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Article pp.505-522 du Vol.111 n°4 (1990)

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COMPTES RENDUS

QUESTIONS RELIGIEUSES

Henry INSTIlORIS (KRAEMER), Jacques SPRENGER, Le Marteau des sorcieres : Mal- leus maleficarum. Ed. et trad. du latin Armand DANET. Precede de L'Inquisi- teur et ses sorcieres, par Armand DANET. Sainte-Agnes, Jerome Millon, 1990.

13 x 20, 624 p. (<< Atopia »).

Les editions Jerome Millon offrent quinze ans apres la premiere edition (PIon, 1973) la traduction et la presentation par A. Danet du Malleus malificarum (1486) des inquisiteurs Institoris (Kraemer) et Sprenger; des deux auteurs, on considere que Ie veritable redacteur est Ie premier, du couvent benedictin de Selestat, et grand chasseur de sorcieres devant I'Eternel, puisqu'il poursuivit cette ardente activite jusqu'li soixante-quinze ans; Sprenger, Quant Ii lui, a confere Ii l'ouvrage son autorite. Entre 1486 et 1669, ce savant traite a connu un grand suc- ces dont viennent temoigner les differentes editions recensees (voir Ie tableau p.

16-17). Constatant Ie nombre d'editions in-octavo, format rare Ii l'epoque, Miche- let remarquait, sarcastique, les aspects pratiques de ces livres de poche: Ie juge pouvait ainsi au cours de l'audience « sans affectation, regarder du coin de l'reil, et sous la table, fouiller son manuel de sottises ».

En 1973, Robert Mandrou soulignait Ie caractere scrupuleux et l'extreme pro- bite de la traduction et de la presentation. On ne saurait mieux dire. La nouvelle preface presente un resume du Malleus: «la premiere partie rassemble les rai- sons qui justifient l'Inquisition [ ... ] La partie centrale raconte les voyages et les experiences de l'Inquisiteur entre Rhin et Danube, Ii la poursuite des sorcieres [ ... ] Dans une troisieme partie, l'Inquisiteur enseigne d'experience comment on pousse Ii bout une sorciere prisonniere, et ceci jusqu'au bucher. Interrogee et tor- turee sans repit, elle s'enferme dans un autisme qui deviendra la preuve meme de sa possession diabolique ... » Seul regret devant ce bon travail, une actualisation bibliographique trop partielle (en particulier, l'ouvrage fondamental de Jean Delumeau sur la peur n'est pas mentionne).

Monique CoTIRET.

Revue de synthi!se: IV S. N" 4, oct.-dec. 1990.

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506 REVUE DE SYNTI-IESE ; IV'S. N" 4, OCIOBRE-DECEMBRE 1990

Jacques BERLIOZ, Saints et damm!s. La Bourgogne du Moyen Age dans les recits d'Etienne de Bourbon, inquisiteur (1l90-1261). Dijon, Editions du Bien public, 1989. 15,5 x 24, 63 p.

Au XIIIe siecle, dimanche apres dimanche, rete apres rete, la pastorale men- diante ouvre, infatigable, son sillon. De veri tables professionnels de la parole, des theologiens confirmes dotes de sens pratique, ont alors re~u mission d'aller pre- cher au peuple chretien des villes et des campagnes la Verite revelee, mieux que ne peuvent Ie faire les cures de paroisse ordinaires. Pedagogues par necessite quand ils s'adressent a des auditoires frustes, les freres les plus experimentes ont laisse a I'intention de leurs successeurs des recueils de sermons et surtout des collections d'anecdotes edifiantes, ces exempla que les historiens fran~is, derriere Jacques Le Goff, redecouvrent.

Originaire du Beaujolais, entre a Paris dans l'ordre de saint Dominique au plus tard vers 1223, etabli au couvent de Lyon d'ou il rayonne sur tout Ie Sud-Est en qualite de predicateur general et d'inquisiteur jusqu'en 1250 environ, mort a Lyon vers 1261, Etienne de Bourbon reste sans doute l'un des plus fameux rassem- bleurs d'exempla. De son Traite des diverses matieres

a

precher, Jacques Berlioz a extrait tous les recits qui interessent la Bourgogne ou des Bourguignons, et les a regroupes sous une dizaine de rubriques thematiques. Certains de ces courts recits sont inedits, d'autres avaient He pub lies, en latin, au siecle dernier par Lecoy de la Marche.

A l'instar des anciens precheurs, mais dans un autre esprit, l'editeur prend soin de presenter sa riche moisson de fa~n pedagogique : chaque historiette est suivie d'un commentaire approprie qui en degage succinctement l'interet tant au plan de I'histoire locale que pour une meilleure apprehension des mentalites medievales.

Les recherches les plus recentes sont ainsi indiquees au lecteur susceptible de vou- loir approfondir tel ou tel point. Et l'ensemble de la brochure se trouve eclaire de nombreuses illustrations photographiques et d'une carte de localisation des lieux cites.

Cette publication soignee, que l'on souhaite exemplaire pour d'autres entre- prises regionales, permet de retrouver des themes classiques de la predication mendiante axee sur la denonciation des vices (la soif de l'argent, Ie peche de la chair, la violence), la construction d'un au-dela chretien reservant une place au Purgatoire et a ses ames, Ie culte et les miracles de la Vierge, les vertus des saints locaux (six recits, dont deux completement inedits, sur Bernard de Clairvaux temoignent d'une vision populaire du saint differente de celle retenue par ses Vies

« oflicielles »). C'est dire tout l'interet de ce recueil impeccable d'erudition.

Jean-Christophe CASSARD.

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COMPIES RENDUS 507 Colloque erasmien de Liege. Commemoration du 450' anniversaire de la mort d'Erasme. Etudes rassemblees par Jean-Pierre MASSAUT, directeur de l'Institut d'histoire de la Renaissance et de la Reforme. Paris, Les Belles Lettres, 1987.

16,4 x 24,5,315 p. (<< Bibliotheque de la Faculte de philosophie et lettres de l'Universite de Liege», fasc. CCXLVII).

Recueil d'etudes presentees a l'occasion d'une « Journee Erasme», organisee a Liege, Ie 23 avril 1986, ou rassemblees apres cette manifestation, a l'initiative de l'Institut d'histoire de la Renaissance et de la Reforme de l'Universite de Liege, ce volume est dedie au professeur Leon-E. Halkin, un des membres les plus emi- nents de la Sodalitas Erasmiana.

On ne s'etonnera pas que plus de la moitie des contributions concernent la pensee religieuse ou la theologie d'Erasme : n'est-ce pas a notre xx· siecle qu'il a ete reserve de voir pleinement la vocation religieuse d'Erasme? M. Mann Phillips montre combien l'image d'Erasme a change depuis un siecle, depuis Emile Arniel, qui presentait l'humaniste de Rotterdam comme «un libre-penseur du

XVI" siecle», comme un prophete du positivisme, un ancetre de Renan, un rationa-

liste avant tout, qui aurait eu cependant quelques defaillances... Plus personne aujourd'hui ne doute de la piete et de la sincerite du chretien que fut Erasme, ce

« guide de l'arne » pour lequelles belles-lettres, qui revelent un art de vivre autant qu'un art de dire, comme Ie souligne S. Dresden, «se manifestent Ie mieux et Ie plus completement dans Ie texte de la Bonne Nouvelle qui est Ie Christ meme ».

