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Effets bénéfiques de rhizobactéries sur les plantes : exemple des Pseudomonas spp fluorescents
Philippe Lemanceau
To cite this version:
Philippe Lemanceau. Effets bénéfiques de rhizobactéries sur les plantes : exemple des Pseudomonas spp fluorescents. Agronomie, EDP Sciences, 1992, 12 (6), pp.413-437. �hal-02716188�
Relations
plantes microrganismes (synthèse)
Effets bénéfiques de rhizobactéries sur les plantes : exemple des Pseudomonas spp fluorescents
P Lemanceau
INRA, Laboratoire de recherches sur la flore pathogène et la faune du sol, 17, rue Sully,
BV 1540 F21034 Dijon Cedex,
France(Reçu le 4 novembre 1991; accepté le 17 mars 1992)
Résumé — Parmi les rhizobactéries non symbiotiques, les Pseudomonas spp fluorescents font l’objet d’une attention
particulière. L’inoculation des plantes à l’aide de certaines souches de Pseudomonas spp s’accompagne en effet
d’une augmentation significative du rendement de la culture. Celle-ci résulte de la stimulation de la croissance des
plantes et de leur protection contre des microrganismes pathogènes. Deux types de mécanismes sont responsables
de ces effets bénéfiques. L’un concerne la modification des équilibres microbiens au niveau de la rhizosphère, l’autre
la modification du métabolisme et de la physiologie de la plante. Ainsi, la compétition et l’antibiose exercées par les Pseudomonas spp réduisent la densité et l’activité néfaste de microrganismes pathogènes. Les Pseudomonas spp af- fectent également la croissance des plantes en améliorant leur alimentation minérale et en synthétisant des sub-
stances de croissance. Ces bactéries peuvent enfin provoquer une augmentation du niveau de résistance des plantes
aux maladies. Les effets bénéfiques de l’inoculation bactérienne ne se manifestent que si certaines conditions sont ré- unies. En premier lieu, il est nécessaire de sélectionner des souches efficaces. Cette efficacité repose sur la synthèse
de métabolites particuliers (sidérophores, antibiotiques, substances de croissance, lipopolysaccharides, etc) et sur la
bonne colonisation racinaire des Pseudomonas spp. Ces souches doivent, de plus, être introduites dans des sols qui présentent des caractéristiques physico-chimiques et biologiques favorables à l’expression des activités bactériennes intéressantes. La meilleure compréhension des mécanismes et des conditions d’expression des effets bénéfiques de
l’inoculation bactérienne permet maintenant d’envisager d’améliorer l’efficacité de la bactérisation et surtout la repro- ductibilité des résultats obtenus.
plant growth promoting rhizobacteria / rhizosphère / lutte biologique / antagonisme microbien / sidérophore / antibiotique / substance de croissance / résistance induite / inoculation bactérienne
Summary — Beneficial effects of rhizobacteria on plants: example of fluorescent Pseudomonas spp. Among
the non symbiotic rhizobacteria, much attention has been given to fluorescent Pseudomonas spp. As a matter of fact,
inoculation of plants with specific Pseudomonas spp strains increases crop yields significantly. This increase is related to the promotion of plant growth and to the plant protection against pathogenic microorganisms. Two main mecha-
nisms are responsible for these beneficial effects. One is due to the modification of the microbial balance at the rhizo-
sphere level, the other is due to the modification of the metabolism and the physiology of the inoculated plant. So, competition and antibiosis performed by fluorescent Pseudomonas spp reduce the density and the deleterious activity
of pathogenic microorganisms. Fluorescent Pseudomonas spp strains also promote plant growth by improving their
mineral nutrition and by synthetizing growth substances. Lastly, these bacteria may enhance the resistance level of in- oculated plants toward pathogenic microorganisms. These beneficial effects are only expressed in some specific con-
ditions. Efficient strains must first be selected. The efficacy of these strains is related to the synthesis of specific me-
tabolites (siderophores, antibiotics, growth substances, lipopolysaccharides, etc) and to their good root colonization.
