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Submitted on 1 Jan 1890
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Lucien Poincaré
To cite this version:
Lucien Poincaré. Forces électromotrices dans les électrolytes fondus. J. Phys. Theor. Appl., 1890, 9
(1), pp.545-553. �10.1051/jphystap:018900090054500�. �jpa-00239161�
FORCES ÉLECTROMOTRICES DANS LES ÉLECTROLYTES FONDUS;
PAR M. LUCIEN POINCARÉ.
Je me suis, dans de précédentes recherches, occupé du passage de l’électricité dans les électrolytes rendus bons conducteurs par l’élévation de la température; la mesure de la conductibilité fournit à cet égard un certain nombre de renseignements.
Dans le présent travail, j’ai cherché à étudier les phénomènes qui peuvent se produire au contact du sel et des électrodes 111é-
talliqnes.
°
.
Plusieurs cas sont à distinguer, due ,j’examinerai successives-
ment :
1° Les deux électrodes sont de même iiiétal et maintenues à la même température ; il s’établit entre elles une force électromo- trice opposée au courant qui traverse l’électrolyte; elles se pola-
risent.
2° Les deux électrodes sont de mème métal, mais leurs tempé-
ratures sont inégales ; alors même qu’aucune force électromotrice
étrangère n’est introduite dans le circuit métallique qui les réunit,
elles deviennent le siège d’une force therlno-électrique.
3° Les deux électrodes peuvent enfin être formées de métaux
différents; on constitue ainsi un couple voltaïque possédant une
force électromotrice qui lui est propre.
I. Les questions relatives à la polarisation des électrodes sont
nombreuses; j’étudierai seulement ici un point très particulier.
Quand une auge électrolytique est traversée par un courant dont l’intensité 1 est supérieure à une certaine limite, on ne re-
marque plus d’accroissement de la force électromotrice de polari-
sation établie entre les deux électrodes, il existe un maximum de
polarisa tion P; la valeur de ce maximum varie avec la tempéra-
ture. On peut, dans le cas des sels fondus, suivre cette variation
dans un grand intervalle de température; c’est ce que je me suis proposé de faire.
Le maximum P est d’autant plus rapidement atteint que les électrodes employées sont de plus faible étendue ; il convient
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphystap:018900090054500
pour hâler 1"’Lal>lissement de ce maximurn (’ ).
Lorsqu’on emploie des fils d’argent, les résultats obtenus sont
parfaitement concordants (2 ), et la variation est très régulière. On voit, par exemple, que la force électromotrice maxima de polari-
sation d’électrodes d’argent dans l’azotate de sodium pur fondu a pour valeur o~~,33 à 330° ; puis elle décroît, n’est plus que o’o", i à
44o(, et tend vers zéro quand la température s’approche de la tem- pérature de décomposition du sel (4700).
Il y avait lieu de se demander si ce résultat est général et sub- siste, d’une part quand on change la nature de 1.’électrolyte,
d’autre part quand on emploie des électrodes formées d’autres
métaux non attaqués par le sel fondu.
°Si l’on remplace l’azotate de sodium par l’azotate de potassium,
l’azolauc d’ammonium, le chlorate de potassium, le chlorate de sodium, ou des mélanges de ces sels se décomposant à des tem- pératures très variables, on constate encore que la polarisation de l’argent est nulle à la températures de décomposition de l’électro- lyte employé.
On peut substituer aux fils d’argent des fils d’or ou de fer et recommencer les mêmes expériences; la polarisation n’a pas la
même régularité, mais les expériences se font encore aisément.
Dans le nitrate de soude, par exemple, la valeur de la polarisation
est sensiblement plus forte avec l’or, mais elle baisse quand la température augmente ; elle a encore une valeur égale à 0 voit 2 à quelques degrés avant la décomposition, puis elle tombe à zéro
quand les vapeurs rutilantes apparaissent.
Cette chute est encore plus marquée dans le chlorate de po-
tassium ; quelques instants avant de se décomposer en donnant de l’oxygène, ce corps devient le siège d’une légère ébullition; la po-
Il faudrait bien toutefois se garder d’employer comme cathode une élec-
trode à la Wollaston au moins dans le cas des sels alcalins, de l’azotate de so-
dium par exemple. Le sodium qui se rend au pôle négatif attaque le verre qui
entoure le fil métallique et le silicate formé donne naissance à un élément de
pile.
(2) Les forces électromotrices ont, dans tous les cas, été mesurées par la mé- thode d’opposition, en prenant comme étalon un élément Gouy dont I~~1. Pcllat
avait bien voulu déterminer la force électromotrice.
larisation des fils,d’or est encore voisine de ovolt,4 à ce momen t ; mais quand les bulles d’oxygène apparaissent, elle tombe brusque-
ment au-dessous de 0 vol[ °9.
On peut conclure de ces expériences que la polarisation des
électrodes est nulle à la température de décomposition de l’élec- trolyte. Il est intéressant de rapprocher ce fait d’tine remarque faite par M. Bouty (’ ) : dans l’acide azotique pur de concentration
supérieures à 4 équivalents d’eau, si facilement décomposable, la polarisation d’électrodes de platine est extrêmement faible.
