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L’agronomie, science du champ. Le champ, lieu d’interdisciplinarite: de l’ecophysiologie aux sciences
humaines
J.P. Deffontaines
To cite this version:
J.P. Deffontaines. L’agronomie, science du champ. Le champ, lieu d’interdisciplinarite: de l’ecophysiologie aux sciences humaines. Agronomie, EDP Sciences, 1991, 11 (7), pp.581-591. �hal- 02701120�
Systèmes agraires
etdéveloppement (synthèse)
L’agronomie, science du champ.
Le champ, lieu d’interdisciplinarité :
de l’écophysiologie aux sciences humaines
JP Deffontaines
INRA - SAD - Route de Saint Cyr - 78026 Versailles cedex, France (Reçu le 13 novembre 1990; accepté le 25 avril 1991 )
Résumé — Le champ est une structure spatiale particulière de l’espace rural qui représente, pour l’agronome, un ni-
veau privilégié d’observation et d’analyse et un lieu où sont mis à l’épreuve les concepts et les méthodes qu’il élabore.
Le champ est un objet complexe qui peut être considéré de multiples points de vue. Certains de ces points de vue sur
le champ sont constitutifs du domaine scientifique de l’agronomie, comme le lieu où s’élaborent les rendements ou comme le cadre des pratiques agricoles. D’autres points de vue sur le champ se refèrent à des disciplines scienti- fiques telles que l’écologie, la géographie, l’économie, la sociologie.
Compte tenu des questions nouvelles qui sont posées à l’agronome relatives à l’aménagement, à l’environnement et au développement, celui-ci ne peut ignorer ces derniers points de vue. C’est du champ comme lieu d’interdisciplinarité
pour l’agronomie dont il est question ici.
agronomie / exploitation agricole / espace rural / écologie / interdisciplinarité
Summary — Agronomy as a science of the farm field. The field, a site for interdisciplinarity: from ecophysio- logy to the human sciences. The field is a specific spatial structure of rural space. For agronomists it is a privileged
area of observation and analysis as well as a site on which the concepts and methods which they develop are put to the test. The field is a complex object which may be viewed from numerous standpoints. Some of these standpoints
are central to the scientific aspect of agronomy. Such is the case when the field is seen as the site on which crop yield
is being developed (figs 1, 2) or as the setting for farming practices (fig 3 on relationships between techniques and practices). Other viewpoints on the field relate to scientific disciplines such as ecology, geography, economics, socio- logy. For example, the field interacts with ecological systems (fig 4); it is part of a specific landscape and an element
of the regional land pattern; it also represents a pawn in local community interests. Agronomists, faced by new ques- tions regarding land planning, the environment and development, cannot overlook these contrasting viewpoints. What
is dealt with here is the field seen as a site for interdisciplinarity. An example of interdisciplinary research is given: the
field is shown as the level at which various disciplinary approaches meet and interconnect.
agronomy / farm / rural space / ecology / interdisciplinarity
INTRODUCTION
L’agronomie
regroupe les connaissances théo-riques
utiles àl’agriculture.
En effetl’agriculture,
ensemble des actions sur le milieu naturel, sur les
végétaux
et sur les animaux en vue d’uneproduction
utile à l’homme, fait intervenir desphénomènes qui
concernent desdisciplines scientifiques
variées.Le domaine
scientifique
de l’agronomie peut êtreanalysé
àpartir
d’une structureparticulière
de
l’espace
ruralqui représente
pourl’agro-
nome à la fois un niveau
privilégié
d’observa-tion et
d’analyse
et un lieu où il met nécessaire-ment à
l’épreuve
les concepts et méthodesqu’il
élabore. Cette structure
spatiale
est lechamp.
Tout ce que fait
l’agronome
renvoie à ce ni-veau.
Schématiquement,
laplante
est l’affairedu botaniste, du
physiologiste,
dugénéticien;
lepeuplement végétal
concerne lesphytosociolo-
gues, les
écologues,
lesbiogéographes;
par contre unpeuplement végétal
dans unchamp
est du domaine de
l’agronomie.