Furthermore, the beneficial strains must be introduced in soils showing some physico-chemical and biological charac-
teristics favorable to the expression of the beneficial bacterial activities. As progress is being made in the understand-
ing of the mechanisms and of the factors affecting the beneficial effects of bacterisation, it is now possible to improve
the efficacy and consistency of the yield promotion.
plant growth promoting rhizobacteria / rhizosphere / biological control / microbial antagonism / siderophore /
antibiotic / growth substance / induced resistance / bacterial inoculation
INTRODUCTION
Les rhizobactéries sont des bactéries qui
présen-
tent
l’aptitude
à coloniser les racines defaçon
in-tense
(Schroth
et Hancock, 1981, 1982). Les bac-téries non symbiotiques
répondant
à cettedéfinition
appartiennent
à différents genres et es-pèces dont les plus étudiés sont : Agrobacterium radiobacter, Azospirillum spp, Bacillus spp, Pseu- domonas spp fluorescents (Kerr, 1972; Broadbent et al, 1977; Okon, 1985;
Leong, 1986).
Les effets
bénéfiques
des rhizobactéries sont liés à leurposition stratégique
à l’interface sol- racine. En effet, lerhizoplan
et larhizophère
sont le
siège d’échanges
intenses entre laplante
et le milieu environnant (Curl, 1982). Ces échanges sont réciproques.
La plante libère des exsudats racinaires qui
sont constitués de substances organiques carbo-
nées et azotées : polysaccharides, acides orga-
niques et
protéines
(Mench, 1985). Ces exsu-dats favorisent le
développement
de lamicroflore
pathogène
ou non. Ainsi, enréponse
à
l’apport énergétique représenté
par les exsu- dats racinaires, des propagules fongiques se dé- veloppent de façon saprophytiquejusqu’à
la ra-cine qu’elles peuvent infecter et éventuellement
parasiter (Schroth et Hildenbrand, 1964). De même, la densité des bactéries est plus élevée
dans la
rhizosphère
que dans le sol distant des racines : il s’agit de «l’effetrhizosphère» (Foster
et Rovira, 1978). La
quantité
et lacomposition
des exsudats racinaires conditionnent
également
la nature des activités bactériennes (Loper et Schroth, 1986a). Ces activités résultent de la
synthèse de métabolites tels que les sidéro- phores, antibiotiques, substances de croissance,
acide cyanhydrique, lipopolysaccharides (Brown, 1974; Neilands et Leong, 1986; Fravel, 1988;
Voisard et al, 1989; Van Peer et al,
1991).
Si la
plante
libère descomposés
organiques, à l’inverse elleprélève
de l’eau et des élémentsminéraux indispensables à son métabolisme. Ce
prélèvement
est d’ailleurs associé à l’extrusion de protonsqui
contribue à abaisser la valeur dupH de la
rhizosphère
(Bienfait, 1986). Les ra-cines sont
également
capables d’absorber cer-taines molécules organiques, produites par les
microrganismes
présents
dans la rhizosphère (Dommergues et Mangenot, 1970). Leséchanges
entre laplante
et le sol sont influencéspar les rhizobactéries et ce d’autant
plus
que leur densité et leur activité sont élevées. Cette influence se manifeste par une modification de lacroissance de la
plante
et de lafréquence
des in-fections
fongiques
de la racine. Selon les rhizo- bactériesprésentes,
ces modifications peuvent être positives ounégatives
pour laplante.
Leurétude a donc suscité l’intérêt de nombreux cher- cheurs.
