R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
L UCIEN F ERAUD
Tests d’hypothèses par la méthode des conséquents
Revue de statistique appliquée, tome 22, n
o1 (1974), p. 49-56
<http://www.numdam.org/item?id=RSA_1974__22_1_49_0>
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TESTS D’HYPOTHÈSES PAR LA MÉTHODE DES CONSÉQUENTS
Lucien
FERAUD
Dans un article intitulé
"Dialectique
duprobable"
paru dans la Revue Internationale deStatistique (Vol. 40, N° 2, 1972)
a été décrite une méthode d’inférencestatistique -plus précisément applicable
aux testsd’hypothèses -
sous le nom de méthode des
conséquents.
Laplace qui
était allouée n’apermis
que de donner le
principe
de cette méthode etd’indiquer
enquoi
elle diffère des méthodes habituelles. Nous allons ici revenir surl’application
de la méthode desconséquents
enemployant
le mêmelangage
que dans l’article cité.Aupa-
ravant doivent être
rappelées quelques
remarques.REMARQUES
PRELIMINAIRES1 -
Lorsque
l’on connaît lesprobabilités
apriori,
larègle
deBayes
n’estautre chose que la
probabilisation
d’un sous-ensemble àpartir
de celle d’un ensemble.Lorsque
l’on ne connaît pas lesprobabilités
apriori
et que l’on veutappliquer
larègle
deBayes (se
dire ou se trouverbayesien)
on est incité àrechercher les
probabilités
apriori
en remontant aux antécédents (voir dans l’article cité le N°17).
2 -
Lorsque
lesprobabilités
n’interviennent pas -dans le raisonnement certain- un résultatpermet
derejeter
unehypothèse ;
onpourrait
dire que le test est crucial(l’expérience qui
a donné le résultat estcruciale).
3 -
Lorsque
lesprobabilités
interviennent -dans le raisonnement que l’onpeut
direprobabilitaire-
iln’y
aplus
de test crucial. Unehypothèse
ne conduità une conclusion que si on l’assortit d’une double
spécification
de Cournot(d.s.C.) comportant
un seuil E, et un sous-ensembled’exclusion( 1)
E. Il estbien évident
qu’une hypothèse seule,
non munie d’uned.s.C.,
n’aboutissant àaucune conclusion ne
peut
être testée. Ilimporte
de noterqu’en
outrel’hypo-
thèse même assortie d’une d.s.C. c’est-à-dire
intégrée
dans l’association H et(E, E)
nepeut
être testée.* Article remis le 22/11/72
( 1 ) Pour faciliter la lecture les notations de l’article cité sont légèrement modifiées : l’ensemble d’exclusion est désigné par E au lieu de 1
l’ensemble d’inclusion étant toujours désigné par I, on a E U 1 = il.
Revue de Statistique Appliquée. 1974 - vol. XXII N° 1
50 En effet de H et
(E, e) - r ~
Eon tire par
contraposition
Cette remarque
simple permet
d’éviter l’erreurrépandue qui
consiste àconclure d’une
petite probabilité
aurejet
d’unehypothèse :
parexemple
une loterie
équitable
à six numéros n’accorde à chacunqu’une probabilité 10 -6 ;
celuiqui
est sorti n’avaitqu’une petite probabilité
de sortir et cepen- dant on nepeut
conclure de sonapparition
que la loterie n’était paséquitable.
Si l’on s’en tenait là toute recherche visant à déterminer ou au moins à
parfaire
une
probabilisation,
c’est-à-dire tout testd’hypothèse
serait condamné. Ainsiparaissent pleinement justifiées
l’attentionqui
estportée
à l’inférencestatistique
et la masse des travaux
qui
lui ont été consacrés.Pour sortir de
l’impasse
il estindispensable
depréciser
et parconséquent
de restreindre l’énoncé des
problèmes
que l’on se propose de traiter : ce quenous allons faire en
distinguant sept problèmes.