Avec les questions nouvelles
qui
se posent, les agronomes sont amenés àdévelopper
despoints
de vue nouveaux sur lechamp. Chaque
point
de vue révèle des faits, mobilise des mé- thodes et des instrumentsparticuliers,
proposedes
logiques
auxphénomènes
et définit des re-lations avec des
disciplines
relevant des sciencesbiologiques,
des sciences de la terre, mais aussi des sciences humaines.C’est du
champ
comme lieud’interdisciplinari-
té pour
l’agronome
dont il estquestion
ici.Après
un bref rappel de
quelques repères
historiques, différentspoints
de vue sur lechamp
seront dé-veloppés.
Une illustration de cette diversité depoints
de vue seraprésentée
à l’occasion d’uneopération particulière
de recherche avant de conclure.QUELQUES
REPÈRES
HISTORIQUESLes traités
encyclopédiques
surl’agriculture
sont nombreux, surtout basés sur l’observation et lacomparaison.
Ils sontprescriptifs
et édictent desrègles
pour l’action.Au XVIIesiècle O de Serres
(de
Serres,1619)
propose des
analyses
de situation assezpré-
cises : il utilise la
comparaison,
voire la dé- marcheexpérimentale.
Mais lapremière
es-quisse
de théorisationagronomique apparaît
dans le cours
d’agronomie
de deGasparin (de Gasparin, 1848).
Elle est renduepossible
par ledéveloppement
de différentes sciences :physi-
que,
biologique,
surtoutchimique.
En 1840, Lie-big
établit leprincipe
de l’alimentation minérale desplantes.
Mais la plante, le sol, le climat sontvus
séparément
dans des conditionsparticu-
lières. Des travaux
importants
sur la fertilisation des cultures sont réalisés, mais les résultats sont référencés à des milieux, à desvégétaux.
L’agronomie
est normative; elle est science des localités.Une deuxième rupture intervient
après
la der-nière guerre avec l’accroissement des moyens
techniques (motorisation, irrigation, pesticides,
herbicides, semences,engrais).
Lesfaçons
deprocéder
pour obtenir des résultats semblablesse trouvent
multipliées.
En Franceparmi
lesscientifiques qui
marquent ce tournant, S Heninjoue
un rôleimportant.
À la suite des travaux surl’instabilité structurale des sols, il soutient, en 1944, une thèse avec G Bachelard
qui
s’intitule : Essai sur la méthode en.agronomie (Henin, 1944).
Il devientprofesseur
à l’Institut nationalagronomique
en 1958 etresponsable
dudépar-
tement
d’Agronomie
à l’Institut national de la re-cherche
agronomique
en 1965. On peut sché-matiquement
mettre en avant les apports suivants de S Henin àl’agronomie.
Il proposeune
approche globale
et théorisée de l’ensembleformé par les
peuplements végétaux,
le sol, leclimat et les
techniques
culturales. Il met en avantl’importance
desanalyses
sur le terrain, maissouligne
la nécessaire référence à unethéorie. Il donne des
impulsions
àl’observation
en situations contrôlées, à
l’enquête régionale
encomplément
de la démarcheexpérimentale.
Ildégage
clairement 2 fonctions del’agronome :
lapremière
est decomprendre
des situations, de faire desdiagnostics,
des évaluationsqui
aidentà l’action; la seconde est de progresser dans l’élaboration d’une théorie
agronomique.
En 1967 il donne de
l’agronomie
la définitionsuivante : «Une
écologie appliquée
à laproduc-
tion des
peuplements
desplantes
cultivées et àl’aménagement
des terrainsagricoles» (Henin, 1967).
Cette définitionlarge
del’agronomie
est àl’origine
dudéveloppement
de 2 courants, l’unanalytique,
vers uneécophysiologie
desespèces végétales
utiles à l’homme, c’est-à-dire versl’étude de leur croissance et de leur
développe-
ment dans leurs relations avec les conditions et les facteurs du milieu, l’autre,
global,
vers uneagronomie
comme science destechniques agri-
coles.
QU’EST-CE QUE LE CHAMP POUR L’AGRONOME ?
Le
champ,
termegénéral, désigne
laparcelle
deculture c’est-à-dire une
portion
continue de terri- toire qui porte la même culture, ou a une même utilisation, et qui a fait l’objet de la même succes-sion d’interventions.