L’étude des effets
bénéfiques
de la bactérisa- tion, c’est-à-dire de l’apport de bactéries au solou en enrobage des semences, n’est pas ré- cente puisque selon
Cooper
(1959) cette techni-que a été utilisée sur 107 ha en Union Soviéti- que en 1958. Les bactéries utilisées
appartenaient principalement
auxespèces
Azo-tobacter chroococcum et Bacillus
megaterium
var phosphaticum. Cependant, Mishutin et Nau-
mova
(1962)
estimaient que ce traitement n’a en-gendré que des augmentations modestes de ren-
dements et seulement sur 50 à 70% des surfaces. Malgré ces résultats, la bactérisation a
ultérieurement fait l’objet
d’expérimentations pré-
cises réalisées à
petite
échelle dans divers pays(Brown, 1974). En dépit de la rigueur de ces tra-
vaux, aucun résultat vraiment marquant n’a été obtenu, de telle sorte que Ecklund
(1970)
concluait sa thèse en ces termes : «Les résultats de cette étude n’encouragent pas à
poursuivre
de nouveaux essais sur l’inoculation avec des bactéries saprophytes non
symbiotiques
du rhi- zoplan de plantes cultivées».Le manque d’effet
bénéfique
dû à la bactérisa- tion pourrait être associé à la faiblecompétence rhizosphérique
des bactéries introduites. Eneffet, Baker et Cook
(1974) suggèrent
que la mi-croflore
rhizosphérique
est constituée d’un en-semble de
microrganismes
enéquilibre.
Si lasouche introduite ne colonise pas la
rhizosphère
de façon agressive, son activité
bénéfique
ne peuts’exprimer,
car l’équilibre microbien anté- rieur à l’inoculation se rétablit rapidement. Par contre, comme en atteste une série d’articles parus àpartir
de 1978 (Burr et al, 1978;Kloepper
et Schroth, 1978;
Kloepper
et al, 1980abc; Stutz et al, 1986; Geels et al,1986),
l’utilisation de cer-taines souches de Pseudomonas spp fluores- cents aptes à se maintenir et à se développer
sur le
système
racinaire s’accompagne d’effetsbénéfiques significatifs
pour lesplantes
inocu-lées. À la suite de l’intérêt suscité par ces publi- cations, une grande part du travail de recherche réalisé sur les rhizobactéries est maintenant ef- fectuée sur des bactéries appartenant au groupe des Pseudomonas spp fluorescents
qui
inclut lesespèces
P fluorescens et P putida.Au cours de cet article seront
présentés
les principaux effetsbénéfiques
induits par la bacté-risation avec des Pseudomonas spp fluores- cents, puis les mécanismes
responsables
de ceseffets et enfin les conditions nécessaires à l’ex-
pression de ces effets bénéfiques.
PRÉSENTATION
DES EFFETSBÉNÉFIQUES
La finalité de la bactérisation est
d’augmenter
lerendement des cultures. Seules certaines souches semblent
présenter
cettecapacité (Wel-
ler,1988).
Elles ont étéappelées
«Plant GrowthPromoting
Rhizobacteria»(PGPR)
parKloepper
et Schroth
(1978).
L’augmentation
de rendement d’une culture bactérisée résulte de 2 effetsbénéfiques
princi-paux : la stimulation de croissance des plantes et
la
protection
desplantes
contre les maladiesd’origine tellurique.
D’autres effetsbénéfiques
ontégalement
été décrits. Ainsi certaines souches de Pseudomonas stimulent lagermination
desgraines.
D’autres influencent positivement les in-teractions entre les microrganismes symbiotiques
(Rhizobium, Bradyrhizobium; champignons
my-corhiziens) et la plante hôte.
Stimulation de la croissance des
plantes
De nombreux travaux font état d’une stimulation de la croissance des
plantes
et du rendement des culturesaprès
bactérisation. Comme en atteste le tableau I, ces études ont été réalisées avec desplantes
hôtes et des conditionsexpérimentales
variées. Il
apparaît
clairement quel’augmentation
de rendement, observée en conditions normales de production, est toujours inférieure à
l’augmen-
tation de croissance des
plantes
cultivées enconditions contrôlées
(culture
en pots et en serreou en chambre
climatisée).
Protection des plantes
contre les maladies
d’origine tellurique
L’utilisation de bactéries pour lutter contre les maladies
d’origine tellurique
a faitl’objet
de nom-breuses
synthèses bibliographiques (Schroth
et Hancock, 1982;Leong,
1986; Neilands et Leong, 1986; Fravel, 1988) auxquelles le lecteur pourrase reporter pour
plus
de détails.Les modèles biologiques utilisés mettent en jeu différentes souches de Pseudomonas et dif- férentes maladies (tableau
II).