C'est aussi Ie sens de la communication de R L. DeMolen: l'Antibarbarorum liber et Ie De contemptu mundi, ces deux ouvrages qui nous informent sur les sujets qui preoccupaient Erasme pendant sa periode de formation religieuse, refletent deja l'esprit de la philosophia Chnsti. II appartenait a E. W. Kohls, auteur d'un ouvrage pionnier sur la theologie d'Erasme, de presenter les resultats des recherches des deux dernieres decennies sur Erasme theologien et meme renovateur de la theologie, d'evoquer aussi un sujet auquel il a consacre un autre ouvrage important: la controverse entre Erasme et Luther, etudiee egalement ici par C. Augustijn, qui revient sur l'opposition irreductible entre deux conceptions de la theologie, puisque Luther repond par un asserui et assero au contuli d'Erasme. Erasme et Luther retiennent egalement l'attention de M.-M. de la Garanderie qui montre comment Erasme traite Ie debut de la 1 re Epitre de Jean et confronte la lecture erasmienne avec celIe de Luther commentant Ie meme pas- sage en latin devant les etudiants de Wittenberg. Le theologien Erasme est encore present dans la communication de J. Chomarat, qui esquisse une refutation des critiques formulees par A. Godin dans Ie chapitre de sa these consacre aux travaux d'Erasme sur Origene. A une analyse des fautes du traducteur, il prefere une ana- lyse des idees, qui lui permet d'eclairer la pensee d'Erasme sur Ie mal dans l'here- sie, Ie mal en general et Ie peche originel, mais aussi de montrer que Ie christia- nisme selon Erasme fait une place a tous ou a presque tous. On sait que Ie pacifisme d'Erasme est fondamentalement theologique : c'est dans les Annota- tiones que R Padberg recherche les traces du desaccord entre Erasme et saint Augustin sur la question de la guerre juste. Mais c'est a l'aide de toute l'reuvre d'Erasme que E. V. Telle constitue un florilege de textes illustrant la maniere

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508 REVUE DE SYNlHESE : IV S. N" 4, OcroBRE·DECEMBRE 1990

« asymptotique » utilisee par Erasme pour rejeter Ie jugement de saint Jerome sur la difference entre Ie mariage et Ie celibat. H. J. De Jonge rappelle que Ie theolo- gien espagnol Stunica fut peut-etre l'adversaire Ie plus acharne d'Erasme, pour des raisons qui n'etaient pas seulement philologiques, comme en temoignent quatre lettres qu'il adressa en 1520 ou en 1521 au pape Leon X.

Avec la communication de M. A. Screech, nous entrons deja dans l'autre « sec- tion » importante du recueil, celie des contributions relatives au destin posthume d'Erasme. I.e brillant exegete anglais de l'Eloge de la/olie montre que Ie theolo- gien louvaniste Cornelius Jansenius travaillait veritablement avec Erasme sous les yeux, qu'il partageait sa conception de la folie chretienne et que, meme lorsqu'ille rejetait, il avait encore une dette envers ce quidam dont il ne cite jamais Ie nom.

Tout autre est Ie jugement porte sur Erasme en 1586 par Ie pere Antoine Possevin de la Compagnie de Jesus: ce jesuite, nous dit R. Crahay, tient Erasme pour un erudit outrecuidant qui, en s'attaquant aux textes fondamentaux du christianisme, est arrive a des consequences dangereuses pour l'orthodoxie et I'autorite de l'Eglise. Pierre Canisius, autre jesuite, n'est pas moins critique, mais il a Ie merite d'elever Ie debat et de ne pas ranger dans Ie meme sac Erasme et Luther. Quant a saint Fran9Qis de Sales, il adapte a son temps et a son propos les vues de I'auteur de I'Enchiridion, de la Moria et du Modus orandi Deum; C. Bene montre qu'il depasse Erasme sur certains points, mais sans s'en separer. Tandis que O. Her- ding s'interesse a la fortune des ecrits pacitistes d'Erasme, S. Seidel Menchi se tourne vers les lecteurs de l'humaniste : Ie public d'Erasme n'est ni docile ni sou- mis, sa lecture est selective et privilegie les passages les plus audacieux. Aussi les lecteurs sont-ils les premieres victimes expiatoires de l'originalite d'Erasme, meme lorsque, comme l'Aveugle d'Adria, ils font part de leurs reticences dans la marge des livres.

M. Cytowska signe la seule contribution relative a la pedagogie d'Erasme : elle s'interesse a un des episodes de la lutte d'Erasme pour la defense et la promotion des bonnes etudes, son edition de Terence (Bale, mars 1532), dediee a deux jeunes Polonais, fils du banquier attitre du roi de Pologne Sigismond Ie,.

J.-c. Margolin decrit minutieusement les editions erasmiennes leguees par I'abbe Raymond Marcel a la Bibliotheque municipale de Tours. Entin, A. Godin rouvre Ie dossier du Compendium vitae Erasmi (texte apocryphe ou non?) sous un jour preferentiellement psychanalytique et tente d'etablir la pertinence historique, voire l'authenticite integra!e de cette «biographie en quete d'auteur ».

Cette le9Qn de psychohistoire, offerte a un maitre de la critique historique, est Ie seul hommage en forme de « clin d'reil» de ce recueil savant, qui constitue une des plus importantes contributions aux etudes erasmiennes de ces dernieres annees.

Franz BIERLAlRE.

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COMPIES RENDUS 509

Le Temps des Reformes et fa Bib/e. Sous la dir. de Guy BEDOUEtLE, Bernard Rous- SEL. Paris, Beauchesne, 1989. 15 x 24, 811 p. (<< Bible de tous les temps», vol. 5).

Ce cinquieme volume de la collection « Bible de tous les temps» s'impose d'abord Ii l'attention par sa masse: depassant les huit cents pages, ce monument temoigne du relief exceptionnel que prend en Occident la question biblique, Ii partir de la fin du X'f siecle. II faut bien parler de monument, car il s'agit d'une reuvre Ii visiter, en s'attachant, selon son gout, Ii la lecture de tel ou tel chapitre. Le genre du compte rendu oblige tout de meme Ii presenter quelques observations generales.

1) II faut souligner d'emblee la tres haute tenue scientifique du volume, dirige par deux excellents specialistes de l'histoire de la Bible au XVI" siecle: Guy Bedouelle, dominicain, professeur Ii la faculte de 1beologie de l'Universite de Fri- bourg (Suisse) et Bernard Roussel, directeur d'etudes Ii l'Ecole pratique des hautes etudes (section Sciences religieuses) Ii Paris. Chaque chapitre comporte une bibliographie soigneusement etablie, doublee d'une bibliographie generale de pres de trente pages en petits caracteres : c'est dire que Ie livre devrait rendre de grands services aux specialistes de l'histoire de l'exegese et de la theologie chre- tiennes. Le lecteur cultive y trouvera de claires syntheses soit sur Ie mouvement biblique au XVI" siecle, comme retour aux sources, avec ses consequences pour la rupture confessionnelle (Ire partie: «Lire la Bible»); soit sur des points spe- ciaux, traites dans la 2" partie (<< Bible, culture et societe»), parmi lesquels on retiendra plusieurs themes originaux : « les mystiques catholiques et la Bible» ou

« les images et la Bible ». Osera-t-on dire que la premiere partie, Ii force de preci- sions erudites, est presque trop savante? Les listes d'editions, de traductions, de commentaires auraient sans doute mieux trouve place dans un repertoire special, car leur consultation dans ce gros volume broche n'est pas toujours pratique.

2) La confrontation du volume avec les travaux jadis publies sur les memes sujets (par exemple, ceux de Baroni) manifeste la fecondite scientifique du climat recumenique, respectueux, dans lequel les deux co-directeurs ont travaille.