Le
champ
ne se superpose pas nécessaire- ment à la parcelle cadastrale qui est l’unité depropriété
affectée d’un numéro dans la matrice etsur le
plan
cadastral. Lechamp
peut être compo- sé deplusieurs parcelles
cadastrales ou aucontraire n’être
qu’une partie
de l’une d’elle.Dans les
partitions
du territoire rural, on ob-serve des
«pièces» qui présentent
des limites naturelles oupérennes
comme une route, une ri- vière, un bois ou une haie, un fossé, un mur. Cespièces
ontfréquemment
une dénomination lo- cale. Lechamp
necorrespond
pas nécessaire- ment à unepièce,
il peut n’en constituerqu’une
fraction
(Gras
et al,1985).
Le champ est donc
occupé
par une même cul- ture :parcelle
de maïs, de luzerne, d’arbres frui- tiers, deplantes
maraîchères; dans ce derniercas on
parle
souvent de«planches».
C’est aussiune
parcelle
en herbe,pré
fauché ou parcpâtu-
ré. Mais une même occupation peut avoir fait
l’objet
de traitements différenciés du fait du climatou des choix
techniques
del’agriculteur.
L’annéeprécédente,
uneparcelle
de blé peut avoir été cultivée partiellement en maïs et en luzerne.Ainsi dans la notion
agronomique
duchamp
in-tervient la notion d’histoire culturale. De
plus
lechamp
peut êtreoccupé
par des couverts com-plexes ou des cultures associées ou encore faire
l’objet
d’interventions échelonnées ou même di- versifiées (Milleville, 1972) si bien que la délimita- tion du champ n’est pastoujours
aisée.Le champ est une unité de terrain
qu’analyse l’agronome
et sur laquelle il porte jugements etdiagnostics.
POINTS DE VUE SUR LE CHAMP
La
présentation
des diverspoints
de vue sur lechamp
débute par ceux quel’agronome
déve- loppe classiquement, ou au moins depuis quel-ques années et pour lesquels sont
rappelés
briè-vement des acquis en termes de concepts, de méthodes et d’outils. Suivent des
points
de vueque
l’agronome
est amené,plus
récemment, àprendre en compte et
qui impliquent
des rela-tions nouvelles avec diverses
disciplines.
Le
champ
cultivé comme lieu où s’élabore le rendementL’agronome dispose
de modèles d’élaboration du rendement qui mettent en relation des carac-téristiques
du climat, du sol, desplantes
et destechniques.
Ils font référence à des modèlesphysiologiques
de la croissance et dudévelop-
pement desvégétaux,
ainsiqu’à
des modèles du comportementphysico-chimique
et hydrody-namique
des sols(fig 1).
Des concepts tels que ceux d’états du milieu et du
peuplement végétal,
de facteurs du rende- ment, deséquence
et d’itinérairetechnique
sesont avérés efficaces pour connaître les méca- nismes
qui
contribuent au rendement d’une cul- ture(Sebillotte, 1978).
L’agronome
utilise des méthodesd’expéri-
mentation
agronomique
avecplan expérimental,
des méthodes
d’enquêtes
et d’observations quiconsistent à
analyser,
en situation, les sols, lesplantes
et lestechniques
avec desprotocoles
d’enquêtes
et desplans
d’observation(«expérimentation
sans intervention»(Ferrari, 1966), «essai
pourvoir»). L’enquête
et l’observa-tion
s’appuient
sur l’existence d’une diversité et de gammes de variations,conséquences
desconditions de milieu différenciées, mais
égale-
ment de la variété des interventions
techniques.
L’étude du
profil
cultural(Henin
et al,1960)
s’estainsi avérée efficace pour les
enquêtes
dites : plantes - milieux - techniques(Gras
et al, 1981).Le
champ
cultivé comme cadredes
pratiques agricoles
En fait dès lors que
l’agronome
étudie les techni-ques «au
champ»
c’est-à-dire dans les condi- tionssingulières
d’unchamp
etqu’il
observe une façon de mettre en oeuvre unetechnique qui
estparticulière
àl’agriculteur
concerné, c’est de«pratiques» qu’il s’agit.
Lespratiques
desagri-
culteurs posent à
l’agronome,
2questions :
cellede l’évaluation de leurs effets sur le milieu et sur
le processus d’élaboration de la
production;
cellede la
compréhension
des conditions et des dé- terminants de leur choix et de leur mise en oeuvre.L’expérimentation
a été longtemps consi-dérée comme le seul moyen
scientifique
deconnaissances
agronomiques,
la seuleorigine
valable d’innovations techniques; le fait de don-
ner à l’observation un statut
scientifique équiva-
lent à
l’expérience
est un tournantimportant
pourl’agronomie.