Lesproblèmes
pa-thologiques
lesplus
étudiés sont : les fontes de semis, les fusarioses, lepiétin échaudage
et lespourritures
racinaires.Même si les travaux de lutte biologique sont
très nombreux, il est
regrettable
de constater que seuls quelques uns évaluent l’efficacité de cette lutte en termesd’augmentation
de rendement(Kloepper
et al, 1980c; Suslow et Schroth, 1982b;Saktivel et Gnanamamickam, 1987; Weller et Cook, 1986; Xu et Gross, 1986b; Leeman et al, 1991; Lemanceau et Alabouvette,
1991).
Laplu-
part des essais sont en effets réalisés en condi- tions contrôlées ou sont arrêtés avant la récolte.Autres effets
bénéfiques
Stimulation de la
germination
Une des composantes du rendement
agronomi-
que des
grandes
cultures est la densité du peu-plement végétal.
Or, cette densité est liée à la faculté et à l’énergie germinatives des se-mences. Certaines souches bactériennes, ap- partenant en particulier au groupe des Pseudo-
monas spp fluorescents, semblent améliorer la
germination
desgraines lorsque
les conditions d’environnement sont défavorables. AinsiKloep-
per
et al (1986)
ont montré que le taux de germi-nation de
graines
de colza, semées dans un sol froid et battant, pouvait êtresignificativement augmenté grâce
à l’inoculation par certaines souches bactériennes. De même Hôfte et al(1991) ont
enregistré
uneaugmentation
signifi-cative du taux de
germination
de semences demaïs soumises au froid
après
inoculation de 2 souches de Pseudomonas fluorescents. L’une d’entre elles a, de plus, permis de maintenir le pourcentage degermination
d’un lot de se- mencesâgé
de 2 ans au même niveau que celuiuniquement âgé
de 1 an. Ces souches sont ap-pelées «Emergence Promoting
Rhizobacteria»(EPR) (Kloepper et al,
1986).
Récemment,
Digat
et al(1990)
ont montréque certaines souches de Pseudomonas peu- vent stimuler
significativement
lagermination
de graines de tomate même lorsque les conditions d’environnement ne semblent pas défavorables.Stimulation des interactions entre la microflore
symbiotique
et la
plante
hôteCertaines souches de Pseudomonas spp fluo- rescents stimulent la nodulation des
légumi-
neuses. Ainsi, Grimes et Mount (1987) ont mon-
tré qu’une souche de P putida augmente de façon significative la nodulation du haricot par
Rhizobium. De même, Polonenko et al
(1987)
ont montré que certaines rhizobactéries pou- vaient améliorer la nodulation du
soja
parBrady-
rhizobium. Ces souches sont
appelées
«Nodulating Promoting
Rhizobacteria» (NPR).Toutes ces souches stimulent la croissance raci- naires, produisent de l’acide indole acétique et
sont
pectinolytiques.
Elles provoquent une aug- mentation de la masse de nodositésplutôt
que de leur nombre(Zablotowicz,
in Howell et Okon,1987).
De même, certaines souches de bactéries in- fluencent
positivement
la colonisation racinairede la plante hôte par des endomycorhizes (von
Alten et al, 1991) ou par des
ectomycorhizes (Garbaye
et Bowen,1987).
Mamoun et Olivier(1992)
ont montré que certaines souches de Pseudomonas spp fluorescents améliorent lapérennité
de l’associationsymbiotique
entre l’ec-tomycorhize
Tubermelanosporum
et le noise-tier. Par ailleurs, l’effet
bénéfique,
de l’inocula-tion
mycorhizienne
sur laplante, pourrait
êtrestimulée par certaines rhizobactéries
produc-
trices de substances de croissance (Linderman
et Paulitz,
1990)
et par les rhizobactéries qui augmentent la solubilité desphosphates
dans lesol
(Raj
et al,1981).
Ainsi l’association d’endo-mycorhizes
et de Pseudomonas fluorescents s’accompagne d’une plus grande stimulation de la croissance de laplante
que la seule inocula- tion bactérienne oufongique (Meyer
et Linder-man, 1986; Oliveira et al, 1987).