L'excellente connaissance que possede G. Bedouelle des debats entre catholiques sur la Bible avant, pendant et apres Ie concile de Trente; l'experience du terrain protestant acquise par B. Roussel Ii partir de ses travaux anterieurs Ii Strasbourg ; les recherches de Philippe Denis sur la prophetie biblique permettent une interes- sante convergence dans l'approche du probleme central: quelle etait la situation de la Bible dans les Eglises Ii la fin du XVI" siecle? Le resultat du travail commun amene Ii nuancer des oppositions jadis trop forcees : religion du Livre contre reli- gion de l'autorite, devalorisation/survalorisation des images, recours aux origi- naux/sacralisation de la Vulgate. De substantielles etudes sur« la Bible anglaise»

(G. Bedouelle), « la Bible dans Ie monde orthodoxe au XVI" siecle » (A. Argyriou) et « l'exegese juive de la Bible» (G. Dahan) elargissent encore l'horizon; la der- niere citee apporte une contribution de grande qualite Ii la connaissance des rela- tions erudites entre juifs et chretiens au XVI" siecle, Ii cOte de renseignements sur l'evolution specifique de l'exegese juive.

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510 REVUE DE SYNIHESE : IV S. N" 4, OcroBRE-DECEMBRE 1990

3) L'histoire de la Bible telle qu'elle est abordee dans ce volume doit beaucoup aux apports de l'historiographie contemporaine, aux recherches qu'elle a menees sur l'imprimerie, la lecture, les taux d'alphabetisation, les reseaux du savoir popu- laire. Le lecteur est ainsi invite Ii s'extraire d'une histoire trop exciusivement reli- gieuse, centree jusqu'li l'obsession sur Ie debat Ecriture I Tradition, pour entrer dans une veritable histoire de la culture.

Dans cette perspective, Ie volume signale avec justesse que Ie retour aux sources, adjontes, n'est pas precisement d'abord un requisit theologique, mais un objectif de l'humanisme. II inscrit l'exigence de verite Ii l'interieur d'un travail qui reconstitue Ie texte authentique, genuinus. C'est de biais que s'introduit ensuite Ie principe de la Scriptura sola, destine Ii triompher de la resistance catholique Ii la theologie de Luther. L'anteriorite du mouvement humaniste explique sans doute que chaque tradition confessionnelle garde quelque chose de la modemite ainsi introduite, en meme temps qu'elle la regule de far;on specifique. L'Egiise romaine controle les voies de l'oraison mais, comme les protestants « spirituels », ne nie pas Ie chemin de l'experience interieure, dont la Bible otTre une etonnante typo- logie, de Job Ii David et au Cantique. Elle verifie parfois de maniere tatillonne les travaux des savants sur la Bible mais les encourage. Si la lecture de I'Ecriture en langue vulgaire est interdite aux hues, sauf permission episcopale, son contenu n'en demeure pas moins la base de la predication et l'interdiction est inegalement appliquee, selon les temps et les lieux. De son cOte, Ie protestantisme, Ii la fin du

XVI" siecie, a mis en place une veritable tradition interpretative, qui controle aussi bien la traduction que Ie commentaire du livre saint. Par ailleurs, du fait de I'anal- phabetisme et de la cherte des Bibles, Ie peuple protestant a moins eu en main la totalite de la Bible qu'on ne l'avait cru jusqu'ici. Enfin, Ie principe de la Scriptura sola a precipite la theologie protestante vers I'etude des Peres, car il fallait demon- trer que les doctrines romaines etaient encore absentes de leurs textes.

Ainsi, comme la erne d'un torrent alpin, l'irruption de la Reforme protestante

au XVI· siecie a bouleverse Ie terrain, mais pas necessairement produit les deplace-

ments les plus previsibles. Apparemment rec;u du mouvement humaniste, Ie mot d'ordre du « retour aux sources» aboutit finalement Ii la constitution de deux ecclesiologies rivales. II est vrai que se dessine Ii la fin du XVI" siecie un reseau de l'erudition, ou s'entendent des protestations contre l'appropriation de la Bible par les theologiens. Mais les deux co-directeurs du volume n'ont pas voulu aborder cette histoire, preferant la laisser ecrire par les auteurs du volume suivant, bien qu'ils aient fixe l'extremite de leur enquete aux environs des annees 1610 et que les travaux philologiques etTectues

a

Leyde ou dans les milieux « pre-arminiens » soient tout de meme anterieurs

a

cette date.

Au chapitre des regrets, on inscrira aussi Ie manque d'etudes sur la Bible comme « archeologie des savoirs» cosmologique et anthropologique. Seule la contribution de Marc Venard aborde ce point, sous l'angle indique par son titre:

« La Bible et les Nouveaux Mondes ». L'information etendue de l'auteur, sa per- ception des enjeux loges dans les proces de Bruno et de Galilee lui permettent d'ailleurs de traiter Ie sujet avec une certaine amp leur. Mais I'ensemble du volume ne montre pas assez abondamment,

a

mon avis, que la Bible au temps des Reformes n'est pas seulement un livre religieux et que Ie sacre saisit encore tout Ie profane: Ie savoir du langage et de l'histoire, les maximes de gouvemement, Ie

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COMPTES RENOUS 511 deroulement de l'existence quotidienne. En d'autres tennes, Ie rapport de l'Occident

a

la Bible, au XVI' siecle, n'est plus Ie notre, et, cependant, Ie notre est essentiellement en rapport avec ce qui se passa au XVI" slecle. La question ultime, pour l'historien, porte done sur la relation entre la formation de 1a modernite et Ie nouveau statut de la Bible en Occident Les debats et les combats autour de 1a Bible ont-ils retarde ou plutot hate (comme .ie Ie CTois) la maturation de ceUe modernite? Ceci, il est vrai, est encore loin d'apparaitre clairement entre les dates marquees comme limites chronologiques au volume. Mais la distinction du sens grammatical et du sens theologique, deja indiquee dans la Cia vis Scripturae de Flacius Illyricus (1567), la reconstitution du christianisme primitif operee contra- dictoirement par les Centuries de Magdebourg (1559-1574) et les Annales du car- dinal Baronius (1588-1607) revelent les deplacements epistemologiques profonds, temoins de la modernite du XVI' siecle mais encore caches sous les forteresses doc- trinales tridentine et antitridentine.

Fran90is LAPLANCHE.

« Le Livre et la Refonne», dir. Rodolphe PElER et Bernard ROUSSEL, Revue/ran-

~aise d'histoire du livre, n° 50. Bordeaux, Societe des bibliophiles de Guyenne, 1987. 16 x 24, 278 p.

Nous vivons une nouvelle revolution de la communication, et les grands com- municateurs du passe nous interessent. Un groupe d'historiens sei2iemistes, inter- national comme il se doit pour des specialistes de ces intellectuels sans frontieres que furent les premiers maitres de la Reformation, se penche sur une precedente revolution, ceUe qui lie Reforme et imprimerie. lis ne s'attardent pas sur les pro- fondes interrogations et les grandes discussions engendrees par !a these d'E.

Eisenstein; ils cherchent seulement

a

remer Ie sujet,

a

decrire materiellement, avec Ie maximum de precisions, ce qu:il en est du rapport entre l'imprime et la Reformation.

Pour ce faire, ils etudient les editions de l'Institution de Calvin (R. Peter), les livrets de propagande contre la messe (F. Higman), les debuts de la (( Biblio- theque des pasteurs» de Neuchatel (G. Berthoud), les premieres editions des maitres de l'historiographie protestante que sont La Place et La Popeliniere (J.-F.