En effet, l’observation des pratiquesdes
agriculteurs,
c’est-à-dire de leursfaçons
defaire devient source de connaissances scientifi- ques.
L’agronome
peut s’appuyer sur la dualitétechniques-pratiques
pour élaborer des innova- tionstechniques.
Lafigure
2 met en lumière la«boucle»
qui
relie lestechniques
et lespratiques
du savoir au faire, et du faire au savoir; double
relation
qui
recouvre ce que l’on peutdésigner
par le «fait
technique» (Gras
et al, 1989).Le
champ,
espace défini par l’identité des pra-tiques,
devient un lieu de leuranalyse.
La reconnaissance de la valeur
scientifique
del’observation in situ,
place l’agronomie
«àégali-
té» avec les sciences non
expérimentales
et fa-vorise un
rapprochement
avec desethnologues,
voire des
anthropologues.
D’où le rôlejoué
dansle
développement
de lapensée agronomique
ré-cente par des
scientifques
tels que : Leroi Gour- han(1971),
Parain(1979), Sigaut (1985),
Haudri-court (1988).
Une
question
resteposée. Pourquoi
cette di-versité des
pratiques
observées ? Comment ten- terd’y répondre
sans accéder auxobjectifs
etaux conditions des choix des
praticiens,
éleveursou
agriculteurs ?
Le
champ
vu comme un élémentde
l’exploitation agricole
Les
pratiques
d’unagriculteur
ont une cohérenceau niveau de son
exploitation;
c’est à ce niveau qu’elles deviennentintelligibles.
L’assise territoriale de
l’exploitation présente
une structure spatiale définie par la localisation et la
configuration
deschamps. L’agriculteur
or-ganise
son activité deproduction
dans le cadrede cette structure
spatiale.
Cequ’il
fait dans unchamp
est en relation avec les autreschamps (Benoit, 1985).
Trois notions
significatives
pourl’agriculteur
permettent de caractériser cetteorganisation.
Ils’agit
de la rotation,qui
est la succession des cultures dans le temps, de l’assolement,qui
estl’agencement
des cultures dansl’espace,
du sys- tème de culture,qui
est un mode d’utilisationsemblable d’un ensemble de
champs
dans l’ex-ploitation.
Toute intervention
technique
sur unchamp,
donc toute
pratique,
a uneplace
dans un calen-drier cultural
(ou fourrager). L’agriculteur,
«pilote»
duchamp,
décide des affectations et des interventions.Le champ est vu comme un
système piloté
dans la
perspective
d’uneproduction.
Dans une telle
conception
duchamp, l’agro-
nome centre son intérêt sur les décisions des
agriculteurs
et les conditions danslesquelles
ilsréalisent les choix
techniques. Jusqu’où l’agro-
nome doit-il,
peut-il
aller, dans l’étude des pro-cessus de la décision ?
Il n’y a pas de
progression
dans cette voiesans relations avec les micro économistes de la décision, sous peine d’en rester à des modèles
simplistes du type : objectif / décision / action.
C’est en collaboration avec eux qu’est apparu
l’usage
de termes tels quegestion technique,
maîtrise, conduite,pilotage,
décisiontactique
etstratégique, risque,
etc(Petit,
1971, 1975; Re- boul, 1976; Servettaz et Soler, 1984; Sebillotte etal, 1988; Bonneviale et al, 1989; Eldin et Mille- ville,
1989).
Par ailleurs, il estquestion
d’indica-teurs utilisés par
l’agriculteur
ou l’éleveur, donc des«représentations» qu’il
se fait d’une situation, d’un état duchamp; représentations
dontdépend
la
prise
de décision. Dès lors, il y a référence àune
anthropologie
despratiques (Salmona,
1977;Darré,
1984)
mais aussi auxacquis
de lapsycho- logie cognitive.
À
l’issue de laprésentation
de ces 3premiers
points de vue sur lechamp,
il est éclairant d’intro- duire la notion depotentialités qui
a faitl’objet
dedébats et de malentendus entre agronomes.