PROBLEME 1
Soit à choisir entre deux
hypothèses
dont l’une seule est munie d’une d. s.C. :d’une
part Ho
munie d’une d.s.C. c’est-à-direHo
et(Eo , ~0)
et d’autre
part Hl
nonmunie( 1)
d’une d.s.C.Par définition de la d.s.C.
où r
désigne
un résultat et laprobabilité
étantprise d’après l’hypothèse H.
r G
Eo
est exclu par les deuxhypothèses
on reste dans le doute(~r ~ doute) :
r E Eo
est exclu parHo
et non parHl,
onconclut(2)
r ~E0 ~ Hl
(r
EJO - doute) ;
(1) Par "non munie d’une d.s.C." on peut aussi entendre que l’on pose le problème de
telle sorte qu’il est convenu que l’on ne tient pas compte de la d.s.C. associée à
Hl.
(2) La conclusion notée par le signe ~ signifie "conduit à choisir" ; en fait on exclut
une hypothèse (dans le cas présent
Ho)
ce qui équivaut en vertu de la dichotomieimplicite dans l’énoncé (il n’existe d’autre hypothèse que
Ho
etHl)
à choisir Hl.Cette remarque s’applique aussi à tous les problèmes qui suivent.
Revue de Statistique Appliquée, 1974 - vol. XXII N° 1
51 si
r E
E0 ~ Hl
comme ci-dessus et deplus,
par le même raisonnementappliqué
en inversant les rôles de
Ho
et deHl,
r E10
~Ho’
Il est bien évident
qu’en appliquant
cette méthode une conclusion faussene
peut
êtreprise qu’avec
uneprobabilité
auplus égale
au seuil f 0 .PROBLEME II
Soit à
choisir,
entre deuxhypothèses,
l’une et l’autre munies d’une d.s.C. : d’unepart Ho
et(Eo, ~0),
d’autrepart Hl
et(E1, ~1).
On
procède séparément
pourchaque hypothèse
comme au Problème 1puis
on coordonne les conclusions obtenues pour éliminer les contradictions.
Le
parallélisme
des conclusionsapparaît
dans le tableau suivant.Les trois cas sont numérotés
i/, ü/, iii/ séparément
àgauche (g)
et à droite(d).
On combine ces conclusions de telle sorte
qu’elles
n’entraînent aucunecontradiction. Les associations
possibles
sont au nombre de 9parmi lesquelles
3sont duales de 3 autres.
i/g-i /d :
V r - doutei/g-ii /d :
r EE1 ~ Ho
et sa dualeü/g-i/d :
r CEo =* Hl i/g-iii/d :
r EE1
1 ~Ho
et sa dualeiii/g-i/d :
r EE0 ~ H
1r E 11 ~ H1 r El 10 Ho
ii/g-iii/d:
r EIl
1 ~Hi
1 et sa dualeiii/g-ii/d :
r EIo
~Ho r ~ I0 ~ E1 ~ H0 r ~ I1 ~ E0 ~ H1
Revue de Statistique Appliquée, 1974 - vol. XXII N° 1
52
montre que la solution obtenue en
iii/g-iii/d
coïncide avec celle quesuggère
l’intuition.
Lorsque
l’on considère desclasses( 1 ) d’hypothèses,
leraisonnement,
bienque le même en
principe, n’échappe
pas àquelque complexité. Quatre problèmes
sont à
envisager.
Pouralléger
l’écriture les notationsemployées jusqu’ici
serontlégèrement
modifiées.PROBLEME III
Soit H et
(E, e)
unehypothèse
munie d’une d.s.C. àlaquelle
on oppose une classe OCd’hypothèses
K non munies de d.s.C.On a
Prob(r
EE/H)
= e et l’on poseProb(r
EE/K)
=Q(E/K).
Le raisonnement du Problème 1 donne pour
inf
et suppris
sur la classedes
hypothèses
K :En laissant de côté les relations d’existence
(3)
pour ne retenir que les relationsd’implication
(1) Dans la terminologie statistique usuelle à l’heure actuelle une classe d’hypothèses est
dite une "hypothèse multiple" et une hypothèse est dite "hypothèse simple".