MÉCANISMES
RESPONSABLES DES EFFETSBÉNÉFIQUES
II
apparaît
clairement que l’un desproblèmes
majeurs liés à l’utilisation des Pseudomonas spp fluorescents est le manque dereproductibilité
dans le temps et dans
l’espace
des effets bénéfi- quesenregistrés (Weller,
1988). Afin d’améliorer l’efficacité de la bactérisation, il est nécessairede comprendre les mécanismes
responsables
des effets
bénéfiques.
Deux types de méca- nismes sedégagent
de l’ensemble des travauxpubliés :
l’un concerne la modification deséqui-
libres microbiens, l’autre la modification du méta- bolisme et de la physiologie de la
plante.
Modification des
équilibres
microbiensKloepper
et Schroth(1981 b)
ont été lespremiers
à mettre en évidence l’effet
bénéfique
indirectd’une souche de Pseudomonas fluorescent sur
la croissance des
plantes.
Ainsi, en conditionmonoxénique,
la bactérisation de graines deradis ne provoque pas
d’augmentation
de crois-sance des
plantes;
alors que la même inocula- tion bactérienne, en conditions nongnotobioti-
ques, s’accompagne d’une stimulation
significative de la croissance des plantes. Ces résultats les conduisent à éliminer
l’hypothèse
de l’influence directe de la souche de Pseudo-
monas sur la croissance des radis; ils
suggèrent
que l’effet
bénéfique
pourrait être lié à une modi- fication deséquilibres
microbiens en faveur de laplante. Effectivement, ces mêmes auteurs ont, par ailleurs, mis en évidence que seules les souches de Pseudomonas, ayant provoqué une réduction de la densité des
champignons
et desbactéries Gram +, ont déterminé une augmenta- tion de croissance des pommes de terre
(Kloep-
per et Schroth,
1981 c).
À
la suite de ces travaux, de nombreux au- teurs ont montré que les effetsbénéfiques
desPseudomonas spp fluorescents sont associés à
leur activité antagoniste à l’encontre de microrga-
nismes
qualifiés
depathogènes (Kloepper
et al, 1980c; Suslow et Schroth, 1982b; Gardner et al, 1984; Bakker et al, 1986; Sakthivel et al, 1986;Cook et al, 1987; Elad et al,
1987).
Ces micror-ganismes, qu’ils provoquent ou non des symp- tômes évidents, réduisent la croissance des
plantes
(Salt,
1979). Laprotection
contre les mi- crorganismes pathogènes par des Pseudomonas fluorescents antagonistes permet de soustraire la plante à leur activité néfaste. Selon l’efficacité de laprotection biologique,
la croissance desplantes bactérisées peut atteindre celle des
plantes
cultivées en absence demicrorganismes pathogènes.
La relation entre cette protection et l’augmen-
tation de croissance ou de rendement est très claire
lorsque
laplante
est confrontée à des mi-crorganismes
qui déterminent dessymptômes
évidents et bien caractérisés
(Fusarium
oxyspo-rum f spp,
Gaeumannomyces graminis
var tritici,Thielaviopsis
basicola,etc).
Ainsi ilapparaît
que la réduction de lagravité
de la maladie s’accom- pagne d’uneaugmentation
de rendement de la culture bactérisée(Weller
et Cook, 1986; Leman-ceau et Alabouvette,
1991).
Sans symptôme apparent, l’effet néfaste des
microrganismes pathogènes
est occulté.D’ailleurs
Hoy
et Schneider(1988)
proposentd’appeler
cesmicrorganismes «pathogènes
cryp-tiques».
Cequalificatif paraît plus approprié
que celui de«pathogène
mineur» donné par Salt(1979).
Cesmicrorganismes
provoquent, en effet, des réductions de rendementimportantes (Schippers
et al, 1987) etreprésentent
une partnon
négligeable
de la microflorerhizosphérique (Suslow
et Schroth,1982a). Cependant,
en l’ab-sence de témoin indemne de ces
microrga-
nismes, la réduction de croissance peut passerinaperçue.