C’est en réaction à un déterminisme normatif,
prescriptif, qui
amenait àparler
de «vocations»des terrains dans les années 1950, puis à une
négligence
des contraintes des terrains des an-nées 1960 : «on peut tout
produire n’importe
où»,que des agronomes ont
engagé
des travaux surles
potentialités.
Leur but était de proposer une évaluation des terrainsqui
prenne en compte les conditions de leur utilisation dans unerégion (Deffontaines
et Henin, 1970; Boiffin et Sebillotte, 1982; Auricoste et al,1983).
Ces travaux ont per- mis dedistinguer
différents niveaux depotentiali-
tés selon que le terrain est ou non constitutif d’un
champ
et que lechamp
est ou non considérécomme faisant
partie
d’uneexploitation agricole (tableau I).
Les
potentialités pédoclimatiques
des terrains sont lescapacités productives optimales
descouverts
végétaux
sur ces terrains. Elles concer- nent toutes les échelles, de la station à de vastesportions
de territoires. Lespotentialités techniques
prennent en compte lespossibilités
de réalisation des
séquences d’opérations
tech-niques;
elless’appliquent
au niveau duchamp.
Enfin, il est
question
depotentialités agricoles
dès lors que les terrains sont considérés comme
des éléments du
système parcellaire
constitutif d’uneexploitation agricole.
Le
champ,
entité en relation avecdes
systèmes écologiques
Le
champ
est en totalité oupartiellement
inclusdans des
systèmes écologiques,
comme un bas-sin versant, l’aire d’extension d’une
population
de rongeurs, d’insectes ou d’oiseaux, un flux d’eau. Dans ce dernier cas il faut
signaler
que lechamp
doit être considéré comme un espace à 3 dimensions. En effet la connaissance des rela- tions entre lespratiques agricoles
et les caracté-ristiques
du substrat, conditionnant la circulation de l’eau souterraine est nécessaire pour rendre compte desphénomènes
depollution
desnappes.
Le
champ
peutégalement
contenir en totalitéou
partiellement
dessystèmes écologiques
comme l’aire d’influence d’une haie ou d’une
« mouillère»
(fig 3) (Gras
et al,1985).
On ne peut
comprendre
lesphénomènes
encause dans ces interactions entre le
champ
etles
systèmes écologiques
etacquérir
les mé-thodes de
diagnostic adaptées
auxproblèmes
liés à ces interactions sans
échanges
avec lesécologistes,
lespédologues,
lesgéomorpholo-
gues, les
hydrogéologues (Deffontaines
et Bau-dry, 1987).
Le
champ
vu commepartie
d’un espacegéographique
Le
champ
esttoujours
inséré dans un paysageen tant
qu’élément
en interaction avec d’autres constituants de ce paysage. Deplus,
selonl’échelle considérée, le
champ
est une mailledans un espace local,
micro-régional,
ourégio-
nal.
Le
champ
facette d’un paysage(Groupe
INRA-ENSSAA, 1977)Si le paysage est «une
partie
de territoire, visible par un observateur,qui
est le résultat à un mo-ment donné de
phénomènes
actuels etpassés»
(Deffontaines, 1986),
lechamp
est inscrit dansun paysage.
Des influences
réciproques
le lient àl’espace
qui l’environne. On peut citer les effets des traite-ments herbicides d’un
champ
sur leschamps
voi-sins situés «sous le vent» ou l’extension d’un
peuplement
defougères
d’un «parc» sur lechamp
cultivéqui
lui estcontigu.
C’est le cas desphénomènes
de contacts entre forêt etchamp,
du rôle de la haie dans l’économie de l’eau et de la lumière ou dans la
propagation
des ennemis des cultures.Dans ces divers
phénomènes,
on retrouve lesrelations du
champ
avec lessystèmes écologi-
ques, abordés dans
l’écologie
du paysage, cou- rant récentqui
traiteprécisément
des dimensionsspatiales
dessystèmes écologiques (Baudry,
1985).Le
champ
est aussi un élément du cadre de vie. Il est situé dans le «paysageprofessionnel»
de l’agriculteur. Celui-ci, par
exemple,
réserveune utilisation
particulière
aux parcellesqui
sontvisibles du
siège
del’exploitation
etqui
peuventfaire
l’objet
d’une surveillance attentive. De même, il estfréquent
de constater que le remem- brement, en modifiant laconfiguration
deschamps,
«brouille les cartes» du paysage quoti- dien dupraticien
et rendparfois
inutiles lesconnaissances
empiriques
accumulées dans le cadre de la structureagraire
antérieure.Le
champ
dans le paysage est perçu par un nombre croissant de nonagriculteurs qui repré-
sentent actuellement plus de 80% de la popula-
tion rurale. Dans les affectations et la conduite des
champs,
il sera deplus
enplus
nécessairede prendre en compte les exigences de ces ru-
raux
qui
modifient le «cahier descharges»
del’agriculture.