Gilmont), les reactions des historiographes protestants et royaux

a

l'evenement de la conversion d'Henri IV (G. Schrenck). Une deuxieme partie i;tudie les strategies reformees de conquete de la bienveillance du roi de France, Ilecessaire aux pre- mieres vagues protestantes, au travers des dedicaces (a Fram;ois lor et a Margue- rite de Navarre) et des privileges. Les dedicaces de quelques ouvrages cles des debuts de la Reformation sont publiees et analysees : De vera el/alsa religione de Zwingli, 1525 (B. Roussel), In Hoseam prophetam commentarius de Capiton, 1528 (0. Millet), les commentaires sur Ie psautier de Bucer, 1529 (R-G. Hobbs) et Ie privilege de la Bible d'Olivetan, 1535? (B. Roussel). Ce type de source est en eifet un moyen simple et rigoureux d'approcher la strategie reformee. Une

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512 REVUE DE SYNIHESE : IV'S. N" 4, OCIOBRE·OECEMBRE 1990

copieuse orientation bibliographique donne enfin au lecteur desireux de pour- suivre dans ces domaines de recherches ce qu'it doit connaitre des ouvrages et ins- truments fondamentaux.

NOllS savons depuis quelques lustres deja oombien Ie deve10ppement de la Refonnation est lie Ii la diffusion de rimprime. Cette suite d'etudes nous apporte des confinnations et une methode. Mais les auteurs conviennent egalement que Ie catholicisme a su pleinement et tres t6t utiliser Ie fonnidable pouvoir du livre.

Contrairement Ii une idee rec;ue, l'attitude des catholiques face au livre n'est pas que la censure.

Un tel ouvrage, d'une presentation materielle fort agreabJe, est une incitation supplementaire pour les historiens du catholicisme Ii s'interesser aussi Ii ces phe- nomenes. lIs ont commence d'ailleurs, mais pour une periode plus tardive, au col- loque du Centre de la Renaissance de Tours consacre au livre (publie en 1987). A quand un ouvrage sur « Le livre et la refonne catholique » dans Ie meme cadre chronologique ?

Nicole LEMAITRE.

Stephane BorRON, La Controverse nee de la Querelle des reliqut!s

a

l'epoque du concile de Trente (1500-1640). Prer. de Jean IMBERT. Paris, Presses universi- taires de France, 1989. 16 x 24, 155 p. (<< Travaux et recherches de l'Univer- site de droit, d'economie et de sciences sociales de Paris ))).

Stephane Boiron ne pretend pas «dresser un tableau exhaustif du culte des reliques de 1500 Ii 1640 » (p. 12) mais son memoire otTre un eventail de critiques humanistes contre les exces d'un tel culte. Erasme, Lefevre, Rabelais, Valdes sont tour

a.

tour invoques, precedant Luther et Calvin, les polcmiques de Marcourt OU

11'1 « position pIllS nuancee » de Pierre Du Moulin. Vne seoonde partie est consa- cree Ii la « reaction de l'Eglise ». Les peres du concile de Trente abordent en decembre 1563 (seulement) cette question et redigent «

a

Ja hate» (p.63) un decret dans lequel « se melent etroitement II!. partie dogml!.tique et 11'1 partie disci- plinaire» (p. 62). Si la demiere partie du decret vise II!. repression des abus, les principes sont d'abord rappeles : les corps des saints qui opt ete autrefois les membres vivants du Christ et Ie temple du Saint-Esprit doivent etre veneres par les fideles. L'auteur utilise des sources connues et une bibliographie c1assique mais ancienne. D'une fa90n plus originale, il s'attache ensuite Ii l'etude de I'approfondissement et de l'application des decisions du concile par toute une serie de conciles provinciaux Ii l'image de ceux de Milan animes par saint Charles Borromee. En France, il faudra attendre Ie concile provincial de Tours en 1583 pour voir abordee la question des reliques. CeJle-ci sera ensuite reprise Ii Bourges en 1584, Aix-en-Provence en 1585, Toulouse en 1590, Narbonne en 1609, Bor- deaux en 1624. A propos des prescriptions du concile.d'Aix, Stephane Boiron remarque.qu'eJles sont un decalque de ceJles du quatrieme concile de Milan et lance l'hypothese d'une penetration en France des idees tridentines par I'inter-

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COMPIES RENDUS 513 mediaire privilegie de saint Charles Borromee (p. 74). Tous ces c(lnciles provin- ciaux diffusent Ie meme message: il convient d'inventorier les celiques, de les authentifier, de Ies enchasser dans des reliquaires fermes par deux serrures. Ces derniers seront

a

l'abri des trop grandes ardeurs des fideles. Les reliques ne devront plus etre exposees «nudae ~~, ni portees, ni touchees par des hues, ni sou- mises Ii la presence des femmes ... Vne troisieme partie analyse, trop rapidement, Ie culte des reliques a I'interieur de la probh~matique religion populaire-religion des elites. Le memoire se termine sur une note nostalgique : I'epoussetage triden- tin serait a I'origine d'une « mort lente » du culte des reliques ...

Monique COTIRET.

Rosa ROSSI, Therese d'Avi/a. Trad. de l'italien par Lucienne PORTIER. Paris, Cerf, 1989. 14,5 x 23,6,205 p. (<< Histoire »).

Cet ouvrage, ecrit par un professeur d'espagnol de I'universite de Rome, a fait sensation lors de sa parution en Italie, en 1984. Le genre litteraire tient en effet a la fois du roman et de la biographie. II faut dire que Ie destin et l'reuvre de la Grande Therese, devenue docteur de l'Eglise en 1970, se pretent facilement a I'epopee et au Iyrisme. Le merite de l'auteur est d'abandonner toute approche hagiographique pour raconter l'aventure d'une femme unique et attaehante, en tenant compte des apports de la critique historique recente.

ElIe raconte fort bien Ie milieu de conversos dans lequel est nee Therese en 1515, ce milieu toujours menace du qualificatif de ~~ marrane», I'equivalent de

« pore infarne» dans Ie castilIan du temps. Son grand-pere, comme tant d'autres, a dl1 fuir Tolede et Ie deshonneur, a la suite d'une condamnation de l'lnquisition.

II etait apparu avec ses fils dans un autodaCe. En depit de l'achat d'un titre de noblesse, la tache etait dangereuse dans la societe du temps. Therese !'a toujours cachee. On sait depuis longtemps l'enfance beureuse, la lecture fievreuse des romans de chevalerie et des vies de martyrs, I'entree au couvent des carmelites de l'Incarnation, en 1535.

Elle tombe malade en 1538, et son onele lui offre Ie Troisieme abecedaire de I'erasmien Francisco de Osuna (1527). C'est la qu'elle decouvre que I'aventure interieure est bien plus exaltante que les romans de chevalerie ou la comptabilite des prieres de l'office. Elle y apprend que Dieu peut parler directement

a

I'arne.

ElIe mettra plus longtemps a adopter la quete de la perfection (vers 1554), une vie d'ascese (tres raisonnable pour l'epoque), favorable a la concentration et a la priere mentale. « Je tiens pour certain que les justes ont leur paradis en cette vie et dans l'autre, de meme, a bien y regarder, les pecheurs ont leur eufer en cette vie et en l'autre», disait Osuna. Therese va tenter de communiqucr ce sentiment de vivre une merveilleuse histoire personnelIe, une histoire d'amO\.lr avec Dieu. Toute son reuvre litteraire, generalement ecrite sur ordre, toute sa correspondance en temoignent.