Pour associer l’effetbénéfique
de cer-tains Pseudomonas à la
protection biologique qu’ils
assurent, il est donc nécessaire de mettreen évidence l’effet néfaste et de caractériser les
microrganismes
en cause.Ces
microrganismes
peuvent être parasites,c’est le cas de
Pythiacées
dont certaines provo- quent des réductionssignificatives
du rendement de différentes cultures: blé(Cook
et al, 1987),canne à sucre
(Hoy
et Schneider,1988), pêcher (Mircetich,
1971),pommier
(Caesar et Burr,1987), tulipe (Weststeijn
etMeijer, 1991),
culturehors-sol de concombre
(Favrin
et al, 1988; Stan-ghellini
et al, 1988;Suty
et al,1992), d’épinard (Bates
etStanghellini, 1984)
et de laitue(Funck-
Jensen et Hockenull, 1983;
Stanghellini
et Kron-land,
1986).
La mise en évidence du rôle desPy-
thium dans ces réductions de rendement a été établie en 3 temps :
- relation entre la forte densité de
Pythium
dansle sol et la faible croissance des
plantes (Cook
et al,1980);
- réduction de la croissance de la culture
après
infestation avec
Pythium comparée
à un témoin(Suty et al,
1992);- compensation de cette perte de croissance par
application
de fongicidesantipythiacées (Cook
etal, 1980).
Une fois établie la réduction insidieuse de ren-
dement due aux
Pythiacées,
différents auteurs ont alors associé la stimulation de croissance as-surée par certaines souches de Pseudomonas spp fluorescents à l’activité
antagoniste qu’ils
exercent à l’encontre de ces
champignons.
En effet, ces bactéries se révèlent inefficaces lors- que lesPythium
sont détruitsaprès
désinfection du sol ouapplication
defongicide (Weller
et Cook, 1986; Becker et Cook,1988).
La croissance des plantes peut
également
êtreréduite par l’activité néfaste de
microrganismes
pathogènesqualifiés
de délétères ou«Deleterious
Rhizo-Microorganisms» (DRMO)
par Suslow et Schroth
(1982a)
etSchippers
et al(1987).
Il peut s’agir de bactéries(«Deleterious Rhizobacteria») (DRB)
ou dechampignons.
Ainsides Pseudomonas spp délétères, naturellement
présents
dans les culturesrépétées
de pomme de terre(Bakker
et al, 1986a; Bakker etSchip-
pers,
1987)
ou artificiellement introduits lors de culture de blé(Elliott
etLynch, 1984)
ou de bette-rave
(Suslow
et Schroth,1982b),
provoquent des réductionssignificatives
de la croissance desplantes. Cette activité néfaste serait liée à la pro- duction de métabolites tels que l’acide cyanhydri-
que
qui
perturberait et inhiberait la croissance desplantes (Bakker
etSchippers,
1987). La ré-duction de la densité de ces Pseudomonas délé- tères, soit par des techniques culturales appro-
priées -
brûlage
despailles
(Elliott etLynch, 1984),
rotationlongue
de pomme de terre(Bak-
ker et al, 1987) - soit par l’utilisation de Pseudo-
monas fluorescents antagonistes
(Suslow
et Schroth, 1982b; Geels etSchippers,
1983;Schippers
et al, 1985; Geels et al,1986)
s’ac-compagne d’une augmentation de la croissance des plantes et du rendement de la culture.
II
apparaît
donc clairement qu’un des méca- nismesresponsables
des effetsbénéfiques
decertaines souches de Pseudomonas spp fluores- cents repose sur l’activité antagoniste
qu’ils
exer-cent à l’encontre de
microrganismes pathogènes
inducteurs de maladies et de réductions de croissance. Parmi les modes d’action antago-
nistes de ces Pseudomonas fluorescents, la
compétition
et l’antibiose ont étéparticulière-
ment étudiées.
Compétition
Les interactions microbiennes sont condition- nées par la nature et l’intensité de la
compétition
entre
microrganismes (Lockwood,
1981; Alabou- vette,1983).
Cettecompétition
peut s’ins-taurer pour l’espace et pour les nutriments. Les Pseu- domonas fluorescentsantagonistes participent
àces 2 types de
compétition.