Le
champ,
maille d’un espace localou
régional
Le
champ
est uneportion
de territoire «sous in- fluences» de facteursqui dépassent l’exploita-
tion. Il est dans un «terroir» soumis à des
régle-
mentations collectives ou à des normes
d’occupations,
depratiques, d’appellations;
il estdans un
«quartier»
avec ses usages locaux et devoisinage;
il est dans unvillage
où telle ou telletechnique
a diffusé dans toutes lesexploitations
ou au contraire dans tel autre où elle n’a pas été
adoptée.
De tels «effets
village» apparaissent
claire-ment, par
exemple,
sur la carte d’utilisation des surfaces en herbe en Lorraine méridionale éta- blie àpartir
de scènes successivesprises
du sa-tellite
Spot.
Elle montre des«villages ensilages
d’herbe»
qui
contrastent avec des«villages
foinregain» (Benoit
et al,1988).
Ces
phénomènes
de structurationspatiale
des
techniques
relèvent d’uneanalyse
«macrotechnique»
qui a été encore peu déve-loppée
par les agronomes. Ce typed’analyse
est utile pour aborder, au niveau
régional,
lesproblèmes
dedéveloppement,
d’environnement etd’aménagement.
Il peut contribuer au renou-vellement des «études
d’impacts»
parexemple.
Pour instruire ce point de vue sur le
champ l’agronome
doit utiliser des concepts, des mé- thodes, des savoir-faire desgéographes (Ha-
gett, 1973; Mathieu et Bontron, 1973; Pinchemelet Pinchemel, 1988; Blanc Pamard, et al,
1989).
Le
champ
dans un espaceéconomique
et socialPar ce
qu’il produit,
lechamp
est un élémentconstitutif d’une filière de
production.
Il s’inscrit dans un bassin deproduction,
dans l’aire d’in- fluence d’unecoopérative,
d’un centre de stoc-kage,
de transformation, de consommation. En cela il estl’objet
d’attentionsparticulières d’agents
des filièresqui
influencent le choix destechniques.
Le
champ
est un élément desstratégies
spa- tialesd’entreprises
industrielles,d’organismes
etd’institutions diverses dont
l’analyse
est du do-maine des économistes mais
qui
ne peuvent êtreignorées
des agronomes.Le
champ
faitpartie
del’espace
vécu par une société locale. Il devient deplus
enplus
fré- quemment soumis, notamment dans les zonespéri-urbaines
auxphénomènes
de«rurbanisation», et est le cadre de
plusieurs
acti- vités, dont celle d’uneproduction agricole.
Cesusages
multiples
introduisent de nouvelles contraintes pour les travauxagricoles :
modifica-tion des dates de récoltes entraînant le choix de variétés
plus précoces
et moinsproductives
pour laisser
place
à uncamping
à la ferme oupour faciliter la chasse, pour assurer la
compati-
bilité avec une autre activité
(Poupardin, 1981).
Le
champ
a une fonctionparticulière
dansl’élaboration
progressive
de «référentiels techni- ques locaux»(Moisan, 1988)
c’est-à-dire denormes
techniques
issues des observationsquotidiennes
accumulées par lesagriculteurs
lo-caux sur les effets de telles inteventions techni- ques, de telles initiatives, les échecs et les réus- sites des activités exercées dans les
champs
duvoisinage.
Ainsi on observe, par type deprati-
ques ou de cultures, des
champs qui
servent deréférences. Par
exemple quand
telagriculteur
épand
du fumier sur telleparcelle
ils’agit
d’un si-gnal
auquel se réfèrent d’autresagriculteurs
dufinage.
Ceschamps
références sont utiles à connaître dans laperspective
d’actions de déve-loppement.
