mise au point d'un corpus de concepts aussi univoques et pré-

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cis que possible. Pour y parvenir, la démarche a été analyti- que et réductrice, autrement dit parcellaire. Les concepts ainsi dégagés ont été apparemment généraux et universels. Ap- paremment seulement, car ces concepts sont des outils spécia- lisés qui ne permettent qu'une appréhension limitée du réel et qui provoquent une multiplicité de découpages ou si l'on préfère de points de vue. C'est d'ailleurs parfaitement ob- servable au niveau du langage scientifique chaque fois que l'on entend ou qu'on lit : "du point de vue économique" ou "du point de vue sociologique" ou encore "du point de vue dé- mographique", etc.. Toute science dans sa démarche atteint ou restitue une image de ses relations spécifiques avec le réel mais à aucun moment elle ne peut prétendre donner une image des relations globales avec le réel.

On remarquera, à cet égard, que la plupart des travaux d'éco- logie humaine, ou ainsi qualifiés, procèdent selon deux voies : les uns agrègent à un point de vue unique, économique, sociologique ou autre, des données empruntées à des discipli- nes voisines et les autres juxtaposent les points de vue de différentes disciplines en tentant de les concilier dans un discours synthétique. C'est ce qu'on pourrait désigner sous l'expression de réflexion pré-écologique. L'écologie humaine, je l'ai prétendu, est un projet. Il faut, par conséquent, chercher à définir la démarche qui pourrait être la sienne.

Cette démarche suppose l'élaboration et la construction de concepts synthétiques qui intègre non pas l'idée d'interven- tion et de domination de la réalité mais celle de la nature des relations que nous entretenons avec les êtres et les cho- ses dans la perspective de la plus grande autonomie et de la plus grande liberté compatibles avec la survie et le maintien d'un système. Le concept d'autonomie dont découle celui de liberté ne peut pas être défini comme un moyen mais comme une finalité générale de l'existence. On pourrait nous objecter que l'introduction du concept d'autonomie est une sorte de

"parachutage conceptuel" pour sortir d'une impasse au niveau de la réflexion. Tel n'est pas le cas et je vais m'en expli- quer. Précédemment, j'ai dit que l'écologie humaine était un projet mais un projet qui avait une visée tout autant scien- tifique que politique.

L'analyse de la société de type occidental révèle, outre sa finalité productiviste nécessitée par un souci d'efficacité qui se traduit par l'accumulation des choses, une rareté pro- gressive des relations autonomes et libres qui fondent l'exis- tence. La lutte contre la rareté matérielle a conduit à une rareté des relations existentielles. Comment définir ces rela- tions existentielles ? En première approximation comme l'en- semble des relations économiques, politiques, sociales et cul- turelles pouvant s'établir entre les êtres d'une part et les êtres et les institutions d'autre part. Etant entendu que ces relations ne sont pas de dépendance ou de domination. Or, jus- qu'à maintenant la finalité productiviste qui a trouvé son ex- pression dans la croissance économique a déterminé une orga- nisation sociale des relations très contraignante. Cette con-

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trainte ne permet pas en général le pluralisme qui est une ma- nière de mesurer le degré d'autonomie et de liberté dans les relations.

On peut faire l'hypothèse, dans ces conditions, que l'émergen- ce de l'écologie humaine n'est possible qu'à l'occasion d'une modification du projet social et des modèles qui en découlent dans la mesure où l'autonomie y est très faible. Comment dès lors ignorer le contenu politique fondamental de l'écologie humaine ? L'autonomie, selon Vendryès, est le fait élémentaire de l'histoire et chaque homme choisit ses enjeux et cherche les moyens de les acquérir. Si la rareté, selon Sartre, est l'un des moteurs de l'histoire, la conquête de l'autonomie en est également un dont la recherche peut être à l'origine d'une réorientation de l'histoire des sociétés occidentales.

De manière à expliciter le concept d'écologie humaine, on peut prendre le risque de penser à haute voix et de proposer moins une définition qu'une sorte de repérage du champ potentiel de ce projet scientifique. L'écologie humaine pourrait avoir pour objet l'étude des relations qui prennent naissance dans un système tri-dimensionnel société-espace-temps d'une part et l'étude de leur optimalisation, de leur gestion et de leur ré- gulation d'autre part, dans la perspective d'atteindre la plus grande autonomie possible compatible avec les ressources du système. Comme on le voit, il s'agit moins d'une définition que de l'esquisse d'une problématique. Il est entendu que le système société-espace-temps comprend tout à la fois le biolo- gique et le social puisque les relations appartiennent aux deux ordres.

A propos des relations, l'importance qui leur est accordée est une conséquence nécessaire de la finalité existentielle. Les relations forment la trame fondamentale de l'existence des êtres bio-sociaux, qu'il s'agisse de relations entre eux ou de relations avec un environnement organique, inorganique et so- cial. Il y a toutes les relations de l'homme avec son environ- nement physique qui déterminent l'état de santé physiologique et psychologique. Au niveau physiologique, les relations dom- mageables se traduisent par une pathologie géographique qui varie non seulement dans l'espace mais encore dans le temps.