Ainsi Suslow
(1982) suggère
que les PGPR seraientcapables
d’exclure les DRB de cer-taines niches
écologiques
où laproduction
d’ex-sudats racinaires est
importante.
Larépartition
des bactéries n’est pas
régulière
lelong
de la ra- cine, elle estplus
dense aux endroits où la pro- duction d’exsudats estplus
intense, comme parexemple
aux sites d’émergence des racines se-condaires et aux
jonctions
cellulaires(Bowen
et Rovira, 1976). L’inoculation de PGPR réduirait l’installation de DRB à ces emplacements.Même si le rôle de la
compétition
pour l’es- pace ne peut êtrecomplètement
exclu, l’essen- tiel des travaux relatifs à lacompétition,
instau-rée par les Pseudomonas fluorescents, porte sur la
compétition trophique
et, enparticulier,
sur lacompétition
pour le fer, comme en attestent les différentessynthèses bibliographiques
relativesà ce
sujet (Heming,
1986;Leong,
1986; Nei- lands etLeong,
1986;Loper
etBuyer, 1991).
Cet élément est en effet
indispensable
au méta-bolisme des
microrganismes
aérobies. Même s’ilconstitue le 4eélément de l’écorce terrestre
(Se- galen, 1964),
le fer est peu soluble et donc peudisponible
dans les sols cultivés. En effet, dans les sols normalement aérés, le fer est surtoutoxydé (Fe+++).
Aux valeurs depH compatibles
avec les cultures, le fer
(Fe+++)
seprésente
es-sentiellement sous forme
d’hydroxyde ferrique (Fe(OH)
3
)
peu soluble(Lindsay
et Schwab,1981).
Leproduit
de solubilité deFe(OH) 3
étantapproximativement égal
à 10-38 mol.l-1 laconcentration calculée de Fe+++, à
pH =
7,7 parexemple,
atteint seulement 10-19 mol.l-1(Lind-
say, 1974). Cette concentration est insuffisante pour permettre la croissance
optimale
des mi-crorganismes.
Ainsi Simeoni et al(1987)
ontmontré que la concentration
critique
de fer (Fe+++
) pour la
germination
des chlamydosporesde Fusarium est comprise entre 10-19 et 10-22 mol.l
-1
. Pour
acquérir
cet élémentindispensable
mais peu soluble, les microrganismes ont déve-
loppé
unestratégie d’acquisition
du fer qui re-pose sur la
synthèse
desidérophores
et de pro- téines membranairesréceptrices (Neilands,
1973; Leong,1986).
Cettesynthèse
n’a lieu qu’en situation de carence en fer(de Weger
et al,1986).
Lessidérophores
sont des métabolites de faiblepoids
moléculairequi présentent
uneforte affinité pour le fer
(Fe+++) (Neilands, 1973).
La structure de
sidérophores produits
par diffé- rentes souches de Pseudomonas spp fluores- cents a été décrite(Teintze
et al, 1981; Wenden- baum et al, 1983;Yang
et Leong, 1984;Buyer
et al, 1986; Van der Hofstad et al,1986).
Ils sontconstitués d’une petite chaîne
peptidique
d’acides aminés L et D en alternance, liée à un groupe chromophore fluorescent
jaune-vert
et àun groupe succinamide. Une fois émis dans le milieu, ils chélatent le fer
(Fe+++).
Cecomplexe
est reconnu de
façon plus
ou moinsspécifique
par des
protéines
membranairesréceptrices (Marugg
et al, 1989; Bitter et al,1991),
traversela membrane cellulaire,
puis intègre
la cellule oùil est réduit
(Leong,
1986). Cettestratégie
estplus
ou moins efficace selon lesmicrorga-
nismes. Tous les
sidérophores
neprésentent
pas en effet la même affinité pour le fer
(Fe+++).