Cepoint
de vue amène à de nou-velles
interprétations
del’analyse agronomique
du
profil
cultural. Celui-ci contient en effet des in- formations sur l’histoire despratiques;
son ob-servation peut contribuer à la connaissance des
normes
techniques
locales.Le
champ,
est un espace affecté d’un statutjuridique
depropriété
etauquel
est attribué unprix.
Il est objetd’échanges,
il est un espaceconvoité, un espace
enjeu;
autant de traitsqui
interviennent dans
l’intelligibilité
de l’usagequi
en est fait.
Ainsi, on peut
parler
d’unesociologie
duchamp qui
amènel’agronome
à réaliser des tra-vaux et établir des liens avec les
«sociologues
du local».
LE CHAMP DANS UN PROGRAMME DE RECHERCHE INTERDISCIPLINAIRE Quelles fonctions
remplit l’analyse
duchamp
dans un programme de recherche associant des chercheurs des sciences
biotechniques,
dessciences de la terre et des sciences humaines et
quels points
de vue sur lechamp l’agronome
est-il amené à
prendre
encompte ?
Telles sontles questions abordées pour illustrer les propos
qui précèdent.
Le programme de recherche,
pris
à titred’exemple,
a pourorigine
unequestion posée
par une
importante entreprise
deproduction
d’eau minérale : comment arrêter l’accroisse- ment
progressif
du taux des nitrates dans les nappesqui
alimentent les sourcesexploitées
parl’entreprise ?
Sachant que le territoire d’alimentation des sources,
qui
s’étend sur 4 communes, est essen- tiellementagricole,
laquestion
de recherche re-tenue est celle des conditions dans
lesquelles
unsystème agraire
peut évoluerlorsqu’il
est soumisà des contraintes nouvelles de son environne- ment.
La
prise
en compte duproblème
dans toutesa
complexité
s’est traduite par une structuration du programme enplusieurs
voletsqui
fontappel
à des
disciplines
différentes. Lafigure
4 fait étatde cette structuration.
Le territoire d’alimentation et son substrat constituent un espace E à 3 dimensions
qui
«produit»
des nitrates et de l’eauqui
en est levecteur.
L’étude
comprend
3 volets :- le
système
de circulation des eauxsuperfi-
cielles et
profondes;
- le
système
de«production»
de nitrates par les diverses activités, dont l’activitéagricole;
- le
système socioéconomique
concerné parl’espace
E.Chaque
volet est subdivisé en niveaux d’ana- lyse.À
chaque niveau sont définies des unitésspatiales spécifiques
et sont élaborés des mo-dèles de fonctionnement. L’un de ces niveaux est le
champ
ouparcelle
cultivée,portion
de terri-toire élémentaire sur
laquelle s’appliquent
leschangements
despratiques agricoles.
Deux
questions majeures
se posent :quels changements
depratiques ?
Dansquelles
condi-tions peuvent
s’opérer
ceschangements ?
Ces
questions
supposent la mise aupoint
d’iti-néraires
techniques
et desystèmes
de cultures moinspolluants.
Leur définitiondépendent
del’histoire culturale des
parcelles,
des types desols sur
lesquelles
elles sont situées, de leurscaractéristiques physicochimiques
ethydrodyna- miques.
Du fait des circulations d’eau en surface, les
champs
doivent être considérées dans le pay- sage notamment dans leur situationtopographi-
que dans le bassin versant; elles doivent être po- sitionnées par rapport aux zones à
risques plus
ou moins
grands
dedrainage
des nitrates vers la nappe. Lespropositions
dechangement
au ni-veau du
champ
doivent tenir compte des sys- tèmes deproduction
et des contraintesspécifi-
ques aux
exploitations
dont ellesdépendent.
Ces
propositions
ne peuventignorer l’empla-
cement des
champs
par rapport auvillage
avecles contraintes
particulières
de distance, d’acces- sibilité, devoisinage
par rapport au centre urbainproche
et lescaractéristiques
du marché foncierauxquelles
ils sont soumis.Tous les facteurs de l’environnement de l’ex-
ploitation agricole qui
influencent son évolution et les choixtechniques
desagriculteurs
relativesaux modes d’utilisation et de conduite des par- celles interviennent nécessairement dans l’élabo- ration de solutions
techniques
nouvellesadap-
tées au
problème posé.
Parmi ces facteurs,citons les filières telles que les
coopératives
oules industries d’aval ou d’amont, les institutions d’encadrement
technique,
lesorganisations
so-ciales et