Le recit est tres vivant, parfois savoureux, avec une foule de details concrets;

nous partageons les emotions et les soucis de la Madre, en depit du parti pris de

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514 REVUE DE SYNTHESE : IV'S. N" 4, OCIDBRE-DECEMBRE 1990

la traduction a conserver un recit au passe, ce qui enleve un peu de la puissance evocatrice du present de narration en fran~is. Le probleme est ailleurs. Comment faire Ie partage entre I'ecriture et la realite historique? Aucune note, aucune refe- rence ne nous permet de trancher. La bibliographie sommaire terminale ne sumt pas. Les citations sont traduites de I'italien, sans recours a I'original espagnol, les noms d'auteurs ne sont pas traduits; Luis de Granada est pourtant cite par Moliere sous Ie nom de Louis de Grenade. Nous sommes obliges de faire confiance a la subjectivite de I'auteur et du traducteur pour I'interpretation des lettres.

L'ouvrage est tout sauf un instrument de travail. Par sa densite et par son ecri- ture, il est d'abord une remarquable introduction a la lecture des reuvres de sainte Therese, ce qui est deja beaucoup. II complete les nouvelles et remarquables tra- ductions des reuvres de la sainte par I'editeur. La limpidite du texte permet de sortir des ornieres hagiographiques la figure d'une grande dame et d'une grande arne. II permet aux non-hispanisants de retrouver quelque chose de I'extra- ordinaire fraicheur de la langue et des recits de la sainte.

Nicole LEMAITRE.

Andre MORELLET, Abrege du Manuel des inquisiteurs, 1762. Texte presente et annote par Jean-Pierre GUICCIARDI. Sainte-Agnes, Jerome MilIon, 1990.

12 x 19,224 p. (<< Atopia »).

Andre Morellet appartient a la grande armee des Lumieres. Abbe par necessite, ce fils de marchand papetier revendique un anticlericalisme militant. Un mal en- contreux coup d'eclat contre Mm. de Robecq agonisante lui vaut deux mois de Bastille et la notoriete (1760). Grace aux amities philosophiques nouees dans ces circonstances, il publie en 1762 son Manuel des inquisiteurs, traduction fran~ise

allegee, abregee, et orientee d'un texte de Nicolas Eymerich, compose vers 1375.

Curieux destin que celui de ce traite du XIV siecle, remarquable outil au service de l'Inquisiteur, il renait pour s'inscrire dans un nouveau combat et se faire I'auxil- liaire des philosophes. Morellet, Quant a lui, ne fait pas reuvre d'historien! Le Manuel renseigne davantage sur Ie XVIII" siecle que sur la fin du Moyen Age; on y retrouve I'ensemble des peurs et des fantasmes des Lumieres : hantise du secret, peur de I'enfermement, de I'enterrement vivant dans quelque obscure oubliette ...

L'Inquisition, vitrine de la barbarie gothique, constitue un point de repere commode pour de consensuels bons sentiments. L'abbe « Mords-Ies» (Voltaire) s'inscrit dans la guerre contre « I'Infame » et des allusions a l'actuaIite entourent Ie texte de l'Inquisiteur. En pleine querelle des billets de confession, Morellet souligne son «exacte neutralite » (p. 60) entre jesuites et jansenistes et I'ouvrage se termine par un post-scriptum mentionnant que I'on imprime « a Paris en 1758 I'apologie de la Saint-Barthelemy: il est done encore utile d'ecrire sur I'Inquisi- tion» (p. 219). Comme Ie precise J.-P. Guicciardi, il s'agit en realite d'une apolo- gie de la revocation de I'ectit de Nantes de Jean Novi de Caveirac, farouche

(11)

COMPfES RENDUS 515 adversaire de toute tolerance civile

a

l'egard des proCestants, au moment OU huguenots recalcitrants ou mauvais convertis, jamenisCes et 3dministrateurs edai- res envisagent cette possibilite ...

Mnnique Cim"R£T.

Jean DELUMEAU, L'Aveu et Ie pardon. Les difficultis d~ /(1 ronJeuion. XIIIe_XVWe

siecie. Paris, Fayard, 1990. 13,5 x 20,5, 204 p.

Jean Delumeau est I'homme des audaces tranquilles. Le present livre est issu de sa vaste enquete sur Ie sentiment de securite dans l'Occident d'autrefois (Rassurer et proteger, Paris, Fayard, 1989) et part d'une interrogation toute simple: la confession rassurait-elle? Mais cette question engage des probh~mes fondamen- taux. Les ressorts dialectiques de l'aveu et du pardon, l'histoire de la conscience de soi entre Socrate et Freud, projettent sur la confession, objet historique neuf, des champs multiples de significations enfouies dont Ie lecteur ebloui decouvre

a

chaque page la profondeur, la densite, la richesse.

La decision du concile de Latran IV (1215) qui rend Ill. confession annuelle obligatoire represente pour Jean Delumeau une date essentielle dans l'histoire occidentale qui « modifia la vie religieuse et psycho\ogique des hammes et des femmes» (p. 14). Du XIII" au XIX" siecie un gigancesque corpus dacumentaire aUeste I'importance de I'enjeu : « sommes de confession », craites de casuistique,

«manuels de confesseurs », sermons, catec;:hismes... la confessian demeure

a

I'ardre du jour. C'est une lourde contrainte pour les oonfesseurs et paUl les fideles : « si grandes sont l'humiliation et la honCe innerentes

a

l'aveu que l'Egiise catho!ique vit dans ce\ui-ci \,~;r,piation principale de la faute et, ie plus scuvent, acooroa son absolutiDn aussitot apres cette " confession" » (p. 23). De Thomas d'Aquin Ii AlphDnse de Liguori, I'Eglise diffuse des consei)s de bienveillance.

II Juges» et « docteurs» pour l'instruction des igmmmts. Jes confesseurs ne dDivent pas oublier qu'ils sont avant tout des ~~ peres» et Jes II medecins des ames "~. One formule ciassique ne les invite-t-elle pas Ii etre « deS Iion~ en chaire et des agneaux au confessionnal» (p. 31) ?

La lente elaboration de cette « obstetrique spirituelle ~~ engage la confession dans un processus de reconfort, de soulagement, d'apaisement par l'aveu. La casuistique se developpe dans cette breche : Jean Delumeau nDU~ invite

a

une rehabilitation de ce courant de pensee qui a perc;u les comple"ite~ des situations humaines et tente d'adapter Ie christianisme dans Ie temps. La notion de « cir- constances attenuantes », si importante en droit, vient directeroent des docteurs casuistes. Dans la premiere partie de l'age tridentin, l'EgJise, collsciente des blo- cages des fideles, incline Ii l'indulgence; pour conduire la masse du troupeau au confessionnal, il faut faire preuve de comprehension. Le deba.t entre attrition et contrition semble un instant tranche en faveur de l'attrition. Le pecheur qui se presente au sacrement avec une simple crainte du chatiment et nan Ie parfait

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516 REVUE DE SYNIHESE : IV' S. N" 4, OCIOBRE·DECEMBRE 1990

amour de Dieu peut etre delivre par Ie pretre. Les attritionnistes rassurent les pecheurs et illustrent la toute-puissance du pouvoir des cles.

Pourtant, autour des annees 1640, et notamment en France et aux Pays-Bas, triomphe Ie retour au rigorisme. Jean Delumeau etablit avec precision la chrono- logie de ce retournement essen tiel dans l'histoire du sacrement, de sa pratique, de sa conception (p. 114). Faut-il y lire une reaction inevitable face aux exces de cer- tains casuistes? L'ampleur meme du debat, au-dehi des cercles ecclesiastiques, souligne l'importance du phenomene. Une vision tragique s'impose alors meme que les jansenistes sont condamnes et persecutes. Cette etrange partie de qui- perd-gagne constitue certainement un point determinant de notre histoire. Le peuple chretien est soumis Ii une ethique elitaire et individuelle que l'institution relaie Ii grand peine. Saint Alphonse de Liguori (1696-1787) consacre Ie retour au

«juste milieu» et Ii la bienveillance (chap. XIV). Au-delli d'une histoire du sacre- ment, c'est toute une reflexion sur l'histoire de I'Eglise et sur la naissance de l'individu que Jean Delumeau nous offre dans ce livre erudit et militant.