Ainsi les Pseudomonas fluorescents
produisent
des
sidérophores appelés pyoverdine (Meyer
et Abdallah,1978)
oupseudobactine (Teintze
et al,1981)
qui forment avec le fer(Fe+++)
un com- plexe(ferripyoverdine
ouferripseudobactine)
dont la constante de stabilité est égale environ à 10
32
(Meyer
et Abdallah, 1978). Le fer chélatépar les pyoverdines ne peut pas être utilisé par certains champignons. Les
sidérophores
fongi-ques forment en effet avec le fer
(Fe+++)
un ché-late dont la constante de stabilité est inférieure à celle des
complexes ferripyoverdines.
Ainsi les fusarinines,sidérophores produits
par les Fusa- rium spp (Emery, 1965; Lemanceau et al, 1986),forment avec le fer
(Fe+++)
uncomplexe
dont laconstante de stabilité est estimée à 1029
(Scher
et Baker,
1982).
De ce fait, les Pseudomonas fluorescents sontplus
aptes à mobiliser le fer que les Fusarium(Lemanceau,
1988). La crois-sance de ces
champignons
enprésence
dePseudomonas fluorescents ou de
pyoverdine
pu- rifiée serait donc réduite du fait de la carence enfer. L’introduction de
pyoverdine
dans le sol dé- termine une diminution du taux degermination
des
chlamydospores
de Fusarium (Elad et Baker, 1985) et de lagravité
de la fusariose et dupiétin
(Kloepper et al, 1980b). Sneh et al(1984) ont, de plus, établi une corrélation entre
l’intensité de la
synthèse
desidérophores
par les Pseudomonas fluorescents in vitro, et leurapti-
tude à réduire la germination des
chlamydos-
pores de Fusarium dans le sol. Meyer et al
(1987)
ontégalement
mis en évidence, in vitro,la réduction de la croissance d’une souche de
Pythium
consécutive à des apports croissants depyoverdine purifiée.
L’activitéantagoniste
exer-cée par la
pyoverdine
est effectivement liée à lacompétition
pour le ferpuisqu’elle
est annuléelors de
l’apport
de fer(Kloepper
et al, 1980b;Meyer et al, 1987). De plus, la
répression
de lasynthèse
desidérophore,
consécutive à l’aug-mentation de la concentration en fer du milieu, peut s’accompagner de la levée de l’activité anta-
goniste exercée par différents Pseudomonas fluorescents (Misaghi et al, 1982; Lemanceau et Samson,
1983).
D’unefaçon générale, l’apport
de fer
disponible
pour leschampignons patho- gènes (Fusarium
oxysporum f spp, Gaeumanno- myces graminis vartritici)
réduit l’intensité de lacompétition
pour cet élément et aggrave les ma- ladies(Kloepper
et al, 1980b; Scher et Baker, 1982;Wong
et Baker, 1984; Lemanceau et al, 1988a).À
l’inverse, l’activitéantagoniste
desPseudomonas est accrue en abaissant la concentration en fer
disponible
à la suite de l’in- troduction d’unpuissant ligand
du fer :l’éthylène- diaminedi[(o-hydroxyphényl)
acideacétique]
(EDDHA) (Scher
et Baker, 1982; Van Peer et al,1990b).
L’activité
antagoniste
exercée par des Pseu- domonas fluorescents à l’encontre de Pseudo-monas délétères peut également être associée à la
compétition
pour le fer (Bakker et al,1986a).
Cependant cette compétition ne semble pas être liée à la plus ou moins
grande
affinité des pyo- verdines pour le fer. Les différences de structure entrepyoverdines
ne concernent en effet surtout les acides aminésqui
neparticipent
pas directe- ment à la chélation du fer. Par contre, laplus
oumoins grande
spécificité
dusystème d’acquisi-
tion du complexe
ferripyoverdine
semble respon- sable de lacompétition
pour le fer exercée par certaines souches. Dans l’ensemble, cesystème
d’acquisition est trèsspécifique (Hohnadel
et Meyer, 1988). II repose sur lasynthèse
de pro- téines membranaires (Bitter et al,1991).
Contrai-rement aux autres souches de Pseudomonas fluorescents, les
protéines
membranaires des Pseudomonas fluorescentsantagonistes
se-raient peu
spécifiques.
Ces Pseudomonas anta-gonistes seraient donc capables d’utiliser les
complexes ferripyoverdines produits par d’autres