Revue de Statistique Appliquée, 1974 - vol. XX Il N° 1
53 PROBLEME IV
Soit une classe ge
d’hypothèses H,
chacune étant munie d’uned.s.C.,
à
laquelle
on oppose une seulehypothèse
K non munie d’une d.s.C.Soit H et
(E, e)
une deshypothèses
de H et ~ E pour toutes ceshypothèses.
On a
Prob(r
E ~E/H)
e pour H E ge et l’on poseProb(r
E ~E/K) = Q(UE)
car n E et U 1 sont
complémentaires
et pourn’importe quel
HPROBLEME V
Soit une classe
d’hypothèses H,
chacune étant munie d’une d.s.C., àlaquelle
on oppose une seulehypothèse
K munie d’une d.s.C.Si l’on considère la classe des H et
(E, e)
etl’hypothèse
K sans tenircompte
de la d.s.C. de celle-ci on est dans leproblème
IV et l’on introduit les conclusionsfigurant
ci-dessus. Ensuite on considère K et(F, e)
-ce deuxièmee
pourrait
différer dupremier-
que l’on oppose à ge sans tenircompte
des d.s.C.des
H,
on est dans leproblème
111 dont on écrit lescpnclusions
J étant le
complémentaire
de F.En coordonnant les deux séries de conclusions :
Revue de Statistique Appliquée, 1974 - vol. XXII N° 1
54 PROBLEME VI
Soit une classe
d’hypothèses,
chacune étant munie d’uned.s.C. ,
H et(E, e),
àlaquelle
on oppose une classe:Jed’hypothèses
non munies d’une d.s.C.On
reprend
leproblème
IV :les
inf
étantpris
pour K E 9C.PROBLEME VII
Le cas le
plus général
est celui oùs’opposent
deux classesd’hypothèses
toutes munies de d.s.C.
On traite le
problème
VI deux fois enéchangeant
les rôles de e etpuis
l’on coordonne les conclusions :
RETOUR SUR LE PRINCIPE DE LA METHODE DES
CONSEQUENTS
Si l’on
s’interroge
sur le raisonnementqui
conduit aux solutions dessept problèmes qui précèdent,
onaperçoit qu’il
repose sur une cohérence que l’onimpose
aux deuxphases
d’utilisation et d’invention del’hypothèse.
Eneffet,
dans la
phase
d’utilisation on passe deHo
et(Eo , ~0)
àr ~ Eo ,
l’observation d’un r EEo
est donc contradictoire avecl’acceptation
deHo
et(Eo , eo).
Onconsidère une autre
hypothèse
(ou une classe d’autreshypothèses),
on la munitde la même d.s.C. : on considère
donc H1
et(Eo , eo) :
- Si avec celle-ci r E
Eo
n’est pas contradictoire on accordera unepré-
férence à
Hl
et(Eo , ~0) -qui
n’entraîne pas une contradiction- surHo
et(Eo , ~0) -qui
entraîne une contradiction- cequi
conduit à choisirHl
c’est-à-dire r E
E0 ~ H1 ;
- Si par contre r E
Eo
entraîneégalement
une contradiction avecH1
et(Eo, ~0)
il y a contradiction avec les deuxhypothèses,
aucunepréférence
n’està marquer, on reste dans le doute.
Ce raisonnement
peut
être illustré ensupposant
que l’on donne à un exécutant les deuxconsignes
suivantes :Revue de Statistique Appliquée, 1974 - vol. XXII N° 1
55
1/
exclure r EEo
siHo
et(Eo, Eo )
sontadoptés 2/ adopter Ho
et(Eo , ~0)
si et seulement si r E X.Pour
qu’il n’y
ait pas contradiction il est nécessaire et suffisant queEo
et X soient
disjoints :
on doit doncrejeter Ho
si l’on observe r EEo
Toutefois la liaison entre les deux
consignes
n’étant pas nécessaire ceraisonnement ne suffit pas à
imposer
lerejet
deHo.