Monique COlTRET.

Louis PEROUAS, Les Limousins, leurs saints et leurs pretres : du xV au xx" siecle.

Prer.

Jean DELUMEAU. Paris, Cerf, 1988. 15 x 24, 222 p. (<< Histoire »).

Le Limousin correspond Ii peu pres aux departements de la Haute-Vienne, de la Creuse et de la Correze. II constitua Ie diocese de Limoges jusqu'en 1317,

au

Ie

pape Jean XXII en detacha Ie minuscule diocese de Tulle. Au)[ xoC et JOt siecles, Ie diocese de Limoges comprend la Haute-Vienne et la Creuse, Ie diocese de Tulle la Correze.

Le Limousin apparait de nos jours comme la region rurate de France la plus detachee du catholicisme : est-ce la permanence d'un etat traditionnel ou l'appli- cation particulierement rude d'une evolution generale?

L'auteur commence son expose au xv" siecle. II constate qu'alors les pretres se comptent par milliers, nombreux dans les villes, mais aussi dans les plus petits vil- lages, car Ii cOte des cures qui administrent les sacrements, beau coup plus nom- breux sont les pretres qui n'ont d'autres activites sacerdotales que d'assister aux enterrements et de celebrer des messes pour les defunts. Ces pretres vivaient souvent en communaute, ce qui ne les empechait pas de s'occuper d'artisanat ou de commerce. S'il y avait parmi eux des concubinaires et des ivrognes, its semblent avoir ete tres minoritaires, l'ensemble se conduisait dignement.

Aspect saillant de la piete des Limousins, la devotion aux saints se porte au xv" siecle de plus en plus vers les saints locaux, saint Martial, saint Leonard, sainte Valerie, etc. Leurs reliques, partout venerees, abondent dans les eglises, les parti- culiers en conservent volontiers chez eux. ceremonies originales propres Ii cette province, les ostensions sont des processions solennelles. Elles ont lieu ordinaire- ment tous les sept ans, parfois en des circonstances exceptionnelles, eUes attirent les foules. Les devots se groupent dans des confreries dont les activites religieuses

(13)

COMPIES RENDUS 517 et profanes ont un sucres considerable. Elles reunissent les habitants hors des egLises paroissiales.

Conseq uence etonnante de ces fonnes de devotion, tors de La requisition des metallX preciellX pendant la Revolution, les Limousins abandonnerent les calices et les ostensoirs, objets du culte utilises par les pretres, mais cacberent soigneuse- ment les reliquaires. Et apn:s la Revolution, Ie culte des saints reprit spontane- ment un essor auquelle clerge ne se preta guere. A Limoges, la relique du chef de saint Martial est gardee avec autant de ferveur par les autorites civiles d'ohedience anticlericale que par Ie clerge, l'eveque et Ie maire se cOtoient lors des ostensions.

La devotion aux saints se maintient alors que la dechristianisation se manifes- tait par la multiplication des enterrements civils ou I'allongement des delais sepa- rant la naissance du bapteme. La mentalite du clerge, forme dans l'esprit du concile de Trente, s'etait eloignee de celie de l'ensemble de la population attachee aux formes de devotion du bas Moyen Age. Le contraste est certain, bien que I'approche des realites soit difficile, car la documentation est deficiente et frag- mentaire. Le manque de documents est-il une consequence des destructions ou de I'absence d'observations? Les cures ou les visiteurs ont-ils decrit objectivement la situation ou se sont-ils contentes de noter ce qui leur plaisait ou les heurtait trop violemment ?

Parce que l'etude de Louis Perouas ne dissimule aucune difficulte pour la recherche historique et son interpretation, elle ne se prete nullement

a

une syn- these rapide et simple. Elle est exemplaire, car l'histoire des idees et surtout des phenomenes religieux est terriblement complexe et souvent me me contradictoire.

II donne un exemple de methode digne d'etre suivi. II s'exprime avec optimisme :

« Malgre l'echec de redressements apparemment bien conduits, de bans observa- teurs croient devoir porter sur la situation un regard serein, en constatant que des chretiens disperses se rassemblent dans des communautes qui temoignent de I'EvangiLe et servent les hommes par des actes et des paroles qui les engagent. » Jacques DUBOIS.

Roger LAPOINlE, Socio-anthropofogie du religi~ux. La r~lig;on popu/aire au peril de fa modemite. Paris/Geneve, Droz, 1988. 15 x 22,258 p.

«(

Travaux de droit, d'economie, de sciences politiques, de sociologie et d'anthropologie », nO 156).

- Socio-anthropofogie du religieux. Le cercle enchante de fa croyance.

Parisi Geneve, Droz, 1989. 15 x 22, 317 p., index (<< Travaux de droit, d'economie, de sciences politiques, de sociologie et d'antbropologie», n° 158).

Depuis quelques lustres, la religion populaire est devenue sujet d'etude. La rai- son de cet interet est son rapport

a

la secularisation de ['Occident, au « Desen- chantement du monde» rendu celc~bre par M. Gauchet en 1985. Au meme moment, R Lapointe, professeur au departement des sciences religieuses de l'Universite d'Ottawa, travaillait la question en sociologue, mais en sociologue

a

(14)

518 REVUE DE SYNlHESE : IV'S. N" 4, OCTOBRE·OECEMBIlE 199<l

!'eooute des historiens (M. Meslin, B. Plong'mm, G. Cholvy ... ), et qui n'oublie pas qu'iL est aussi theologien, en depit d'un~ volonte amrme~ d~ oonstiruer son objet de f~n objective.

AM. Meslin, relais de M. Weber, il emprunte par exemple Ie pastulat de base selon lequella religion populaire s'oppose

a

Ja religion savante, ~ qui pour Ie moins fera bondir les medievistes, mais il y ajoute suJ10ut la marque de IOUle approche ethnologique ou sociologique : il n'eltiste de religjon populaire que par Ie regard de l'autre.

Une analyse serree des concepts l'amime

a

poser un troisieme p6le, eelui de la religion organisee et hierarchique, qui ne peut s'l~difier qu'en equilibrant le~ deux poles precedents. Malgre la volonte affirmee de rationalite objective, Ie propos est eependant la defense de la religion populaire, doublement aUeinte par la seculari- sation en marche au sein de la modemite. La religion populaire est en effet pour lui une face de la religion primitive, ceUe qui cree Ie sacre, au sens durkheimien du terme.

C'est donc Ie destin du religieux qui se joue avec eUe, d'autant que son relais ordinaire, la culture populaire, serait peu a peu detruite par la " civilisation bour- geoise », grande ordonnatrice des mass medias. Pour l'auteut, la bourgeoisie embourgeoise toute la societe et bloque Ie processus de construction du sacre. En dehors des virtuoses du religieux (notion weberienne), la religion populaire conti- nuera a convenir au plus grand nombre, contrairement a la religion savante, car eUe est plus proche de I'environnement terrestre, car eUe oorrespond

a

la fois ala strate magique de I'enfance et a la strate metaphysique de l'adolescence qui restent en tout individu, meme quand il est parfaitement

a

l'ai~e dans la rationalite scientifique.