Au niveau psychologique il y a tous les problèmes liés à la perception. On notera immédiatement la difficulté de saisir ce type de relation si l'on distingue analytiquement le bio- logique du culturel. Il s'agit, en fait, d'un interface qui contraint à élaborer une théorie de la relation. La notion de relation pourrait être un des premiers concepts synthétiques de l'écologie humaine qui permettrait de résoudre la dispari- té des points de vue engendrée par la perspective spécialisée des différentes disciplines. Ainsi, une relation, quant à son mécanisme, peut avoir la même expression mais évidemment des contenus différents. Ainsi une relation avec l'environnement physique pourrait s'analyser de la même manière qu'une rela- tion avec l'environnement socio-économique après explicitation des media, des gains et des coûts. Ces relations se réalisant dans un système tri-dimensionnel, il conviendra de tenir comp-

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te du fait que l'homme est son propre produit se réalisant dans une enveloppe spatio-temporelle donnée. Le système société- espace-temps est en quelque sorte la situation fonda-mentale avec laquelle est confronté tout homme qui entre en relation avec le système. Mais, il n'y a pas un système société-espace- temps mais une pluralité de systèmes tous ca-ractérisés par une écologie-résultante spécifique. Cette éco-logie résultante pouvant être définie comme la production du système sur laquelle doit s'exercer la critique à finalité existentielle.

Dans chacune de ces écologies humaines, on cherchera à déterminer le degré d'autonomie des relations per-tinentes.

Dès lors l ' optimalisation signifiera la recherche du maximum de relations autonomes. Illich a exprimé la même chose de la manière suivante : "La convivialité est la liberté individuel- le réalisée dans la relation de production au sein d'une so- ciété dotée d'outils efficaces" (4). Bien qu'appliquée à l'é- conomie seulement, cette conception d'Illich est parfaitement transposable à d'autres relations.

Par la gestion et la régulation on dispose de processus par lesquels on maintiendra l'optimum recherché. Ces deux mécanis- mes nécessitent de repenser et d'expliciter tous les compor- tements pertinents, c'est-à-dire essentiels dans une société.

Ceci se réalisant dans l'espace et le temps, l'écologie humai- ne devra également disposer d'une théorie de l'enveloppe spa- tio-temporelle. L'optimalisation, la gestion et la régulation de l'enveloppe spatio-temporelle font partie du projet de l'é- cologie humaine en ce sens qu'elles conditionnent aussi les relations. Sans la maîtrise de l'enveloppe, on court le risque d'aliéner l'espace et le temps d'une collectivité qui forment l'infrastructure première de l'existence en tant que support nécessaire des relations.

Si l'on tente de dégager les axes sémantiques et dialectiques le long desquels l'écologie humaine peut se développer, on dé- couvre l'axe qualitatif-quantitatif, l'axe espace-temps, l'axe organique-inorganique, l'axe biologique-culturel et enfin ce- lui société-société entre autres. Ce dernier axe dérivant de la constatation que l'homme est son propre produit et que par conséquent la société affronte la société dans un mouvement synchronie-diachronie.

Je pense que c'est au prix d'un effort théorique de conceptua- lisation dont je n'ai fait qu'esquisser les grandes lignes que l'écologie humaine pourra ultérieurement devenir opératoire, c'est-à-dire se permettre de devenir prédictive et dans une certaine mesure normative. Le drame actuel est d'édicter des normes sur la base d'une problématique mal définie mettant en oeuvre des méthodes dont le fondement théorique est souvent douteux.

Je suis conscient que les propositions qui précèdent ne peu- vent avoir que la valeur d'un projet; c'est-à-dire la valeur qu'on accorde à une réflexion plus contemplative qu'opératoire.

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C'est le programme d'un nouveau paradigme et comme tel il peut être une imp asse. Po urta nt Bache lard a suffi samm ent mont ré que les erreurs savaient être créatrices pour qu'on tente aus-si celle-ci.

N o t e s

(1) ATTALI, Jacques et GUILLAUME, Marc (1974) : L'Anti-éco- nomique. PUF. Paris. p. 11.

(2) Ibid., p. 33.

(3) ILLICH, Ivan (1973) : La convivialité. Seuil. Paris.

p. 11.

(4) Ibid., p. 28.

(5) LORENZ, Konrad (19 73) : Les huit péchés capitaux de notre civilisation. Flammarion. Paris, p. 5.

(6) Ibid.,

(7) MARX, Karl (1965) : Oeuvres, Economie I. NRF. Paris.

p. 565.

(8) MOSCOVICI, Jacques (1968) : Essai sur l'histoire humaine de la nature. Flammarion. Paris.

(9) Ibid., p. 33.

(10) Ibid., p. 71.

(11) Ibid., p. 71.

Adresse :

Prof. Claude RAFFESTIN, Université de Genève, Département de Géograph ie. Route de s Ac acias 18 , 12 27-Les A caci as/GENEV E, Suisse.

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