Il n’est guère possible de donner, dans l’état actuel de nos con-
naissances sur les phénomènes de polarisation, une interprétation
certaine des faits qui viennent d’être résumés. Si l’on adlnet, toutefois, que le maximum de polarisation est égal ou supérieur à l’équivalent de l’énergie dépensée dans la réaction électrolytique
on serait amené à supposer que l’élévation de température tend à
dissocier un sel en séparant les deux ions dont il est formé; si les
produits de la décomposition que l’on peut recueillir sont parfois différents, le fait serait attribuable à des actions secondaires, qui, d’ailleurs, se produisent aussi bien dans l’électrolyse. La chaleur,
dans cette hypothèses, donnerait naissance à une dissociation
identique à celle que produirait une dissolution étendue d’après
I~1. Arrhenius ( 2).
Il. Le contact de deux lames d’un même métal inégalement L
chaudes avec un liquide développe, on le sai t depuis longtemps,
une force thermo-électrique ( 3 ). Pour déterminer cette force dans le cas d’un électroly te fondu; j’ai employé la méthode d’opposi-
tion de Poggendorf en remplaçant le galvanomètre par un élcc- tromètre de 1~1. Lippmann.
L’appareil thermo-électrique est foriné de deux petits vases V
et ~’ en terre poreuse, remplis de J’électrolyte fondu et plongeant
dans un bain du même sel. 1>eux fils d’un même échantillon de métal entourent les réservoirs de deux thermomètres à mercure t
(’ ) Mémoire du centenaire de la Société Philomathique.
(2) Zeitsci2rift für Physikalische Chemie, 1887-1889.
(1) Voir pour l’historique de cette question : BOUTY, Journal de Pla~~si~zzP,
il- série, t. IX, p. 230.
gradués jusqu’à 4Ga~’ comparés
étudié dans des expériences antérieures; ces fils plongent chacun
dans l’un des vases, et sont reliés par leurs extrémités à l’électro- mètre. Par un procédé de chauflage convenable on parvient à
provoquer entre les deux surfaces de contact du fil et de l’élec-
trolyte des di fl’érences de tem pérature bien déterminées qui i
peuvent atteindre 5o’. Quand le métal lui même peut fondre dans les conditions de l’expérience, on coule ce métal au fond des deux
vases poreux V et V’ ; au-dessus se trouve le sel, les deux métaux
sont réunis à l’électromètre par l’intermédiaire d’un conducteur de même métal contenu dans un tube de verre ouvert à ses deux
extrémi tés ; le métal est liquide a la partie inférieure, solide à la partie supérieure.
,
Il faut avoir soin, au moment de chaque mesure, d’éteindre le
feu; les températures t et t~ des deux thermomètres passent ainsi par un maxim um et varient lentement; on élimine en outre une assez
grave cause d’erreur, due à Fagi talion du liquide autour des élec- [rodes, agitation qui pourrait produire une force électromotrice presque comparable à celle que l’on veut mesurer.
Les nombres les plus intéressants et les plus précis sont relatifs à
un métal et à un sel de ce métal; on évite dans ce cas les erreurs
que feraient commettre, dans d’autres, les phénomènes de polari-
sation.
Pour faire une expérience, il faut d’abord mesurer la force
électromotrice e qui peut exister entre les deux fils à une même
tempérauure 0 et s’assurer que cette force électromotrice ne varie pas sensiblement quand la température ~ change; il faut, de plus,
que cette force électromotrice ne varie pas pendant la durée des
mesures et qu’elle soit très faible. On provoque ensuite une diffé-
rence entre les températures 1 eu l’ des deux fils, et l’on mesure
la force électromotrice résultante E. En retranchan t e de E, on
anra la force thermo-électrique correspondant à la différence de
température t - t’.
Le Tableau suivant se rapporte à une des séries de mesures
effectuées avec de l’argent plongeant dans de l’azotate d’argent
fondu.
L’examen de ce Tableau montre que la force thernlo-électrique 2
peut être considérée comme proportionnelle à la différence de
température t
-t~, et indépendante de la valeur absolue des tem-
pératures.
Dans ce cas, le métal chaud est à l’extérieur le pûle négatif du couple thermo-électrique et, pour une différence de 0°, la valeur
de -- est
Les températures sont corrigées et rapportées au thermomètre à air. Il est à remarquer que le nombre ainsi obtenu est presque
identique à celui qu’a trouvé 1’I. Bouty dans le cas d’une dissolution concentrée (+ovolt.,ooo’24 pour l’argent dans l’azotate d’argent).
Des mesures analogues effectuées avec le zinc dans le chlorure de zinc fondu donnent pour 2 une valeur différente et de signe
contraire
(NI. Bouty trouve pour la dissolution concentrée 2013o~"~~ o001 ~ ~.