Sur ces bases, non exemptes de presupposes, Ie premier livre erudie La ooncep·

tualisation de la religion populaire (n puis la confrontation du ooncept aux dif·

(erents aspects de la societe decrite par I~s sci~nceli ~ociales (ll) et enfin

a

!'obser·

vation du fonctionnement des grandes religions (U[) car elles sont

a

La (ois pcpulaires et savantes.

l..e second vl)lume, beaucoup plus abstrait, suit ]es recherches de la religiologie, afin d'6viter

a

la fois les ecueils de l'approche oonfessionnelle et ~ux de l'etude secularisee. Il pose les concepts d'objet religieu...: sous I'angle d'un disoolll'S Qui se veut non theologique et non philosophique - mais est·ce possible? L'eiTort est en tout cas meritoire, pour echapper a tous les discours scientifiqlles sur la reli- gion (humaniste, deiste, romantique, positiviste), avec cependant beaucoup d'approximations hatives, comme (p.21) cette assimilation marxisante de la Renaissance a la preponderance de la bourgeoisie optimiste, sur lilQuelie les his to- riens sont largement revenus. Cet effort l'entraine dans une retlerion epistemolo- gique sur ce qu'est la sociologie, ses rapports avec l'anthropologie et les autres sciences humaines, qui pour n'etre pas ininteressante n'en est pas moins tres loin du sujet.

Celui-ci est centre sur l'observation de l'individu modeme, ne, eduque dans les societes industrieUes et democratiques, qui interiorise une formule materialiste du bonheur, Ie bonheur bourgeois (natureUement), different du boo.heur mythique, fonde sur l'imaginaire, qui serait Ie bonheur des pauvres en tete, uo. champ dans lequell'observateur scientifique ne penetre pas (voire ... ), ou s'operent les enchan-

(15)

COMPTES RENDU5 519

tClmClnts.

au

s'edifie Ie cercie enchante de III qqyllnQl: ~U, ~<Jnrle S(}ft Mm i <:Ill

\/(}[ume.

A dtcnre (!:e pt<1cessus (tout d~ m~e), qUi e~t La ndte~se deS p.auvres et des irr.ationnels, l'auteur mrnpt au pas~ag~ \i~~ lan~~ avec KQIUQwski, avec G.auchet,

~u';) .a eu wfe f(}k Ie temps de lift'. II ~~ 'I~lJV~ ~n wmladictlon absoiue 2Nec u;

dtm~tr, til. ce ~u'il refuse de mettre Ie: chri~lImJ~m~ d1lTl~ Jil Splltft ta.'io1'la1~~lt,

ll\con.testablement, ce volume est plus eclat~ qut' lr PJr~"r::nl. It ~oetologue

dOfifie moins a penser pour les autres speciali~tt's dt's ~,Imrc~ h\lmall\e~, tar sa rbne,;:ion se fait plus monolithique, aux limites du mmi~hmJJ1r:: ~arfoi~. Ell. ram- Milt a l'exces sur les concepts sociologiques, il rate: p~ut·~IJr u ~ui il\tbresse Ie theologien et I'historien en particulier, c'est-a-dire l'unit~ du ctoyant, un etre capable de vivre et de creer en s'appuyant sur la dynamiqut' dr ~et contradictions internes. Pourtant ce livre restera utile a tous ceux que ne ft'17vte ~M l'abstraction d'une approche sociologique marquee par un vocabulaire milJXi~lI.llt, qui en reste volontairement a la sphere theorique.

Par Ie refus agace ou par l'acceptation de la reflexion sur les Olots, ce debrous- saillage des concepts sera une aide a tous ceux qui veulent tenter de travailler sur la secularisation et les etrangetes du monde religieux occidentlI, a tous ceux que fascine aujourd'hui Ie cercie enchante de la croyance, un m~JJJde que nous sem- blons perdre, mais qui sait si bien renaitre de ses cendres qUlIPd les savants et les bourgeois Ie croient aneanti.

Ni<!<lle LEMAiTRE.

Henn:ann COHEN, La Religion dans les limite:! de fa phC(<JHJphii' Tf.ad. de l'alle- m:and par Carole PRoMPSyet Marc B. DE V,V1'<IU P<Ul~, Cen, [<J<J() [J,1 )(

1 U. III p" index (<< La nuit slJ.rv~iU~<: ,,)

]) fa»! u}uef' ia traduction - trvll> quaIls ~~ ~j~~l~ apres }a p»hiicari(}n - .de

I'tm,~ dt Herm&nn Cohen (titre originitl ; lJr-r 6r-'lnff rhr Rrligil>'n im Symm de, Phi/c>£()phie). Le lecteur francophone POUITit ilinH drwuvm unc ~\l\lfe d~cu.ive,

~ui marque la transition entre Ie moment ou It' fDndatt'uJ dr I'trolt de M&IDOlirg rbelCposait Kant, puis construisait son propre sy~ttmt', e-I I'ultimt ~~riode,

()u

il blhbore sa philosophie de la religion.

Precisement, la religion a-t-elle une place dans Ie systtm~ dr la ~hit()!;()phie, et laquelle? En abordant cette question, Hermann Cohen ~ht'rche & clarifier une situation brouillee en evitant une double erreur methodolpgiqJ.lt: : ceHe de la phi- losophie de la religion d'inspiration hegelienne, qui impQ~f; 111\ concept dog- matique; celie de I'histoire des religions, constituee en science: aU

xoc

siecie, qui tend Ii construire un concept inductif. II se propose donc de SQumettre la religion a I' « inquisition transcendentale », au meme titre que les autres phenomenes de la culture, pour en fonder Ie concept deductif a priori.

Mais peut-on la concevoir comme un domaine autonome, QOrYedpondant a une modalite specifique de I'activire de la conscience? De flli(, Ie systeme philo-

(16)

520 REVUE DE SYNlHESE : IV' S. N" 4, OCIOBRE-DECEMBRE 1990

sophique fixe par Kant apparait sature : it est impossible de concevoir une qua- trieme orientation de la conscience venant s'ajouter aux trois existantes - la connaissance, la volonte, Ie sentiment - , deja investies d'un contenu propre. Des lors, le probleme ne se pose pas en termes d'autonomie mais de specificite. Ce n'est pas une nouvelle articulation du systeme, mais Ja definition d'un nouveau contenu qui legitime la place faite Ii la religion, en la demarquant de la logique, de I'ethique et de I'esthetique. Telle est la problematique qui gouverne la demarche du livre.

Du point de vue de la logique, Dieu occupe dans la religion la place de retre au sens ou Ie comprend la doctrine eleatique, c'est-li-dire comme Cire un, dans son identite avec la pensee, separe de la nature. Cohen defend iei un monotheisme rigoureux contre Ie panthei'sme (c'est Ie sens de son opposition au spinozisme) dont it retrouve les traces jusque dans Ie christianisme.

L'examen de la relation entre la religion et I'ethique constitue Ie centre de gra- vite de I'ouvrage, et sans doute I'enjeu veritable de la reflexion. Si I'on reste dans Ie cadre du systeme kantien (cf. Ethik des reinen Willens), on n'echappe pas au probleme de la dissolution de la religion dans l'ethique. Mais celle-ci est-elle en mesure de traiter tous les problemes qui concernent I'homme et Dieu ? L'ethique ne voit dans I'homme que Ie representant de la totalite, elle exige qu'il se depouille de son individualite pour se hausser Ii I'universalite de Ja loi morale. Or, I'experience du mal et de sa propre impuissance peut Ie conduire

a

un pessimisme radical et au desespoir. La religion vient ici depasser l'ethique et lui donner son sens ultime, en restaurant la dimension de I'individu insere dans des pluralites concretes, en appelant I'homme, conscient de son peche,

a

la penitence et au salut. Dieu ne se substitue pas Ii I'homme, qui doit cheminer seul vers sa libera- tion, iI ne Ie dispense pas de l'etTort moral (de ce point de vue, Ie christianisme, surtout Ie catholicisme, represente de nouveau une perversion du monotheisme pur), mais en lui apportant la grace de la redemption, qui est hors de sa portee, il fonctionne comme garantie du 5alut individuel.