Onreprend
le mêmeraisonnement avec
Hl
et(Eo , ~0)
et ainsiqu’il
a été vu ci-dessus si cettedeuxième
hypothèse
évite une contradiction on lachoisit,
sinon on reste dans le doute.Nous dirons
qu’en procédant
ainsi onimpose
une cohérence immédiate paropposition
à la cohérence à lalongue qui
résulte du raisonnement bienconnu : une
longue
suite derépétitions
d’uneexpérience permet
d’estimerl’espérance mathématique
en la confondant avec la moyenne des nombreux résultats observés (notammentlorsque
la dite moyenne tend -enprobabilité -
vers
l’espérance mathématique lorsque
le nombre des résultatsaugmente
indé-finiment).
Onpeut objecter
à la cohérence immédiate que les deuxphases
du raisonnement ne sont pas nécessairement
contigües
ni dans letemps
ni dansl’espace
et par suite mettre en cause sa nécessité. Onpeut objecter
à lacohérence à la
longue qu’elle
ne donne rien pour unpetit
nombre- voire uneseule- de
répétitions.
Aucune méthode ne serajamais
à l’abri de touteobjection.
RECEVABILITE D’UNE HYPOTHESE
Dans tous les
problèmes envisagés
ci-avant on estparti
d’unedichotomie,
entre deux classes
d’hypothèses (chacune pouvant
se réduire à une seulehypo- thèse).
Ilpeut
se faire toutefoisqu’une proposition
soit admise comme certainece
qui
veut direqu’aucune
variante nepeut
lui êtreopposée
mais aussi que l’observation d’unrésultat,
ditaberrant,
conduise à revenir sur la certitudeprématurément
accordée à laproposition
et à lui opposer une nouvelle pro-position.
Prenons parexemple
la sortie d’un numéro(131 094)
pour fixer lesidées)
dans une loterie à 6 numéros. On sait que d’énormesprécautions
sontprises
pour éviterqu’une
loterie soittruquée. L’apparition
de 131 094 n’avaitqu’une petite probabilité
de seproduire :
àquelles
conditions examinera-t-onl’hypothèse
d’une loterietruquée,
en d’autres termes àquelles
conditions cettehypothèse
sera-t-elle recevable ? Dans l’articlecité,
nous avons montré au N°17,
que laréponse
à cettequestion dépend
de laprobabilité
apriori assignée
à
l’hypothèse
dont on discute larecevabilité,
et que par suite on est conduit àpartir à
la recherche de cetteprobabilité
apriori
en remontant aux antécédents.Il est clair
qu’une
nouvellehypothèse ayant
été reconnue recevable on se trouve devant un dessept problèmes
traités ci-dessus et quel’hypothèse
initiale pourra êtrerejetée.
Revue de Statistique Appliquée, 1974 - vol. XXII N° 1
56
Reprenons
le Problème 1 pour montrer que la recevabilité deHo lorsqu’elle peut
conduire aurejet
deHo assigne
une borne inférieure à laprobabilité
apriori
deHl.
Soit
Ho
et(Eo, Eo)
unehypothèse
munie d’une d.s.C.Soit
Hl
une autrehypothèse
que nous déclarons recevable.On a
Prob (r
EE0/H0)
= eo et l’on poseProb (r
EE0/H1)
= a.Si a > Eo on conclut
(Problème I)
r EE0 ~ H1.
Considérons maintenant les
probabilités
apriori
p et 1 - p deHo
et deHi Lorsque
l’on a observé r EEo
laprobabilité
aposteriori
deHo
estOn pourra
rejeter Ho
par uneproposition
décisoire de Cournot(p.d.C.),
auseuil e, si
Il en résulte
Ainsi déclarer
Hl
recevableéquivaut,
si l’on admet le seuil E, àassigner
à saprobabilité
apriori
la borne inférieureDans
l’exemple
de la loterie on a ~0 =10-6,
onpeut
supposer letruquage parfait
a = 1 : au seuil E =0,01,
la borne inférieure de laprobabilité
apriori
dutruquage
estAinsi déclarer
Hl
recevable etrejeter Ho
par la solution du Problème 1 revient à admettre que laprobabilité
apriori
deHl
est au moinségale
à10-4
(environ)
et àappliquer
unep.d.C.
au seuil de0,01.
Revue de Statistique Appliquée, 1974 - vol. XXII N° 1