Pour l’étain fondu au contact avec du chlorure d’ét,ain fondu on a une valeur plus faible
Si le sel vient à se solidifier dans Fun des vases, on ne constate
pas de changement dans la force thermo-électrique; il est égale-
ment indiff’érent du’il se solidifie dans l’autre.
Quand on mélange de l’azotate de sodium avec de l’azotate
d’argent, la force thermo-électrique au contact de l’argent varie
avec le poids x d’azotate d’argent contenu dans i gr du mélange;
suivant la formule
où
Dans ce cas, des troubles considérables se produisent lorsque le
sel se solidifie dans l’un des vases; ils sont dus à des différences de concentration produites par des inégalités dans la solidification (1 ).
III. Deux métaux de nature différente plongés dans un élec- trolyte porté à une tem péra ture assez élevée pour devenir bon conducteur forment une pile voltaïque; il m’a paru intéressant de rechercher si ces couples obéissent aux lois établies par la théorie
et par Inexpérience dans le cas des piles hydro-électriques (2).
Soit une pile qui est le siège d’une réaction chimique dégageant
une quantité de chaleur cl par équivalent du corps formé dans son
intérieur; si toute cette chaleur était employée à produire le cou-
rant, la force électromotrice E de la pile pourrait se calculer a priori) et elle aurait pour valeur en volts E - ’7 ->O,-/132, 10000 en admettant que i coulornb décompose o,io35 x io-’· de l’équivalent électrochimique d’un corps, exprimé en grammes. Le calcul ainsi
dirigée conduit à des résultats souvent en désaccord avec l’expé- rience, comme l’ont prouvé divers physiciens, Favre et ~1. Raoult
.entre autres. La chaleur transformée en énergie électrique n’est
donc pas q, mais une quantité tantôt plus grande, tantôt plus petite. Helmholtz le premier a donné l’interprétation complète
de ces faits en s’appuyant sur les deux principes de la Thermody- namique. Il trouve que la force électromotrice réelle E, n’est pas
(’ ) On constate en effet directement l’existence de courants dus à des diffé-
~-ences de concentration de l’azotate d’argent dans l’azotate de sodium fondus, baignant deux électrodes d’argent. Le métal qui plonge dans le mélange le plus
riche en argent,est positif; la force électromotrice augmente avec la différence de concentration et croît avec la température.
( 2) On a depuis longtemps constitué de tels éléments. Schweigger, Davy et Faraday avaient constaté la production de forces électromotrices dans les sels fondus. ~.-C. Becquerel montra le premier que ces piles se comportent d’une façon générale comme les piles ordinaires. Voir à ce sujet une Note historique
de 1B1. H. Becquerel ( Comptes rendus des séances de Z’tlcadé~nie des Sciences)
t. ex, p. ~ ,4 ).
égale à E, i-nais (Iiie l’oii a
1~.I. Lippmann, par l’apptjcation des mêmes principes, est de
son côté arrivé à une relation importantes si l’on désigne par c la chaleur spécifidue du système qui constitue la pile, et par n2 la
quantité d’électricité qui la traverse, on a
Ces deux formules sont-elles encore vraies dans le cas des élec-
trolytes rendus conducteurs par suite de l’élévation de la tempé-
rature ? IL est probable qu’il en est ainsi, mais la chose ne saurait être considérée comme évidente cz ~7’~o/~; la chaleur joue ici uu
rôle tout spécial, et l’on pourrait avoir quelques doutes; j’ai pensé
que, malgré la difficulté de vérifier numériquement les consé-
quences de la théorie, il y avait grand intérêt à aborder la ques- tion. Les résultats exprimés par les relations (i) et (a) ne s’éta-
blissent d’une façon absolument certaine que dans le cas des piles réversibles; indépendamment d’ailleurs des difficultés théoriques, l’emploi de piles non réversibles permettrait assez mal de faire des expériences probantes; il importe en effet d’opérer des mesures
sur des éléments absolument impolarisables et possédant, à une température donnée, une force électromotrice parfaitemènt déter-
n1inée.
Pour obtenir de tels éléments, il est nécessaire de prendre deux
métaux et deux sels de ces métaux ayant même acide; comme
les quatre corps doivent exister à la méme température, il est
malaisé de trouver un grand nombre de couples pratiquement
réalisables.
Le couple zinc solide 1 chlorure de zinc fondu 1 chlorure d’étain fondu 1 étain fondu, répond à la question; la pile ainsi formée est
parfaitement constante; on la peut fermer, même en court circuit, pendant un temps assez long sans que sa force électromotrice varie d’une façon appréciable.
Le zinc solide et l’étain fondu obéissent sensiblement à la loi de
Dulong et Petit; d’autre part, on peut, d’aprés les remarques de
Pcrson, admettre que ~Vocstyn
rité pour les deux chlorures fondus, de mêlne composition (ln(~l~ et SnCI‘-’~, fondant à des températures très voisines, 2620 et 2500; on doit t donc, d’après le théorème de ~1. Lippmann,
,