De maniere analogue, la reponse que 1a religion apporte au probleme de 1a soutTrance universelle vient corriger l'orientation abstraite de Ja reflexion ethique (et de la philosophie de I'histoire qui en est issue). Celle-ci degage Ie concept principal du respect, ref ere Ii la dignite morale de ehaque homme, mais ne consi- dere la misere et la pauvrete que comme un probleme theorique, Ii resoudre au plan des institutions. La pitie, affect propre Ii la religion, « est la lentille qui per- met de rMuire la distance ethique par rapport Ii I'homme» (par opposition au doute jete sur la pitie par Spinoza et Schopenhauer) et se fonde sur la reconnais- sance de I'autre dans sa misere comme Mitmensch, mon sernblable, auquel va I'amour de Dieu. L'amour de I'homme pour Dieu, Quant Ii lui, ne peut se fonder que sur son Idee ethique : iI ne va pas au Createur du monde, mais au Dieu de I'univers moral, soutien et protecteur des pauvres.

La specificite de la religion par rapport Ii I'esthetique s'appuie essentiellement sur Ie concept d'homme et Ie role du sentiment. Le sentiment esthetique, Ii I'instar du respect ethique, ne s'adresse pas Ii I'individu, mais au type,

a

I'homme comme representant de la nature humaine, corporelle. II n'est que magic de i'eros, donc tromperie, abstraction, et Ie merite de la religion chretienne (protestante) consiste Ii avoir deprecie rart. Le sentiment est en etTet « Ie voisin mena~nt de la

(17)

COMPTES RENDUS 521 conscience religieuse » (Cohen se livre ici

a

la critique de Schleiermacher, qui est

a

['origine d'une confusion de type pantheiste entre religion et sentiment). Mais Ie sentiment n'intervient-il pas dans 1a religion? Se reCerant au Psalmiste (plutOt qu'aux prophetes, avant tout moralistes), Cohen montre que la priere est un cri- tere du concept ideal de religion : il y a anaiogie avec Ie sentiment esthetique PM I'amour, mais I'amour de Dieu, en tant que desiT de redemption est une quete plus profonde du Dieu unique que celie de l'amour, parce qu'elle se place sous Ie signe de l'espoir et de la contiance.

Entin, dans Ie demier chapitre, intitule « Religion et psychologie », H. Cohen aborde Ie probleme systematique de l'unite de la conscience dans la diversite de ses orientations. Si la religion peut legitimement revendiquer sa place au sein du systeme, c'est qu'elle participe aux trois modes purs, sans se reduire

at

eux, du fait de son apport specitique, et qu'elle n'a aucune pretention

a

s'y substituer. Elle ne vient donc pas bouleverser Ie systeme, mais s'y integrer. Du point de vue de la connaissance, l'existence de la religion ne doit pas remettre en cause la primaute de la demarche scientitique, ni exercer de pression sur sa liberte.

Aucune des trois religions n'a plus de legitimite systematique que les autres. Au sein des rapports historiques, Ie chemin qui mene

a

la moralite est une epreuve particuliere qui consiste Ii etre tidble Ii la religion historique dans laquelle on est ne. Cette tidelite doit se realiser dans l'effort culturel d'ideaiisation, dont toute religion monotheiste est capable, dans la mesure ou sa verite est soumise Ii la loi fondamentale de l'evolution.

La demarche philosophique du livre est soutenue par Ie dialogue avec les sources juives, mais de maniere tout aussi remarquable, avec les representants de l'Allemagne classique et humaniste (Lessing, Goethe, Schiller), donnant ainsi un exemple fort de cette symbiose judeo-allemande dont on n 'a pas tini de mesurer la fecondite. On saluera Ie travail des traducteurs, qui, dans I'introduction et les notes, situent rigoureusement Ie texte dans la biographie inteUectueUe d'Hermann Cohen, et mettent en lumiere l'insertion de l'reuvre dans Ie contexte de la culture allemande.

Anne LAONY.

Saintete et martyre dans les religions du livre. Ed. par Jacques MARX. BruxeUes, Ed. de l'Universite de Bruxelles, 1989. 16 x 24, 159 p. (<< Problbmes d'his- toire du christianisme», 19).

Les colloques de l'lnstitut d'etude des religions et de la laicite de I'Universite libre de Bruxelles ont adopte par Ie passe des sujets aussi varies que Luther (1984), Propagande et contre-propagande religieuse (1987), I'Anticlericalisme (1988). lci, Ie colloque Saintete et martyre fait Ie point sur les nouvelles problema- tiques appliquees depuis vingt ans Ii l'hagiographie scientitique. L'apport essentiel en est de replacer Ie recit hagiographique dans un milieu social ou culturel, d'en observer la reception autant que l'elaboration, et ce dans toutes les religions du

(18)

522 REVUE DE SYNlHESE : IV' S. N" 4, OCIOBRE-DECEMBRE 1990

Livre (christianisme, judai'sme, islam, auxquelles, fidele Ii son origine, l'Universite libre de Bruxelles ajoute la lai'cite).

De la saintete pai'enne (R Joly) aux interrogations directes du xx· siecle sur la Shoah (T. Gergely), les Chiites (A. Destree-Donkier de Doncel) et les Sunnites (A. Anciaux), c'est en fait toute l'histoire de la saintete au sein du christianisme qui est parcourue : Ie christianisme antique (H. Savon), medieval (l.-M- Sansterre, A. Dierkens, A. Vauchez), modeme (H.-R Boudin, J. Le Brun, B. Bernard). La procedure canonique, donc l'acces officiel Ii la saintete (R Collinet), voisine avec la canonisation populaire et la description des phenomenes comparables dans les mondes juif et musulman. Les saints et martyrs sont les vierges, les stytites, les moines, dont la place est bien marquee par l'institution, mais aussi les lares, les femmes, les ermites, au non-conformisme beaucoup moins accepte.

C'est dire l'extreme ouverture et la richesse de ce colloque, meme si chaque conference ne fait qU'effieurer les problemes methodologiques propres Ii chaque espace religieux et Ii chaque epoque, et donne parfois l'impression de juxtaposer superficiellement les phenomenes. Si la recherche d'un systeme commun d'expli- cation est illusoire, Ie detour par d'autres religions et d'autres cultures permet de mieux enraciner les etudes europeennes sur ces personnages omnipresents que sont les saints et sur leur reception sociale, tant dans les questionnements histo- riques qu'ils nous posent que dans nos interrogations contemporaines sur les nou- veaux saints et les nouveaux martyrs.

Nicole LEMAITRE.

SCIENCES SOCIALFS

Anthofogie de fa linguistique allemande au XIX' siec/e. Ed. Brigitte NERLIcH.

Munster, Nodus Publikationen, 1988. 14,8 x 21, 259 p.

L'histoire de la linguistique au xIX" siecle est l'histoire de la domination de la grammaire historique et comparee. Elle prend son essor grace Ii certains des choix de la philosophie du langage du siecle precedent, mais tres vite elle abandonne ces choix eux-memes, aussi bien que leurs adversaires : ce sont des problemes

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